Les étudiants de l’Université Gaston Berger (UGB), ont suspendu dans la matinée d’hier, mercredi 21 février 2024, leur mot d’ordre de grève illimitée et comptent rejoindre les amphis pour reprendre les enseignements et apprentissages. Ils ont dénoncé, par la même occasion, la mort de leur second camarade Prosper Clédor Senghor, à l’Hôpital Principal de Dakar où il était admis en réanimation. La victime a succombé à ses blessures.
Âgé de 21 ans et originaire de Cabrousse, localité située dans le Sud du pays, l’étudiant de l’Université Gaston Berger (UGB) de Saint-Louis, Prosper Clédor Senghor, a succombé à ses blessures hier, mercredi 21 février, à l’Hôpital Principal de Dakar où il était admis en salle de réanimation. La victime était inscrite en Licence 1 en Mathématiques Appliquées aux Sciences au niveau de l’UFR des Sciences Appliquées et de Technologies (SAT) de l’UGB de Saint-Louis.
«On a eu un réveil brutal aujourd’hui (hier, ndlr) après qu’on ait appris la triste nouvelle sur le rappel à Dieu de notre camarade Prosper Clédor Senghor, à Dakar. Il était en réanimation depuis le 10 février dernier, suite aux manifestations déclenchées à l’UGB pour réclamer justice pour le camarade Alpha Yoro Tounkara. Donc, c’est avec un cœur meurtri qu’on a reçu cette triste nouvelle», a laissé entendre Sambayel Sow, président de séance par intérim de la Coordination des Étudiants de Saint-Louis (CESL).
Ses camarades et lui ont tous dénoncé avec la dernière énergie les tueries d’étudiants notées dans cette université de Sanar, depuis feu Mouhamadou Fallou Sène à feu Prosper Clédor Senghor, en passant par feu Alpha Yoro Tounkara, et le fait que les autorités n’agissent jamais pour que justice leur soit rendue.
Cependant, la Coordination des Étudiants de Saint-Louis a décidé, hier mercredi, en assemblée générale, de suspendre son mot d’ordre de grève illimitée décrété au lendemain de la mort de leur camarade Alpha Yoro Tounkara. À en croire le président de séance par intérim de la CESL, «il est important que les enseignements et apprentissages puissent reprendre dans cette université, de peur que les autorités en profitent pour essayer de la fermer». Au terme de leur assemblée générale, les étudiants de l’UGB se sont rendus au portail de l’entrée principale de cette université où ils ont brandi le drapeau national et des pancartes pour exprimer, de manière pacifique, leur tristesse suite à la mort de l’étudiant Prosper Clédor Senghor.
par Souleymane Ndour Ater
UNE JURISPRUDENCE CONSTANTE VOUS AVIEZ DIT
La décision rendue le 15 février 2024 confirme qu’il ne faut jamais ériger une jurisprudence en règle absolue ni faire de sa constance une norme de référence. Le juge constitutionnel sénégalais opère « une révolution »
Le contrôle de constitutionnalité des lois constitutionnelles connaît dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel sénégalais une constance. En d’autres mots, le juge constitutionnel estime qu’il n’est pas habilité en vertu de ses compétences d’attribution de contrôler la constitutionnalité des normes qui ont une valeur supérieure ou égale à la Constitution. Il est simplement compétent pour examiner la conformité des règlements de l’Assemblée, les lois organiques et ordinaires ou encore des traités avec la loi fondamentale. Cela demeure une constance dans sa jurisprudence. Justement, après l’adoption de la loi de révision constitutionnelle le 5 février portant dérogation aux dispositions de l’article 31 de la Constitution, le terme jurisprudence constante revient avec insistance. La saisine au titre du contrôle de constitutionnalité a priori laissait croire selon une certaine doctrine que le Conseil constitutionnel n’avait pas le choix, il devrait inéluctablement s’aligner derrière sa jurisprudence dite constance, comme si celle-ci demeure un bloc immuable. Cela peut s’apparenter à un truisme, mais il est important de définir avant de décrire la jurisprudence constance (I) d’autant que c’est par ce biais qu’il reste possible de savoir, si elle peut faire l’objet de revirement (II).
La décision rendue le 15 février 2024 confirme qu’il ne faut jamais ériger une jurisprudence en règle absolue ni faire de sa constance une norme de référence. Le juge constitutionnel sénégalais opère « une révolution ». Il se déclare maintenant compétent pour contrôler les lois constitutionnelles, pour le moins issues du pouvoir dérivé.
I- Le sens d’une jurisprudence constante
De prime abord, par jurisprudence, il importe de comprendre l’ensemble des décisions de justice, des cours et tribunaux. Puisque nous parlons du Conseil constitutionnel, il s’agit des décisions et avis rendus par ce dernier. Le terme « constante » qui est, en l’occurrence, employé pour qualifier la jurisprudence, signifie le caractère d’un fait qui dure, d’idées, d’actions qui se répètent ou qui sont reproduites invariablement dans le temps. Eu égard à ces deux acceptions, la synthèse permet de retenir qu’une jurisprudence est dite constante lorsque sur une question donnée, l’ensemble des décisions et avis de la juridiction constitutionnelle s’inscrit dans une continuité. Il n’y a pas de revirement. La jurisprudence constante, encore appelée jurisprudence établie, montre ainsi que le juge constitutionnel ne varie pas sur sa position. Il maintient l’interprétation juridique qu’il donne à un énoncé, ici, les lois constitutionnelles ou celles émanant du pouvoir constituant dérivé ou originaire. La notion de jurisprudence constante a une fonction pratique. Sa visée consiste à mieux résumer les positions du juge constitutionnel sur une problématique juridique déterminée afin d’éviter de chercher ou de se demander quelle pourrait être la solution adoptée. L’identification de la jurisprudence constante passe a priori par les termes auxquels fait recours le juge sur une question précise. L’emploi de formules, phrases, incises identiques, similaires ou approximatifs. En substance, il renouvèle quasiment les mêmes dispositifs : « Le Conseil constitutionnel n’a pas compétence pour statuer sur (les lois de révision constitutionnelle) ».
Cet outil contentieux doit-il être surinterprété, à l’instar du précédent dans les systèmes anglo-saxons qui enferme le juge dans une spirale décisionnelle et l’empêche de connaitre une nouvelle orientation ?
En matière de contrôle de constitutionnalité des lois émanant du constituant originaire ou celui dérivé, le juge constitutionnel s’abstenait de se reconnaitre compétent, et cela, à chaque fois qu’il a été saisi sur la question. L’inventaire complet dressé par le Professeur Meissa Diakhaté convainc facilement à ce sujet. Le juge constitutionnel était droit dans ses bottes, la constance primait. Rien ne semblait l’ébranler ou le motiver de changer sa jurisprudence sur les lois du constituant, fût-il dérivé ou originaire jusqu’à la décision du 15 février 2024 qui fera sans nul doute date. À travers celle-ci, le juge constitutionnel opère un revirement en acceptant pour la première fois d’examiner la constitutionnalité des lois dites de révision de la Constitution. Quel revirement ! De l’audace pourrait-on dire. Non, il ne faut jamais avoir foi à une jurisprudence constante car elle n’a pas de portée normative. Par conséquent, elle peut changer à tout moment eu égard à la constitutionnalité externe ou encore interne.
II- La portée normative de la jurisprudence constante
La jurisprudence fait office de source de droit. À défaut de références normatives précises, écrites et textuelles, elle est susceptible de servir de fondement juridique au juge afin de se soustraire de toute accusation de déni de justice. En procédant à une interprétation de l’énoncé constitutionnel, il détermine la signification de celui-ci, ce qui revient à dire qu’il est, quelque part, le créateur de la norme même. En effet, une jurisprudence immuable sur une question demeure naturellement une référence pour le juge constitutionnel. Toutefois, eu égard à sa portée indéniable, cela n’est pas synonyme de valeur normative au point que certains estimaient que cette loi portant dérogation de l’article 31 de la Constitution n’allait pas avoir d’autre sort que celui de la validation.
Le Conseil constitutionnel sénégalais s’est illustré de fort belle manière, en démontrant que sa jurisprudence sur les lois de révision constitutionnelle bien qu’elle soit constante n’a pas une portée normative. Elle ne s’impose pas dans tous les cas au juge. Celui-ci est tenu de faire une appréciation au cas par cas d’autant que des dispositions législatives peuvent être textuellement identiques et différer substantiellement. Elles sont susceptibles d’être approximativement les mêmes mais diverger sur un certain nombre de points. C’est pourquoi, parler d’une constance en termes de jurisprudence sans réellement prendre en compte le contexte reste un raccourci intellectuel très glissant et dangereux. Sous ce rapport, on pourrait se permettre de préciser que le contrôle a priori dans le cas sénégalais est abstrait. En revanche, il est possible qu’un contrôle abstrait a priori prenne les airs d’un contrôle concret. Autrement dit, dans son examen de constitutionnalité, le juge constitutionnel ne fait pas abstraction du contexte factuel à travers lequel la loi a été adoptée. En évoquant la sécurité juridique et la stabilité des institutions, on décèle, d’une certaine manière, une prise en compte des aspects inhérents aux faits qui ont ponctué l’adoption de la loi contestée.
Le juge constitutionnel soutient pour connaitre sa compétence que « le périmètre de compétence du Conseil constitutionnel dans le contrôle de constitutionnalité des lois, est circonscrit, en matière de révision constitutionnelle, à la vérification du respect des conditions d’adoption, d’approbation et des limites temporelles et matérielles que la Constitution elle-même fixe à l’exercice des pouvoirs du constituant dérivé » (Considérant 6). Le Conseil s’affranchit ainsi d’une constance qui faisait jusque-là sa réputation de « juridiction pusillanime ». Il sanctionne les choix du constituant dérivé qui violaient les articles 103 et 27, qualifiés de dispositions intangibles. Une « révolution » sans doute qui permet au juge constitutionnel, hormis l’usage de son pouvoir de régulation, d’écrire l’une des décisions les plus appréciées, plus salvatrices, les plus audacieuses. En réalité, sans sortir des limbes de notre analyse, cette décision confirme qu’il ne faut jamais désespérer d’une jurisprudence mais surtout qu’une jurisprudence constante n’est pas une norme de référence. Elle peut aiguiller le juge constitutionnel, sans nécessairement forcer la voie à suivre.
En somme, cette décision illustrative de revirement de jurisprudence contribue à fortifier notre État de droit mais surtout marque d’un trait significatif : la hardiesse de la juridiction constitutionnelle. Elle rentre inexorablement dans l’histoire politico-institutionnelle du Sénégal. Le juge constitutionnel sénégalais à l’instar de celui centrafricain, béninois, du chief Justice Marshall, de Aharon Barak, de celui français en 1971 accède au panthéon des juges ayant pris, face à la clameur politique, leur courage pour dire le droit, rien que le droit. On ne peut que saluer cette prouesse malgré quelques réserves relatives à l’économie des moyens, le dessaisissement de la Cour suprême, la date d’organisation des élections. Si ces lacunes ne peuvent être occultées, on retient, in fine, comme le soulignait l’un des plus grands penseurs de la justice constitutionnelle, Georges Vedel : « le contrôle de constitutionnalité fait partie, si je puis employer une expression familière, du confort moderne des démocraties. Nous sommes (re) venues à l’instar de nos voisins (africains, c’est nous qui soulignons), comme est venu à la machine à laver et à la salle d’eau non par simple mode mais pour mieux vivre »[1].
[1] Georges Vedel, Entretien à la revue Le débat, n° 55, mars-avril, 1989.
par Mamadou Socrate Diop
MACKY SALL, CHRONIQUE D'UNE MORT REPORTÉE
À partir du 2 Avril (date de la fin officielle de son mandat), il risque de se rendre compte qu'il fallait mieux partir un peu plus tôt
Alors que l'élection présidentielle devait se tenir le 25 février 2024, le président Macky Sall, a décidé de reporter la date du scrutin. Surpris, beaucoup l'ont été, quoique, avec Macky Sall, en 12 ans de règne, rien n'est de trop, que, pour chaque acte qu'il pose, il envisage cette réponse-ci : est-ce qu'à la fin de la journée je suis président ? Si la réponse est oui, il fonce ; qu'importe s'il laisse des vies humaines sur le bitume, qu'importe s'il ravale la soupe qu'il a vomie la veille, qu'importe s'il faille pactiser avec l'ennemi, qu'importe, qu'importe...
Si la réponse est non, alors faudra travestir l'impossible, tordre le destin, revenir sur le temps, forcer, forcer et forcer pour encore se demander : est-ce qu'à la fin de la journée je suis président ?
Imaginer Macky Sall président quoiqu'il puisse arriver, c'est l'imaginer dans une dictature écrite avec les arguments de la démocratie, c'est l'imaginer dans la peau d'un démocrate qui a le fantasme d'un tyran, c'est l'imaginer en pèlerin, avec une carotte et un bâton, qui cherche pénitence dans la violence et la colère; c'est en langage plus simple comprendre un système qui s'accroche à "ce quelque chose" qu'il essaie de contrôler depuis des années : le temps, du temps pour mieux s'armer, du temps pour donner l'impression de partir, un pas vers la porte, un autre pour revenir, revenir pour mieux cogner, cogner et se vautrer plus confortablement dans son fauteuil.
Á chaque sortie, il révèle encore plus un des traits d'une personnalité complexe : qu'attendre de celui qui a forcé le bureau et voté sans présenter une pièce d'identité, de celui qui a promis de faire un premier mandat de cinq ans (pour finalement en faire 7), de celui qui s'est toujours arrangé pour se présenter aux élections face à plus faible, de celui qui a fait du pouvoir de nomination une arme redoutable pour toujours châtier l'impertinent qui oserait défier la machine, de celui qui a réussi à scinder la nation en deux : bénis ceux qui savent flatter l'égo du chef, gare à ceux qui oseraient dire au chef que son nez est un peu trop gauche, zut !...
Soit, ce report, comme certains veulent nous faire croire, n'est pas un coup sorti ex-nihilo de la besace du chef. Tout était prévu, et encore une fois, excusez si je me répète, il a posé sur la table, la seule question qui prévaut ses actes : est-ce qu'à la fin de la journée je suis président ?
Et cette fois-ci, comme n'étant pas sûr d'avoir un argument infaillible à faire avancer, alors, il pose le joker : reset, le jeu reprend à zéro ! Macky fait du Macky en se disant, j'en ai fait, fait et refait, je suis toujours président, je reste encore un peu, du temps, j'en ai, j'en aurais probablement, je retourne le jeu, échec et mat ! Mais il est difficile de l'imaginer encore revenir dans le jeu. Une barrière l'empêche d'avancer : ni lui-même, ni la communauté internationale, ni le peuple. Il attend le salut d'un homme, un homme qu'il "accuse" d'avoir sabordé son projet de 3e mandat, de l'avoir mis en mal avec le monde, d'avoir (probablement) anéanti ses chances pour un poste à l'international après le pouvoir : Ousmane Sonko. De lui, il en espère désormais une petite main tendue, un clin d'œil, une causerie... advienne que pourra même s'il lui faudra jouer sa survie à la roulette russe-que ça passe ou ça fracasse—, même si le susnommé est en prison, que de lourds chefs d'accusation pèsent ses épaules, l'essentiel est ailleurs pour le Macky : « viens, on oublie tout. », parce qu'il n'a pas vu venir Diomaye émerger de l'ombre, grandir, grandir si vite qu'on aurait pensé qu'il est Sonko lui-même.
« Diomaye Mooy Sonko » (littéralement : Diomaye c'est Sonko) pour un politique comme Macky qui n'a foi qu'aux sondages, est un horizon à ne pas ne jamais voir naître, une perspective à ne jamais entrevoir ; le scenario aurait été terrible pour lui : Diomaye en prison, son leader emprisonné, le parti qui le porte dissout, une bonne partie du directoire et des militants de 1ère heure en prison, voir ce même Diomaye, échappé du filtre du conseil constitutionnel avec une côte de popularité qui monte de jour en jour nonobstant les arguties tirées par les cheveux des sbires du régimes, journalistes pouilleux et éditorialistes en quête lambris au nom de la « mansuétude légendaire et de la magnitude » du chef et qui, sans nous voiler la face, probablement allait sortir au 1er tour, cette carte-là sur la table, pour le régime, elle était à déchirer ! Et tout le reste n'aura été que poudre de perlimpinpin : « des Yérimiades » pour soutenir l'insoutenable, la vieille rengaine absurde de « la raison d'Etat », une pseudo crise des institutions, une soudaine compassion pour un "petit vieux" exilé au Qatar, une commission d'enquête d'on ne sait quel motif (report, ou corruption de magistrat) jusqu'au jour où lors d'une récente interview, Macky parachève l'œuvre : c'est soit moi, soit l'armée, moi je suis une moindre, venez donc on dialogue.
Mais il oublie Macky que ce dialogue, c'est avec le peuple, un peuple qu'il a méprisé, un peuple auquel son régime a fait tant mal : une centaine de personnes tuées, des milliers de détenus politiques, des familles disloquées, des exilées...
Et comment pourra-t-il convaincre ce peuple, que l'ultime poignard (la confiscation de leur droit de vote), c'était pour son bien ?!
Car à vouloir toujours gagner un jour de plus pour organiser sa mort, on finit par se faire surprendre par la mort : tout ceci donne l'impression que ce report, dans l'imaginaire collectif, sonne comme une mort inéluctable, qu'il essaie de contrôler tant bien que mal. Et à partir du 2 Avril (date de la fin officielle de son mandat), il risque de se rendre compte qu'il fallait mieux partir un peu plus tôt, hélas un peu tard pour s'acheter un linceul et un cercueil...
LES ETUDIANTS DE L'UCAD MAINTIENNENT LA PRESSION
Lors d’un sit-in tenu hier, mercredi 21 février 2024, le Collectif des Amicales des étudiants de l’UCAD a exigé la réouverture de l’université et la reprise des cours en présentiel, dans les plus brefs délais
Les étudiants de l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar continuent de dénoncer la fermeture du temple du savoir, depuis le mois de juin dernier. Lors d’un sit-in tenu hier, mercredi 21 février 2024, le Collectif des Amicales des étudiants de l’UCAD a exigé la réouverture de l’université et la reprise des cours en présentiel, dans les plus brefs délais.
«Nous voulons étudier !» C’est le cri de cœur lancé par les étudiants de l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar. Hier, mercredi 21 février 2024, le Collectif des Amicales des étudiants l’UCAD a tenu un sit-in devant la Faculté de sciences juridiques et politiques (FSJP) pour réclamer la réouverture de l’université et la reprise des cours en présentiel. «Nous sommes là pour dénoncer ce qui se passe à l’UCAD, une fermeture inédite depuis neuf mois. Même dans les pays où il y a la guerre, les universités n’ont jamais été fermées. Mais aujourd’hui, l’Etat du Sénégal et les autorités universitaires se sont permis de fermer l’université pour neuf mois, livrant ainsi les étudiants à une précarité, à des conditions très difficiles. Il est inconcevable que les étudiants puissent utiliser le campus pédagogique de l’UCAD pour leurs révisions, mais qu’ils ne peuvent pas l’utiliser pour faire leurs examens», a fait savoir le président de l’Amicale des étudiants de la Faculté de médecine, Alioune Diallo.
Selon lui, il est temps de libérer l’université dans ce contexte de décrispation de l’espace public. «Dans un pays normal, l’UCAD serait la première institution à être libérée parce qu’un pays ne peut pas fonctionner sans une bonne éducation. Aujourd’hui, tout le monde sait que la crème de l’éducation sénégalaise est à l’Université Cheikh Anta Diop», a-t-il souligné.
Pour autant, Alioune Diallo annonce que certains étudiants ont déjà opté pour d’autres voies. «Beaucoup de nos camarades ont abandonné les études. D’autres ont péri dans l’Atlantique, ou bien sur le chemin du Nicaragua, toujours à la recherche d’un avenir meilleur. Il y a des étudiants aussi en détention. Nous continuons toujours de clamer leur innocence et de réclamer leur libération», a-t-il dit. C’est pourquoi il a demandé au Chef de l’Etat de libérer les étudiants qui sont toujours dans les liens de détention. L’Université Cheikh Anta Diop de Dakar a été fermée depuis le mois de juin 2023, suite aux violentes manifestations liées à la condamnation de l’opposant Ousmane Sonko dans une affaire de mœurs. En Conseil des ministres, le 14 février dernier, le Chef de l’Etat Macky Sall a demandé au Premier ministre et aux ministres concernés «de tenir une concertation-revue avec la communauté universitaire afin de trouver les voies et moyens rapides d’assurer le déroulement normal des enseignements et le déploiement adéquat des œuvres sociales».
NOUS N’AVONS JAMAIS ETE AUTORISES A VISITER LA PRISON
Seydi Gassama, décrypte la sortie du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, Aïssata Tall Sall, qui a nié l’incarcération d’enfants dans le cadre des manifestations politique.
La libération massive de détenus est plus une volonté de décrisper la tension politique. Les organisations de défense des droits de l’homme ne sont pas autorisées à visiter pour s’enquérir des conditions de détention de Rebeuss et pour voir s’il y a ou non des mineurs dans cette prison. C’est en ces termes que le Directeur exécutif d’Amnesty international Sénégal, Seydi Gassama, décrypte la sortie du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, Aïssata Tall Sall, qui a nié l’incarcération d’enfants dans le cadre des manifestations politique.
Le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, Aïssata Tall Sall, a réfuté, en conférence de presse avant-hier, mardi 20 février 2024, l’existence de détenus mineurs à la Maison d’arrêt de Reubeuss, malgré les déclarations d’anciens pensionnaires de ce lieu de détention, soutenant le contraire. Le Directeur exécutif d’Amnesty international section Sénégal, Seydi Gassama, interrogé sur la question, déclare : «on ne peut pas infirmer ni confirmer qu’il y a des détenus mineurs à Reubeuss».
La raison est, dit-il, que «nous n’avons jamais été autorisés à visiter Reubeuss. J’y étais une seule fois et c’est au début des années 2000.Depuis lors, nous n’avons jamais été autorisés, dans le cadre de notre travail, à visiter Reubeuss. Au mois d’avril passé, on avait l’autorisation d’y aller. Quand nous sommes arrivés, on nous a dit qu’on ne peut pas accéder à la détention pour discuter et rencontrer les détenus, comme nous le faisons dans toutes les prisons du Sénégal. Aucune ONG n’accède dans la détention, c’est-à-dire dans les cellules pour voir, interroger les détenus»
S’agissant des enquêtes sur les décès de manifestants, Seydi Gassama estime que, le ministre de la Justice n’a rien dit de nouveau. «Elle a fait le discours que tous les autres Gardes des Sceaux ont tenu dans le passé à savoir que des enquêtes sont ouvertes. Elles le sont à la suite des plaintes déposées par les familles des victimes. Amnesty et d’autres organisations comme la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (Raddho), la Ligue sénégalaise des droits humains (Lsdh) qui ont assisté les familles à porter plainte auprès du cabinet d’instruction. Mais, pour les cas de mars 2021, aucun acte d’instruction n’a été posé», affirme-t-il.
Seydi Gassama a trouvé, par ailleurs, que la conférence de presse d’Aïssata Tall Sall était nécessaire. «Dans le contexte actuel où on observe des libérations massives de détenus, il est nécessaire d’éclairer les Sénégalais sur les conditions dans lesquelles ces libérations ont lieu. Beaucoup de personnes pensent que les prisons ont été ouvertes et on a demandé aux gens de rentrer chez eux, sans que les procédures en vigueur soient respectées. Il était bon d’apporter ces précisions, pour éviter que la justice incarnée par les magistrats ne soit discréditée», soutient-il en qualifiant l’exercice, «d’une très bonne sortie».
Même si le défenseur des droits de l’homme trouve opportune le face avec face du Garde des Sceaux avec les journalistes, il n’est toutefois pas convaincu par les informations transmises. «Nous avons beaucoup de réserves quant au fond. Les libérations qui ont eues lieu, justifiées par la nécessité de désengorger les prisons, ne sont pas les vraies raisons. Cela fait des années que nous décrions les longues détentions préventives, les conditions à Reubeuss. Je pense clairement que ces libérations entrent dans le cadre des mesures préconisées par le président de la République, Macky Sall, lors du Conseil des ministres du 7 février», estime Seydi Gassama qui rappelle qu’à cet effet, le chef de l’Etat, Macky Sall, disait avoir donné instruction au Garde des Sceaux, de prendre des mesures destinées à décrisper la situation politique. Seydi Gassama reconnait, par ailleurs, qu’Aïssata Tall Sall a comme préoccupation d’éviter que les gens soient détenus pendant longtemps sans être jugés.
DIOMAYE PRÉSIDENT DURCIT LE TON FACE AU MUTISME DE MACKY SALL
La Coalition refuse tout compromis sur le calendrier électoral et réclame la libération des détenus politiques. Elle ne participera à aucune concertation politique si la présidentielle n'est pas programmée dans les plus brefs délais
SenePlus publie ci-dessous, le communiqué de la Coalition Diomaye Président daté du 21 février 2024, à propos de la situation sociopolitique nationale.
"Alpha Tounkara, Modou Gueye, Landing Camara et maintenant Prosper Clédor Senghor. Quatre noms qui s'ajoutent à la longue liste des martyrs de la lutte pour le respect de la Constitution.
Quatre vies qui ont été prises trop tôt. Quatre vies de trop. Puissent-ils être accueillis par notre Seigneur dans Son Paradis.
La Coalition Diomaye Président présente ses sincères condoléances à leur famille et plus particulièrement aux étudiants de l’Université Gaston Berger. Que leur âme repose en paix.
Malgré l'annonce d'une prise de parole du président, ce jeudi 22 février, la coalition Diomaye Président ne peut que constater, avec regret, qu'une semaine après la décision du Conseil constitutionnel n°1/c/2024 annulant le décret présidentiel du 3 février 2024 et la loi constitutionnelle du 5 février 2024, le président de la République a jusqu'ici refusé de convoquer le corps électoral pour organiser l’élection présidentielle avant la date d'expiration de son mandat (considérant 14 de la décision du Conseil constitutionnel). Nonobstant son engagement à « faire pleinement exécuter la décision du Conseil constitutionnel » du 15 février 2024, ce mutisme participe à nourrir une incertitude juridique et politique dont il est l'unique responsable. Il n'y a aucune justification a ce dilatoire entretenu au plus haut sommet de l’Etat. Faudrait-il enregistrer d'autres morts à la suite de manifestations pour contraindre le président Macky Sall à appliquer enfin la décision du Conseil constitutionnel ?
La coalition Diomaye Président tient à préciser, d'un commun accord avec le Collectif des candidats, qu'elle ne saurait s'engager que sur une concertation dont l'objet exclusif porte sur la fixation sans délai de la date de l'élection présidentielle. Elle rappelle au président Macky Sall qu'aucun dialogue ne saurait primer sur le respect, sans concession, des principes et des règles qui fondent notre République. Le respect de la Constitution et des décisions du Conseil constitutionnel ne peut faire l'objet d'aucune compromission sur le dos du peuple souverain.
Le peuple sénégalais est en droit d'élire son prochain président dans les délais inextensibles fixés par le Conseil constitutionnel. Tout dialogue ne pourra se faire qu'après la prestation de serment du prochain président, qui aura dès lors toute la légitimité pour reconstruire la cohésion nationale et le vivre-ensemble.
Dans l'attente de la communication du président Macky Sall, la coalition Diomaye Président appelle à la vigilance du peuple sénégalais, des forces vives de la nation et de la communauté internationale. Elle exige la poursuite du processus électoral en cours tel que confirmé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 20 février 2024 réaménageant la liste des candidats conformément à l'article 34 de la Constitution. En outre, la coalition réclame la libération de tous les détenus politiques qui sont simplement victimes de l'arbitraire du pouvoir.
La coalition exhorte les Sénégalais à faire preuve d'une mobilisation sans faille pour défendre leur Constitution et les acquis démocratiques conquis de haute lutte et qui font la stabilité et la fierté de notre pays.
La coalition Diomaye rappelle au président Macky Sall que l'éthique est une vertu non négociable. Par conséquent, elle ne saurait déroger à la radicalité qui a été jusqu'ici la sienne lorsqu'il s'agit de défendre l'ordre constitutionnel, la légalité et l’État de droit."
LA MISE EN GARDE DE KADER BOYE
L'éminent juriste décortique l'arrêt du Conseil constitutionnel et prévient du risque de dérive autoritaire que représenterait la tenue d'élection après le 2 avril. Pour l'ancien recteur de l'UCAD, l'article 36 de la Constitution ne peut être invoqué
Le Sénégal risque de faire un saut vers l’inconnu si l’élection présidentielle n’est pas tenue avant l’expiration du mandat du président de la République, le 2 avril prochain. C’est la conviction du Professeur agrégé en droit, Kader Boye.
Ancien Recteur de l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD), Président de la plateforme «Le Sursaut citoyen», Groupe de réflexion et d’action, Professeur Boye s’est entretenu avec Sud Quotidien en revenant sur l’intangibilité du mandat du président de la République qui a été rappelé par le Conseil Constitutionnel non sans recadrer ceux qui évoquent l’article 36 de la Constitution pour maintenir le président Sall au pouvoir.
Professeur Kader Boye sort à nouveau du bois. Connu pour son franc parler et surtout sa maitrise des textes de lois qui régissent la République du Sénégal, l’ancien Recteur de l’UCAD, Président de la plateforme «Le Sursaut citoyen», Groupe de réflexion et d’action a décortiqué l’arrêt du Conseil Constitutionnel et alerté sur le chaos qui guette le Sénégal si l’élection présidentielle n’est pas tenue avant l’expiration du mandat du président de la République, le 2 avril prochain.
«Le conseil constitutionnel dit deux choses au Président de la République : Vous ne pouvez pas proroger votre mandat audelà de sa date d’expiration. Vous ne pouvez ni l’écourter, ni le prolonger. Par conséquent, j’annule la loi qui a été votée par l’Assemblée nationale. Vous ne pouvez pas non plus, par décret annuler le décret convoquant le collège électoral», analyse Professeur Kader Boye.
Et d’ajouter, «Ensuite, il demande aux autorités compétentes pas seulement au Président de la République, de prendre des mesures pour organiser l’élection dans les meilleurs délais. C’est-à-dire qu’en plus du président de la République, il y a le ministère de l’Intérieur, la Cena etc. Ce sont eux qui organisent les élections de manière pratique. Il demande à ces autorités, chacune en ce qui la concerne par la loi, d’organiser l’élection présidentielle dans les meilleurs délais. C’està-dire avant que le mandat du président expire»
Alors que certains brandissent l’article 36 de la Constitution pour défendre le maintien du président de la République, jusqu’à l’installation de son successeur, même au delà du 2 avril prochain, Professeur Kader Boye prend leur contre-pied et précise.
Pourrappel, cet article dit ceci : «Le Président de la République élu entre en fonction après la proclamation définitive de son élection et l’expiration du mandat de son prédécesseur. Le Président de la République en exercice reste en fonction jusqu’à l’installation de son successeur. Au cas où le Président de la République élu décède, se trouve définitivement empêché ou renonce au bénéfice de son élection avant son entrée en fonction, il est procédé à de nouvelles élections dans les conditions prévues à l’article 31».
La «normalité» de l’article 36
Selon lui, «l’article 36 vise un cas très simple qui est la normalité. C’est au cas où il y a eu élection présidentielle et qu’il y a eu un candidat qui a été élu. C’est dans le cas où un élu prête serment. Après avoir pris le serment, ily a un jour de plus et puis le Président sortant lui transmet les pouvoirs et s’en va. Mais quand il n’y pas élection, qu’est-ce qu’il va faire au pouvoir ? On ne peut plus invoquer cet article».
A la question de savoir si l’élection présidentielle se tient après le 2 avril, Kader Boye annonce qu’il y aura un risque de chaos dans le pays, le cas échéant. «C’est ça le chaos qu’il veut faire», tranche-t-il. Et d’ajouter, «ou il (le président de la République, Ndlr) démissionne, ou bien il va dire, on reste là et on va dissoudre le Conseil Constitutionnel».
Or, s’empresse-t-il de préciser, «le Conseil va lui rétorquer que vous n’êtes plus président ! Le cas échéant, il y aura un conflit ouvert. S’il ne tient pas l’élection présidentielle avant le 2 avril, il va installer le chaos».
Avant de revenir à nouveau sur l’article 36 qui, martèle-t-il, ne concerne pas du tout cette hypothèse-là. «L’article 36 a toujours existé. Parce que jamais dans cette République, une élection ne s’est déroulée au-delà de la date d’expiration du mandat du président de la République. Donc, si on élit et que l’élu prête le serment, il est président de la République. Avant qu’il ne prête serment le président sortant reste en fonction avant de lui donner les pouvoirs. C’est tout ! Mais quand il n’y a pas d’élection, cet article ne peut pas être invoqué», tranche-t-il.