L'HÉRITAGE MACKY SALL DANS LE MONDE MÉDIATIQUE
Durant 12 ans de présidence, les médias publics sénégalais ont été aux ordres du pouvoir. Purges, censure et propagande étaient leur lot quotidien. Avec l'élection de Bassirou Faye, l'espoir d'une indépendance retrouvée renaît
Alors que le nouveau président Bassirou Diomaye Faye est entré en fonction le 2 avril, l'indépendance des médias publics sénégalais est un chantier prioritaire, selon une enquête de Mediapart. Sous Macky Sall, ces médias étaient devenus des "outils de propagande" à la solde du pouvoir.
Lors de l'élection présidentielle du 24 mars, la télévision publique RTS a tardé à relayer la victoire surprise de Bassirou Faye, la plaçant seulement en troisième position dans son JT du soir, après des sujets sur le président sortant. "La RTS a tort de ne pas diffuser en direct le premier discours du nouveau président", a déploré Mamadou Thior du Cored.
Pourtant, durant 12 ans, la RTS a systématiquement privilégié le pouvoir. Son directeur Racine Talla, proche de Macky Sall, a interrompu des journalistes évoquant des résultats défavorables à la majorité en 2022. "La RTS est devenue un outil de propagande où l'opposition ne passe pas", affirme Seynabou C.*, ancienne journaliste. De nombreuses sources font également état d'ingérence politique dans les rédactions.
La presse écrite n'échappe pas à cette mainmise. Sous Macky Sall, "pour la première fois, on a des hauts responsables du parti présidentiel à la tête des médias publics", note Assane Diagne. Au Soleil, dirigé par l'apriste Yakham Mbaye, "c'est le directeur de publication qui a le dernier mot", selon un journaliste.
Cette instrumentalisation s'accompagne de "purges" et "mises au frigo" des voix dissidentes. Selon un syndicaliste, plus de 60 personnes sont ainsi écartées à la RTS. Des témoins évoquent aussi des nominations politisées.
Bassirou Diomaye Faye s'est engagé à renforcer l'indépendance des médias publics. Un chantier urgent pour rétablir un journalisme de qualité au Sénégal et en finir avec 12 ans de redevabilité au chef de l'État.