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14 mars 2025
Par Fadel DIA
«NUL N’A LE DROIT DE SE DESINTERESSER DES CONSEQUENCES DE SES ACTES»
Wade a manqué de sens des responsabilités. Cela avait été le cas quand, chef de l’Éat, il avait pris à partie une communauté religieuse, décrié une confrérie, et stigmatisé une composante ethnique. La retraite ne l’a pas changé
Si l’on en croit le sociologue allemand Max Weber, l’homme politique, qu’il opposait à l’homme de sciences- et, j’ajoute, tout particulièrement celui qui prétend au titre d’homme d’État- doit avoir trois qualités : la patience, le sens des responsabilités et... le coup d’œil ! Pour son grand malheur Abdoulaye Wade a manqué des trois...
Il a manqué de patience car quelle urgence y avait-il à vouloir imposer à son fils une marche forcée vers le pouvoir suprême, alors que lui-même a mis des décennies pour venir à bout des sarcasmes (rappelez-vous des «thiakhaneries» dont l’affublait le président Senghor), de l’appareil d’État et de l’hostilité des grandes puissances et pour conquérir de haute lutte le titre de président de la République.
Karim Wade n’est qu’à la fleur de l’âge, quand son père a été élu pour la première fois à près de soixante quinze ans. A quarante ans il gérait le quart du budget de l’Etat, sans avoir le moindre mandat électif et sans même maîtriser la langue dominante du pays, celle qui avait permis à son père de retourner les foules et de mettre les rieurs de son côté.
A l’élection présidentielle de 2022 (dans l’hypothèse où le président Sall aura rempli deux mandats de cinq ans) il n’aura pas 55 ans et s’il gagne il ne le devra qu’à lui-même. Pour lui le temps est plutôt un allié. Dès lors pourquoi Wade impose-t-il aux ténors du PDS, dont certains ont deux ou trois décennies de combat politique derrière eux ou exerçaient des mandats électifs avant son arrivée au pouvoir, l’humiliation de céder leur place à un «gamin» qui n’a jamais rien conquis par lui-même ?
Wade a manqué de sens des responsabilités. Cela avait été déjà le cas quand, dans ses fonctions de président de la République, il avait, contrairement à ses prédécesseurs, pris à partie une communauté religieuse, décrié une confrérie, et stigmatisé une composante ethnique. La retraite ne l’a pas changé. Quand on a été, comme lui, le premier chef d’état élu démocratiquement à la tête de son pays et fait ainsi la démonstration que le vrai pouvoir est celui du peuple, on n’a plus le droit de jouer au pistolero, d’inviter à la désobéissance civile, d’appeler l’armée à la rescousse, de solliciter une intervention étrangère.
Dans une démocratie, la place d’un ancien Président de la République n’est pas dans le maquis, mais dans le très confortable fauteuil de la sagesse et du bon conseil, celui d’un homme totalement et définitivement libre…
Enfin, Wade, et c’est peut-être moins étonnant, à son âge, a manqué de coup d’œil. De sa maison de Versailles, de son balcon de Fann, il ne s’est pas aperçu que le pays avait changé. En 2000, 65 % des électeurs de 18 à 30 ans avaient voté pour lui, et ce sont les mêmes qui, dix ans plus tard, ont assiégé le Parlement pour le contraindre à reculer. Aujourd’hui plus de 40 % des Sénégalais ont moins de 14 ans, n’étaient donc pas nés quand il est arrivé au pouvoir et ne connaissent rien de lui. A le voir escalader difficilement les marches des escaliers, ils ne voient en lui que l’un des 2500 (deux mille cinq cents !) Sénégalais qui ont 90 ans ou plus ! Wade peut être encore pathétique, il ne peut plus prétendre à l’exaltation de la jeunesse. S’il avait eu un bon coup d’œil, il n’aurait pas parié sur son fils mais sur le Sénégal.
Mais il ne suffit pas de dire que Wade a tort et que son fils n’a fait que suivre ses pas .Si la classe politique sénégalaise, et d’une certaine manière nos institutions elles-mêmes, perdent un peu de leur crédibilité, c’est que ces défauts qu’on lui reconnait sont plus répandus qu’on ne pense. C’est pour cette raison que la condamnation de Karim Wade, si symbolique soit-elle, n’a de sens que si elle est le signe d’un vrai changement dans l’idée même que nos gouvernants se font de la politique. La CREI a enrichi des enquêteurs, elle n’a pas débusqué les sommes d’argent faramineuses que l’on attribuait au fils de l’ancien chef de l’état au début du procès. Mais elle a mis en évidence un système pernicieux de gestion du patrimoine public qui conjuguait trafic d’influence, favoritisme, prise illégale d’intérêts et, en fin de compte, abus de faiblesse à l’encontre d’un patriarche assiégé par des courtisans .Quand on a été « Ministre du Ciel et de la Terre », on ne peut pas affirmer tout de go qu’on a aucune responsabilité dans ce pillage. Toutefois la mission de la justice ne peut pas se réduire à poursuivre un homme, elle doit conduire à chasser le mal, non rendre gorge à quelques boucs émissaires, mais à faire comprendre à tous que « nul n’a le droit de se désintéresser des conséquences de ses actes » (1).C’est en ce sens que Karim Wade a manqué à sa responsabilité en boycottant partiellement son procès au lieu de faire face à ses accusateurs dont certains avaient été ses collaborateurs ou ses partenaires. Peut-être qu’à défaut de convaincre, un aveu d’inexpérience aurait touché ses juges.
Tirerons-nous, au moins, une leçon de ce long déballage ? Les hommes et femmes investis dans des responsabilités publiques sont-ils désormais prêts à ne pas nourrir ce qu’ils désapprouvent, à assumer les conséquences de leurs actes, à cesser de se justifier en mettant leurs erreurs sur le dos de leur marabout, de leur gestionnaire, de la fatalité ou du diable ?
Bien entendu, pour que cette mutation puisse s’exercer il faut qu’à leur tour, ceux qui gouvernent, et leurs démembrements, ne nourrissent pas eux-mêmes l’irresponsabilité .C’est pourtant ce qu’ils font lorsqu’ils n’ont le choix qu’entre obliger (emprisonnement) ou interdire (refus de toute manifestation). Ainsi, et à titre d’exemple, lorsque les médias d’état snobent les propos de Wade, même quand tout le pays est suspendu à ses lèvres, même lorsqu’il appelle à la condamnation de la violence, ils ne trahissent pas seulement leur mission de service public, ils font preuve de manque de confiance dans le jugement de l’ensemble des Sénégalais.
La promotion de la bonne gouvernance, clamée urbi et orbi par l’actuel chef de l’Etat au lendemain de son accession à la magistrature suprême le 25 mars 2012, est-elle devenue une réalité effective après trois années d’exercice du pouvoir, sous la dictée de Macky Sall ? En tout cas, pour certains acteurs de la scène politico-sociale comme Birahim Seck du Forum civil, Moussa Sarr de la Ld et Joe Diop de Yoonu Askan wi, les avis sont presque unanimes. Les efforts de Macky Sall et son régime dans ce domaine se limitent seulement sur le plan théorique. Autrement dit, dans la mise en place des textes visant à mettre fin aux mauvaises pratiques dans la gestion des deniers publics.
«Le régime du président Macky Sall a fait des efforts. Nous pouvons même dire qu’il y a incontestablement des avancées. J’en veux pour preuve, la création d’un certain nombre d’organes de contrôle dont l’Office national de lutte contre la corruption (Ofnac). Je crois qu’il est important dans un pays de demander aux administrateurs de crédit d’un certain montant de déclarer leur patrimoine, lors de leur prise de responsabilité dans la gestion des affaires publiques. C’est important dans le sens où cela va permettre de mesurer les avoirs de ceux qui nous dirigent au moment où ils quitteront leurs fonctions», a estimé ainsi Moussa Sarr, porte-parole de la Ligue démocratique (Ld-mouvance présidentielle).
Poursuivant son propos, le « Jallarbiste » a également rappelé un certain nombre de mesures allant dans le sens de la réduction du train de vie de l’État, prises par Macky Sall dès son arrivée à la tête de l’État et qui participent à la matérialisation du concept de «gouvernance vertueuse». «Aujourd’hui, si on prend l’exemple du téléphone, les crédits de téléphone alloués aux ayants droit dans l’administration sont fortement réduits. On peut aussi donner l’exemple des logements conventionnés. Il y a de cela quelques années, beaucoup de Sénégalais avaient occupé ces logements alors qu’ils n’en avaient pas droit».
Abondant dans le même sens, Birahim Seck du Forum civil a reconnu lui aussi que «le Sénégal sous le régime du président Sall a fait un grand bond en avant en matière de production des textes de promotion de la bonne gouvernance et de la lutte contre corruption». Selon lui, outre le déclenchement de la traque des biens supposés mal acquis qui est un élément très important dans la promotion de la bonne gouvernance et la lutte contre la prédation des deniers publics, l’actuel pouvoir a procédé à la consolidation d’un certain nombre de mesures législatives prises par le régime de Wade relatives à la promotion de la bonne gouvernance.
Nonobstant ces efforts consentis par le président de l’Alliance pour la République (Apr) et non moins chef de l’Etat, ces acteurs estiment que le chemin de la bonne gouvernance est encore long. Les efforts en matière d’adoption des textes sont tout simplement l’arbre qui cache la forêt, selon eux. « Si, du point de vue théorique, on peut dire qu’il a eu une avancée assez importante, au niveau de la pratique, le régime de Macky Sall n’a pas fait grand-chose », estime ainsi Birahim Seck du Forum civil. Indiquant qu’il ne s’agit pas de prendre des textes mais surtout de les appliquer. Il a déploré entre autres la réticence globale des tenants actuels du pouvoir à se soumettre à la loi portant sur la déclaration de patrimoine, le non-respect des articles 50, 70 et 73 de la loi 2011-15 du 08 juillet 2011 portant loi organique relative aux lois de finances.
«Le régime de Macky Sall pêche toujours concernant l’application de la loi sur la publication des contrats publics tels les contrats miniers, les contrats de marchés publics. La plupart des contrats passés par le gouvernement n’ont pas fait l’objet d’un appel à la concurrence. Ils ont été signés par entente directe. Le dernier rapport produit par l’Autorité de régulation des marchés publics montre à suffisance que des irrégularités et inégalités sont toujours d’actualité sous le régime du Président Sall».
Dans la même dynamique, Moussa Sarr de la Ld dira : «Il faut noter que tout n’est pas rose et qu’il y a encore des efforts à faire notamment dans le domaine de la justice. Ces efforts doivent aller vers le sens du renforcement de l’indépendance de la justice qui est un élément essentiel dans la bonne gouvernance ».
Interpellé sur le même sujet, Joe Diop, un des membres fondateurs de Yoonu Askan wi indiquera sans fioritures : «Le régime actuel et celui d’hier, c’est la même substance. Ils ont les mêmes pratiques sociales et les mêmes orientations. Qu’on ne nous divertisse pas».
Estimant que la pratique sociale est le seul critère de la vérité, il a précisé que l’actuel régime cherche tout simplement à endormir les gens comme ce fut le cas dans le cadre de traque des biens supposés mal acquis. «Ce n’est pas parce qu’ils ont condamné entre guillemets Karim Wade que forcément, on va dire qu’il y a bonne gouvernance ou la fin des injustices sociales. C’est faux ! Puisqu’il y a plusieurs Karim Wade parmi ceux qui ne sont pas inquiétés. S’ils veulent vraiment mettre fin à la mauvaise gestion des deniers publics, ils doivent commencer par se débarrasser des Karim Wade au niveau de l’Etat», a-t-il conclu.
Interpellé par ailleurs sur la lancinante question du chômage des jeunes dans le pays, Mame Mbaye Niang a reconnu sans ambages que «le problème majeur des Sénégalais demeure et reste le problème de l’emploi».
Poursuivant son commentaire, il a indiqué que «sur 100 mille demandeurs d’emploi, 5% disposent d’une formation qualifiée, certifiée ou attestée par un diplôme. 42% n’ont pas de qualification, le reste dispose certes d’une qualification, mais ils n’ont pas été certifiés». Pis, soutient-t-il, la majeure partie des diplômes sont dans des rubriques telles que banque, finance, gestion qui ne sont pas données à tous.
Pour autant, il a estimé qu’il y a un changement de paradigme du président de la République sur la vision de l’employabilité et sur l’emploi. D’où, selon lui, les solutions structurelles apportées par Macky Sall, à savoir la réforme universitaire, la création de 17 lycées techniques et professionnels, ainsi que la construction de deux universités basées sur l’agriculture, les sciences et techniques.
450 mille emplois en 5 ans
Le ministre a en outre annoncé qu’il s’est engagé à dépasser les 300 mille emplois (en réalité 500 mille en 7 ans), promis par Macky Sall, si toutefois son mandat est réduit à 5 ans, pour aller au delà des 450 mille emplois. Pour y arriver, a-t-il fait savoir, le Programme d’aménagement des domaines agricoles communautaires (Prodac) (300 mille emplois), l’Agence nationale pour la promotion des jeunes (Anpj) (ayant en ligne de mire 110 mille jeunes), sont les deux bras armés du ministère qui ont été mis en place pour accompagner les jeunes à trouver un emploi ou à renforcer leur employabilité.
PAR MAÎTRE MBAYE-JACQUES NDIAYE
ENRICHISSEMENT ILLICITE : LE DROIT PÉNAL À L’ÉPREUVE DES AUTRES BRANCHES DU DROIT, DE LA FINANCE, DE LA FIDUCIE, DE LA FISCALITÉDE LA COMPTABILITÉ ET DE L’ÉCONOMIE
La partie qui poursuit en matière d’enrichissement illicite, pour prouver l’existence d’un ayant droit économique non apparent ou d’une société écran, doit produire soit la convention de porte-fort, soit des actions nominatives...
Le 10 juillet 1981, le législateur sénégalais vota la Loi N° 81-53 créant un délit spécial : l’enrichissement illicite, prévu et puni par l’article 163 bis du Code pénal.
Une analyse sommaire de l’exposé des motifs permet de comprendre qu’à travers cette infraction, la volonté politique était de lutter exclusivement et efficacement contre la corruption des fonctionnaires, «forme plus insidieuse d’action illicite qui n’apparaît jamais au grand jour, le corrupteur et le corrompu unis et solidaires, gardant leur secret, puisqu’ils sont menacés des mêmes pe».
Donc, a priori et vraisemblablement, il ne peut y avoir d’enrichissement illicite là où il n’existe pas de corrupteur et de corrompu.
Autrement dit, nul ne peut être condamné pour enrichissement illicite s’il n’a été au préalable reconnu coupable du délit de corruption.
L’article 163 bis du Code pénal décrit des indices d’enrichissement illicite à partir de deux notions :
Patrimoine Train de vie. Le texte qui prévoit la liberté de la preuve de l’origine licite des éléments du Patrimoine atténue ce mode d’administration de la preuve en ce qui concerne les libéralités.
S’il est vrai que le Droit pénal est un droit autonome et exorbitant du Droit commun, il n’en demeure pas moins qu’il ne doit pas avoir pour fonction de fouler du pied les autres règles d’ordre public préétablies dans les autres branches du droit : droit des biens, droit de la famille, droit administratif, droit des sociétés, droit international public et privé.
L’enrichissement illicite étant par essence un délit financier, le Droit pénal ne peut le traiter en ignorant les règles de la Finance, de la Fiscalité, de la Fiducie, de la Comptabilité, des Techniques bancaires et de l’Economie.
Par conséquent, l’appréciation de cette infraction requiert de la part des praticiens du droit, des connaissances solides dans les matières de droit précitées et l’assistance de professionnels dans les autres branches détachées du droit pur.
Nous allons ici analyser sommairement les notions clés visées par la Loi.
Train de vie :
Cette expression vient d’être admise pour la première fois en droit positif. Il s’agit d’une locution et non d’une notion de droit. Le train de vie, c’est la manière de vivre d’une personne par rapport à ses revenus.
La prise en compte de cette locution comme indice d’enrichissement illicite, constitue une violation de l’intimité en ce que le fonctionnaire dont le conjoint est riche peut parfaitement jouir de cette situation pour conduire de belles voitures, habiter dans une belle résidence et manger du caviar à satiété. Une telle situation peut aussi servir de dissimulation.
Est-ce que cela doit être de nature à interdire à un fonctionnaire de prendre tout son salaire pour acheter un seul bijou ? Est-ce à faire admettre que le fonctionnaire n’a nullement droit au luxe ?
Est-ce que cela veut dire que le fonctionnaire doit symboliser la pauvreté ? Voilà autant de questions qui laissent dubitatif.
Le Patrimoine :
La notion de patrimoine n’est pas exclusivement propre au Droit.
Le patrimoine est envisagé comme une universalité de droits, car tout l’actif répond du passif. Elle est aussi une notion financière et comptable.
En Droit, le Patrimoine est défini comme l’ensemble des biens, des droits et des obligations d’une personne physique ou morale.
En comptabilité, Patrimoine = Biens – Dettes.
Exemple : A détient des biens (meubles et immeubles) d’une valeur de 100 Francs et des dettes de 25 Francs.
Donc, son patrimoine est de 75 Francs.
Le moment de l’appréciation du patrimoine est déterminant dans la constitution de l’infraction. A ce propos, la Loi fixe ce moment à la date de la réponse à la mise en demeure d’avoir à justifier de l’origine licite.
L’article 163 bis du Code pénal parle de la possession d’un patrimoine ou d’un train de vie, ce qui renvoie au présent et exclut le passé. D’ailleurs, l’exposé des motifs précise : Patrimoine actuel. Dès lors, tous les biens aliénés avant la mise en demeure ne doivent plus être comptés parmi les éléments du patrimoine de la personne poursuivie.
Exemple: si à la date de la mise en demeure, la personne poursuivie avait déjà vendu ses maisons, on ne peut considérer ces maisons comme éléments de son patrimoine.
Il en est de même des comptes bancaires. Seul doit être pris en compte le solde créditeur au jour de la mise en demeure puisque là aussi, les montants passés au débit échappent naturellement aux éléments du patrimoine.
La notion de patrimoine appelle également une réflexion approfondie sur la distinction qu’il faut opérer entre le patrimoine de la personne physique et celui de la personne morale dont il détient le contrôle selon que la personne physique est majoritaire dans l’actionnariat ou selon qu’elle est actionnaire unique avec une prise en compte de la forme de la société qui commande l’étendue de la responsabilité vis-à-vis des tiers.
Mais, ce qu’il faut surtout retenir, c’est que le patrimoine de la personne physique est nettement distinct de celui de la personne morale.
Cependant, le recours à la fiducie ne doit pas être perdu de vue.
Ce type de convention tripartite (entre le titulaire des droits appelé constituant, le fiduciaire et le bénéficiaire) d’origine anglo-américaine était inconnue du droit français jusqu’à la loi du 19 février 2007.
Le législateur français était particulièrement hésitant eu égard aux risques d’atteinte aux règles d’ordre public relatives aux successions et aux libéralités ainsi qu’aux risques de dissimulation des opérations de blanchiment de capitaux ou d’évasion fiscale, d’où les exigences de neutralité et de transparence fiscales. Il s’agit d’un patrimoine d’affectation individualisé et considéré comme instrument de gestion ou comme sureté.
La convention de fiducie doit être écrite et enregistrée à peine de nullité. Cette convention est nulle de nullité absolue si elle procède d’une intention libérale au profit du bénéficiaire et encourt de lourdes sanctions fiscales. Cependant, la fiducie prend en compte la notion de bénéficiaire économique qui est le véritable propriétaire d’une société Offshore et qui perçoit tous les fruits et bénéfices du montage.
Il est l’ayant droit économique pour le compte de qui toutes les opérations sont exécutées. Le bénéficiaire économique est toujours apparent et est assez souvent porteur de parts ou d’actions nominatives ou au porteur. Le bénéficiaire économique peut préserver l’anonymat (ce qui n’est pas interdit), mais par le biais d’un actionnaire fiduciaire via une convention de porte-fort, nécessairement.
Les banques ont l’obligation légale de demander à connaître l’ayant droit économique, faute de quoi, les sociétés qui traitent avec elles dans le Trustee ne peuvent être qualifiées d’écran.
Dès lors, la partie qui poursuit en matière d’enrichissement illicite, pour prouver l’existence d’un ayant droit économique non apparent ou d’une société écran, doit produire soit la convention de porte-fort, soit des actions nominatives, à défaut d’obtenir la main levée du secret bancaire puisque les législations en la matière ont mis en place un système permettant de ne favoriser ni le blanchiment de capitaux, ni l’évasion fiscale.
Il s’y ajoute que l’évaluation du Patrimoine d’une société commerciale doit faire l’objet d’une expertise et que l’on ne peut pas évaluer ce patrimoine sans tenir compte des dettes de cette personne morale dans la mesure où seuls, les investissements ne peuvent servir d’évaluation.
Mieux, la loi n’interdit pas aux personnes visées à l’article 163 bis d’être actionnaires ou associés dans une société commerciale.
Origine licite des ressources, revenus légaux et enrichissement illicite :
La licéité et la légalité renvoient à la Morale et à la Loi. Ni la Morale, ni la Loi n’interdisent aux personnes d’être riches conformément aux règles. Mais peut-on considérer que les personnes visées par l’article 163 bis en étant actionnaires d’une société commerciale sans la diriger se seraient illicitement enrichies ? Est-il interdit à une personne titulaire d’un mandat électif de diriger une société commerciale ou d’en être l’actionnaire unique ? Les revenus tirés de telles activités sont-ils illicites ?
Le renversement de la charge de la preuve :
Les principes directeurs du procès pénal universellement admis veulent que la personne qui poursuit rapporte la preuve de son accusation. Notre système n’est pas inquisitorial, mais accusatoire, obligeant le procureur maître des poursuites, de prouver l’accusation.
Dans l’administration de cette preuve, il doit respecter toutes les règles préétablies par exemple :
En matière immobilière, l’état des droits réels ou le titre foncier doit être produits ou dans une moindre mesure l’acte administratif d’attribution ;
En matière de sociétés, les Statuts ou les Titres doivent être produits ;
En matière mobilière, même si possession vaut titre, la preuve écrite peut être exigée.
Une réflexion à part doit être menée en matière de donations faites entre époux ou entre parents et enfants avec la prise en compte de l’impossibilité morale de se pré-constituer une preuve écrite. Les libéralités visées par l’article 163 bis sont celles qui présentent des relents de corruption lorsqu’elles sont faites directement par une tierce personne qui attend en retour des faveurs ou des avantages indus de l’Etat et de ses démembrements.
D’ailleurs, l’équité commande que le Parquet spécial démontre suffisamment en quoi l’abus d’une qualité ou d’une fonction a pu enrichir un individu.
Le renversement de la charge de la preuve, en plus de violer les principes directeurs du procès pénal, met la partie poursuivante dans une situation si privilégiée que le procès ne peut en aucune façon être équitable.
Comment rapporter la preuve contraire d’un fait négatif ?
Le renversement de la charge de la preuve n’a de sens que lorsque la preuve du Parquet est irréfutable.
Le caractère politique des poursuites en matière d’enrichissement illicite est la consécration de la violation de la présomption d’innocence. Au demeurant, il faut souligner que le délit d’enrichissement illicite est différemment apprécié et conçu dans d’autres législations.
Au Liban, le parlementaire Boutros Harb avait déposé une Proposition de loi dans ce sens, après avoir fait une déclaration de patrimoine, quand bien même un tel délit était prévu dans une loi élaborée depuis 1953. Mais des parlementaires et des avocats ont posé le débat sous l’angle de l’opportunité d’une telle loi à partir du moment où il existe des lois qui prévoient et répriment les délits financiers et économiques commis par les fonctionnaires.
Au Mali, la loi N° 82-39 du 26 mars 1982 sur la répression de l’enrichissement illicite me paraît plus conforme aux principes de Droit. Après avoir rappelé que la propriété est garantie par la Constitution et que l’acquisition de tous biens doit être licite, la loi malienne définit les biens illicites comme ceux acquis à l’aide d’infractions : vol, corruption, concussion, extorsion de fonds, trafic d’influence, fraudes économiques ou fiscales, perception de commission ou tout autre moyen analogue en fraude des droits de l’Etat, des Collectivités, des sociétés et entreprises de l’Etat, des divers Organismes publics ou parapublics.
Seuls sont visés les fonctionnaires civils ou militaires, les employés de l’Etat, des Collectivités publics, des sociétés et entreprises de l’Etat, des divers Organismes publics ou parapublics. Et dans la loi malienne, il s’agit juste d’interpeller ces personnes dont l’état de fortune est présumé illicite et de mener des investigations, conformément au Code de procédure pénale.
A défaut d’abroger la loi sur l’enrichissement illicite et la Crei, l’Etat du Sénégal devra procéder au toilettage de l’article 163 bis du Code pénal en s’inspirant fortement de la loi malienne de 1982 qui a l’avantage d’être claire et de bien respecter les règles d’équité d’autant qu’il y est indiqué que la responsabilité pénale des Agents publics chargés des contrôles ou des inspections peut être recherchée et sanctionnée s’il est prouvé qu’ils ont manqué aux devoirs du contrôle et l’inspection qui leur incombe.
La loi sénégalaise sur l’enrichissement illicite n’est pas précise.
Notre législateur doit réfléchir sur :
Les conditions de poursuites des personnes visées en prenant en compte le régime des incompabilités ;
La notion de Patrimoine qui doit être clairement appréhendée ;
Le mode d’administration de la preuve par le Parquet spécial qui doit se conformer aux autres règles du droit qui viennent se greffer au Droit pénal ;
Le bannissement du renversement de la charge de la preuve ;
Et la formation et la spécialisation en matière de délits financiers et économiques.
MACKY TIENT SA PROMESSE ELECTORALE
RELANCE DE LA SEMAINE NATIONALE DE LA JEUNESSE DU 2 AU 9 AVRIL
La relance de la Semaine nationale de la jeunesse, prévue du 2 au 9 avril prochain à Dakar, est l’effectivité d’une promesse électorale du chef de l’Etat, Macky Sall en 2012. De l’avis du ministre de la Jeunesse, Mame Mbaye Niang, en conférence de presse hier, vendredi 27 mars, 3000 jeunes issus des 14 régions du Sénégal convergeront vers la capitale, pour un budget de 250 millions. L’édition 2015, placée sous le signe de «La citoyenneté des jeunes pour un Sénégal émergent», a pour parrain Lamine Diack et Marie Louise Corréa comme marraine.
Remplacée en 2000 par «les vacances citoyennes», la Semaine nationale de la jeunesse, déjà précédée par les semaines départementales et régionales des deux dernières années, sera organisée cette fois à Dakar du 2 au 9 avril prochain. Au total, 3000 jeunes venus des 14 régions du pays, ainsi que ceux des pays de la sous-région, convergeront vers la capitale sénégalaise. Face à la presse hier, vendredi 27 mars, le ministre de la Jeunesse, de l’emploi et de la construction citoyenne, Mame Mbaye Niang, a confié que «les vacances citoyennes ont été évaluées par les services. Il y a eu une forte demande de la jeunesse pour le retour de la semaine de la jeunesse. Il y a eu l’engagement du candidat Macky Sall aux élections présidentielles de 2012».
A l’en croire, ses services respectent ainsi l’engagement du chef de l’Etat, étant candidat, non sans admettre qu’il ne peut pas y manquer des errements et des manquements. Pour ce faire, il a indiqué que ce choix cyclique de la tenue de la semaine de la jeunesse, à savoir départementale, régionale et nationale, sera réévalué de manière objective pour voir l’impact d’une telle organisation.
Un budget de 250 millions
L’édition 2015, placée sous le signe de «La citoyenneté des jeunes pour un Sénégal émergent», a pour parrain Lamine Diack, actuel président de l’Association internationale des fédérations d’athlétisme (Iaaf), et comme marraine Marie Louise Corréa, ancienne ministre, première femme africaine noire à diriger le Comité africain du Scoutisme et le Comité mondial du Scoutisme. Pour l’organisation d’une manifestation d’une telle envergure, la rondelette somme de 250 millions de F Cfa est dégagée, selon le ministre Mame Mbaye Niang. Il est prévu au cours de cette semaine nationale des activités de promotion du civisme et de la citoyenneté, des foras de partage sur le civisme et la citoyenneté. Il sera question aussi d’activités socio-éducatives, culturelles, sportives, économiques, entre autres.
LE NIGERIA SE REND AUX URNES POUR LA PRÉSIDENTIELLE LA PLUS SERRÉE DE SON HISTOIRE
Ben SIMON, Phil HAZLEWOOD |
Publication 28/03/2015
Abuja, 28 mars 2015 (AFP) - Les Nigérians commençaient samedi à se rendre aux urnes pour élire leur prochain président, au cours du scrutin le plus serré de l'histoire de ce pays le plus peuplé d'Afrique, marqué par les violences islamistes, la chute des cours du pétrole et la corruption endémique.
Du hub pétrolier de Port Harcourt, en plein sud chrétien, à Kano, la deuxième plus grande ville musulmane du continent, en passant par la mégalopole de Lagos, 68,8 millions d'électeurs - sur 173 millions d'habitants - sont appelés aux urnes, pour des élections présidentielle et législatives.
Les bureaux de vote devaient ouvrir officiellement à 08H00 locales (07H00 GMT), mais une demi-heure plus tard, des journalistes de l'AFP à Kano (nord), Lagos et Abuja ont cependant constaté que dans de nombreux bureaux, des responsables de la commission électorale indépendante (Inec) n'avaient toujours pas été déployés et le matériel électoral n'avait pas encore été distribué.
Le scrutin doit se dérouler en deux temps. Dans la matinée, les assesseurs procèdent à la vérification des inscriptions sur les listes. Dans un second temps, à partir de 13h30 (12H30 GMT), les électeurs devront revenir voter.
Le président sortant, Goodluck Jonathan (57 ans), brigue un second mandat, face à l'ancien général Muhammadu Buhari (72 ans), son principal adversaire et le candidat d'une opposition plus unie que jamais.
Des élections législatives ont également lieu samedi. Samedi matin, de longues files d'attente se sont formées devant les bureaux de vote, un peu partout dans le pays. Certains électeurs ont même raconté avoir passé la nuit sur place.
A Kano, la plus grande ville du nord du pays, frappée à plusieurs reprises par des attentats meurtriers commis par les islamistes de Boko Haram, la plupart des votants sont arrivés dès 06H00, juste après la prière du matin.
"Les élections c'est vraiment quelque chose d'important, au Nigeria", témoigne l'un d'entre eux, Dahiru Badamasi. "Le pays a besoin d'être secouru du chaos dans lequel on se trouve actuellement. L'insécurité, le manque de soins médicaux, d'éducation...
Partout, c'est la pagaille. Voilà où on en est". Pour déjouer les attentats, des membres de milices privées étaient chargés de fouiller les électeurs à l'aide de détecteurs de métaux, comme à l'intérieur d'une école primaire, bondée de monde.
De part et d'autre du pays, les électeurs s'apprêtaient à soutenir leur candidat. Ainsi, à Daura, le fief du leader de l'opposition, Muhammadu Buhari, Moustapha Osman était totalement investi : "Nous sommes 100% prêts à voter, et nous allons voter pour le candidat qui protègera nos vies et l'intégrité de ce pays."
- Rues désertes à Lagos -
A l'inverse, à Utuoke, dans le village du candidat chrétien, où Goodluck Jonathan doit voter dans la journée, Laurence Banigo, un ingénieur de 42 ans soutenait le président sortant: "Les Nigérians qui ont pu apprécier son bon boulot devraient lui donner la chance de continuer encore pour quatre ans."
Margaret Nwoyi, femme au foyer de 34 ans, se montrait tout aussi enthousiaste "pour le fils" du pays. Il a permis à notre communauté de se développer. (...) Nous devons le récompenser en votant massivement pour lui aujourd'hui".
Dans la mégalopole de Lagos, d'habitude embouteillée jour et nuit, les rues étaient désertes à cause d'une interdiction pour les véhicules de circuler pendant toute la durée du vote. Des barrages de police et de soldats étaient érigés sur les grandes artères de la ville.
Seuls, quelques piétons étaient visibles dans les rues. Dans un pays où les dissensions politiques attisent souvent les tensions religieuses, le duel entre le chef de l'Etat sortant, un chrétien du Sud, et M. Buhari, un musulman du Nord, fait redouter des violences politiques.
Une myriade d'observateurs internationaux ont été déployés dans le pays pour s'assurer du bon déroulement du scrutin. L'Inec espère pouvoir éviter les fraudes électorales, un problème récurrent lors des précédentes élections, grâce à un nouveau système de lecteurs de cartes électorales électroniques, expérimenté pour la première fois.
Les résultats sont attendus dans les 48 heures suivant la fermeture des bureaux de vote. Sur le plan sécuritaire, l'armée nigériane, qui a annoncé vendredi avoir repris le fief islamiste de Gwoza, se targue d'avoir démantelé le "califat" proclamé par Boko Haram, dans le cadre d'une offensive militaire régionale, ces deux derniers mois.
Mais les victoires récentes de l'armée nigériane contre Boko Haram, avec l'aide de ses alliés régionaux, le Tchad en tête, ne permettront sans doute pas d'effacer, dans l'esprit des électeurs, le manque de réactivité du président face à la montée en puissance du groupe islamiste, dont l'insurrection, et sa répression, ont fait en six ans plus de 13.000 morts et 1,5 million de déplacés.
Même si Boko Haram est en perte de vitesse, le groupe islamiste, désormais allié à l'organisation Etat islamique, a menacé de perturber l'élection et a prouvé ces dernières semaines avoir encore la capacité de mener des attentats-suicides meurtriers.
PAR MOHAMED SY
VITESSE ET PRÉCIPITATION
Pendant que l’Assemblée générale de la future Fédération sénégalaise de basket se profile à l’horizon, une campagne de positionnement se manifeste de plus en plus au sein de la famille du basket
Pendant que l’Assemblée générale de la future Fédération sénégalaise de basket se profile à l’horizon, une campagne de positionnement se manifeste de plus en plus au sein de la famille du basket, illustrée par une volonté tous azimuts de certains dirigeants de faire partir à tout prix le Comité de normalisation du basket pour installer la structure fédérale, alors que les jalons qui doivent nous y conduire ne sont pas encore posés.
La pacification de la famille du basket et la refonte de nos textes ont été les axes majeures de la mission qui a été assignée aux normalisateurs par la tutelle, ceci après les multiples conflits et tricheries constatés au sein de nos structures de gestion du basket.
Si le premier point a déjà été solutionné à travers la prise en compte des aspirations des clubs par une bonne gestion des compétitions, il n’en demeure pas moins que la refonte de nos textes constitue une solution inévitable pour sécuriser nos compétitions et nos athlètes afin que la fraude et la tricherie disparaissent à jamais dans notre discipline.
Alors, pourquoi une telle précipitation ?
Un bon moyen d’éviter cet empressement consiste à éviter de mettre la charrue avant les bœufs. Confondre ou assimiler cette notion peut nous éviter ces erreurs graves qui peuvent entraver la continuité et la réussite de la mission assignée aux normalisateurs.
L’empressement peut amener à bâcler le travail et de sauter les étapes qui peuvent être préjudiciables à la reconstruction de notre basket.
Certes les ambitions des uns et des autres pour diriger la future Fédération sénégalaise de basket commencent à prendre forme, que certains parmi eux, face à leur avidité, cherchent à brouiller le calendrier des normalisateurs. Ce fait ne doit nullement nous mener à une convocation expresse de l’Assemblée générale sans que les maux décriés du basket ne puissent trouver les solutions appropriées et que de nouveaux jalons puissent être posés.
Pour cela, l’adoption des nouveaux textes conçus par le Comité de normalisation, en se basant sur les règlements unifiés de Fiba par le mouvement associatif et, prochainement par l’instance Fiba Afrique, constitue la dernière étape devant nous mener à l’instauration de la structure fédérale.
Et c’est seulement après cela que pourra commencer la campagne électorale. Pour le moment, compte tenu du peu de temps qu’il leur reste aux commandes du basket, laissons les normalisateurs finir le travail dans le calme et la sérénité
PAR PAPE ABDOULAYE KHOUMA
L’ALLIANCE POUR LA RÉPUBLIQUE ET LE PRÉSIDENT MACKY SALL À L’ÉPREUVE DE L’EXERCICE DU POUVOIR : TROIS ANS APRÈS
Le 19 mars 2012, une date à marquer d’une pierre blanche dans les annales de l’histoire politique du Sénégal. Elle signe la chute de cet appareil politique qui était apparu presque comme une forteresse imprenable, du fait de sa confusion avec l’État : le Parti démocratique sénégalais, grâce notamment à cette figure emblématique qu’est Macky Sall et sa formation politique.
Cette alternance a été saluée par l’opinion internationale et l’intelligentsia sénégalaise y a vu comme : «.... un superbe lever de soleil. L’enthousiasme de l’esprit avait fait frissonner le monde comme si pour la première fois seulement on en était arrivé à cette réconciliation du divin avec le monde» (Hegel 1963).
L’histoire de l’Apr comme toute autre histoire, est escarpée, avec son lot de ratés, des conquêtes remportées haut la main, et des frustrations coexistant avec des joies précaires, des illusions salvatrices et des défis prométhéens relevés avec ardeur et abnégation. Absolument parlant, cette histoire n’est ni extraordinaire, ni surhumaine, mais elle reste passionnante à tous points de vue.
Aujourd’hui, les péripéties qui jalonnent la vie politique du Sénégal sont, depuis quelques années, suscitées, animées et réorientées par l’Apr. Le mérite de cette formation politique, malgré sa jeunesse, c’est d’avoir conquis le pouvoir en moins de trois ans de présence sur le terrain politique, là où ses concurrents directs culminaient avec un quart de siècle.
Comment un produit local, n’ayant pas fréquenté Science-po Paris, n’ayant pas la longue présence politique de ses autres concurrents connus au Sénégal, a pu, par le principe d’efficacité, construire un aussi respectable poids politique, après avoir mis sur pied un parti et sillonné le pays dans ses coins les plus reculés et face à des adversaires qui avaient tous une histoire présidentielle, en tant que Président élu ou candidats à l’élection présidentielle ?
La politique n’étant guère un espace d’altruisme et de générosité, les coups bas et les guets-apens habiles ou perfides ont littéralement rythmé les années 2009 à 2012.
En effet, la bataille que l’homme politique Macky Sall a livrée contre le défunt régime libéral a correspondu à la crise des trois référentiels du système politique sénégalais que Wade a saturés : le clientélisme, le relais maraboutique, le dispositif répressif de l’Etat. Dans la période 2008-2011, ces référentiels s’étaient effondrés au moment même où Macky Sall occupait le vide laissé par d’autres plutôt restés dans le «village médiatique».
A la rencontre des Sénégalais, Macky Sall a adopté une posture d’écoute qui lui a permis de s’approprier les priorités du pays profond pendant que les autres leaders étaient dans une «évidence de priorités». Macky Sall formulera alors un discours lisible parce qu’en phase avec des priorités réellement exprimées: l’emploi, la santé, l’eau potable, l’habitat etc.
Autres éléments importants dans la quête d‘intelligibilité du phénomène «Macky Sall» : ce que beaucoup d’analystes ou politistes ne soulignent pas souvent, c’est que l’actuel président de la République, président de l’Alliance pour la République a apporté un soin particulier à sa communication : de puissants outils d’identité visuels ayant une continuité sémique et graphique.
Une seule photo circulante pendant trois ans, un logo à image familière (le cheval), des couleurs attrayantes (marron-beige), etc. Bref, l’image d’un Macky Sall innovateur, sage et industrieux est largement ancrée dans les esprits de ses concitoyens. Cette image est restée intacte, trois ans encore après son élection à la tête du Sénégal.
Il est fort intéressant de remarquer que tout, dans la vie de Macky Sall a, d’une façon ou d’une autre, servi à son combat politique. Ses capacités d’écoute pour parler de son calme olympien quasi innée lui permettent de toujours faire face à toute situation.
Par ailleurs, Macky Sall a laissé son parti évoluer sous la forme d’un mouvement, refusant les rigidités verticales, les leaderships locaux fragiles, c’est à dire potentiellement «débauchables» par un concurrent au pouvoir et particulièrement prompt à démanteler des adversaires. Enfin, l’imaginaire a beaucoup joué : Macky Sall a été perçu tour à tour comme victime mais courtois et courageux, conséquent dans ses prises de position et surtout stratège.
Toute la virtuosité politique de Macky Sall réside, en partie, dans cette communion permanente qu’il a eue avec le peuple pendant toutes ces années d’opposition. Il a mobilisé tous les âges et toutes les catégories socio-professionnelles, parce que l’homme sait parler à tout le monde.
Le grand paradoxe dans l’ascension de l’Apr réside justement dans le fait que même si ce sont en majorité les gens de la génération de Macky Sall qui ont créé le parti, ce sont les jeunes qui l’ont véritablement porté au pouvoir avec tous les sacrifices que cela requerrait à une époque où le militantisme dans un parti d’opposition était presque un risque professionnel ou une entrave à son avenir personnel.
L’Apr, dès sa création en décembre 2008, s’est assigné comme première tâche de se battre pour délivrer le citoyen de l’asservissement mental dans lequel le confinait une conception patrimoniale de la légitimité. Les journées cauchemardesques de la place de l’Obélisque, les affrontements de son leader, Macky Sall contre l’establishment libéral, la contestation permanente sous le signe du respect des institutions et de la redevabilité en matière de gestion, ont au moins le bénéfice d’avoir fait prendre conscience au citoyen sénégalais qu’il détenait la source de la légitimité.
C’était toute une culture de l’opposition articulée par une cohésion presque obsessionnelle entre l’Alliance pour la République et ses militants. Cette prouesse, le parti actuellement au pouvoir l’a réussie au grand dam des autres formations politiques qui, en vain, cherchent à trouver la solution miracle qui permettra de le déposséder d’un tel capital de mobilisation. Pour faire face, faisons de l’unité notre crédo politique.
Unité autour du Président
Depuis trois ans au pouvoir, le président de l’Apr démontre sa capacité de cumuler l’activité présidentielle et les exigences politiques d’un parti au pouvoir.
C’est justement fort de ce constat et analysant lucidement les qualités de l’homme que le peuple l’a choisi pour porter son destin, le défendre et lui présenter une nouvelle offre politique. Ce que Macky a très tôt compris pour être «celui qui parle peu» c’est à dire, un homme d’actions et du concret «qui agit vite et bien».
Le maître, à l’image de ses ascètes du passé ou de ses vertueux souverains, a su patiemment mais obstinément construire avec l’âme d’un pédagogue, une structure politique moderne. En effet, le Président Macky Sall a mis beaucoup de temps et de pédagogie pour bâtir l’Apr, il a surtout sacrifié famille et biens pour porter son parti au pouvoir.
Comme le Directeur des structures Mbaye Ndiaye aime à le répéter, nous devons comprendre que les militants sont exclusivement ceux de Macky Sall. Mbaye Ndiaye nous enseigne d’ailleurs lors de ces audiences avec les militants que «Macky moo ko yoor té dénkanéwouko». Il répète toujours en sérère cette belle formule : «Macky tène sakhoune dé».
Unité autour du parti
Le Président a pour mission au-delà de l’aspect étatique, de gérer son parti, le massifier et le sécuriser.
En un temps record, il a réussi ce challenge en maintenant les anciens pour ne pas en faire des frustrés. Il a intégré un savant dosage des nouveaux militants convaincus par sa dimension politique et sa volonté de faire de notre parti la plus grande formation politique, la plus moderne, la plus attractive, la plus apte à répondre aux rendez-vous des échéances futures.
Dès lors un tel parti, qui a réussi sa mue de parti d’opposition à parti au pouvoir depuis trois ans, ne peut être exempt de querelles de positionnement somme toute «gérables». Cependant, il faut qu’elles restent au stade de contradictions, que l’on solutionne en toute responsabilité sur la base des mécanismes de gestion interne propres à toute démocratie.
Unité face à l’opposition
La démarche du président de l’Apr est on ne peut plus claire. Elle est basée sur la concertation, le dialogue et la fraternité militante. Macky Sall est un rassembleur. Il l’a prouvé à maintes reprises.
Au demeurant, il convient de démontrer à la face du monde notre unité et notre engagement à réélire Macky Sall aux prochaines élections.
Après trois années d’exercice du pouvoir, joyeux anniversaire à l’Alliance pour la République ou la «Grande alliance des républicains»
‘’JE PARTAGE LES CRITIQUES DES AVOCATS DE LA DÉFENSE, IL Y A EU DES DÉFAILLANCES’’
REED BRODY, CONSEILLER JURIDIQUE ET PORTE-PAROLE DE HUMAN RIGHT WATCH, SUR LE PROCÈS DES CO-ACCUSÉS DE HABRÉ
Reed Brody est revenu largement sur le procès des complices de Hissein Habré, organisé par la justice tchadienne qui a rendu son verdict mardi dernier. Sept des 20 accusés ont été condamnés à perpétuité. Le conseiller juridique et porte-parole de Human right watch, qui a regretté une procédure accélérée qui n’a pas pris le temps d’examiner toutes les preuves, s’est réjoui tout de même du verdict prononcé par la cour de N’djamena, qui est l’aboutissement de 20 longues années de lutte acharnée contre l’impunité. Le porte-parole de Human right Watch a également exprimé ses attentes et celles des victimes du régime de l’ancien Président du Tchad par rapport au procès de Hissein Habré qui doit se tenir dans quelques semaines à Dakar avec les Chambres africaines extraordinaires. Témoin privilégié du procès de Ndjamena et acteur de cette longue traque de Hissein Habré, Reed Brody raconte cette exaltante expérience.
La justice tchadienne a prononcé des peines lourdes à l’encontre d’anciens responsables de la Dds, la police politique de l’ancien régime de Hissein Habré. Sept d’entre eux, dont Saleh Younouss et Mahamat Djibrine, ont été condamnés à perpétuité. Etes-vous satisfait du verdict ?
C’est une décision qui va bien au-delà de ce qu’on attendait. Parce qu’il y a non seulement la condamnation de 20 responsables du régime de Habré mais encore une condamnation de l’Etat tchadien et des condamnés à verser 75 milliards de francs Cfa de dommages et intérêts.
L’arrêt demande la mise en place d’une commission pour faire exécuter cette décision. Plus encore, l’arrêt exige du gouvernement, la création d’un monument pour les morts et la transformation du siège de la Dds, la police politique de Habré, en musée.
C’est donc une victoire sur toute la ligne. C’est la plateforme des victimes depuis plus de 20 ans. C’est-à-dire la condamnation, le dédommagement et la reconnaissance des lieux de mémoire. C’est le fruit de luttes tenaces qu’on est en train de récolter.
Au début, il y a eu beaucoup de critiques notamment sur la procédure. A l’arrivée vous dites quoi ? Ou est-ce que vous mettez ces irrégularités dans le compte du passé ?
Nous avons été et nous sommes toujours critiques vis-à-vis de la procédure qui était une procédure accélérée à la différence de celle des Chambres africaines extraordinaires ici à Dakar. Une procédure qui a auditionné plus de 2 500 personnes, qui a commis des experts pour décrypter les structures répressifs de Hissein Habré et procéder à des confrontations.
A l’audience, ça se voyait qu’il y avait des choses qui auraient pu être établies à l’instruction. Il était plus question d’anecdotes de tel ou tel a été torturé ou pas que d’examiner la structure répressive. Le procès, bien que suivi massivement par les victimes, n’a pas été médiatisé comme on l’aurait souhaité pour un procès de cette nature. Mais bon tout est oublié maintenant.
Est-ce que vous pensez que ça été un procès juste et équitable ?
Il y a eu des défaillances dans ce procès. Et sincèrement, je partage les critiques des avocats de la défense.
Que disait la défense ?
Qu’il y avait des parties civiles qui sont venues au dernier moment. Elle disait que la procédure n’avait pas pris le temps nécessaire pour préparer. La justice n’a pas pu situer les responsabilités individuellement.
La défense disait qu’on ne peut condamner quelqu’un seulement parce qu’il était le chef de la Dds. Je partage cet avis. Est-ce qu’on a pris le temps de montrer à l’audience, ce que cette division a fait. On peut se poser cette question. J’espère que le procès qui aura lieu ici à Dakar sera beaucoup plus appréciable. Un procès qui va montrer les compétences de la justice africaine.
Donc est-ce qu’on peut dire que ce procès a été une parodie de justice qui avait comme objectif, de condamner coûte que coûte les complices de Habré ?
Non. (Il se répète). C’est aller trop loin de dire que cela a été une parodie de justice. Seulement, nous attendons plus des Chambres africaines extraordinaires. Le pouvoir judiciaire tchadien avait aussi des moyens limités pour organiser ce procès. Il n y avait pas de budget. C’est d’ailleurs ce qu’on nous opposait quand on exprimait des critiques.
Mais, hormis cela, on peut dire qu’il y avait quand même des moments de très grande émotion. Quand les victimes ont été confrontées à leurs anciens bourreaux. Quand le président de la commission d’enquête, Mouhamad Hassan Abakar, a présenté son témoignage et qu’on a regardé le film de la commission d’enquête, la salle archicomble était en larmes. C’est donc un procès qui a eu de la valeur mais moins que si c’était bien préparé.
Il y a parmi les condamnés, Mahamat Djibrine et Saleh Younnous, les deux complices réclamés par les Chambres africaines. Vous êtes satisfait de leur jugement ou vous aimeriez que les Cae les jugent ?
Je pense que la question n’est plus d’actualité. Ils ne seront pas transférés. Maintenant la question c’est est-ce que le gouvernement tchadien va accepter que ces deux-là et les autres condamnés donnent leur témoignages aux Cae.
Parce que si on lit l’ordonnance de renvoi des juges d’instruction, qui est une ordonnance très bien structurée et motivée, on voit qu’ils puisent beaucoup des déclarations de ceux qui ont travaillé pour Hissein Habré y compris une dizaine de personnes qui sont condamnées.
Il ne faut pas que le gouvernement tchadien fasse obstacle à ce que ces personnes puissent venir à Dakar témoigner ou donner leurs témoignages par vidéo. Ce sont des personnes qui ont eu à agir directement avec Hissein Habré.
C’est une chose de condamner mais c’en est une autre d’exécuter les décisions rendues par la justice tchadienne, notamment les 75 milliards de francs Cfa. Est-ce qu’on a mis des mécanismes pour amener le Tchad à payer cette somme aux victimes ?
Le jugement demande au gouvernement de mettre en place, une commission chargée de son exécution avec des représentants du gouvernement le collectif des conseils de parties civiles. Donc, maintenant on sait que le gouvernement n’exécute pas très souvent les décisions judiciaires.
C’est d’ailleurs les raisons d’une grève judiciaire qui a perturbé ce procès. On attend de voir ce que le gouvernement va faire parce que c’est beaucoup d’argent. Par rapport aux pertes en vies humaines, ce n’est rien, mais on peut dire que c’est une forte somme.
Est-ce que ce verdict-là n’annonce pas celui de Habré ?
Bon, évidemment. Si des subalternes prennent la perpétuité... (Il ne termine pas la phrase, Ndlr ) Mais ce sont deux juridictions différentes. Les Chambres africaines ne sont pas liées à la justice tchadienne. Les Cae vont apprécier en toute indépendance.
En tout cas, nous ce qu’on veut, c’est un procès juste, équitable et transparent. Les victimes ont fait ce chemin (20 ans) pour traduire Hissein Habré devant cette juridiction. Et à travers ce jugement, l’Afrique doit montrer qu’il est possible de combattre l’impunité.
Vous étiez récemment au Tchad. Comment est-ce que les victimes préparent le procès de Habré, parce qu’il va commencer d’ici quelques semaines ?
Je pense que c’est le procès des complices de Habré qui avait occupé les esprits. Peut-être que c’est un avant-goût. C’est un procès qui s’est déroulé devant eux. Moi qui travaille depuis 15 ans sur cette affaire, je me suis rendu compte que les victimes ne doutent plus de la tenue de ce procès. On attend de voir ce que Hissein Habré dira ou ne dira pas à la barre. On est très préoccupés par la question de la retransmission du procès.
Parce que comme le procès va se dérouler à des milliers de kilomètres du Tchad, il est hyper important que les victimes puissent accéder au procès dans son intégralité et non par petites bribes. Les associations font un grand travail. Jacqueline Moudeina et Clément Abaifouta viennent de sillonner le Sud du pays pour mettre en place des points focaux pour que l’information puisse être relayée dans les deux sens.
Est-ce que vous avez les garanties que le procès sera retransmis en direct, parce que les statuts le prévoient ?
C’est prévu par les statuts. Sidiki Kaba, Garde des sceaux, avait annoncé que le procès sera retransmis. Le gouvernement tchadien l’avait dit également. On note des réticences de la part de l’Etat tchadien depuis un moment. Mais, il ne faudra pas que le gouvernement tchadien puisse imposer une censure aux images et à la diffusion de ce procès.
Peut-il le faire ?
Il peut refuser la retransmission du procès à la Télévision tchadienne. Il pourrait rendre difficile cette retransmission aux chaînes privées. Ce qui serait totalement inadmissible, c’est que cette censure va jusqu’à Dakar et qu’on empêche par exemple qu’on mette sur internet l’intégralité du procès.
Parce que c’est un procès au nom de l’Afrique. C’est un procès pour montrer que la justice africaine peut fonctionner.
Je pense que le Sénégal a tout à gagner en montrant ce qui s’y se passe à la face du monde. L’idée de base, c’est qu’il y ait un streaming avec un léger différé de tout le procès de bout en bout avec la capacité de faire des résumés journaliers. Aussi que ces images soient libres de diffusion. C’est-à-dire que Rfi, France 24, des Ong puissent reprendre les images à leur guise, pour en faire des programmations.
Qu’est-ce qui expliquerait la frilosité du gouvernement tchadien pour cette retransmission. Il a des choses à se reprocher ?
Les personnes qui viennent d’être condamnées faisaient partie jusqu’à une période récente, de l’Administration actuelle pour beaucoup d’entre eux. Idris Deby était, à un moment, le chef d’Etat-major des Forces armées et ça, pas à n’importe quel moment, en septembre noir. Mais quand même, il faut dire que le Tchad a beaucoup collaboré.
Si le gouvernement tchadien n’avait pas levé l’immunité de Hissein Habré, il ne serait pas jugé. Il a collaboré avec la justice belge. Il a travaillé avec la justice sénégalaise et avec les Cae. Il a contribué financièrement au procès.
Mais je constate, depuis un certain moment, qu’il y a crispation. Et je pense qu’il a tout à gagner à faire une pleine collaboration surtout sur les deux questions. La retransmission et le témoignage de ceux qui sont condamnés pour le procès de Habré.
Pour que la logique du procès aille jusqu’au bout, il faut ces personnes. Mais cela n’entacherait en rien la crédibilité du procès puisque les crimes du régime de Habré sont parmi les crimes les plus documentés de l’Afrique à travers les documents de la Dds. Sans le témoignage de ces personnes qui se trouvent au Tchad, il y a quand même beaucoup de preuves. Cela dit on ne voudrait pas priver du procès ces personnes.
Est-ce que ce sera le Tchad qui va assurer et financer le déplacement de certaines victimes ici à Dakar pour assister au procès ?
Ce sont les Chambres africaines qui vont financer le déplacement des victimes. Les autorités des Cae vont aller au Tchad la semaine prochaine, pour s’assurer de la bonne collaboration de la justice tchadienne. C’est quand même un procès historique. C’est la première fois qu’un Tribunal africain va juger un chef d’Etat hors de son pays.
Et du coup, le Sénégal devient l’épicentre de la justice internationale. Les louanges des Etats-Unis, du commissaire aux droits de l’Homme sont bien méritées. Et je tiens à remercier l’Etat du Sénégal. Ce n’était pas facile. On sait que Hissein Habré jouit encore de beaucoup de soutiens au Sénégal, mais cette volonté politique de s’attaquer à l’impunité mérite des applaudissements de tous les défenseurs des droits humains.
Il y a deux faits marquants qui ont alimenté l’actualité de la semaine et qui méritent d’être acclamés. Le kha- life général des mourides a en effet demandé aux «jeunes marabouts» de retourner dans les champs et dans les daaras, conformément aux recommandations de leur grand-père Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké.
Celui-ci, fondateur du mouridisme, aurait sans doute applaudi des deux mains, s’il était encore de ce monde, au regard des excès de certains de ses petits- fils ou du moins, ceux qui le revendiquent.
Dans ce pays si particulier et si paradoxal, l’on assiste toujours, stupéfait, à certaines pratiques, venant de cette petite catégorie de Sénégalais, qui s’estiment devoir se passer des sens interdits, tracés par la République. Comment un «jeune marabout» peut-il crier sur tous les toits, qu’il est l’auteur d’un incendie criminel dans le domicile d’un citoyen et croire qu’il peut rester impuni ?
Pour sûr, ce pyromane, qui croupit dans la Maison d’arrêt et de correction de Diourbel, a appris ce comportement délictuel, de certains de ses aînés qui se réclament également de la même famille. On se rappelle en effet, ce marabout dont l’activité principale sous Wade était de vendre des passeports diplomatiques. Il a fallu que le pot-aux-roses soit découvert par la police, pour que tout le sablant de mythe qui l’entourait s’effrite à jamais. C’est sidérant d’ailleurs de le voir tout le temps sur des plateaux de télévision en train de raconter des inepties.
D’autres, comme lui, courent les Rédactions pour faire valoir des positions qui les dépassent souvent ès qualité. Là où d’autres ont tout bonnement investi le champ politique et ont fini par choisir l’opposition, parce qu’apparemment, tout leur modus operandi qui se reposait sur le chantage sur les pouvoirs publics a échoué.
C’est dommage parce que, pour la plupart, ils sont instrumentalisés par les politiques et ils ne savent pas qu’ils ternissent l’image de la confrérie de Cheikh Ahmadou Bamba. Que n’ont-ils pas dit au nom du khalife général des mourides, dans le supposé différend qui oppose Macky Sall à Karim Wade ?
C’est heureux, sous ce rapport, d’entendre le porte-parole du khalife qui jure que Serigne Sidy Mokhtar Mbacké ne s’est jamais prononcé sur le cas Karim, depuis que ce dernier a des ennuis judiciaires. De toute façon, c’est le contraire qui aurait étonné, connaissant l’homme qui, on l’espère, sera entendu par ces «jeunes marabouts», devenus nombreux, bavards et très encombrants.
L’autre fait marquant de la semaine, qui porte toujours l’empreinte du vénéré Khalife général des mourides, c’est son message de paix adressé à Abdoulaye Wade. Ce dernier voulait occuper la place de l’Obélisque hier vendredi, mais il a dû surseoir à cette manifestation politique, suite à l’appel de Serigne Sidy Mokhtar Mbacké. Tout le mérite revient encore au guide religieux, parce qu’il nous a sans doute évité des actes de vandalisme, après ce rassemblement à haut risque, organisé dans un contexte tendu.
Sans doute que d’autres guides religieux musulmans et chrétiens ont aussi pris leur bâton de pèlerin, pour ramener le père de Karim Wade à la raison. De la même manière, ils devraient insister sur la nécessité pour ce pays de travailler. Le Sénégal, pays pauvre très endetté, ne peut pas passer toute l’année, à faire de la politique.
Et si nous journalistes, décidons de couper le micro à tous les partis politiques pendant un délai relativement long ? Le Peuple nous en serait très reconnaissant...