NIASSE NOUS DIT SENGHOR
EXCLUSIF : A PARTIR DE CE SOIR SUR SenePlus, LE TÉMOIGNAGE (TEXTE ET AUDIO) DU PRÉSIDENT DE L’ASSEMBLÉE SUR L’ANCIEN PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE.
Par ces temps qui courent, il est assurément difficile de faire parler le président Moustapha Niasse. L’actualité dans ses tribulations constantes, met l’Assemblée nationale, l’institution dont il occupe le perchoir depuis juin 2012 et son parti, l’Alliance des forces de progrès (Afp), qu’il a créé en 1998, au devant de la scène. Moustapha Niasse est un des personnages centraux de notre vie politique et de notre histoire depuis plus d’une cinquante d’années. C’est pourquoi tout ce qu’il dit lui est immédiatement opposable. Sans le moindre délai. Sans la moindre tolérance.
Contraint à être disert pour préserver au-delà de sa personne, l’institution qu’il préside, ses mots sont passés au filtre millimétré des analystes politiques observateurs pas toujours de bon aloi. Ses gestes passés au fin tamis des snippers encagoulés, l’œil collé au viseur, pressé d’appuyer sur la gâchette, pour tenter d’atteindre l’homme, pour eux, la cible idéale. Ses prises de position, certes, rares, tel un ouragan bouleversent à la moindre occasion le landerneau politique, agitent l’espace social, alimentent la presse. Une certaine presse aveuglément orientée savamment instrumentalisée.
Pour quels desseins ? Allons savoir ! Et à l’évidence, si les propos de Niasse suscitent pêle-mêle, tant de passions d’approbations et réprobations et jamais d’indifférence, c’est sans doute parce que Niasse est un homme politique dont la parole compte. Même s’il la raréfie et la distille à un rythme homéopathique.
C’est la rançon de la gloire et de la sécularité, de l’éthique et de la persévérance, des leçons apprises d’un certain Léopold Sédar Senghor, sujet de cet entretien inédit. Faire parler Niasse de Senghor c’est un vrai un scoop à rebours. Cette prouesse, en ces temps de retenue et de doute méthodologique, SenePlus l’a réussie, après une convention contractuelle morale, tel un gentlemen-agreement, de ne circonscrire l’entretien Senghor. Nous l’avons respecté, pendant deux heures d’horloge même si l’envie et la curiosité naturelle du journaliste ont failli nous pousser à la comparaison entre l’époque senghorienne et nos jours.
L’exercice eût été aisé pour celui qui a côtoyé Senghor, vécu Diouf, pratiqué Wade et fréquente encore Macky. L’aurions-nous tenté que Niasse n’aurait franchi la ligne Maginot, car le sens de la retenue et de la mesure, l’intelligence des situations font aussi partie de la panoplie éthique de l’homme.
Comme un amour d’enfance
Mais, parler de Senghor, passionne Niasse. Et devant un tel sujet, il ne se retient pas. Il se livre à découvert avec volupté, ivresse et emportement. Avec une fluidité torrentielle et une précision nanométrique. On le sens bien, Senghor passionne toujours Niasse, comme un amour d’enfance. Il le vit journellement. Tous les instants, quasi génétiquement. Tel un pygmalion et sa muse, il l’inspire, le motive, l’actionne à travers sa grille de lecture de la pensée senghorienne dont il réfute, pourtant l’unicité.
Qu’il la dilue dans le classicisme et de la pensée grecque avant et après-Socrates, de Prodicos, à Thalès, en passent par Aristote, Théophraste, Cicéron, Périclès, Homère, Niasse passionnément, nous donne un magistral aperçu de l’universalisme de Senghor fondé sur la dualité consubstantielle de l’enracinement et de l’ouverture, du donner et du recevoir, du culte du métissage, de la civilisation de l’Universel.
Les souvenirs sont égrenés avec une telle précision qu’on le croirait, si l’on ne l’avait- pas en face de nous, lire un livre d’histoire. Mais, un livre qu’il a écrit lui-même avec ses propres mots qu’il pose minutieusement sur ses propres sensations. On pourrait parler film dont les images défilent avec l’enchainement cohérent d’une mise en scène de haute facture.
Non Niasse ne parle pas seulement de Senghor. Il le conte sans s’en lasser. Mais sans le déifier, comme un démiurge, encore moins un prophète des temps modernes. Mais juste comme d’un homme de son temps, qui a su être utile à son peuple, son pays, son continent et à l’histoire. Rien de mieux que la musicalité de la voix de Niasse passionnée et volubile pour nous transporter dans l’univers incroyablement fertile de Senghor.