L'AFRIQUE DU SUD VENT DEBOUT CONTRE KOFFI OLOMIDÉ
Les deux établissements censés accueillir les prochaines performances de l'artiste sur place, ont fait marche arrière, après qu'un collectif de lutte contre les violences faites aux femmes a lancé une pétition en ligne et saisi le gouvernement
« N’accueillez pas Koffi Olomidé. Aidez-nous à endiguer les violences faites aux femmes. » C’est avec ce message que les instigateurs de la pétition, mise en ligne le lundi 17 juin, et intitulée « Empêchez l’agresseur reconnu coupable Koffi Olomidé de se produire en Afrique du Sud » ont convaincu deux établissements sud-africains d’annuler les concerts de la star du ndombolo Koffi Olomidé.
Ce dernier devait se produire le 28 juin à Johannesburg, au Gallagher Convention Centre, mais aussi au Cap, le 29 juin, au Shimmy Beach Club, dont la direction a assuré avoir décidé d’annuler le concert la semaine dernière.
La pétition s’adressait non seulement aux propriétaires des deux endroits mais encore au ministère sud-africain des Affaires intérieures. « Nous, les signataires, demandons au ministère d’empêcher Koffi Olomidé d’entrer sur le territoire sud-africain », peut-on notamment lire parmi les doléances du collectif Stop Koffi Olomidé composé de 39 organisations féministes et associations de la société civile sud-africaine dédiées à la lutte contre les violences faites aux femmes et les violences liées au genre.
« Nous avons, par ailleurs, adressé une lettre à la présidence, aux ministères des Affaires intérieures, de la Police, de la Justice mais aussi des Arts et de la culture », indique Bunie Matlanyane Sexwale, porte-parole du collectif à l’origine de la pétition et membre fondatrice de l’organisation Lesaka La Basadi (« Cercle de solidarité pour les femmes », en sotho).
« Nous avons très rapidement obtenu une réponse de la présidence qui nous a indiqué prendre l’affaire très au sérieux et nous a assuré que des mesures seront prises afin que le ministère des Affaires intérieures empêche l’arrivée de Koffi Olomidé sur le territoire sud-africain. »
Condamné en France, expulsé du Kenya
La pétition ne manque pas de rappeler le lourd passif de l’étoile de la rumba. En février 2012 – année où il avait été jugé coupable d’agression sur son producteur en RDC -, il avait été mis en examen en France pour viols aggravés après les accusations de quatre de ses danseuses portant sur des faits commis en région parisienne entre 2002 et 2006.
Lors du procès, le ministère public avait requis sept ans de prison à l’encontre de la star pour « atteintes sexuelles avec violence, contrainte, menace ou surprise par personne ayant autorité » et pour « séquestrations » sur les quatre victimes.
En mars 2019, il a finalement été condamné par la justice française, à deux ans de prisons avec sursis pour « atteintes sexuelles sur mineure » de moins de 15 ans – en l’occurrence une des quatre plaignantes. Il a également été contraint de verser 5 000 euros à cette dernière au titre de préjudice moral. Pour les trois autres parties civiles qui l’accusaient de viol, le chanteur a obtenu la relaxe.
En juillet 2016, le Kenya l’avait expulsé de son territoire après qu’une vidéo circulant sur Internet le montrait en train d’agresser l’une de ses danseuses à l’aéroport de Nairobi.
Un mandat d’arrêt en Zambie
Le collectif Stop Koffi Olomidé demande également aux autorités sud-africaines d’expulser le chanteur congolais de 62 ans vers la Zambie, dans le cas où il serait arrêté sur le sol sud-africain. « En 2012, il a agressé une photojournaliste en Zambie alors qu’il était en pleine tournée », rappelle Bunie Matlanyane Sexwale.
En juillet 2018, alors qu’Antoine Christophe Agbepa Mumba, de son vrai nom, devait retourner en Zambie pour deux concerts, les autorités zambiennes ont indiqué qu’il serait arrêté à la minute où il poserait le pied dans le pays. L’ambassade de France en Zambie avait également appelé à son arrestation.
Deux mois plus tard, la Zambie émettait un mandat d’arrêt contre l’artiste. « Combien de temps Koffi Olomidé va-t-il continuer à sillonner le monde sans être inquiété par ses agissements ? », s’interroge Bunie Matlanyane Sexwale.
En Afrique du Sud, 110 viols par jour
À ce jour, la pétition sud-africaine Stop Koffi Olomidé a recueilli plus de 760 signatures. Mais c’est surtout l’étroite collaboration entre ces associations et le gouvernement sud-africain qui ont accéléré les choses. « Depuis l’organisation de la marche contre les violences faites aux femmes qui a eu lieu dans toute l’Afrique du Sud mais aussi au Lesotho, en Namibie et au Swaziland, en août 2018, nous travaillons avec le gouvernement sud-africain sur ces sujets d’importance capitale », explique Bunie Matlanyane Sexwale. « En novembre 2018, Cyril Ramaphosa a permis l’organisation, à Pretoria, d’un sommet national sur les violences sexistes et les féminicides.
Il faut rappeler que, d’après les statistiques dévoilées par le Parlement sud-africain le 11 septembre 2018, près de 3 000 femmes ont été tuées entre avril 2017 et avril 2018 – soit cinq fois plus que la moyenne mondiale. De plus, 40 035 viols ont été rapportés à la police, soit 110 femmes violées par jour. Des chiffres alarmants qui, selon de nombreuses associations, sont encore loin de la réalité…