VIDEODES PROPOSITIONS CHOC POUR LA JUSTICE
De la composition du Conseil constitutionnel à l'équilibre des pouvoirs entre parquet et instruction judiciaire, en passant par l'indépendance de la magistrature, tous les pans du système judiciaire sénégalais ont été débattus aux assises de Diamniadio
De larges concertations ont été menées ces derniers jours dans le cadre des assises de la justice, une initiative du président Bassirou Diomaye Faye visant à réformer en profondeur un système judiciaire sénégalais fortement décrié. L'universitaire Jean-Louis Corréa, Agrégé des Facultés de Droit en poste à l'Université numérique Cheikh Hamidou Kane (UN-CHK), a fait ce mardi 4 juin 2024, la restitution des travaux.
Recomposition du Conseil constitutionnel
Parmi les pistes avancées, une refonte du Conseil constitutionnel fait l'objet de vives réflexions. "Ce qui est proposé, c'est qu'on ouvre le conseil à des magistrats, des professeurs d'université, des avocats et d'anciens hauts fonctionnaires, mais aussi à d'autres universitaires issus des sciences sociales comme des anthropologues ou des historiens", expose M. Corréa. Une recommandation phare consiste également à mettre un terme aux pratiques qui ont fait du Conseil "une maison de retraite", en exigeant que ses membres soient en activité, qu'ils soient magistrats ou universitaires.
Institution d'un juge des libertés
Par ailleurs, l'instauration d'un juge des libertés et de la détention est ardemment préconisée. "Dans notre tradition juridique, le procureur dispose de pouvoirs considérables, parfois même illégaux, comme l'illustre la pratique du 'retour de parquet' dont on a usé et abusé ces dernières années", dénonce le juriste. Un juge dédié permettrait de mieux préserver les libertés individuelles et de mieux contrôler les lieux de détention. Des ajustements techniques seraient néanmoins indispensables pour rééquilibrer les prérogatives respectives du parquet et du juge d'instruction, ce dernier disposant d'une faculté remise en cause de prononcer des libérations provisoires.
Cesser les dérives illégales
Si M. Corréa insiste sur la nécessité d'"orthodoxie" dans la mise en œuvre de certaines procédures, il rejette toute idée d'entériner les pratiques illégales ancrées dans les traditions. "L'idée n'est pas d'annuler ces pratiques car illégales, mais de rappeler à plus d'orthodoxie dans leur application", martèle-t-il, alors que les magistrats eux-mêmes ont dénoncé ces dérives.
Améliorer les conditions de détention
Reprenant les constats alarmants des anciens détenus auditionnés, le rapport insiste sur l'urgence d'investir massivement dans la rénovation des prisons où la dignité humaine est trop souvent bafouée. L'adoption d'un statut digne pour l'administration pénitentiaire, dont les conditions de travail sont "déplorables", est un autre levier d'action prioritaire identifié.
Accroître les effectifs et l'accès au droit
Outre les greffiers, réclamant eux aussi une revalorisation, les assises ont mis en lumière une grave pénurie d'avocats qui contraste avec la surreprésentation des magistrats. "Au Sénégal, nous avons plus de 530 magistrats contre seulement 400 avocats environ, ce qui pose un réel problème d'accès au droit", alerte Jean-Louis Corréa, appelant à faciliter et rendre réguliers les concours d'accès aux professions juridiques et judiciaires.
Repenser la présidence du Conseil supérieur de la magistrature
Deux questions épineuses ont par ailleurs été au cœur des débats: l'ouverture du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) à des personnalités non-magistrats, et la présidence de cette instance actuellement dévolue au chef de l'État. Si une frange des participants a plaidé contre cette ouverture, une "recommandation forte" est toutefois ressortie pour retirer au président la présidence de l'organe de gestion de la magistrature, une prérogative jugée contraire au principe de séparation des pouvoirs.
Des divergences ont néanmoins persisté sur ces deux questions qui, à l'instar des autres propositions de réforme, seront soumises à l'arbitrage du président Bassirou Diomaye Faye, dans l'optique de réformer en profondeur un système judiciaire plombé par de profondes carences.