LA COURSE CHALOUPÉE DE BBY
EXCLUSIF SENEPLUS - BBY résiste toujours, mais la terre semble se dérober à ses pieds - La coalition s’affaiblit et ne pourra plus continuer de servir de « safe room », pour caser des alliés de faible consistance électorale
Envers et contre tout, la coalition Benno Bok Yakar, résiste à l’épreuve du temps. Née d’une kaléidoscopique bouillabaisse composée d’un parti embryonnaire et balbutiant, l’APR, d’un aréopage de petites formations politiques et mouvements sans ancrage populaire, autour de Macky 2012, des éclopés Benno Siggil Sénégal, Bennon aK Tanor et Rewmi, tous éliminés dès le premier tour de la présidentielle de 2012, Benno Bok Yakar présentait le parfait prototype d’un bateau au timonier débordé et pris en tenaille par de vieux marins déboussolés. A l’image de CA 2000 précédente coalition gouvernementale de courte longévité, personne ne donnait chère, la peau de BBY. Il est de coutume en Afrique, que les candidats élus au second tour, à la faveur d’un vaste rassemblement, se débarrassent très vite de leurs relayeurs et font cavalier seul ensuite.
Il est ainsi particulièrement, de Me Wade entre 2000 et 2012. Sa promptitude à se délester de ses alliés faiseurs de roi, (Niasse, Bathily, Dansokho et autres,) était totalement déconcertante. Sans état d’âme, le tombeur de Diouf, ne s’est fait aucun souci, pour larguer ceux qui l’avaient mis en scelle, alors qu’après beaucoup de revers électoraux souvent organisés, de séjours carcéraux, il avait posé l’arme au pied à Versailles. Puisqu’aucun profil présidentiable ne se dégageait ni dans son parti, ni en dehors, pour achever le régime agonisant de Diouf, il fut contraint, presque malgré lui, de revenir au bercail, pour canaliser le mécontentement des Sénégalais « fatigués» (Kéba Mbaye dixit) ?
On le disait dépité, fauché et contraint à la marche bleue faute de moyen de campagne. Soutenu financièrement et électoralement, par ses alliés, fraîchement éjectés du gouvernement de majorité présidentielle élargie, euphorique et revigoré, Wade s’était même affiché en ticket avec Niasse futur premier ministre… pour onze petits mois !
On connaît la suite : une insatiable animosité entre les deux hommes, qui ne trouvera d’épilogue qu’après la défaite de Wade.
Mutatis, mutandis, on pouvait craindre que le remake survînt, après la victoire de Macky Sall, à la tête d’une grande coalition de plus de 300 partis et mouvements. Même si Idrissa Seck, Cheikh Bamba Dièye, et Imam Mbaye Niang ont pris le large, agacés par la persistance des dérives, reproduction d’un modèle du régime précédent, BBY tient bon. De surcroît, le parti présidentiel, membre de la coalition, est encore en proie à des querelles byzantines graves et récurrentes. Ses têtes de gondoles s’étripent avec virulence. Et curieusement les forts en thème, Aminata Touré, Alioune Badara Cissé, Thierno Alassane Sall, et les remparts (Jean Paul Dias, Moustapha Cissé Lô, El Hadji Diouf) sont la cible de violentes diatribes, des boulimiques gardiens du temple de la cuirasse "Mackyenne".
Dans le même temps, les édifices du PS et l’AFP et un peu plus tard, la LD, craquellent sous le poids des ambitions internes. Les socialistes paieront le plus lourd tribut d’une bataille de générations sans précédent dans l’histoire politique du Sénégal. Après près de 70 ans d’existence dont quarante de règne sans partage, le PS se scinde en deux. Le chef de file des irrédentistes, Khalifa Sall est jugé et incarcéré officiellement, pour des écarts de gouvernance de la caisse d’avance pour un montant de 1,8 milliard FCFA. Il sera probablement écarté de la présidentielle de février prochain avec incontestablement un coup de main judiciaire. Des procès en cascade étaient faits auparavant à des dizaines de partisans libéraux et socialistes aux discours souvent indécents et injurieux.
Le gros torpilleur Bernno tient en bloc. Sidéré par ces délitements après le rétropédalage du président Sall sur la réduction du mandat, La LD, par la voix de son chef, Mamadou Ndoye maugrée mais reste dans l’attelage. Plus tard, son secrétaire général, Mamadou Ndoye mis en minorité, quitte le navire discrètement. Il reviendra sur la scène pour dénoncer avec fracas ce qu’il appelle la mal gouvernance du président Sall. Les jallarbistes se divisent en deux groupes opposés et volent en éclats. Le professeur ancien patron de la LD Bathily enfonce le clou et prend ses distances avec BBY.
Un pan de Benno tombe à nouveau, mais le bloc résiste. L’AFP, qui a laissé passer et bien digéré, la scission de Malick Gakou son ex-numéro 2, fait profil bas et reste dans la réserve. Le mandat de cinq ans de Niasse à la tête l’assemblée nationale est sécurisé. Macky Sall et sa coalition hirsute peuvent souffler, car les atermoiements politiques du leader du Grand Parti limitent la casse chez les alliés progressistes.
Malgré le retour en grâce d’Aminata Touré dans la garde électorale rapprochée de Macky Sall, l’APR vogue en eaux troubles. La violence verbale et les confrontations physiques se succèdent. Certains tiraillements atterrissent à la barre. Visiblement dépassé, le président Sall, après avoir compté les points lors des épiques pugilats chez ses alliés de Benno, subit lui-même les frasques de ses propres artisans. Et ce, en dépit des menaces et tentatives de disgrâces contre les récalcitrants.
Entretemps, la coalition aligne ses succès électoraux : (locales et départementales, conseillers territoriaux, législatives, et référendum.)
Paradoxalement, en dépit de la mise en œuvre du PSE avec des effets globalement positifs, l’image du président s’érode. Les dénonciations de gestion clanique fusent de partout. Dans l’opposition, comme dans la coalition. Et pis encore, à l’intérieur de l’APR où les frustrations politiques accentuées par l’incroyable place faite aux transhumants sonne comme un grand reniement des valeurs prônées par le chef de la majorité.
La perte électorale confirmée de Touba et la majorité relative acquise seulement dans 16 des 45 départements, mettent Benno en minorité virtuelle (49,34 %). Mais le bloc Benno tient toujours.
Le tournant pris par le départ de Thierno Alassane Sall s’accentue avec les annonces de prise de large d’Alioune Badara Cissé, ex numéro deux brutalement défenestré du gouvernement et nommé plus tard, médiateur de la République. L’homme n’est pas du genre à se satisfaire de peu. Il rêve de grandeur et le proclame ouvertement. Son départ et sa prise de destin pour une nouvelle incarnation seront certainement durement ressentis au sein de l’APR et de la coalition.
BBY résiste toujours, mais la terre semble se dérober à ses pieds. Les jacqueries syndicales durables et à répétition, la furie revendicative de nombre de couches sociales, le sursaut timide de l’opposition aux abois constituent autant de coups de boutoir que la crise de l’eau. Le soutien de ce qui reste du PS, de l’AFP et de la LD est certes, acquis au président Sall. Des résidus du PDS (Fada Diagne, Pape Samba Mboup, Farba Senghor, Ousmane Ngom) sont venus grossir les rangs d’autres rebus comme Sada Ndiaye, Bécaye Diop etc.
Mais ces ralliements jugés répugnants, peuvent-ils donner l’influx nerveux dont a besoin de Benno pour éviter un second tour en février ? D’aucuns, à l’instar du Mali, l’annoncent comme inéluctable. Rien n’est moins sûr. Pour l’heure Benno a plusieurs fois plié, mais n’a pas encore rompu. Face à une nouvelle génération d’opposants plus « techniques » que les classiques têtes de file du système partisan, le président Sall espère bien que le parrainage, lui servira de bras armé pour s’imposer au premier tour.
Rien, aussi, n’est pas moins sûr, BBY s’affaiblit et ne pourra plus continuer de servir de « safe room », pour caser des alliés de faible consistance électorale. Et très budgétivores ! Une chose est certaine, BBY dans sa version actuelle, ne pourra plus se contenter d’exister et servir de faire-valoir.