QUAND LE MERCATO PILLAIT OXY-JEUNES FM
En une certaine période, aucune radio commerciale dakaroise ne se cacha de participer à ce pillage des ressources humaines dont une radio communautaire de banlieue, sans moyen eut le mérite d’avoir décelées et formées.
Les états de service de la Radio communautaire de Pikine, Oxy-Jeunes, les circonstances si braillardes de sa reconnaissance arrachée, en 1999, au président de la République d’alors Abdou Diouf en visite en pleine banlieue dakaroise, son expérience professionnelle au Sénégal et à travers l’Afrique, devraient valoir une qualification moins méprisante de ‘’réceptacle des ratés de la banlieue’’ par laquelle le traita le journaliste Pape Cheikh Sylla de la chaîne de télé Sen Tv. Au lendemain de la parution du livre ‘’Par-cours d’un journaliste autodidacte’’ de Pape Ngagne Ndiaye, lui-même ancien d’Oxy-Jeunes, cette première radio communautaire où, aussi paradoxal que cela puisse paraître, des radios caracolant en tête des sondages de popularité sont venues faire leur mercato, comme on le fait dans les milieux du football professionnel européen (les milliards d’euros en moins). En une certaine période, aucune radio commerciale dakaroise ne se cacha de participer à ce pillage des ressources humaines dont une radio communautaire de banlieue, sans moyen eut le mérite d’avoir décelées et formées.
De Walf Fm à Rfm, en passant par Tfm, des noms devenus des stars sur la Fm ont fait leurs premières armes à Oxy-Jeunes qui a écrit de respectables pages de l’histoire de la radio communautaire du Sénégal. Son accoucheur-coordonnateur, Oumar Seck Ndiaye, est crédité d’une expérience insolite dans ce domaine au point qu’il a participé, à travers l’Afrique, l’Europe, l’Amérique, à des sessions d’encadrement préliminaires au lancement d’une radio associative. Ils sont aujourd’hui journalistes, animateurs de programmes, techniciens qui n’ont point à cacher (loin s’en faut) l’étape Oxy-Jeunes de leur cursus. Certains ont réussi dans l’animation et l’ont fait ressentir trop mal même en se gaussant des journalistes qui ont peut-être des raisons bien personnels de mépriser ceux-là comme des Rastignac de la presse sénégalaise. Les expériences des uns et des autres furent (le sont encore) si ténues à leurs débuts, le sont encore bien des années plus tard qu’un journaliste issu du Cesti, de l’Issic, d’Ejicom ou diplômés (avec un bon background d’universités sénégalais) en viennent à développer un complexe du succès social de ces venus à leur profession ‘’par effraction’’.
Il a manqué le tact à Sylla même si d’aucuns ont pu comprendre la légitimité de son coup de gueule de ce qu’un tout juste collégien de ‘’formation’’ fort de son aplomb affirma que ‘’Pape Cheikh ne sera jamais Pape Ngagne’’ à cause d’une émission, ‘’Pencoo’’ de Walf Tv où travaillèrent l’un et l’autre ; tout comme la modestie n’est pas la vertu forte de Pape Ndiaye. Et ces manquements ont produit les effets ressentis jusque sur les réseaux sociaux, ravivé les querelles d’écoles de journalisme que les journalistes ne sont pas moins enclins à entretenir.
Tout journaliste issu du Cesti n’est pas forcément une lumière professionnelle incontestable, mais le prestige de cette école, sa cote en Afrique, l’enthousiasme de son slogan ‘’Cestien un jour, Cestien toujours’’ dont on ne se rend pas compte que c’est à la fois une proclamation des francs-maçons et aussi du Corps des Marines (fusiliers marins), lui confèrent respect et prestige. Et le Cesti, on n’y entre que moyennant un succès à un des concours professionnels des plus courus au Sénégal. Les ‘’effractionnistes’’ (dont quelques- uns se sont bien mieux sortis socialement) l’ont fait payer aux diplômés qui réclament à cor et à cri que leur profession soit régie par un Ordre (mais Dieu que c’est difficile ! Votre serviteur a fait partie de ceux qui, au début des années 2000, tentèrent lors d’un séminaire à Dakar de discuter sur les modalités de l’institution d’un ordre des journalistes).
Lors d’un débat radio-télévisé à Dakar, un journaliste issu du tas affirma ne se reconnaître ‘’aucune référence dans la profession’’ (sic) qu’il exerce ! Ce ne fut pas le genre d’attitude à sonner l’armistice. Cela veut dire deux choses : qu’il exerce de manière si médiocre cette profession qu’il n’est pas besoin de s’y faire des références ; ou alors qu’il l’exerce avec tellement de talent qu’on pourrait le créditer d’avoir inventé le journalisme. C’est ce genre d’attitude qui vexe les journalistes qui en viennent à demander que l’accès et l’exercice de la profession soit barricadée. Ils n’ont pas tort : il y a tant et tant de journalistes qu’on croit que cette profession est techniquement banale et (je me pose la question de savoir si ceux qui la piétinent ne le conçoivent pas ainsi) moralement ‘’facile’’ comme une vendeuse de charmes. Tant que persistera cette perception d’un métier que nombre de ses pratiquants disent ‘’noble’’, le journalisme va devoir travailler sous le regard suspicieux des uns et le jugement méprisant des autres.