L'HEURE DE VÉRITÉ POUR LA FRANCE EN AFRIQUE
La France doit revoir sa politique africaine et adopter "une juste distance" avec le continent, selon deux députés français. Ils dénoncent la vision trop "missionnaire et moralisatrice" de Paris et appellent à plus de transparence sur ses compromissions
Dans un rapport parlementaire présenté ce mois-ci, les députés Bruno Fuchs et Michèle Tabarot plaident pour une redéfinition de la politique africaine de la France. Selon eux, Paris doit désormais adopter "une juste distance" avec les pays africains et sortir d'une "vision missionnaire et moralisatrice" qui lui vaut de nombreuses critiques.
"Il faut sortir d'une vision missionnaire et moralisatrice qui nous met à dos les Africains. Cette approche, ancrée dans la culture française, n’a jamais fonctionné", a déclaré Bruno Fuchs, co-auteur du rapport, dans une interview au Monde du 23 décembre 2023. "Nous devons être cohérents dans notre approche du monde et tenir nos positions", a-t-il ajouté.
Alors que le discours hostile à la politique française en Afrique gagne du terrain et que de nouveaux acteurs comme la Russie viennent contester l'influence de Paris sur le continent, les deux députés estiment qu'il est temps de clarifier le rôle de la France. Ils prônent une approche davantage fondée sur la realpolitik, avec plus de "transparence" sur les compromissions nécessaires en matière de valeurs démocratiques.
"Quand on va à l’encontre de nos valeurs comme on l’a fait au Tchad [en soutenant le fils du défunt président Idriss Déby], il faut être transparent et expliquer que le principe de sécurité dans la région prime sur le reste", a expliqué Bruno Fuchs. De même, il plaide pour une vision plus "cohérente" et "multipolaire" des relations internationales, alors que la politique française en Afrique apparaît souvent unilatérale.
Par ailleurs, les députés dénoncent un manque criant de connaissance de l'Afrique au sein des institutions françaises. "Beaucoup pensent connaître ce continent, alors qu’il a changé. Nous continuons d’agir en Afrique francophone comme il y a vingt ans. Or aujourd’hui, l’âge médian y est de 19 ans", relève Bruno Fuchs. Il appelle à revaloriser le rôle des coopérants militaires et civils ainsi qu'à recentrer l'action de l'Agence française de développement (AFD) autour de la stratégie politique définie pour le continent.
Reste à voir si les propositions du rapport auront une traduction concrète dans la politique menée. "Le seul qui peut changer les choses, c’est Emmanuel Macron", estime Bruno Fuchs. Après les tensions récentes, une redéfinition des relations entre la France et l'Afrique semble devenue une nécessité pour renouer le lien entre les deux rives de la Méditerranée.