BALISES DIPLOMATIQUES
Que se passe-t-il en ce moment dans la tête des « hôtes étrangers » vivant au Sénégal ? Bien malin celui qui le saurait. L’élection présidentielle de l’année prochaine suscite et entretient déjà des spéculations avec des prédictions en embuscade.
Que se passe-t-il en ce moment dans la tête des « hôtes étrangers » vivant au Sénégal ? Bien malin celui qui le saurait. L’élection présidentielle de l’année prochaine suscite et entretient déjà des spéculations avec des prédictions en embuscade.
Dans quel état sera le pays au lendemain d’un scrutin considéré comme le plus indécis, le plus inédit et le plus incertain ? D’aucuns annoncent qu’il sera même le plus disputé de l’histoire récente ! Voire. Quelles perspectives se dessinent alors d’ici à l’échéance ?
Ces « étrangers » ont du mal à décoder les bruits ambiants qui proviennent de diverses sources. En revanche ils les dissèquent, les traduisent et les interprètent suivant des grilles d’analyse pour, in fine, déterminer les comportements à adopter, les conduites à tenir ou les avis à émettre.
Les avis ? Voilà la piste à explorer pour savoir comment notre pays est perçu, apprécié ou considéré dans ce contexte de difficultés accrues, de doute ou d’incertitudes.
L’équation électorale déborde les urnes. Elle passionne. Mieux, elle sert de boussole à ceux qui peinent à s’orienter dans la bonne direction. Pour autant, elle n’occulte pas les atouts dont dispose le pays : sa longue tradition de vote, son ancrage démocratique, ses alternances politiques et les changements de régime qui n’ont pas altéré la République même s’ils l’ont écornée quelque peu.
Un tel « état de service » rassure plus qu’il n’inquiète. Toutefois, les époques (tout comme les épopées) changent. Les nouveaux acteurs, en tout cas les plus significatifs, surfent sur des vagues et des courants ou des tendances.
Pressés par le temps, ils slaloment entre hâte et précipitation, poussés il est vrai par des entourages au sein desquels l’enthousiasme rime avec le zèle. Souvent, il leur manque le recul, la distance en un mot la profondeur pour agréger des acquis et tracer une ligne d’action qui se fonde sur une doctrine politique. Les ténors de la politique esquivent l’économie qu’ils confinent à la lisière de leurs priorités programmatique.
Un vrai anachronisme chez nous quand partout ailleurs, les candidats sont élus sur la base du « sérieux » de leur projet de société. Ils ne se contentent pas de l’évoquer. Mais ils le quantifient, le chiffrent et dégagent des pistes de mobilisation des financements sans alourdir la dette (déjà préoccupante) et sans obérer les chances de réussite. Une fois le projet ficelé, il est soumis à des experts pour l’examiner et l’évaluer dans une démarche contradictoire mais qualitative.
Ce changement d’échelle perturbe le classique système d’observation des règles d’élections et de leurs enjeux réels.
Rien d’alarmant si ce n’est la nécessaire adaptation à l’actuelle configuration de la classe politique sénégalaise. Les chancelleries, chargées de représenter leur « pays et ses intérêts » s’activent pour collecter les informations, s’évertuent à comparer les périodes et cherchent par dessus tout à se rapprocher du terrain de jeu et de ses acteurs.
La France n’a pas hésité à franchir le Rubicon en dépêchant à Dakar un émissaire du Quai d’Orsay chargé, entre autres missions, de rencontrer l’opposant Ousmane Sonko au cœur d’une tempête judiciaire, sans doute pour le sonder davantage. Mais Paris n’agissait pas en solitaire.
Eminent membre de l’Union européenne, la France fait prévaloir sa proximité avec Dakar sans négliger le poids de l’histoire et la connaissance des hommes et des situations pour se mettre en pôle position. Naturellement la récente visite de Marine Le Pen au Sénégal a fait grincer les dents de part et d’autre. La réplique française a consisté à sonder le jeune leader du Pastef pour mieux l’appréhender.
Ce rapprochement n’incline pas l’Elysée à changer de politique. Au contraire, par un communiqué, le ministère des Affaires étrangères français a indiqué s’en tenir à des principes qui gouvernent son action diplomatique à savoir : « pas d’immixtion, pas d’ingérence dans les affaires intérieures d’un pays ami ».
Personne n’est à ce point dupe. En cherchant à parler à tout le monde, le président français s’offre le beau rôle, celui consistant à atténuer les crispations, à dépassionner le virulent débat pour rendre possible le dialogue politique.
Sonko a cru pouvoir pousser les feux. Son discours de Korité depuis Ziguinchor dont il est le Maire semble accréditer l’idée accommodement, d’une reconversion en douceur aux exigences de la réal-politique. Naturellement cette atténuation dans le propos n’est pas synonyme de recentrage ou de ralliement. Il faut être naïf pour le croire. Par contre son geste traduit un signe. Lequel ? Exaspération ou sagesse ? Repli tactique ou concession stratégique ? Gage politique ou manœuvre politicienne ? Les prochaines semaines nous édifieront…
Après avoir enflammé et embrasé, est-ce une esquisse de maturation ? Le jeu politique a peu de vertus mais beaucoup de vices. Le moindre est qu’il calcine. Pour leur part, les Etats-Unis voient d’un œil amusé les récentes sorties d’Idrissa Seck et ses fréquentes références au modèle de gouvernance américain.
Bien évidemment l’Amérique est favorable à un scrutin apaisé sans restriction volontaire de candidatures. Elle prône l’ouverture et préconise un respect strict des règles de droit en « toutes circonstances ». Washington n’a pas de candidat « attitrés », semble dire le Département d’Etat dont le patron, Antony Blinken, sillonne l’Afrique de parts en parts pour prôner la bonne parole.
A l’actif du secrétaire d’Etat américain, plusieurs protagonistes dans divers conflits (souvent armés) reconvertis de fraîche date à la vérité des urnes donnent du crédit au modèle de représentation servi par les Etats-Unis. Ce joli succès politique et diplomatique à la fois permet un retour en force des Yankee sur le continent où ils retrouvent un vieil ennemi intime : la Chine.
Mieux à l’aise en Afrique que beaucoup d’autres pays occidentaux, l’empire du Milieu a une marge de manœuvre plus large et un argument financier de poids pour conforter sa position et accentuer et renforcer sa présence dont les avantages comparatifs sont plébiscités par les Africains eux-mêmes.
L’absence d’homogénéité des situations favorise le « cas par cas » auquel s’adonne la Chine qui, sans efforts, sans obstacles majeurs, engrange des dividendes commerciaux, économiques et géostratégiques.
Ainsi, Pékin jouit d’une réputation de bâtisseur sans trop souligner les conditions dans lesquelles s’octroie le financement des gigantesques chantiers construits un peu partout en Afrique. En un mot la transparence n’est pas au rendez-vous.
Aux opinions africaines de se saisir de cette préoccupation pour en amplifier l’écho et la résonance afin de rétablir les équilibres au grand bénéfice des populations souvent oubliées dans cers partenariats dits : « gagnant-gagnant ».