IL Y A DONC IMMIGRÉS ET IMMIGRÉS
Il y a d’une part, ceux auxquels on ouvre, toutes grandes, les portes des maisons et des gymnases, et d’autre part ceux dont l’accueil constitue un « crime de solidarité » ou qu’on vend à la Turquie pour qu’elle serve de bouclier
Huit Français sur dix - (et sans doute la proportion est du même ordre dans les autres pays de l’Union Européenne) - sont prêts à accueillir chez eux, à bras ouverts les réfugiés qui viennent d’Ukraine, et pour justifier cette généreuse hospitalité, d’éminents journalistes, politiques, ou intellectuels français ont donné sur les médias de multiples raisons dont voici un pot pourri : - «c’est une immigration de grande qualité intellectuelle…» - « ce sont des Européens de culture qui participent à notre espace civilisationnel (!) …» - « on ne parle pas de Syriens, on parle d’Européens qui partent dans des voitures qui ressemblent aux nôtres…» - « ce sont des gens qui aiment leur pays…» On reste pantois devant autant d’hypocrisie, de mauvaise foi et d’inexactitudes car aucune de ces justifications ne tient la route.
L’Ukraine est loin d’être un tigre industriel technologique ou scientifique (avec une population légèrement supérieure à celle de la Corée du Sud, son PIB est le dixième de celui de ce pays), et les cohortes d’Ukrainiens qui ont franchi les frontières de la Pologne, de la Roumanie ou de la Moldavie (près d’un million en moins d’une semaine !) sont presqu’exclusivement constituées de femmes, d’ enfants et de personnes âgées, pour la simple raison que leur gouvernement a interdit « l’évasion » des citoyens en âge de porter des armes.
De quelle « qualité intellectuelle » parle-t-on donc et si celle-ci peut servir de passe-droit à un immigré, pourquoi avoir fermé systématiquement les portes de l’Europe aux réfugiés syriens ou irakiens, dont beaucoup étaient des intellectuels et des cadres qui fuyaient des régimes obscurantistes. Ils n’étaient pas tous non plus de pauvres hères car pour gagner l’Europe matérialiste, il faut avoir les moyens de payer les bakchichs, les rançons et les frais du voyage.
Enfin, si la « qualité » importe tant, pourquoi avoir fermé la frontière polonaise aux réfugiés Africains qui sont pour la plupart, des étudiants, des sportifs de haut niveau ou des chefs d’entreprises ? « Des voitures qui ressemblent aux nôtres ? » C’est plus qu’un triple mensonge, c’est d’une bêtise incroyable ! Les réfugiés syriens ou irakiens ne s’étaient pas présentés sur des chameaux aux frontières de l’Europe et la majorité de ceux qui sont venus d’Ukraine n’étaient pas au volant de « leurs » voitures mais sont arrivés par train, par bus et quelquefois à pied.
De même que l’armée de l’air ukrainienne était surtout équipée d’avions de fabrication russe (voilà pourquoi l’Union Européenne cherche des Migs et des Tupolev d’occasion pour aller à son secours !), de même l’essentiel du parc automobile ukrainien n’est pas composé que de voitures Renault ou Citroen. D’ailleurs dans le grand village qu’est devenu le monde, ce qui fait la caractéristique d’un parc, c’est le dynamisme des fabricants et le niveau de vie des acheteurs et le parc saoudien est plus proche de celui des Etats-Unis ou de l’Allemagne que ne l’est celui de l’Ukraine. Vous avez dit « espace civilisationnel » ?
Il y a quelques années encore l’Oder-Neisse était considérée non pas seulement comme une frontière politique, mais comme un mur séparant deux formes de cultures, presque deux civilisations inconciliables. Si on considère aujourd’hui qu’il y a le même « espace civilisationnel » de l’Atlantique à l’Oural, alors il faut aussi reconnaitre que c’est dans ce même espace que sont nés, hier Hitler et Staline, et Poutine aujourd’hui. « Ils aiment leur pays ! »
Si cela sous-entend que les immigrés africains, notamment, ne sont pas attachés à leurs patries d’origine, alors c’est une insulte adressée à nos familles, à nos peuples, à nos États ! Les Africains qui risquent la mort en traversant le Sahara ou en s’embarquant sur de frêles esquifs, n’ont qu’un objectif : gagner assez d’argent ou de savoir pour rentrer au pays et sortir leurs familles de la misère et de l’ignorance, car, contrairement à d’autres immigrés, ils ne vont pas à la recherche d’une nouvelle patrie et peu d’entre eux réinvestissent ce qu’ils gagnent dans leurs pays d’accueil. « Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour » : nos diasporas font plus qu’aimer leurs patries, elles se sacrifient pour elles et leur contribution à l’amélioration des conditions de vie de leurs pays respectifs est supérieure à l’aide au développement !
La vérité elle est pourtant là, et elle est simple, mais les vérités ne sont jamais faciles à dire. La vérité c’est qu’il y a immigrés et immigrés. Il y a d’une part, ceux auxquels on ouvre, toutes grandes, les portes des maisons et des gymnases (jusqu’à ce qu’on soit rattrapé par le syndrome du plombier polonais, car Israël qui est toujours en avance sur le reste du monde, fait déjà le tri et ne prend que les juifs !), et d’autre part ceux dont l’accueil constitue un « crime de solidarité » ou qu’on vend à la Turquie pour qu’elle serve de bouclier, et que ni la découverte du cadavre d’un enfant sur une plage grecque, ni le naufrage, en Mer du Nord d’un canot dont le SOS avait été ignoré, n’a pas rendu plus sympathiques. Puisqu’on parle de vérité, il faut aussi reconnaitre qu’il y a crime et crime.
La Gambie s’échine, toute seule, à faire condamner le génocide des Rohingyas par la Birmanie, mais l’Europe et les Etats-Unis sont unanimes à accuser Poutine de crimes de guerre après une semaine d’opérations militaires. Il y a aussi indignation et indignation.
Nos chefs d’États se bousculaient à Paris, Place de la République, et se proclamaient Charlie (11 morts), mais il n’y avait pas un ministre européen pour manifester à Grand Bassam (22 morts) ou à Ouagadougou (30 morts) et exprimer son indignation face à d’autres attentats terroristes ! Quand on compare la passiveté des pays occidentaux devant l’intervention au Yémen de l’Arabie Saoudite (dont le principal dirigeant est accusé par leur justice de barbarie et de meurtre !), ou la parcimonie et les réserves avec lesquelles ils ont accepté de participer à la lutte contre les terroristes au Sahel, d’une part, et d’autre part leur soutien, l’empressement dont ils ont fait preuve pour fournir à l’Ukraine des armes, des munitions, du carburant et même des combattants, on réalise qu’il y a aussi solidarité et solidarité ! C’est ce que n’ont pas compris les présidents africains qui, plutôt que d’aller à son secours, ont mis le peuple malien en quarantaine !