Certains de nos compatriotes, au fait de la chose politique, ne manqueront certainement pas de regretter les prestations de nos compatriotes journalistes, Oumar Diouf Fall, Mame Less etc. ; pionniers emblématiques de la modération des émissions politiques de radios, dans les années 90, avant les alternances.
Cela, au regard de la façon dont certains de leurs jeunes confrères modèrent de nos jours, ces types d’émissions de Radios et ... de télévisions. Car de manière délibérée, ou non, beaucoup de pratiques non orthodoxes posent problèmes au niveau des émissions de ces médias. Il y va de la distribution du temps de paroles, des coupures, des retraits intempestifs de ces temps de paroles et du choix de certains "invités professionnels".
Sans risque de nous tromper, il ne fait aucun doute que beaucoup de téléspectateurs, irrités, par les "impairs" récurrents dans une télé de la place, ont zappé l’émission de cette chaine dont l’animateur excelle dans ce domaine. Tant, les questions, les réponses insipides des acteurs, frisent le voyeurisme. Tant également les réparties de ses " invités inamovibles", pittoresques, sont sans consistance à propos des sujets traités.
Cela dit, on ne peut manquer de se demander que peut-il faire dans cette galère, ce sympathique professeur (un des rares débateurs pertinents de l’émission), que l’animateur laisse rarement le soin de dérouler sa pensée ? Maintenant, pourquoi les mêmes "sociologues", les mêmes "professeurs", le même Ambassadeur sont souvent les "invités" de certaines radios et télés ? Pourquoi n’inviteront-on pas souvent, les anciens professeurs, inspecteurs de l’enseignement, tous corps confondus, les anciens inspecteurs du trésor, inspecteurs des impôts, de la douane, les avocats et commerçants, afin que les sénégalais puisent bénéficier de leur éclairage sur les dossiers et autres sujets d’actualité qui agitent la République ?
Les Demba Waar (le paysan pauvre), eux, sont totalement ignorés des grands débats médiatiques. Pour tout dire, ils n’ont pas la voix au chapitre, comme nos braves femmes ménagères, femmes au foyer dont le travail est ignoré dans le calcul du PIB. Car tout le monde dit parler pour eux.
Mais qu’est ce qui fait que ce sont les mêmes têtes qui peuplent les plateaux de radios et de télés ? Le Per diem, l’audimat ou la position partisane ? En tout cas, nous disions récemment à une étudiante journaliste que le "late" (vulgarité envahissante), en wolof, peut tuer la com’.
Mais parmi les "invités" de ces émissions du Week-end (21 /22 mars), de l’ami, Momar Seyni Ndiaye (un des doyens journalistes sénégalais revenus heureusement aux affaires), celui qui a raflé la palme de l’arrogance et de l’impertinence, est cet économiste, prompt à faire dans la caractérisation facile, et à l’emporte pièces, à l’endroit de ceux qui ne pensent pas comme lui.
Au cours de l’émission "LIBERTÉ DE PENSER", à la question de savoir, parmi"ceux qui se sont enrichis illicitement, pourquoi un seul parmi eux, est ciblé" ? Pour toute réponse notre brave militant se réclamant d’une "certaine gauche", a servi à son intervieweur ce qui suit : "Il faut faire tomber d'abord le chef de gang. Car s'il tombe tout le monde va suivre". Nous citons de mémoire.
Certainement les spécialistes de la "CRIM" et les enquêteurs chevronnés ont du s'arracher les cheveux en entendant ces sornettes. Pourquoi attendre la fin d'une instruction ou d'un jugement, pour engager des poursuites contre des délinquants sur qui des présomptions lourdes et graves pèsent sur eux ? D'autant que s'il y a des liens entre les délits commis par ces gens et celui du "chef de gang", ceux-là devraient être joints au fonds, comme disent les magistrats.
Si on parle de subornations de témoins, de dissimulations de preuves, c'est pourquoi ? Pourquoi attendre la fin du procès du"chef de gang" pour engager des poursuites sur l'affaire du montage financier de la "Statue de la renaissance". Pour les mêmes raisons, pourquoi celui qui a été impliqué, arrêté et inculpé puis relâché dans une affaire de double meurtre de ses talibés, coure toujours les rues ?
S'agissant de preuves, notre ami Mody Niang, nous rappelle souvent cette sortie de l'ancien Président Wade, devant les élus locaux. Exaspéré par leurs indélicatesses, à propos des ventes illicites de terrains, il leur lança : "Si j'avais laissé la justice sévir, vous tous, vous seriez en prison, aujourd'hui".
Un aveu de taille sur la mal gouvernance. Le laxisme, la démagogie, la politique politicienne, la justice à deux vitesses, la "mal gouvernance judiciaire"sont des choses graves ! Et malheureusement ces types de comportements sont à la base de ce qui nous arrive aujourd'hui. Pourquoi les gens qui ont incendié la maison du député Moustapha Cissé Lo, demandent la libération de leur leader qui selon eux, " n'a rien fait". Pour eux, comme de nombreux délinquants courent les rues, sans être inquiétés, leur leader n'a rien fait !!!
Faut-il le souligner, ce dernier a été arrêté, des mois après les faits !
Nous ne terminerons pas ce constat, sans déplorer l'absence dans la presse, de cette "chronique-critique" de presse, du genre "Yamatelé" que faisait dans les années 90', le sympathique journaliste Mamadou Hamath. Comme nous l'avons perdu de vue, il est certainement, en train de superviser cette "chaire" dans une Université. Sinon, c'est tout le bien que nous lui souhaitons.
"Je pense que la Justice a été rendue au nom du peuple sénégalais. Je prends acte du verdict, à l'instar de mes concitoyens. Je félicite tous les acteurs de la justice; malgré toute l'agitation autour du procès, la sérénité a prévalu et le droit a été dit. D'une manière générale, il faut dépassionner tout cela et considérer que c'est un exercice normal dans toute démocratie que de rendre compte de l'utilisation des deniers publics. Nos ressources limitées entre les mains des dirigeants doivent être gérées de manière transparente et honnête afin qu'elles soient consacrées aux programmes prioritaires de développement. Il faut toujours garder à l'esprit que de nombreuses femmes en milieu rural font encore des kilomètres pour avoir de l'eau potable, beaucoup meurent en couche encore faute de pouvoir accéder à des soins de santé adéquats, les jeunes et les femmes veulent être soutenus dans leurs aspirations à une existence meilleure. C'est pourquoi, l'engagement du Président Macky Sall pour la reddition des comptes publics est à soutenir fortement car c'est la voie de salut pour des pays en développement comme le nôtre ; nos modestes ressources publiques doivent être exclusivement consacrées aux besoins vitaux des Sénégalais et non à l'enrichissement personnel de ceux qui en ont la gestion."
ME MADICKÉ NIANG, PDS
"Karim a fait montre d'une grande dignité"
"Je voudrais commencer par un témoignage. Ce matin nous avons été auprès de M. Karim Wade durant toute la matinée. Jusqu'au moment où la décision a été rendue, nous avons été avec lui. Après qu'elle ait été rendue, nous étions avec lui. Il a fait montre d'une très grande dignité. Il a eu lui-même à nous encourager. Alors que nous tous, nous avons été non pas surpris mais plutôt secoués par cette décision. Pourquoi, parce que nous sommes des praticiens du droit. Nous pensions que les règles du droit allaient être appliquées et face à l'application de ces règles, cette décision n'allait pas être prise. Je voudrais marquer ma désapprobation totale mais aussi vous dire que j'ai honte pour avoir été ministre de la Justice, pour avoir été avocat inscrit depuis 1982, cela fait 33 ans et aujourd'hui j'ai honte de cette décision. Elle n'honore pas la justice sénégalaise parce qu'elle foule au pied les principes généraux de droit que nous partageons avec l'essentiel des pays du monde. Elles foulent au pied des règles fondamentales. Le Sénégal aura démontré au monde entier qu'il vit un recul démocratique énorme.
Parce que cette décision ne peut pas se justifier aux yeux des praticiens du droit que nous sommes. Après avoir écarté la corruption parce que personne, même si on est magicien, on n'aurait pas pu donner un fondement tel qu'il soit à de simples déclarations. Alboury Ndao a dit devant le tribunal et devant la CREI : "Je n'ai pas de preuves pour attester de l'existence de ce compte." Donc, c'est tout à fait normal que Singapour puisse être éliminé. En dehors des biens dont une partie appartient au Président Wade. Pour ces biens, le Président Wade a très tôt écrit au Président Macky Sall avant même qu'on en arrive aux commissions rogatoires pour lui parler de l'existence de ces comptes. Il a été même jusqu'à lui dire, il vous est loisible en tant que président de la République du Sénégal d'interroger les autorités saoudiennes qui vous confirmeront que les éléments financiers que constituent le compte de Monaco découlent tout simplement d'un don qui m'a été fait par le Roi d'Arabie Saoudite... Même avec le procès de Mamadou Dia, on n'a pas vécu autant."
ALIOU SOW, MPD/LIGGEEY
"Tout le monde est menacé"
"Je veux d'abord exprimer toute ma compassion et mon soumet toute ma tristesse au Président Abdoulaye Wade. Je tiens à rappeler que nous serons tous face à la Justice divine qui est la meilleure. Les mécanismes de cette Cour qui a prononcé aujourd'hui ce verdict ont été rejetés par les organisations de droits de l'Homme et d'éminents juristes. Ces mécanismes consistent à renverser la charge de la preuve et qui font également qu'il n'y a aucune possibilité de recours au profit du condamné dans un monde caractérisé par la démocratie, la protection des droits humains. Le Sénégal est un parfait exemple de la démocratie, de la liberté. Cependant, moi dès le départ, j'ai toujours dit que le fait de ne pas partager les mécanismes de la Crei devait engendrer le refus de collaborer. On est arrivé au terme de ce procès avec le verdict que nous avons tous entendu. Je pense qu'il serait aussi dangereux que cette Cour passe pour être une Cour anti-Karim. Sa crédibilité passera par le fait qu'elle s'intéresse aux tenants actuels du pouvoir dont certains commencent à montrer un train de vie, à s'illustrer par un jeu d'argent public dont il n'était pas capable il y a trois ans.
Même si l'OFNAC, comme l'a dit le Président, est créé pour ceux qui gèrent, la CREI n'en demeure pas moins une Cour qui doit s'intéresser à ceux-là qui, depuis 3 ans, ont montré des signes d'enrichissement clairs. (...) Dans ce pays, il est facile de voir quelqu'un qui s'est réalisé à partir de dons reçus de ses amis ou parents. Parce que c'est un pays où la solidarité agit beaucoup. Tout le monde est menacé par rapport aux mécanismes de la Crei. J'ai dit depuis le départ que dès que la Cour prononcera ses premières condamnations, elle devra continuer de fonctionner. Donc, ce procès risque d'engager le Sénégal dans des règlements de comptes politiques qui dureraient 20 ans ou 30 ans. C'est ça le malheur. Je suis foncièrement contre tout enrichissement à partir de positions étatiques. J'ai été pendant presque une décennie ministre. J'ai géré des milliards. Mais je ne saurais comprendre ou imaginer comment on peut être propriétaire de milliards à partir de positions d'Etat."
MAMADOU DIOP DECROIX, FPDR
"C'est un tribunal politique qui a condamné un adversaire politique du régime"
"Je ne suis pas surpris par ce verdict. Que cela soit six ans, dix ans ou trente ans, j'ai le même sentiment. C'est un tribunal politique qui a condamné un adversaire politique du régime. On est en Afrique. C'est ça l'Afrique pour l'instant. Malheureusement, le Sénégal aurait dû sortir de ça. Je savais depuis le 31 juillet, le premier jour du procès, que Karim est envoyé en prison pour être condamné. Je le savais donc je ne suis pas surpris. Le reste, c'était une mise en scène."
THÉRÈSE FAYE, APR
"Nous félicitons la CREI pour le dénouement de ce procès"
"Je pense que tout ce qu'on peut dire, c'est que la justice s'est prononcée. La CREI a donné son verdict. Tout citoyen sénégalais doit s'aligner à cette décision de justice parce que nous avons foi en notre justice. Je pense que nous l'avons toujours dit lors de nos communications. La justice est là pour tout le monde. Il faut aujourd'hui qu'on sache que ce n'est pas une question de politique ou de partis et c'est la raison pour laquelle nous appelons tout le monde au calme, les jeunes en particulier. On utilise à chaque fois la jeunesse pour l'organisation de manifestations. Donc, mon message s'adresse aux jeunes du Sénégal. Il faut qu'on soit une jeunesse responsable, respectable et consciente des urgences de l'heure. Aujourd'hui, la justice a donné son verdict, l'affaire Karim Wade est derrière nous. Nous appelons tout le monde au calme et au respect de cette décision de justice. C'est obligatoire d'ailleurs. On est dans un Etat de droit. Ce qui est important, c'est de voir comment accompagner le Président dans ce projet de la traque des biens mal acquis et de l'enrichissement illicite. Cela a été d'ailleurs une demande sociale. C'est les Sénégalais qui l'ont toujours réclamé. En ce sens, nous félicitons la CREI pour le dénouement de ce procès."
ABDOULAYE WILLANE, PS
"La vie continue"
"Nous en prenons acte (ndlr du verdict). Rappelons que nous avons toujours fait confiance en la justice et nous pensons être dans un Etat de droit. De ce point de vue, nous recommandons le respect de ce verdict et des voies judiciaires ou de droit qui sont permises. C'est-à-dire, s'ils ont envie de se pourvoir en cassation, il leur est possible de le faire. Nous recommandons aussi la sérénité parce que si nous sommes comme nous le pensons dans un Etat de droit, ce qui se passe n'est en rien extraordinaire. En ce qui nous concerne, nous attendons de voir l'arrêt rendu dans son entièreté, de le lire et de le relire. A partir de ce moment-là, nous pourrons l'analyser et donner un point de vue beaucoup plus structuré sur la base de la connaissance des tenants et des aboutissants du texte. Voilà donc ce qu'au parti socialiste nous recommandons. Je voudrais me réjouir de ce que, au moment où je vous parle, rien de dommageable, rien de criminel ne nous a été signalé à part quelques dérapages contre une journaliste et quelques réactions à chaud. En ce qui me concerne, ceux qui ont en charge la quiétude du pays et la sûreté du citoyen ont géré cette affaire avec fermeté et tact. La vie continue."
SEYDOU GUÈYE, APR
"Cette décision constitue un tournant"
"Ce verdict m'inspire un commentaire, un commentaire républicain. La justice s'est prononcée, il faut en prendre acte. Ça, c'est la première observation. La deuxième, il me semble que cette décision constitue un tournant dans la lutte contre la corruption et l'enrichissement illicite. Ce procès devait servir à ça puisque la justice a été rendue. La justice a été sereine. Les peines prononcées sont conformes à ce qui est prévu dans le code pénal. Maintenant, il faut remarquer que la peine est moins lourde que le réquisitoire du procureur spécial. Il faut se féliciter de la décision de la défense qui a décidé de se pourvoir en cassation d'après ce que j'ai entendu. Ce qui me semble plus conforme à la stratégie faite autour du procès politique. Ce qui est évident, c'est qu'il ne s'est agi à aucun moment de procès politique mais de délits de droit commun qui ont été visés, qui ont été établis et sanctionnés. Ce qui est important aujourd'hui, c'est que la justice reprenne ses droits sur une affaire qui a été fortement polluée par le soupçon du procès politique."
DR ABDOURAHMANE DIOUF, REWMI
"Nous prenons acte mais..."
"Nous avons toujours rappelé que nous sommes des Républicains. Ainsi, sur le contenu de la décision, nous prenons acte. Car, nous pensons que le Sénégal a une justice libre avec des juges qui travaillent librement. En revanche, nous considérons qu'il y a des éléments politiques qui ont plus ou moins pollué la démarche de la justice sénégalaise.
Le premier élément concerne la sélectivité des personnes qui doivent répondre auprès de la Crei. Parce que la loi de la Crei dit que toute personne qui a un patrimoine ou un train de vie supérieur à ses revenus légaux peut être attrait devant cette Cour. Et celui qui attrait, c'est le procureur de la République qui travaille sous la responsabilité du gouvernement. Le fait qu'il n'y ait que Karim jusqu'à présent qui ait répondu à la Crei nous amène à penser que c'est une décision politique. Parce que le gouvernement de Macky Sall est en place depuis 3 ans, il y a énormément de gens qui ont des trains de vie ou des patrimoines supérieurs à leurs revenus légaux et qui ne sont pas attraits.
Maintenant, quand ils posent le problème de temps en disant que cette fois-ci, c'est Karim Wade, les prochaines fois ce seront d'autres, nous pensons que ce n'est pas très pertinent dans la mesure où ils n'étaient pas obligés de suivre le dossier de Karim Wade jusqu'au bout avant de passer au traitement d'autres dossiers. Tous ces dossiers pouvaient être traités simultanément. Aujourd'hui, la grande leçon qu'on peut en tirer, c'est qu'on ne crie pas à l'injustice pour Karim Wade, mais nous crions pour que cette justice soit généralisée à tous ceux qui ont eu à manipuler des fonds publics et qui se sont enrichis illicitement. Si le régime de Macky Sall ne le fait pas, il va corroborer le fait que c'est une justice des vainqueurs qui a travaillé à éliminer un candidat à la prochaine élection présidentielle.
En revanche, s'ils ont la lucidité de le faire, les Sénégalais pourront accueillir cette décision favorablement et considérer que ce n'est pas Karim Wade qui les intéresse en tant que tel mais tous ceux qui ont eu à gérer des deniers publics et à s'enrichir illicitement. Un deuxième élément très important qui est sorti dans la jurisprudence d'aujourd'hui, c'est qu'en aucun moment, les libéralités, c'est à-dire les dons, ne peuvent être considérées comme légales. La façon dont les fonds politiques sont gérés d'Abdou Diouf à Abdoulaye jusqu'à Macky Sall montre que le président de la République a la capacité de faire des libéralités à son entourage, y compris les gens qui ont des fonctions ministérielles. Le fait de refuser que Karim Wade ait pu accroître son patrimoine en tenant compte des libéralités de son père devrait signifier que tous ceux qui ont travaillé avec Abdoulaye Wade depuis 2012 devront aussi faire une sorte de reddition des comptes. Ils ont été nombreux à affirmer eux-mêmes qu'ils ont bénéficié des libéralités de Wade.
Donc, ça, c'est un élément qui nous a paru important. Les autres éléments sont purement juridiques. Au niveau de Rewmi, on s'est toujours prononcé sur la CREI en considérant que le Sénégal n'avait pas besoin d'une justice d'exception avec notamment la possibilité de renversement de la charge de la preuve. Il est extrêmement tendancieux de demander à quelqu'un de justifier des avoirs sans pour autant avoir la certitude que ces avoirs lui appartiennent (...) C'est pour vous dire que les larges pouvoirs accordés au procureur et au juge dans cette affaire, la sélectivité possible des personnes qui doivent répondre à la CREI sont tous des éléments de manipulation à la disposition du gouvernement qui peut décider d'en user ou de ne pas en user en fonction de la posture des hommes politiques. Donc, c'est une forme d'injustice à l'endroit de tous ceux qui auraient dû rendre compte et qui sont allés au pouvoir trouver un manteau de protection."
Les dés sont jetés. Karim Wade a été condamné, sans surprise, par la Cour de Répression de l'Enrichissement Illicite (CREI). L'épilogue d'un procès qui a tenu en haleine l'opinion, depuis 8 mois. Le Parquet spécial de la CREI avait demandé une sanction "exemplaire".
A la lecture des faits, elle est bien moins lourde que prévue. Le procureur spécial avait requis "7 ans d'emprisonnement, 250 milliards d'amende, plus la saisie de tous ses biens présents et l'interdiction totale des droits mentionnés à l'article 34 du Code pénal".
Karim écope de 6 ans d'emprisonnement et de 138 milliards d'amende. Relaxé du délit de corruption, il conserve ses droits mentionnés à l'article 34 du Code pénal. Notamment, le droit de vote, d'éligibilité, d'être appelé ou nommé aux fonctions de juré ou autres fonctions publiques, ou aux emplois de l'administration ou d'exercer des fonctions ou emplois, entre autres. Ce verdict offre également d'autres enseignements.
Dans la configuration actuelle, (Karim Wade est le candidat du Pds à la prochaine présidentielle), il s'agit là, d'une porte dérobée aménagée qui peut permettre de régler ce problème autrement. Si le régime en place et l'opposition trouvent un terrain d'entente, Karim Wade pourrait ne pas aller au bout de sa peine et participer à la prochaine joute électorale.
La question étant éminemment politique, un règlement politique est envisageable, notamment, une remise de peine. D'autant que le dialogue que toute la classe politique appelle de ses vœux peut prendre corps et en charge cette question. Mais, si les acteurs optent pour une logique de confrontation, personne n'en sortira vainqueur. Surtout pas Karim Wade. Puisque le seul recours que lui offre la CREI (un pourvoi en cassation) n'est pas suspensif. Et qu'il est peu probable qu'il lui empêche la prison.
D'un autre côté, on peut regretter que le procès ait été d'une certaine manière galvaudé. Car, beaucoup de questions sont restées en suspens. Karim Wade est condamné, sans qu'il ait pu s'expliquer. De ce point de vue, le mystère reste entier sur bien des aspects de cette traque des biens mal acquis. Et ils ne seront jamais élucidés. Puisqu'il ne sera pas question de revenir sur les détails du procès devant la cour de Cassation.
Exit le procès Karim, place au procès de la CREI. La récrimination est unanime sur l'impérieuse nécessité de la dissoudre ou tout au moins de la réformer, pour qu'elle soit conforme au droit international qui prime sur le droit national. Cette Cour est dans la ligne de mire des organisations de défense des droits de l'Homme, de nombreux observateurs et d'une bonne frange de la classe politique.
En ce sens que la CREI fait peser une présomption de culpabilité, et non d'innocence, sur les personnes mises en cause. Beaucoup de professionnels du droit l'assimilent au système inquisitoire, dans lequel, le mis en cause était coupable jusqu'à ce qu'il prouve qu'il ne l'est pas. En plus, elle n'offre aucune possibilité de faire appel. Même devant la Cour pénale internationale, les accusés ont cette possibilité.
De ce fait, la question de départ revient au devant de la scène : Pourquoi soumettre une affaire pénale à une juridiction spéciale, alors que les dispositifs juridiques et judiciaires qui existent permettent d'appréhender les faits criminels poursuivis ? Autre question : aujourd'hui, peut-on faire fi de ce grief qu'on fait à la CREI, de bafouer les droits des prévenus ?
À l'évidence, non ! Et il faut faire quelque chose. Car, à bien des égards, le procès Karim Wade était un test majeur. Mais, le peu de sérénité avec laquelle la Cour de répression a mené ce procès et les incidents qui l'ont émaillé sont le signe de certaines carences qui font le lit de la contestation et de la violence.
Un temps, il a été question d'aller vers une Cour de Répression des Infractions Economiques et Financières (CRIEF). Elle pourrait être une alternative. Il appartiendra à tous les acteurs (judiciaires, société civile, et politiques) d'en définir les contours, car dans une République balbutiante comme la nôtre, la reddition des comptes est un principe dont on ne peut déroger.
Déterminés ! Surexcités ! Bien que parqués loin du palais de justice par les forces de l’ordre, les partisans de Karim Wade se sont montrés décidés pendant toute la journée. Mais l’annonce du verdict a eu l’effet d’un coup de massue. Le délibéré a vidé toute l’énergie que l’on croyait destructrice.
Au milieu de la foule en pleine discussion sur tout et rien, une voie s’élève brusque. 6 ans ! Teudj nagnouko 6 ans ! (on l’a condamné à 6 ans). A ces mots portés par des cordes vocales en bonne santé, la clameur monte au ciel.
Un sentiment de déception gagne les partisans de Karim Wade qui, dès les premières heures du matin se sont regroupés à la gare routière Lat-Dior, en face du palais de justice, pour écouter le verdict. L’effet de la surprise impose à la masse un silence de quelques secondes.
Puis le bruit reprend son droit. Nooon ! Ce n’est pas juste, s’exclame l’un d’eux. Après un court instant accordé au juge Henri Grégoire Diop, les protestations commencent. Chacun y va du sien. "Day yomb, sougnouko bayé-ni dey yomb" (ce sera trop facile si on le laisse comme ça), s’écrit un homme d’une trentaine d’années qui, visiblement, n’est pas venu seul. "Allons-y, nous devons réagir", harangue-t-il.
Il est suivi par une dizaine de personnes, pas plus. Une jeune dame fond en larmes. Le liquide de ses yeux coule sur sa joue, jusqu’à atteindre le menton. "Pas besoin de pleurer, nous allons nous battre", lance une femme pour la réconforter.
Quelques minutes plus tard, d’autres voix se font entendre au milieu du brouhaha pour appeler à la manifestation. Mais apparemment, la grande foule n’est pas prête à agir. Tout porte à croire que ce jourlà n’était pas un jour de manifestation. Les partisans de Wade et de son fils ne sont pas prêts à occuper la rue.
Est-ce parce que le secrétaire général du Pds avait appelé au calme ? Ou alors parce que le dispositif sécuritaire était rédhibitoire ? Le constat en tout cas est que près d’une demi-heure après le délibéré, les sympathisants de l’ancien ministre de l’Energie, des Infrastructures, du Transport aérien et de la Coopération internationale ont privilégié le combat verbal à l’affrontement physique.
D’ailleurs, l’un d’eux va leur faire la remarque. "Ce que vous faites n’a pas de sens. On doit aller se battre plutôt que de rester là à parler". N’empêche, certains avaient décidé de montrer leur courage..."oral".
A cet instant, un jeune homme, mettant une culotte au-dessus d’un pantalon, s’approche de la barrière fixée par les forces de l’ordre pour toiser celles-ci du regard.
"Macky Sall est un esclave des Français. Wade les avait jetés dehors, il les a ramenés. Il a fait revenir les colons. Ce verdict a été dicté par les Toubab (Blancs)", lance-t-il aux policiers, alors qu’il est à trois mètres d’eux. Malgré cette proximité, on aurait dit qu’il s’adressait à un mur. Pas la moindre réaction de la part des hommes de tenue, même pas une expression dans le visage.
Une ambiance qui rappelle celle du début de journée. Avant même la levée du soleil, les partisans de Karim étaient déjà sur pied. Ils avaient pris d’assaut le palais de justice, devancés en cela par les forces de l’ordre. Un important dispositif sécuritaire avait quadrillé les lieux.
Un peu après 8h, ceux qui n’avaient pas encore franchi les grilles n’avaient plus l’occasion de le faire, à moins d’avoir une fonction qui offre l’exception. Ils sont parqués loin du tribunal et seront repoussés plus loin encore au fil des minutes. Ils n’auront pas le loisir de voir leur mentor Me Wade, arrivé à 9h sans trop de bruit.
Cependant, même ceux qui avaient la chance d’avoir franchi les premières barrières vont buter sur d’autres obstacles auxquels ils ne s’attendaient pas. Vers 9h 30mn, les forces de l’ordre font sortir ceux qui étaient devant les portes d’entrée, avec l’espoir d’avoir accès aux locaux. Ils sont escortés et chassés loin des murs du tribunal.
Un agent de sécurité de proximité l’a échappé belle
Amadou Ameth Ndir est un responsable Pds du département de Rufisque. Il fait partie des éconduits. "Ce n’est pas un procès public. Ils nous forcent à quitter alors que la salle n’est pas encore pleine. Ils ont trié les femmes et ont chassé les hommes. C’est de l’arbitraire", s’indigne-t-il avant de s’éloigner.
De l’autre côté du mur, un vieux habillé en tenue traditionnelle proteste. "Ils m’ont empêché d’entrer parce que soi-disant je porte des sandales. Ce sont des conneries. Qu’est-ce qu’ils veulent que je porte ?" demande-t-il les yeux fixés sur ses chaussures.
Retour à la gare Lat-Dior. Un incident s’est produit juste au moment où le jeune homme défiait la police, après l’annonce du verdict. Un pauvre agent de sécurité de proximité a eu la malchance de se retrouver au mauvais endroit, au mauvais moment. En un rien, il est entouré par des jeunes surexcités qui le qualifie de "fils de Macky Sall".
Et les insultes pleuvent sur lui. L’agent essaie de résister, mais il comprend très vite qu’il risque sa vie, car ces gens étaient manifestement prêts à faire de lui leur souffre-douleur. "Qu’est-ce que ce fils de p... a à dire ? Na dee ! (tuez le)", s’écrit un homme qui, à l’instant, se dirige vers lui. La cible sera très vite conduite vers les éléments du GMI. Après un court échange avec eux, il change d’itinéraire et l’incident est clos.
Sitôt le cas de l’agent de sécurité de proximité évacué, les supporters de Karim Wade se souviennent à nouveau que le fils d’Abdoulaye Wade qu’ils étaient venus soutenir a été condamné à 6 ans de prison ferme assorti d’une amende de 138 milliards. L’apathie semble de plus en plus gagner la foule. "Nous allons attendre Me Wade. Il va sortir bientôt et nous dire ce qu’on va faire", hurle une voix qui a du mal à se faire de l’écho. Petit à petit, l’ambiance s’éteint. Dans le calme, le lieu se vide de son monde. Destination...chez Wade.
"C’est Babacar Gaye, il cherche le buzz."
Quand un agent de sécurité reçoit des ordres, il les applique sans distinction. Babacar Gaye, le porte-parole du Pds, l’a appris hier à ses dépens. Il a eu un incident avec un policier avant de se voir autoriser l’accès. Arrivé par une autre porte, les éléments lui ont demandé de faire le tour pour gagner le tribunal par le portail situé en face de la corniche.
A son arrivée, l’homme en tenue lui fait savoir qu’il ne peut pas passer. Le libéral, ancien directeur de cabinet du président Wade, lui fait comprendre qu’il n’est pas un simple citoyen qu’il peut bloquer. Et ç’aurait été même un citoyen lambda, il n’a pas le droit de l’arrêter. Mais l’agent n’en a cure. Le ton monte entre les deux hommes.
Un lieutenant qui a vu la scène se dépêche, Madické Niang aussi. Il est venu chercher son camarade. "Vous ne pouvez pas bloquer un ancien ministre de la République quand même", déclare-t-il d’un ton courtois. Le lieutenant aussi intervient en sa faveur. Mais le responsable politique de Kaffrine était trop énervé pour se rendre compte qu’il y avait deux interventions à son profit. Lui et l’agent continuent à échanger sur un ton aigre-doux.
Le lieutenant tente d’intervenir pour calmer Babacar Gaye, rien n’y fait. Le gradé qui voulait le calmer regrette son manque d’attention. "Il ne m’écoute même pas. Pourtant c’est un oncle, mais il ne le sait pas", soupire-t-il. Plus tard, un policier demande à son collègue ce qui s’est passé. Réponse de celui-ci : "C’est Babacar Gaye, il cherche le buzz !"
Calme plat dans la banlieue
La banlieue dakaroise était fortement épiée hier, après la proclamation du verdict du procès Karim Wade, condamné par la Cour de répression et de l'enrichissement illicite (CREI) à une peine de 6 ans de prison ferme et une amende de 138 milliards de F CFA. Car, dernièrement, elle a été au centre de toutes les attentions, avec des allégations d'actes de sabotage en préparation. Mais l'explosion de violence tant redoutée n'a pas eu lieu.
La confrontation entre les proKarim Wade et les forces de l'ordre, que beaucoup de gens craignaient, a laissé place à un calme total du côté de l'opposition, notamment du Pds, et des mouvements de soutien au fils de l'ex-président de la République Me Abdoulaye Wade. Même si le sujet était au centre de toutes les discussions, aucun acte de vandalisme, ni de sabotage, encore moins de rébellion, n'a été enregistré. Les forces de l'ordre (la police, la gendarmerie, les éléments du groupement mobile d'intervention), se sont tourné les pouces.
Il faut dire qu'un impressionnant dispositif sécuritaire a été mis en place pour dissuader les plus téméraires. Les forces de l'ordre ont pris toutes les dispositions nécessaires pour faire face aux probables faiseurs de troubles.
"Nous sommes prêts et sur tous les plans. Force restera à la loi. Et nous arrêterons toute personne qui tentera de s'adonner à des actes antirépublicains pour ne pas dire délictuels et de quelque bord qu'il soit, fût-il un député-maire et ou autres autorités de la république. Personne ne sèmera le désordre ce jour-là (aujourd'hui, lundi). Et on ne badinera pas sur cela", avait confié à EnQuête une source policière. Selon des sources, si aucune manifestation n'a été enregistrée, c'est parce que "tous les plans de l'opposition ont été déjoués".
Ainsi, hier, plus de 400 éléments ont été consignés pour aller au front et durant toute la journée. "On ne baissera pas les bras et hors de question de se faire surprendre. Nous arrêterons toute personne qui tentera de semer le boucan", a dit avec fermeté une autorité policière hier en début d'après-midi.
L'on nous signale aussi que c'est pour éviter tout dérapage que d'ailleurs l'open press d'Ama Baldé (qui doit affronter Zoss en avril), prévu dans l'enceinte du stade Alassane Djigo de Pikine, dans le cadre du tournoi de lutte TNT, a été reporté à une date ultérieure.
Karim et compagnie sont finalement fixés sur leur sort. Le fils de l'ancien président de la République prend 6 ans pour enrichissement illicite. Il est relaxé du délit de corruption. Trois de ses coïnculpés ont connu des infortunes diverses. Quant à Mbaye Ndiaye et Pierre Agbobga, ils voient le bout du tunnel. Plus un blackout total d'Henri Grégoire Diop sur l'article 34.
"Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront noir ou blanc", moralisait le fabuliste Jean de la Fontaine. Le verdict de la Crei a noirci l'avenir politique naissant de Karim Wade, ainsi que celui de ses coaccusés.
Porté au pinacle, samedi passé, par le Pds, il a été cloué au pilori par la Crei, hier. Le candidat investi des libéraux va passer les 6 prochaines années en prison, "atteint et convaincu d'enrichissement illicite", compte non tenu de la détention déjà effectuée. La sentence de Henri Grégoire Diop a été moins corsée que le réquisitoire du parquet spécial, mais reste lourde néanmoins.
Les 250 milliards d'amende du procureur spécial tombent à 138 milliards 239 millions ; plus 10 milliards à payer solidairement avec tous ses coïnculpés ; ainsi que la confiscation de tous les biens présents. Les autres ne sont pas moins nantis, puisque Ibrahim Aboukhalil dit Bibo, Mamadou Pouye dit Pape, et Alioune Samba Diassé, "atteints et convaincus d'enrichissement illicite", prennent 5 ans avec des sanctions pécuniaires différentes.
Si Bibo connaît une amende similaire à Karim, Pouye doit payer 69 milliards 119 millions, et Diassé 169 milliards 119 millions. Les prévenus en cabale, Karim Aboukhalil, Mamadou Aïdara dit Vieux, Mballo Thiam et Evelyne Riout-Delattre, dont le verdict a été prononcé par défaut à leur endroit, prennent 10 ans et une sanction de 138 milliards chacun.
Les deux grands gagnants sont l'ancien directeur général des Aéroports du Sénégal (Ads) Mbaye Ndiaye et l'ex-numéro 2 d'Air Afrique, Pierre Goudjo Agbogba, pour lesquels "la Cour estime que les faits qui leur sont reprochés ne sont pas établis", dixit Henri Grégoire Diop.
Hier, l'attente a été longue, avant l'arrivée de la cour à 10 heures pétantes. Dans une salle 4 acquise à la cause de Karim Wade, les hourras ont ponctué l'arrivée de chaque responsable du Parti démocratique sénégalais. La palme à Wade-père bien sûr !
Trois quarts d'heure avant la venue de Henri Grégoire, l'ancien chef de l'État est apparu, sombrement vêtu d'un sabador et d'une écharpe noire assortie d'une chéchia de velours, sous les acclamations de ses supporters.
"Gorgui mo défar Sénégal", "Dieuredieufé Serigne Touba" "Ohé Ohé Bour Yalla gnou ngi lay niaane Karim dieul ndam li", et son fameux hymne de la renaissance ont été entonnés en chœur par des militants libéraux sous les clics des appareils photos de certains avocats.
Chaleureuses poignées de mains parci, accolades à Bibo par-là, le pape du Sopi s'est assis sur l'un des sièges matelassés derrière le box des avocats, entre Amadou Tidiane Wone et Mamadou Diop Decroix. Puis, le calme est revenu après cette surchauffe éphémère.
L'ambiance devenant de plus en plus lourde, le calme dans la salle n'était rompu que par les chuchotements dans l'assistance. Une situation que le président de la cour a tenu à mettre au point, dès le début de l'audience : "Pas de signe d'approbation ou d'improbation. Celui qui perturbe l'audience, faites le sortir !" a martelé Henri Grégoire Diop, en s'asseyant sur son fauteuil.
De 117 à 69 milliards
Des éléments cruciaux de l'accusation contre Karim Wade ont été rognés avant que ne tombe le couperet. En plus d'être relaxé du chef d'inculpation de corruption, le fils de l'ancien président et ses coaccusés ont vu le montant total de l'enrichissement illicite fondre comme beurre au soleil.
De 117 milliards dans l'arrêt de renvoi, il est finalement passé à 69 milliards 149 millions. Les 47 milliards du compte de Singapour ont été défalqués des montants de l'accusation. Un véritable camouflet pour l'expert financier Alboury Ndao.
"Ces informations n'ont pu être confirmées. Il n'y a aucune preuve. Aucune réponse ne nous est parvenue des autorités de ce pays. Donc, il y a lieu de ne pas retenir les sommes comme faisant partie de l'enrichissement illicite", a justifié Henri Grégoire Diop.
Autre cas, autre baisse, puisque les 90 milliards du compte de Monaco ont été corrigés drastiquement passant à 10 milliards. Des révisions qui font dire à l'avocat du prévenu, Me Ciré Clédor Ly, que cette affaire a "accouché d'une misérable petite souris".
En tout cas, dans un monologue qui a duré plus de deux tours d'horloge, le président de la cour n'a pas fait que rendre le verdict. Les 17 exceptions de nullité soulevées par la défense ont été rejetées par le juge, à l'entame de la séance.
A part le sursis à statuer, pour lequel existe un pourvoi en cassation, toutes les autres n'ont connu aucune suite favorable à la défense. Ainsi, les minces voies de recours de la défense, comme les violations du droit à un procès équitable, la constitutionnalité de la Crei, l'absence de mise en demeure aux complices, les sorties du territoire, la désignation des experts et administrateurs provisoires des sociétés incriminées, la nomination d'Antoine Diome comme substitut etc., ont été déclarées non fondés.
Motivations
"La Cour de céans ne peut pas se satisfaire de ces explications". Cette rengaine a été servie par le juge après l'énumération de chaque cas frauduleux dans ce procès d'enrichissement illicite. Pour Henri Grégoire Diop, le principal prévenu n'a pas été en mesure de justifier l'origine licite de ses biens. La somme majorée de ses revenus légaux, pendant son exercice d'agent public de l'État, entre 2002 et 2012, aurait dû être de 504 millions de F Cfa.
A commencer par le versement cumulé de 910 millions 230 mille F dans des comptes à la SGBS et à CBAO, entre 2008 et 2012. Le milliard à la banque Julius Baer de Monaco qui aurait été versé par Wade-père, don d'un dirigeant arabe, n'a pas été justifié non plus.
"Un président de la République n'a pas à verser de l'argent dans le compte de son fils, mais celui du Trésor public. De toute façon, ça ne permet pas de justifier la licéité des biens", a lancé le président de la cour.
Les cartes grises d'une demi-douzaine de voitures de luxe, un autre compte de 48 millions de francs en France, une assurance-vie au Luxembourg de 421 millions de Fcfa, appartement de la Faisanderie à Paris à 245 millions, un immeuble à la Sicap de 291 millions... les avoirs non justifiés de Karim "s'élèvent à 4 milliards 34 millions 305 mille 119 francs Cfa", souligne le juge.
Mais, c'est certainement les preuves testimoniales qui auront servi à étayer les accusations. "Tout le long du procès, la notaire Patricia Lake Diop, parent par alliance du prévenu, a constamment soutenu que c'est Karim Wade qui lui a demandé de créer les sociétés Istar, Terravision, Sénégal distribution, Ahs Sa, sans qu'aucune contradiction ne lui soit portée", a déclaré le juge.
La constitution et la tenue de cette société de handling, ainsi que les revenus de ses 18 stations, à travers le monde, planqués dans les paradis fiscaux (Iles Vierges Britanniques, Panama) n'ont pas fait l'objet d'une justification claire, selon Henri Grégoire Diop.
En ce qui concerne ABS, le juge trouve "bizarre qu'une société, née quinze jours avant, obtienne le marché de transport des passagers de l'aéronef vers l'aérogare". Black Pearl finance a par ailleurs obtenu "des mandats publics et a été grassement payé à ne rien faire".
Quant à la société Daport, elle n'a fourni aucune prestation, alors qu'elle a perçu 2 milliards 500 millions. Fort de cela, "Karim Wade, en tant qu'agent public, s'est servi des sociétés précitées pour se retrouver avec un patrimoine qui n'a rien à voir avec ses revenus légaux", en a déduit le juge. Une intime conviction qui lui a fait prendre la décision de mettre à l'ombre Karim, Ibrahim Aboukhalil, Mamadou Pouye et Alioune Samba Diassé.
La justice sénégalaise n'a pas raté son rendez-vous avec l'Histoire. C'est un signal fort dans la reddition des comptes, une forte demande sociale alors que la majorité des Sénégalais trime comme il n'est pas permis.
Premièrement, les manifestations perlées (avec des agressions contre des journalistes) notées hier augurent de chauds lendemains, car c'est une tradition au Pds de réagir.
Ensuite, le non-commentaire du verdict de six ans ferme de prison et 138 milliards F Cfa d'amende infligés à son fils a été un appel de Me Wade à ses ouailles. Le secrétaire général national du Pds avait très vite compris, en doyen des avocats du pays, que l'affaire était déjà pliée, et que les carottes étaient cuites. Dura lex sed lex, mais le Pds reste le Pds : le parti qui sait le mieux occuper la rue.
C'est dans ce sens qu'il faut comprendre les manifestations sporadiques notées à Dakar après le prononcé de l'arrêt de la Cour de répression de l'enrichissement illicite (Crei). Mais les deux heures d'argumentaire du président Henri Grégoire Diop, lors de la lecture de son délibéré, ont fini de convaincre qu'il y avait bien matière à entrer en voie de condamnation. Heureusement que les voies de recours existent dans le système judiciaire sénégalais, et que le président de la République peut exercer son pouvoir de grâce.
La motivation du président de la Crei, développée durant deux heures, a été très forte. Lui et ses assesseurs ont relaxé Pierre Agboba et Mbaye Ndiaye, mais ont condamné les autres complices de Karim Wade. Les fuyards ont également pris de lourdes peines (dix ans de prison ferme par contumace). C'est le premier épilogue d'un dossier qui tenait le pays en haleine depuis deux ans.
Toutefois, il y a lieu de noter que la Cour est allée en deçà des réquisitoires du parquet (sept ans de prison), un an de plus que la peine qui a été prononcée. C'est dire que ce n'est pas systématiquement la volonté du ministère public qui est suivie dans un procès pénal.
Une question affleure : Entre Me Wade et son fils, qui aura finalement trompé qui ? Alors qu'il avait décidé de ne point mener une vie politique, le président de la République d'alors a fait acheminer son fils, qui travaillait à la Warburg Bank à Londres, au nom de l'appel à la diaspora, pour revenir au pays.
D'abord à la présidence comme conseiller de son père, puis tout puissant ministre d'État après sa vaine tentative de remporter la mairie de Dakar en 2009, Karim Wade va gérer les niches d'enrichissement les plus attractives alors au sommet de l'État : les transports aériens, les infrastructures, la coopération internationale.
S'il a pu propulser son fils comme son missi dominici, membre le plus influent du Gouvernement, c'est seulement après la défaite de 2012, quand Macky Sall arrive à ses fins, que Me Wade commence à comprendre qu'à défaut d'avoir pu lui donner l'État, il va lui donner "le parti".
Même si c'est seulement maintenant que Me Wade a réussi dans sa tentative de léguer le Pds à son fils, la manœuvre a été permanente. La dernière ? La possibilité que Me Wade a eu à faire de son fils le candidat officiel du Pds lors de la prochaine présidentielle. Il lui aura suffi de deux sorties pour rallier à sa cause d'importantes personnalités de la formation libérale.
Encore qu'il faut souligner qu'il n'a tordu le bras à personne dans cette entreprise de dévolution monarchique du parti. Vouloir mettre la pression sur la justice sénégalaise en faisant de quelqu'un qui attend le verdict de son procès au pénal un candidat à la présidentielle, était incontestablement une manière de faire purement la transition entre le judiciaire et la dimension politique de cette affaire.
Maintenant est venu le temps de la politisation. Les libéraux annoncent un réchauffement du front politique et disent que "la paix est finie". Bien sûr qu'ils trouveront l'État en face d'eux, et, naturellement, leur alter ego de la mouvance présidentielle. Ça sent un parfum des années de braise du "Sopi".
PAR MAMADOU WANE
HEUREUX PRÉSAGE !
Une aubaine pour "Goorgoorlu" : si ceux qui assument aujourd'hui des charges publiques font fondre par la magie d'Ali Baba l'argent du contribuable dans des comptes Off shore, on pourrait leur dire : "Rendez compte comme Karim"
"Vivre est comme marcher sur une corde au-dessus d'un abîme, dangereux d'avancer, dangereux de reculer, dangereux de rester sur place."
Nietzsche
La fin du monde était annoncée ce 23 mars 2014, elle n'a pas eu lieu. Les gros nuages noirs qui s'étaient amoncelés au-dessus de nos têtes, n'annonçaient en vérité aucune tempête. Fausse alerte ! Tant mieux ! Il y a tellement de chats, et de bien gros, à fouetter dans ce bled sahélien, PPTE, qu'il faudra bien qu'on ferme ce feuilleton-là...
Circulez donc, il n'y a plus rien à signaler ! La vie continue et c'est une très bonne nouvelle. Au fond, le "jeu" auquel nous assistons est une bonne (et belle) "jurisprudence" pour le Sénégal. L'effet atteint n'est peut-être pas le même que celui qui était visé, mais l'actuel pouvoir est en train de créer un précédent qui fera forcément tâche d'huile.
Sans verser dans des combinaisons de petites revanches à la sénégalaise, il faut bien convenir que cette procédure profite largement aux plus faibles et démunis. Il ne faut pas ne voir que Karim Wade. Il faut aller au-delà de la "calvitie" du prince. Dépoussiérer le roc, c'est une aubaine pour "Goorgoorlu" car si, demain, ceux qui assument aujourd'hui des charges publiques font fondre par la magie d'Ali Baba l'argent du contribuable dans des comptes Off shore, on pourrait toujours leur dire : "Rendez compte comme Karim Wade l'a fait !"
Personne ne pourra pousser la fierté, bomber le torse pour dire : "Pourquoi moi ?". Mais alors, on lui rétorquerait pour lui clouer le bec : "Si l'ancien ministre du ciel et de la terre, sa Majesté Karim Wade est passé par là…"
C'est donc, toute caricature dans les tiroirs, une très bonne nouvelle pour la jeune démocratie sénégalaise. Que l'épée de la Justice puisse tomber avec tout son tranchant sur une personnalité aussi importante de l'ancien régime, est sans doute la preuve que le chat noir de l'impunité est en train d'être tué. Et que demain, l'épée pourra tomber sur n'importe qui, quel que soit le niveau de responsabilité occupée. Donc, le message qui est plus qu'explicite, ne s'adresse pas qu'aux anciens tenants du pouvoir. Il pointe son glaive magistral sur ceux qui l'exercent aujourd'hui.
Qui, parmi ceux qui critiquent la traque des biens mal acquis, a sondé l'effet psychologique que la peine prononcée hier contre Karim Wade va avoir sur les hauts fonctionnaires de l'État, bien installés sur les budgets à milliards ? Quelles retombées pour la société sénégalaise à long terme ? Des questions qui intéressent peu les activistes comme on n'en a jamais pointé au Sénégal depuis que cette affaire a été agitée.
Il reste sans nul doute à parfaire la CREI ; une juridiction fort utile pour des pays comme les nôtres où la corruption s'est hissée à un niveau ahurissant. Il est certes important que les droits de la défense soient mieux pris en compte, que les recours puissent être possibles, les moyens d'investigations renforcés et surtout modernisés. Que des mécanismes puissent être mis en place pour crédibiliser le système. Que le cheminement juridique (enquête préliminaire, instruction, jugement) soit mieux expliqué aux populations pour qu'elles en saisissent les contours généraux.
Bref, il faut améliorer la machine, en évitant de tuer l'esprit de la CREI. Ce serait une grave erreur de suivre le tintamarre ambiant, simplement parce que deux organisations de défense des droits de l'Homme et trois pelés de "marabouts" ont décrété que le juge de la CREI est le mal.
Et pourquoi donc ne les entend-on pas assez lorsque des femmes meurent en couche encore au Sénégal, au moment où l'on sur-facture un petit tunnel de 300 mètres à plus… de 10 milliards de francs Cfa ? Où étaient-ils lorsque Karim Wade faisait à coups de milliards le ciel à bord d'un jet privé payé par le contribuable sénégalais ?
A notre humble avis, l'utilité de la CREI ne peut être discutée. Elle réside dans sa dimension dissuasive. C'est comme la peine de mort dans des pays à forte criminalité. Les lois ne prennent-elles pas racine dans la sève des réalités profondes des sociétés, hommes et femmes qui les créent ? Chaque pays a sa culture, son système de valeurs, ses statuts et rôles.
Mieux, le mouvement dans lequel nous sommes engagés n'excuse aucune reculade. Le ministre français du Budget, Jérôme Cahuzac, a été démis, en avril 2013, de ses fonctions et mis en examen par le juge, pour avoir dissimulé un compte bancaire en Suisse. Un ancien chef d'État, Nicolas Sarkozy, n'a-t-il pas été poursuivi dans le cadre de l'affaire des fausses factures de la société événementielle Bygmalion, lors de la campagne présidentielle de 2012 ?
Comme le bien mignon funambule de Zarathoustra, il est tout aussi dangereux d'avancer que de reculer. Danger pour danger, il faut avancer. Et puis comment vouloir une chose et son contraire ? La transparence et l'opacité à la fois. Le rouge et le noir. La nuit et le jour dans le creux de la même paume.
Ceux qui théorisent aujourd'hui l'impunité pour Karim Wade doivent faire l'effort de convaincre. Et même à supposer qu'on ne puisse lui opposer que 5 milliards de francs Cfa, comme l'insinue un de ses avocats, cela n'est-il pas suffisant pour constituer un délit ? 5 milliards pour un pays pauvre comme le Sénégal constituent beaucoup d'argent.
La question n'est donc pas de dire point de traque, mais bien plutôt la traque sans exclusive. Le côté gênant de la chose est – c'est un problème depuis 2000 – le caractère sectaire de la traque. On a bien comme l'impression que certains ont déjà négocié leur impunité alors que rien ne garantit que les actuels tenants du régime vont tirer les bonnes leçons de la chute d'Icare.
On évoquait dans notre édition d'hier l'affaire des terres que l'État compte récupérer. Et on écrivait bien qu'une assiette foncière, derrière la Clinique du Cap, était visée.
Eh bien ! Nous sommes en mesure de dire que la superficie concernée est de 14 000 mètres carrés. L'État n'a pas mis le grappin sur la totalité des terrains de Gorgui, pied dans l'eau, mais sur 6 000 mètres carrés.
En vérité, la zone a été remembrée, car il y avait des titres fonciers qui n'appartenaient pas à Me Wade.
Le problème qu'aura l'État, même s'il veut reprendre ces terrains, c'est que le Vieux a déjà engagé toutes les procédures en payant plus de 200 millions pour les frais de régularisation.
Il semble bien qu'une procédure pour dédommager Gorgui de ces 6 000 mètres carrés est prévue.
Quant aux terres de Viviane Wade dont l'État a engagé la procédure pour les récupérer comme nous l'écrivions hier, ils ont été nombreux, ces promoteurs et hommes d'affaires, à nous appeler, pour nous dire qu'à l'époque du règne de Wade, ils ont voulu ériger des projets utiles pour la société, mais se sont opposés au veto de Mme Viviane qui avait fini par mettre le grappin dessus.
PAR L'ÉDITORIALISTE DE SENEPLUS, MOMAR SEYNI NDIAYE
ET SI TELLE ÉTAIT LA CONSIGNE…
Karim a été condamné avant d’être jugé, parce que telle était la consigne. Autrement comment comprendre que sur plus 150 ministres de l’ancien régime, lui, seul, ait fait l’objet d’un tel acharnement ?
Momar Seyni Nidiaye, Editorialiste de SenePlus |
Publication 24/03/2015
Le sort en est jeté pour Karim Wade. Il passera quatre autres années en prison, acquittera 138 milliards, perdra probablement ses droits civiques et politiques. Et si l’article 34 du code pénal lui est appliqué jusqu’au bout, il sera même délesté de ses droits d’administration de ses enfants, déjà orphelins de mère. Le droit est par essence impersonnel. Mais ses sources sont sociales et humaines. Il s’applique à des hommes aussi.
Karim Wade n’est ni plus ni moins que la victime d’un innommable acharnement politique, dont la CREI est hélas le bras armé. Physiquement, financièrement, moralement frappé, il se voit ainsi dévidé des plus élémentaires sens et valeur à vivre, autrement qu’en respirant tout simplement. C’est à croire qu’il devrait de temps à autre se pincer la chair, pour se rendre compte qu’il est bien sur le plancher des vaches.
Rarement dans l’histoire politique et judiciaire de notre pays, un homme n’aura été tant traqué, persécuté et «exécuté» sans ménagement par la justice. Ce verdict (six ans d’emprisonnement) n’est pas seulement cynique par sa lourdeur et son ampleur. C’est la CREI, son instrument, qui est inique par sa nature et son essence.
Elle flatte la dénonciation comme mode d’instruction judiciaire, valorise l’abjecte personnalisation comme ses moyens et sa raison d’être. Elle s’écarte des standards internationaux de justice, parce qu’elle s’affranchit du recours et de l’appel comme facteurs de régulation d’équité et de normalité judiciaire. Elle accorde la primauté à la présomption de culpabilité au détriment de la présomption d’innocence, parce qu’elle veut aller vite dans l’accomplissement d’une mission prédéfinie et articulée à des objectifs politiques précis. Elle s’abreuve de consignes et se dénantit de la conscience, qui fonde l’intime conviction du juge.
Son éthique, c’est la loyauté institutionnelle et politique. Peu importe si la politique entre par la grande porte du tribunal et que le droit en sorte par la petite. Tout est centré autour de la consigne, la fin justifiant les moyens. Le principe de la contradiction élémentaire pour l’équité et la justice, les droits les plus basics de la défense, les exceptions de nullités, la sécurité du prévenu, ne sont à leurs yeux que des gadgets et autres subterfuges d’avocats dont le seul tort est d’avoir été du «mauvais côté».
Qui des chefs d’accusations, des preuves à géométrie variable ? Leur versatile rend surréaliste un jugement dont on se demande quels en sont les fondements. Quid des rocambolesques circonvolutions mises à contribution, pour prolonger les gardes à vue, et les détentions préventives ? Le triste spectacle montrant un juge butant sur des mots, cherchant ses données hardiment, aidé par son assesseur, montre bien l’état moral de celui qui aurait dû, à cet instant fatidique, s’entourer de sérénité, de gravité et de solennité pour donner un verdict d’un tel enjeu.
Quand on abat un homme avec une telle brutalité, une inhumanité, la main faillit, le cœur bat très fort et le corps tremble.
La charge émotive est lourde et incommensurablement grave. Elle est insupportable tant elle pèse sur la conscience ou ce qu’il en reste. Karim Wade n’a pas été jugé. Il a été condamné avant d’être jugé, parce que telle était la consigne. Autrement comment comprendre que sur plus 150 ministres de l’ancien régime, lui, seul, ait fait l’objet d’un tel acharnement ? Que sont devenus les autres prétendus prévenus ? Où sont passés les 4000 milliards, puis les 700, et les 117 ? Où sont cachés les 47 milliards du fantasmagorique compte de Singapour pour lequel le procès d’Alboury Ndao a été malicieusement différé, pour mieux l’extraire sans vergogne de la liste des chefs d’accusations ?
En le biffant ainsi, sans sourciller, de la rangée des preuves irréfutables dont se gargarisaient les avocats, oubliant que demain leur conscience les rattrapera aussi, on a cherché à écarter la thèse de la corruption, pour ramener le prétendu préjudice à quatre milliards. Désespéramment !
Aucune conscience n’a pu peser sur la conscience du président du tribunal pour l’affranchir des consignes. Seule comptait pour lui, la désespérante obstination à les appliquer. Sans doute n’a t-il pas pensé un seul instant que d’autres ont pu aussi bénéficier de dons et de libéralités de Wade sans en répondre. Mais puisque la consigne était d’enrayer Karim Wade de la carte politique, il était de bonne guerre de porter des œillères pour ne voir que le visage de ses commanditaires, de n’entendre que leurs insensées consignes. Insouciamment !