CANAL+, OPA SUR L’AFRIQUE
EXCLUSIF SENEPLUS - Derrière les programmes alléchants se cache un projet politique controversé, aux relents de néo-colonialisme culturel et idéologique. « Qui te prête ses yeux, t’indique où et quoi regarder »
Canal + est une entreprise française de télévision à péage, diffuseur de chaines de radio et de télévision par satellite qui donne accès à plus de 400 télévisions et de radios en Afrique francophone, des chaînes publiques nationales aux chaines locales privées, édite 40 chaînes spécifiques et produit 4000 heures par an de contenus et programmes.
L’entreprise diffuse ainsi en plus des programmes des télévisions et des radios publiques et privées des pays africains couverts, ceux des principales radios et télévisions publiques et privées françaises, dont CNews qui appartient au groupe Bolloré.
Elle diffuse également ses propres productions de cinéma et de divertissement, assure la retransmission des principaux événements sportifs mondiaux de sport et notamment les matchs des principaux championnats de football européens, projette quotidiennement des films français, américains et européens, diverses émissions des chaines françaises et divers programmes de jeunesse.
Elle diffuse aussi des films et séries africains notamment nigérians sur Nollywood TV et ivoiriens de A+ Ivoire, des chaines « dédiées », notamment Maboke TV, une chaîne en lingala et la chaine éducative Nathan TV présentée comme la « 1ère chaîne éducative en langue française » en Afrique francophone.
Canal + Afrique a entrepris aussi de produire et de diffuser des films et des séries réalisés par des équipes africaines avec des acteurs africains sur des sujets liés à l’Afrique.
La chaine comptait déjà en 2022, 7.6 millions d’abonnés en Afrique soit plus d’un tiers de l’ensemble de ses clients en France et dans le monde. Au premier trimestre 2023, elle a enregistré 519 000 abonnés soit la progression la plus importante de l’ensemble de son réseau.
Vincent Bolloré, le « patron » français de Canal vient de lancer une offre publique d’achat (OPA) sur le groupe sud-africain MultiChoice, l’autre opérateur africain de télévision à péage. Ce rachat lui permettra de s’étendre sur les pays anglophones et lusophones du continent, de l’Afrique du Sud au Nigeria, du Mozambique au Ghana et à l’Angola. Ce qui lui donnera une position de quasi-monopole sur l’ensemble du continent.
Une perte de souveraineté
Le rachat de MultiChoice par Canal+ consacrera la perte de souveraineté de l’Afrique sur le secteur stratégique de la distribution de la voix, des données et de l’image ainsi que la perte d’un marché lucratif et d’avenir.
Pourtant dès l’apparition de la technologie au milieu des années 1990, des entreprises africaines, comme EXCAF au Sénégal, s’étaient lancées et avaient rapidement commencé à s’imposer sur le marché.
Les États africains auraient pu en faire des champions nationaux. Au lieu de cela, on a laissé Canal+ prospérer quand on ne l’a pas favorisé.
Canal+ est une menace pour l’Afrique
Canal+ représente une menace pour l’Afrique parce que Vincent Bolloré, est un patron de presse qui met ses médias au service de son projet politique d’extrême droite.
Propriétaire en France de nombreux journaux, de radios et de de télévisions dont Le Journal du Dimanche, Itele, Europe 1, Paris Match et CNews, Bolloré est désigné comme un des principaux responsables de la montée de l’extrême droite en France.
On sait comment il a fait, depuis plusieurs années, de ses médias des soutiens des partis politiques de droite et d’extrême droite, du LR de Nicolas Sarkozy hier au Font National aujourd’hui, sans aucune considération des règles d’éthique professionnelle des journalistes.
Il est considéré comme l’un des principaux responsables de la récente victoire électorale de l’extrême droite en France.
« Là où Bolloré passe, le journalisme trépasse. C’est un ogre qui digère les médias et les transforme en organes d’opinion », disait Christophe Deloire, le défunt secrétaire général de Reporters Sans Frontière.
Canal+ est aussi une menace parce que son patron qui intervient en Afrique depuis plus de vingt ans dans divers domaines s’est révélé peu soucieux des intérêts des Africains et du respect d’un minimum de règles sociales entrepreneuriales.
Il a ainsi été accusé par plusieurs ONG, dans le cadre de ses précédentes activités d’exploitant agricole d’accaparement de terres au Cameroun, en Sierra Leone, au Nigeria et au Cambodge.
Il avait auparavant été accusé d’activités illicites en relation avec ses entreprises de logistique portuaires et de chemins de fer en Guinée, au Bénin, au Cameroun et au Niger notamment.
Le Parquet National Financier français vient de requérir contre lui un procès « pour corruption active d’agent public étranger et complicité d’abus de confiance. Il est « soupçonné d’avoir frauduleusement aidé les campagnes présidentielles de MM Faure Gnassingbé au Togo et Alpha Condé en Guinée en 2010… »
Kula abal ay gêêt nga xool fa ko nee
Comme le dit si bien l’adage wolof : « qui te prête ses yeux, t’indique où et quoi regarder ».
Canal+ permet certes aujourd’hui aux radios et télévisions africaines de s’adresser à tous les publics par-delà les frontières et permet la diffusion, souvent en direct à travers l’Afrique, des événements sportifs et culturels africains et internationaux comme la Coupe d’Afrique des Nations de Football, l’Africa Basketball League et les Jeux Olympiques.
Les championnats européens de football et les compétitions internationales d’athlétisme sont vécus en direct et avec une excellente qualité de réception à travers tout le contient.
Mais dans le même temps, les innombrables « émissions jeunesse » déversent à longueur de journée à l’intention de nos enfants, qui en raffolent à cause de leur qualité technique, des émissions venues d’ailleurs (de l’Europe et des USA) dont personne ne connait l’impact sur leurs jeunes cerveaux.
La propagande LGBTQ+ suinte insidieusement : ainsi en ce moment même une des chaines du bouquet diffuse un festival Gay Pride.
Le suprémacisme blanc est diffusé en prime time et « en clair » notamment par CNews de M. Bolloré et par I24, une chaine pro Israélienne déclarée en français qui en ce moment soutien éhontément le gouvernement israélien dans son génocide du peuple palestinien de Gaza.
Bolloré et Canal+, c’est la France Afrique 2.0
Quand on sait que la France est engagée avec l’Europe et l’Occident tout entier dans une offensive de reconquête économique et culturelle de l’Afrique, on apprécie le rôle que la chaine de M. Bolloré, Canal, jouera de plus en plus ouvertement. Canal+ est un instrument de contrôle mental, émotionnel, psychologique et esthétique. Un outil de domination autrement plus efficace que les méthodes violentes de répression et de subversion d’antan.
Il joue sur le plan culturel le rôle que le FCFA joue sur le plan monétaire et économique. En fait, Canal+, c’est la France Afrique 2.0. Il faut l’arrêter !
Par une réglementation appropriée avec un cahier de charges spécifique donnant lieu au paiement de redevances conséquentes à défaut d’une interdiction pure et simple. Pendant qu’il est encore temps !