LE THIÉBOU DIEUNE DEVIENT UN LUXE
La cherté des denrées alimentaires et la rareté du poisson frais transforment le quotidien en un combat pour la survie
Le plat national sénégalais, le «Thiébou dieune», n’est plus accessible à n’importe qui depuis quelque temps. Les ménagères indexent la cherté des denrées et du poisson frais devenu d’ailleurs rare sur le marché du Sénégal oriental.
Un tour effectué au marché de Kothiary a permis de se rendre compte de la difficulté rencontrée par les pères et mères de famille pour faire bouillir la marmite. Dans cette contrée située dans le département de Goudiry, région de Tambacounda, le panier de la ménagère subit une tension inflationniste indescriptible, témoigne S. Sow, une dame trouvée devant l’étal d’une vendeuse de légumes. Pendant que l’argent se raréfie, les prix des denrées flambent, soutient Mme Sow. «Jadis, je venais avec 2000 francs au marché, j’arrivais à faire mes provisions. Aujourd’hui, tel n’est plus cas, à cause du renchérissement des prix des légumes. Le kilogramme d’oignon coûte ici, à Kothiary, 800 francs, la pomme de terre 1000 francs Cfa. Alors qu’habituellement, leurs prix n’avaient jamais dépassé 500 francs, quelle que soit la crise. Les autres denrées, n’en parlons même pas. Il y a moins de 3 mois, le sac d’oignon s’échangeait à 8000 ou 7000 francs. Aujourd’hui, il est vendu à 19 000 francs, soit plus du double», explique Nogaye Fall, une autre ménagère tout atterrée par la cherté des prix.
Ce qui fait que préparer un bon plat de «Thiébou dieune» coûte les yeux de la tête. «Il faut aujourd’hui casquer entre 8 et 10 mille francs Cfa pour arriver à présenter un bon plat de «Thiébou dieune»». «Tout est cher actuellement. L’oignon, la pomme de terre, le piment, la carotte, le manioc… aucune denrée n’a connu de baisse de prix. Tout a flambé», s’est égosillée Nogaye. Pire, poursuit-elle, «compte tenu de sa rareté, le poisson est devenu inaccessible. Il n’est pas à la portée de toutes les bourses. Seul le «Yaboye» (sardinelle : Ndrl), est accessible. Mais à quel prix ? Trois «Yaboye» coûtent 500 francs. Et, même ceux-là, ce sont de tout petits poissons. S’agissant des gros poissons, il faut au minimum débourser 2000, voire 3000 francs Cfa, pour s’en procurer. L’équivalent de ma dépense quotidienne. Nous sommes fatiguées», peste Mme Fall.
Un autre tour à l’étable du boucher. Là aussi, c’est quasiment la même situation. Outre la cherté du prix du kilogramme, les femmes se plaignent de la qualité. Le kilogramme de viande est vendu à 3000 francs, informe,Sène, l’un des bouchers du village. Il était auparavant vendu à 2000 francs, ensuite 2500. «Aujourd’hui, il faut débourser 3000 francs Cfa pour avoir de la viande», a soutenu Awa Magou, trouvée sur place.
Pire, la qualité laisse à désirer. «Ce sont de rachitiques bœufs qui sont égorgés et mis en vente. Nous n’avons pas le choix. Les bœufs de qualité sont acheminés à Dakar et dans les autres régions de l’intérieur du pays. Nous sommes vraiment fatiguées», martèle-t-elle.
Les consommateurs appellent ainsi les nouvelles autorités, en qui ils avaient fondé un grand espoir, de bien veiller sur les prix des denrées alimentaires. «Le gouvernement doit trouver une solution à la situation que nous vivons. Même pour le riz et l’huile, seuls ceux qui achètent en gros ont senti une légère baisse. Nous achetons dans le détail, nous n’avons senti aucune baisse», fulmine-t-elle. Et pourtant, il a été annoncé que des volontaires allaient être recrutés pour faire appliquer la mesure de la baisse. Malheureusement, rien n’est fait, s’est désolée la bonne dame.