L’AES, ENTRE DÉFIANCE ET STRATÉGIES GÉOPOLITIQUES
EXCLUSIF SENEPLUS - En ciblant principalement la CEDEAO, les membres de l'AES semblent détourner l'attention du véritable contentieux : leur appartenance à l'UEMOA. On peut envisager trois scénarios possibles pour l'avenir de la région et au-delà
L’histoire contemporaine de l’Afrique de l’Ouest est jalonnée de tentatives de regroupements d’États dépassant le statut d’organisation internationale ou de coopération. Les premiers d’entre eux sont nés en plein processus de décolonisation. Ils ont été construits le plus souvent autour de trois États pivots à savoir le Sénégal, le Ghana et la Côte d’Ivoire. De la Fédération du Mali (Sénégal et Soudan français devenu République du Mali) à la Confédération de la Sénégambie en passant par le Conseil de l’Entente, ces entités ont connu des fortunes diverses mais n’ont jamais pu atteindre les objectifs qu’ils s’étaient fixés : mieux intégrer les économies des pays les composant et pesés davantage sur l’ordre du monde.
Le 6 juillet 2024 à Niamey, la Confédération de l’Alliance des États du Sahel (AES) regroupant le Burkina, le Mali et le Niger est née. En rupture avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) que les trois pays ont décidés de quitter. Une nouvelle entité, au sort destiné à être ressemblant à celui des ligues qui l’ont précédé ? Les sceptiques répondront par l’affirmative. Cet article n’a pas vocation à se lancer dans de telles spéculations. Il vise à comprendre les dynamiques en jeu et les processus de remodelage de la géopolitique sous-régionale qui vont en découler.
Dans quelle mesure la naissance de l’AES va influencer les relations avec les organisations régionales, CEDEAO et Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Quid des équilibres régionaux ? Quelles seront les implications économiques, stratégiques et politiques en Afrique de l'Ouest, surtout en considérant les contraintes géographiques ?
Nous commencerons par une analyse historique du sujet, puis nous développerons les enjeux contemporains, avant d’esquisser des perspectives. Pour guider notre analyse nous allons nous allons nous appuyer sur deux théories des relations internationales : celle de l’école du néoréalisme et celle des systèmes mondiaux.
La première postule que les États agissent principalement pour maximiser leur sécurité et leur pouvoir dans un système international anarchique, c’est-à-dire dépourvu d’une autorité suprême reconnu par tous. La théorie des systèmes mondiaux d’Immanuel Wallerstein, quant à elle met en exergue le fait que le système mondial est dominé par une économie capitaliste qui divise les pays en centre, semi-périphérie et périphérie. Partant de cela, les relations internationales sont caractérisées par des dynamiques d'exploitation et de dépendance.
Une brève histoire ouest-africaine des alliances
L'Afrique de l'Ouest a connu de nombreuses alliances pour contrer l’impérialisme et mieux associées les forces des États nouvellement indépendant afin de faire face à violence d’un monde injuste caractérisé par des échanges inégaux et la guerre froide.
Le premier de ces regroupements nous reste en souvenir sous la forme du tube Ghana-Guinea-Mali de la star de la musique highlife E.T.Mensah. Le 23 novembre 1958, un an après l’indépendance du Ghana et moins de deux mois après celle de le Guinée, l’union est scellée. Elle prend le nom d’Union Ghana-Guinée. Le 1er mai 1959, pour marquer son ouverture, l'Union est renommée Union des États africains. Quelques mois plus tard, après sa rupture d’avec le Sénégal, le Mali joignit l'Union. L'Union éclata en 1962, lorsque la Guinée s’est rapproché des États-Unis, contre la ligne marxiste de ses partenaires, qui étaient plutôt orientés vers l'Union soviétique. La Fédération du Mali, créée en 1959, a été une union entre le Sénégal et le Soudan français (actuel Mali) visant à former un État fédéral au moment de l'indépendance. Elle s'est dissoute en 1960 en raison de divergences politiques et administratives entre ses principaux dirigeants (Modibo Keïta, Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia) et des manœuvres de l’État colonial français. Pour faire contrepoids à la Fédération du Mali, toujours en 1959, le Conseil de l'Entente à l’initiative de Félix Houphouët Boigny était fondé. Outre la Côte d'Ivoire, le Niger, le Burkina Faso (anciennement Haute-Volta), le Bénin (anciennement Dahomey) et le Togo. Ce regroupement a pour but de à renforcer la coopération économique et politique entre ses membres. S’il est tombé en léthargie, le Conseil de l’Entende n’a jamais été dissous. La Confédération de la Sénégambie, formée en 1982 entre le Sénégal et la Gambie, avait pour objectif d'unifier les politiques économiques et de défense. Cependant, elle a été dissoute en 1989 en raison de tensions politiques, d'un manque de cohésion administrative et surtout des difficultés économiques de l’État sénégalais, qui finançait les institutions confédérales.
La CEDEAO un formidable instrument d’intégration mais miné par les influences extérieures
La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) est une organisation intergouvernementale ouest-africaine créée en 1975 pour promouvoir la coopération et l'intégration économique et monétaire. Son acte fondateur a été entériné par 16 États membres. En 2000, la Mauritanie a quitté l’organisation. Depuis sa création, la CEDEAO a mis en place une zone de libre-échange, un tarif extérieur commun et travaille vers une union douanière complète et une monnaie commune.
Elle a également entrepris des projets d'infrastructure pour améliorer la connectivité régionale, intégrer les réseaux énergétiques et de télécommunications, et garantir la libre circulation des personnes. La CEDEAO a également mis en place des structures pour la prévention et la gestion des conflits, la lutte contre le terrorisme, et le développement socio-économique, notamment dans les domaines de l'agriculture, de la santé et de l'éducation. Elle collabore également avec des organisations internationales pour renforcer la coopération régionale et attirer des investissements étrangers. La CEDEAO joue un rôle crucial dans l'architecture de paix et de sécurité de l'Union africaine (UA), s'inscrivant pleinement dans le cadre de l'Agenda 2063 de l'UA, qui vise à transformer le continent en une puissance mondiale de l'avenir.
Le Protocole Additionnel de la CEDEAO sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance de 2001, vise à renforcer les principes de gouvernance démocratique dans les États membres. Il réaffirme l'importance de la séparation des pouvoirs, de l'indépendance de la justice, et de la nécessité d'élections libres et transparentes pour toute accession au pouvoir. Le protocole met également l'accent sur la neutralité de l'État en matière religieuse et garantit la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Enfin, il établit des mesures contre la corruption et promeut la lutte contre la pauvreté, tout en encourageant la participation active des femmes et des jeunes dans les processus politiques et sociaux.
Depuis quelques années la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) est confrontée à plusieurs défis et tensions internes qui minent son efficacité et sa cohésion. La région est en proie à des crises dues à divers groupes d’insurgés. Certains d’entre eux revendiquent des affiliations à des groupes djihadistes notamment Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et l'État islamique au Grand Sahara (EIGS). L'insécurité chronique dans le Sahel et les attaques fréquentes déstabilisent les États membres et compliquent les efforts de coopération régionale. Les coups d'État militaires récents au Mali, en Guinée, au Burkina Faso et au Niger ont profondément perturbé la région. Ces événements ont mis à l'épreuve la capacité de la CEDEAO à maintenir la stabilité, la démocratie et à proposer des solutions politiques de sortie de crise. La réponse de l'organisation à ces coups d'État a été variée, allant de la suspension de membres aux sanctions économiques. Elle a été à la base de la crise de l’organisation avec la sortie dans les prochains mois des trois pays formant l’AES.
L'Alliance des États du Sahel (AES)
L'Alliance des États du Sahel (AES) est un projet politique d'intégration régionale qui a vu le jour dans un contexte de crises multiples au Sahel, notamment l'instabilité politique, les défis sécuritaires et les pressions économiques. L'AES regroupe le Mali, le Burkina Faso et le Niger, des États confrontés à des coups d'État militaires récents et à des menaces terroristes persistantes. L'initiative est née de la volonté de ces pays de renforcer leur coopération pour faire face aux défis communs et affirmer leur souveraineté face aux influences extérieures, notamment de la Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et des puissances internationales en particulier la France, l’Union européenne et les États-Unis.
L'AES se présente comme un projet confédéraliste, visant à renforcer l'autonomie et la coopération entre ses membres. Les principaux objectifs déclinés dans la charte de création : la sécurité collective (la lutte contre le terrorisme et l'insécurité) par la coordination et la mutualisation des efforts militaires et sécuritaires ; la souveraineté renforcée et l’intégration économique. L'AES aspire à créer un espace économique commun, favorisant la libre circulation des biens, des services et des personnes entre ses membres. Cela inclut la mise en place de projets d'infrastructure transnationaux et le renforcement des échanges commerciaux intrarégionaux. Ces objectifs ne sont pas en réalité différents que ceux que poursuivent la CEDEAO.
Pour envisager l'avenir de l'Alliance des États du Sahel (AES), il est utile d'analyser cette initiative à travers deux grandes théories des relations internationales : la théorie des systèmes mondiaux d'Immanuel Wallerstein et celle de l'école néoréaliste. Ces deux cadres permettent de comprendre les dynamiques structurelles et les rapports de force qui pourraient influencer le devenir de l'AES.
Selon Wallerstein, le monde est divisé en trois zones : le centre, la semi-périphérie et la périphérie. Les pays du centre dominent l'économie mondiale, tandis que les pays de la périphérie sont exploités pour leurs ressources, subissant les effets de la domination économique et politique des pays du centre. Les pays de la semi-périphérie occupent une position intermédiaire, profitant de certaines marges de manœuvre tout en restant sous l'influence des puissances centrales.
Les États membres de l'AES (Mali, Burkina Faso, Niger) se situent clairement dans la périphérie du système mondial, caractérisés par des économies dépendantes des exportations de matières premières et une dépendance vis-à-vis de l'aide internationale. Cette position périphérique limite leur capacité à influencer les dynamiques globales et les rend vulnérables aux pressions extérieures.
Dans le cadre de la théorie des systèmes mondiaux, l'AES pourrait être vue comme une tentative de ces États périphériques de résister à l'exploitation par les centres de pouvoir mondiaux (notamment les anciennes puissances coloniales comme la France et les institutions financières internationales). En se regroupant, les membres de l'AES cherchent à renforcer leur autonomie et à réduire leur dépendance par rapport au système mondial dominé par les pays occidentaux.
Toutefois ces efforts sont souvent limités par les structures rigides du système mondial qui maintiennent les inégalités entre le centre et la périphérie. Il est donc possible que, malgré leurs efforts, les membres de l'AES continuent de subir les contraintes du système mondial, notamment à travers des sanctions économiques, des pressions politiques internationales, ou l'influence continue des puissances extérieures dans la région.
L'école néoréaliste, notamment incarnée par des théoriciens comme Kenneth Waltz, part du principe que le système international est anarchique, c'est-à-dire qu'il n'existe pas d'autorité supérieure aux États pour réguler leurs interactions. Dans ce contexte, chaque État cherche à maximiser sa sécurité et sa survie, souvent en formant des alliances stratégiques.
L'AES peut être interprétée comme une réponse rationnelle des États membres à un environnement régional marqué par l'insécurité et l'instabilité. En se regroupant, ces États espèrent renforcer leur sécurité collective face aux menaces terroristes, aux ingérences étrangères et aux pressions des organisations régionales comme la CEDEAO. Pour les néoréalistes, cette alliance est donc une tentative de balance of power (équilibre des pouvoirs) visant à contrer l'influence des acteurs plus puissants de la région.
Dans une perspective néoréaliste, la viabilité de l'AES dépendra de la capacité des États membres à maintenir un équilibre interne et à prévenir l'émergence de tensions entre eux. L'alliance pourrait renforcer leur position collective dans un environnement international, mais seulement si les États membres parviennent à coopérer efficacement et à éviter les divisions internes. Cependant, les alliances de ce type sont souvent temporaires et motivées par des intérêts pragmatiques. Si les circonstances changent (par exemple, si l'un des membres de l'AES améliore ses relations avec une puissance extérieure ou si les menaces sécuritaires diminuent), l'alliance pourrait se désagréger. En outre, les États extérieurs à l'AES, percevant cette alliance comme une menace potentielle, pourraient chercher à la diviser ou à la neutraliser par des moyens diplomatiques ou économiques.
L'Alliance des États du Sahel : entre défiance et stratégies politiques
La formation de l'AES représente une réponse collective face aux sanctions imposées par la CEDEAO. Toutefois, derrière la rhétorique de défiance affichée par ces pays à l'égard de la CEDEAO, se cachent des dynamiques complexes et des enjeux stratégiques profonds. Dans leur communication, les membres de l'AES annoncent tourner le dos à la CEDEAO, affirmant ainsi leur volonté de rompre avec une organisation perçue comme un instrument d'influence étrangère, notamment française. Cependant, cette posture semble quelque peu paradoxale. En effet, si la CEDEAO a effectivement prononcé des sanctions à l'encontre de ces pays, les mesures les plus sévères ont été imposées par l'UEMOA, une organisation régionale économique et monétaire à laquelle ils sont également affiliés. Pour le Niger, des sanctions inédites ont été prises. En contradiction avec les textes fondateurs de l'UEMOA, le gel des avoirs du pays à la Banque Centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) a été ordonné.
En ciblant principalement la CEDEAO, les membres de l'AES semblent détourner l'attention du véritable contentieux : leur appartenance à l'UEMOA et, par extension, leur utilisation du franc CFA. Cette monnaie, symbole de l'influence persistante de la France en Afrique de l'Ouest, est au cœur des critiques de ceux qui appellent à une émancipation économique. La question se pose donc : les États membres de l'AES envisagent-ils de quitter l'UEMOA et de créer une nouvelle monnaie pour affirmer davantage leur indépendance ? Une telle décision serait lourde de conséquences économiques, mais pourrait également marquer un tournant dans les relations de ces pays avec la France et les autres puissances régionales notamment la Côte d’Ivoire.
Une stratégie à double tranchant
Quitter la CEDEAO n'est pas sans précédent. La Mauritanie, par exemple, a quitté l'organisation en 2000, marquant ainsi son désaccord avec certaines de ses orientations. Toutefois, les membres de l'AES doivent se méfier des répercussions régionales d'une telle démarche. Depuis 2017, le Maroc, une puissance régionale ambitieuse, cherche à intégrer la CEDEAO. Le départ du Mali, du Niger et du Burkina Faso pourrait ouvrir la voie à l'adhésion du Maroc, modifiant ainsi les équilibres géopolitiques de la région. Dans un tel scénario, quelle serait la stratégie de l'AES ? Pourrait-elle envisager de se rapprocher de l'Algérie, une autre puissance régionale ?
Un rapprochement avec l'Algérie, un acteur économique, démographique et militaire majeur, pourrait renforcer l'AES. Cependant, les relations entre le Mali et l'Algérie sont historiquement ambivalentes, marquées par une méfiance réciproque. Si l'Algérie rejoignait l'alliance, elle exercerait inévitablement un leadership en raison de sa puissance relative, ce qui pourrait créer des tensions au sein de l'AES. Le Mali, en particulier, pourrait hésiter à accepter un partenaire aussi influent, craignant une dilution de son propre pouvoir dans une alliance dominée par un voisin puissant.
Opportunités régionales : changement de régime au Sénégal et neutralité du Togo
La configuration actuelle au sein de la CEDEAO offre cependant de nouvelles opportunités aux membres de l'AES. Le changement de régime au Sénégal, un acteur clé de la CEDEAO, pourrait redéfinir les équilibres politiques au sein de l'organisation. Le nouveau gouvernement sénégalais a déjà annoncé qu’il aura une posture moins alignée sur les positions traditionnelles de la CEDEAO. Cela offre un espace de manœuvre aux pays sahéliens pour influencer les décisions au sein de l'organisation. De plus, la neutralité bienveillante affichée par le Togo dans les récents conflits au sein de la CEDEAO pourrait être un levier stratégique pour l'AES. Le Ghana et le Nigeria n’ont aucun intérêt à un affaiblissement de la CEDEAO. En s'alliant à des États qui partagent une vision plus flexible et moins interventionniste, le Mali, le Niger et le Burkina Faso pourraient changer la donne au sein de la CEDEAO, en favorisant une approche plus respectueuse de la souveraineté des États et en limitant l'influence des puissances extérieures.
Les implications géopolitiques de l'AES : quels scénarios pour l'avenir ?
La création de l'AES a des implications géopolitiques importantes, tant au niveau régional qu'international. Elle modifie les rapports de force, les alliances et les rivalités entre les acteurs. Elle ouvre également des opportunités et des risques pour le développement, la sécurité et la coopération. On peut envisager trois scénarios possibles pour l'avenir :
- Un scénario optimiste, dans lequel l'AES réussit à consolider son intégration et à devenir un pôle de pouvoir et de prospérité en Afrique de l'Ouest. Elle parvient à vaincre le terrorisme, à réduire la pauvreté, à diversifier son économie et à renforcer sa démocratie. Elle entretient des relations pacifiques et constructives avec les autres organisations régionales, notamment la CEDEAO et l'UEMOA, ainsi qu'avec les partenaires internationaux, notamment la France, la Chine et les États-Unis. Elle contribue à la stabilité et au développement du continent africain.
- Un scénario pessimiste, dans lequel l'AES échoue à consolider son intégration et à devenir un pôle de pouvoir et de prospérité en Afrique de l'Ouest. Elle est confrontée à des tensions internes, à des crises politiques, à des conflits et à des coups d'État. Elle est également victime de la pression et de la concurrence des autres organisations régionales, notamment la CEDEAO et l'UEMOA, ainsi que des ingérences et des manipulations des partenaires internationaux, notamment la France, l’Union européenne et les États-Unis. Elle devient un facteur d'instabilité et de sous-développement du continent africain.
- Un scénario intermédiaire, dans lequel l'AES connaît des succès et des échecs, des avancées et des reculs, des opportunités et des risques. Elle réalise des progrès dans certains domaines, tels que la sécurité, le commerce ou la culture, mais elle rencontre des difficultés dans d'autres, tels que le social ou l'environnement. Elle entretient des relations ambivalentes et fluctuantes avec les autres organisations régionales, notamment la CEDEAO et l'UEMOA, ainsi qu'avec les partenaires internationaux, notamment la France, la Chine et les États-Unis. Elle a un impact mitigé sur la stabilité et le développement du continent africain.
Ces scénarios ne sont pas exclusifs, ni exhaustifs, ni prédictifs. Ils sont simplement des outils d'analyse et de réflexion, qui permettent d'explorer les différentes hypothèses et les différents enjeux liés à la création de l'AES. Ils invitent également à se poser des questions et à proposer des solutions, pour que l'AES soit un projet porteur d'espoir et de progrès, non seulement pour les pays du Sahel, mais aussi pour l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest et du continent africain.
Si elle se concrétise, la formation de l'Alliance des États du Sahel (AES) marquera une rupture significative avec l'ordre régional établi par la CEDEAO et représentera une tentative de réinventer la géopolitique en Afrique de l'Ouest. Née d'un contexte de crises sécuritaires, politiques et économiques, cette alliance reflète le désir des États membres de renforcer leur souveraineté face aux influences extérieures et de trouver des solutions régionales à des problèmes complexes. Cependant, l'AES se heurte à des défis considérables, notamment les pressions internationales, leur enclavement, les risques d'isolement économique, et les tensions internes qui pourraient émerger entre ses membres.
La sortie des pays membres de l'AES de la CEDEAO entraînera des répercussions profondes sur les plans politique, économique et sécuritaire. Politiquement, elle redéfinira les alliances dans la région et ouvrira la voie à une influence accrue des puissances telles que la Russie, la Turquie et la Chine. De même, elle marquera le déclin de l’influence française. Économiquement, cette décision pourrait perturber les échanges commerciaux intrarégionaux et compromettre l'accès aux programmes de développement et aux aides internationales, essentiels pour ces pays.
Sur le plan sécuritaire, la sortie de la CEDEAO pourrait modifier les dynamiques migratoires et affecter la lutte contre le terrorisme. Les États membres de l'AES devront trouver de nouveaux moyens de coopérer sur ces questions, en dehors des cadres traditionnels offerts par la CEDEAO. L'AES pourrait ainsi se retrouver à devoir assumer des responsabilités supplémentaires en matière de sécurité régionale, tout en gérant les défis économiques et politiques associés à leur nouvel isolement relatif.
Bibliographie
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