LA SEXOSPÉCIFICITÉ A CHANGÉ
Pour le Professeur Djiby Diakhaté, nous sommes passés d’une société marquée par le triomphe de l’esprit patriarcal à celle où la femme est «à la périphérie d’instance de décision». Elle est donc préparée à l’affirmation de soi, analyse le sociologue
Pour le Professeur Djiby Diakhaté, nous sommes passés d’une société marquée par le triomphe de l’esprit patriarcal à celle où la femme est «à la périphérie d’instance de décision». Elle est donc préparée à l’affirmation de soi, analyse le sociologue.
«Pendant longtemps, l’émigration n’a concerné que de jeunes garçons qui vivent dans des conditions précaires, bricolant des solutions de survie au quotidien. Nous sommes dans une société où l’esprit patriarcal triomphe partout. Le cadre social met l’accent sur l’idée que c’est l’homme qui doit prendre en charge les besoins de la famille. Mais les paradigmes ont changé, la sexospécificité a changé. En effet, à la faveur de l’émancipation de la femme, des victoires qu’elle a emportées en termes de représentation sociale, de correction de pratiques les plaçant à la périphérie des instances de décision, les femmes s’affirment».
«On a mis dans l’esprit de la petite fille qu’elle peut être au niveau de l’homme ou le dépasser»
«On va alors mettre dans l’esprit de la petite fille qu’elle peut être au niveau de l’homme ou le dépasser. La sexospécificité va changer. La femme qui était confinée aux travaux domestiques, à des types de métiers, est préparée à occuper des postes de responsabilité à l’affirmation de soi, au positionnement. Les choses sont donc en train de changer. On a remarqué que le taux de réussite au bac est très important chez les filles, et qu’au concours général la personne la plus géniale est une fille. Et celles qui n’ont pas la chance de réussir à l’école trouvent d’autres moyens d’ascension sociale».
«Le candidat à l’émigration n’a pas peur de la mort mais de l’échec»
«Je pense qu’il y a un travail de recherche, un travail empirique essentiel à faire parce que les trajectoires et les parcours ne sont pas les mêmes, les raisons ne sont pas identiques. Chaque cas d’émigration renvoie à une structure spécifique propre à un acteur donné. C’est pourquoi il nous faut ce travail de terrain pour comprendre les ressorts qui guident les uns et les autres vers l’émigration clandestine. La fille a reçu une éducation qui refuse toute forme d’exclusion, elle n’est pas enfermée dans un espace de phobie, d’inhibition. C’est un nouvel être social. Il y a lieu un travail empirique à faire pour déterminer les raisons de ce phénomène d’émigration irrégulière. Et, en général, il répond à une quête d’ascension sociale dans une société qui promeut les riches. Mais de façon générale, dans une approche très approximative, on met l’accent sur la quête du profit, sur le fait qu’il y a une situation sociale qui promeut une personne détentrice de ressources et qui a tendance à placer les autres à la périphérie. Donc, il y a une pression sociale énorme qui s’exerce sur l’acteur et qui le pousse à rechercher le profit à tout prix. Maintenant, vous avez tout le complexe que nous avons de L’Occident. L’idée que la vraie réussite passe par l’Occident, que l’Occident serait un Eldorado, un paradis terrestre. Ce sont des représentations qui sont prolongées au niveau de notre espace social et institutionnel. On a l’impression que toutes nos institutions sont inspirées de la France, que tous ceux qui ont réussi dans notre vie se targuent d’avoir été en Europe, de passer leurs vacances à la Côte d’Azur. Toutes ces choses sont de nature à fouetter ce complexe d’infériorité. Et là aussi, on remarque que, pour décourager l’émigration clandestine, on met l’accent sur le risque de mort alors que le candidat n’a pas peur de la mort mais de l’échec. C’est pourquoi je pense que dans la communication il faut plutôt mettre l’accent plus sur l’échec que sur la mort, montrer qu’il y a des gens qui sont arrivé en Europe mais qui n’ont pas réussi du tout, et d’autres qui ne sont pas allés en Europe et qui ont réussi et bénéficient d’un grand respect sur le plan social».