LOI D'ORIENTATION SOCIALE, L'HEURE DES GRANDES DECISIONS
Les députés en situation de handicap ont fait sensation lors de l'installation de la quinzième législature. Parmi les sept personnes vivant avec un handicap qui ont été investies par la majorité au pouvoir, deux seront des représentants du peuple...

Les députés en situation de handicap ont fait sensation lors de l'installation de la quinzième législature. Parmi les sept personnes vivant avec un handicap qui ont été investies par la majorité au pouvoir, deux seront des représentants du peuple les cinq prochaines années. Une nouvelle donne qui laisse entrevoir visiblement l'effectivité de la loi d'orientation sociale quasiment en sourdine depuis son adoption en 2010.
L'image a fait le tour du monde. L'entrée à l'hémicycle du tout nouveau député non voyant tenu par la main par ses collègues notamment Guy Marius a ému plus d'un. Amadou Lamine Diouf, 61 ans, entrepreneur, technicien supérieur en génie électrique, élu sur la liste Pastef Afrique du Nord fera en effet partie des voix du peuple pour les cinq prochaines années, nonobstant son handicap. Il en sera de même aussi pour Awa Seck. Vice-coordinatrice du Mouvement national des patriotes handicapés (MONAPH) et membre du bureau politique de Pastef, elle était investie à la 18e place sur la liste nationale du parti. Interpellée sur sa nomination lors de l'installation de la quinzième législature, la nouvelle parlementaire est sans équivoque sur son objectif à l'Assemblée nationale : «Je suis une femme, je suis handicapée et je représente Mbacké. Toutefois, ma mission principale dans l'hémicycle sera d'être la voix des personnes vivant avec un handicap comme moi», soutient-elle avant même de fouler pour la première fois le parvis de l'Assemblée nationale. Il faut dire que le nouveau régime a fait des efforts sur l'inclusion sociale avec cette quinzième législature en prenant en considération les personnes vulnérables. Ce qui semble d'ailleurs être une volonté affichée du président de la République qui a rappelé, lors du Conseil des ministres du 27 novembre dernier, «la place primordiale de cette importante frange vulnérable de la population dans les politiques d’équité et d’inclusion sociale».
Invitant ainsi le ministre de la Santé et de l’Action sociale et le ministre de la Famille et des Solidarités à renforcer les interventions de l’Etat en leur faveur, ainsi que l’évaluation de l’application de la loi d’orientation sociale relative à la promotion et à la protection des droits des personnes handicapées. Notamment, d'après le chef de l'État, le système des cartes d’égalité des chances.
NOUVELLE STRATEGIE NATIONALE D'ACCOMPAGNEMENT
Le Président Faye a demandé aussi lors du Conseil des ministres de préparer une nouvelle stratégie nationale d’accompagnement des personnes vivant avec un handicap. Il a indiqué par la même occasion au Premier Ministre l’importance de faciliter, selon les diplômes obtenus et des critères établis, les recrutements et les nominations des personnes vivant avec un handicap dans les secteurs publics et parapublics. De même que l’insertion des personnes vivant avec un handicap au sein des entreprises privées doit tout aussi être encouragée par le biais du dialogue social avec les organisations d’employeurs. Cette préoccupation du chef de l'Etat vient visiblement à son heure, après plusieurs années «d'hibernation» de la loi d’orientation sociale adoptée depuis 2010 mais dont l'effectivité a considérablement fait défaut ces 14 dernières années. Et ce, malgré les résultats de l'ANSD de 2013 et 2023 qui montrent à suffisance la nécessité d'accorder une attention particulière à ces couches vulnérables. Les résultats du 5e Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH-5) effectué par l'ANSF il y a quelques mois, confirment cet état de fait. En effet, en 2023, le taux de prévalence du handicap est estimé à 7,3% à l’échelle nationale, en légère augmentation par rapport aux 5,9% enregistrés en 2013. L'étude avait montré aussi que les femmes sont plus touchées, avec une prévalence de 7,8%, comparativement à 6,7% chez les hommes.
Soulignant dans la foulée que parmi les personnes âgées de 35 à 64 ans, la prévalence du handicap visuel atteint 7,1%, tandis que celle liée à la mobilité se situe à 5,9%. Et pourtant la loi d'orientation sociale offre tous les gages d'une bonne prise en charge des personnes vivant avec un handicap. Elle prévoit par exemple que toute personne handicapée reçoit une carte spécifique prouvant son handicap et appelée «carte d’égalité des chances». «Cette carte est délivrée par le ministère chargé de l’Action sociale sur proposition des commissions techniques départementales. La carte d’égalité des chances» permet à son titulaire de bénéficier des droits et avantages en matière d’accès aux soins de santé, de réadaptation, d’aide technique, financière, d’éducation, de formation, d’emploi, de transport, ainsi qu’à tout autre avantage susceptible de contribuer à la promotion et à la protection des droits des personnes handicapées. La personne qui assiste une personne lourdement handicapée peut bénéficier de privilège en vue de lui permettre d’assurer au mieux sa mission d’assistance. La loi dit aussi qu'il est réservé aux personnes handicapées, un quota des postes de formation dans les centres publics de formation professionnelle.
Ainsi que la création à la Présidence de la République, une Haute Autorité chargée de la promotion et de la protection des Droits des personnes handicapées, ayant pour objectif d’appuyer les efforts de l’État dans l’élaboration des politiques nationales et les stratégies sectorielles dans tous les domaines touchant le handicap. En tout, c'est 49 articles révolutionnaires concernant la prise en charge des personnes vivant avec un handicap. Il faut rappeler que le président de la République Macky Sall avait lancé en grande pompe en 2015 la remise des cartes d'égalité des chances.
FAIRE MIEUX QUE LE REGIME DE MACKY SALL
Et de 2015 à 2023 73 756 cartes d’égalité des chances ont été données. Mais force est de dire que plusieurs associations de personnes handicapées ont fustigé le manque d'utilité de ses cartes qui n'ont donné les conséquences positives escomptées. C'est pourquoi le défi de ce nouveau régime sera l'effectivité de la loi d'orientation sociale. L'arsenal juridique existe mais la difficulté est de le mettre en pratique pour une prise en charge idoine des personnes vivant avec un handicap. Les députés Amadou Diouf et Awa Seck ne doivent pas être les deux arbres qui cachent une forêt d'attente de ces couches vulnérables. Et même sur ce plan, la Commission nationale des droits de l’Homme du Sénégal (Cndhs), présidée par la professeure Amsatou Sow Sidibé, ces députés doivent exercer dans les meilleures conditions leur rôle. Lançant ainsi un appel aux autorités compétentes à prendre des mesures visant à garantir aux députés en situation de handicap l’exercice complet de leur mandat au sein de l’Assemblée nationale. La Cndhs souhaite la mise à disposition d’outils adaptés pour les députés en situation de handicap tels que des documents en braille pour les nonvoyants, ainsi que l’aménagement des infrastructures afin de rendre les locaux accessibles aux personnes à mobilité réduite. Des préalables déjà pris en charge par la loi d'orientation sociale.