LE DEFI DE L’INDUSTRIALISATION
A l’unité d’élevage et de production d’insectes (campus Isra/Ird), des pupes remplissaient un bac rouge dans l’insectarium. Une semaine après, des mouches soldats noires occupent désormais l’espace. Certaines déposent leurs ailes sur la moustiquaire
A l’unité d’élevage et de production d’insectes (campus Isra/Ird), des pupes remplissaient un bac rouge dans l’insectarium. Une semaine après, des mouches soldats noires occupent désormais l’espace. Certaines déposent leurs ailes sur la moustiquaire. D’autres volent à l’intérieur. Autre élément crucial du processus : les planchettes en bois. Elles sont posées sur un autre bac de stockage d’aliments. Celui-ci contient du maïs, du blé, de l’arachide… C’est l’odeur des aliments qui attirent les femelles après l’accouplement avec les mâles. Elles pondent entre les planchettes en bois, explique Arkeita Mendy de l’Isra. Et ce n’est que la partie visible de l’iceberg. Dans la pièce «Incubateur», le chercheur Waly Ndiaye ouvre l’appareil avec des étagères à l’intérieur. Sur la dernière, des planchettes en bois (des pondoirs) sont posées au-dessus d’un bac. Les œufs vont se transformer en larves. Celles-ci vont, par la suite, se démultiplier en se nourrissant de fruits et légumes broyés. Des déchets qui pourraient se retrouver dans une décharge dakaroise à ciel ouvert et qui sont recyclés. Et au-delà des chercheurs, en dehors des laboratoires, ces déchets font le bonheur de producteurs de farine d’insectes dans le monde. En revanche, au pays de la Teranga, il faut creuser, fouiller et bêcher pour avoir une piste ou une entreprise dans le domaine. Elles sont encore rares au Sénégal. Nos investigations mènent au rondpoint Zac Mbao. Un axe routier, entre pollutions sonore et automobile. Mais, loin de la poussière et la fumée des véhicules, se cache une «transformation écologique» : Neofarm.
«Une unité pilote en phase d’être industrialisée»
Une biotechnologie sénégalaise dont l’objectif est d’atteindre l’industrialisation de produits issus de l’insecte. L’initiative est logée au sein des locaux de Rufsac (Société rufisquoise de fabrication de sacs). Et son crédo en dit long : «se servir du pouvoir des insectes pour produire des ingrédients de haute qualité». Mansour Niang et Julie Crémieux, co-fondateurs, sont au cœur. Sur place : des cases de moustiquaires remplies de mouches soldats noires. «Pour le moment, nous avons une unité pilote en phase d’être industrialisée. Aujourd’hui, nous cherchons des fonds parce que nos clients sont dans l’agro-industrie», précise la chimiste et environnementaliste. Julie Crémieux ajoute : «Les demandeurs ont besoin des milliers de tonnes de leurs produits.» Neofarm est sur la bonne voie. Cependant, elle n’a pas encore atteint cet objectif. Mansour Niang est très optimiste. Selon lui, «l’industrialisation de la farine d’insectes est bel et bien possible au Sénégal». Mais le financier de formation liste quelques obstacles : la technologie, les financements et la viabilité économique. Il enchaine en soulignant que le nerf de la guerre reste les fonds puisque les «compétences techniques sont déjà là». Mansour Niang explique : «Des structures se sont développées, notamment en Europe, avec l’aide de l’Etat».