DE LA NECESSAIRE DICTATURE DU BIEN COMMUN EN AFRIQUE
La violence est l'utilisation intentionnelle de la force physique ou de menaces. L’État en détient le monopole en République. Il en use pour défendre le bien commun.
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La violence est l'utilisation intentionnelle de la force physique ou de menaces. L’État en détient le monopole en République. Il en use pour défendre le bien commun. Dans des circonstances particulières, le peuple peut saluer la violence populaire, fût-elle extrême, qui porte une nouvelle équipe au pouvoir. Il faut alors prendre garde que la conscience collective ne retienne qu’il n’y a point de limites à l’exercice des libertés ou à l’expression de revendications partagées par la majorité. Car cela consacre «l’anarchie démocratique».
A l’évidence, pour de nouveaux élus, cette situation de non droit est rarement propice pour répondre aux défis sociaux et économiques, concevoir une nouvelle stratégie de développement, définir les actions prioritaires et les mettre en oeuvre. Et dans l’imminente réalité de l’exercice du pouvoir, on perçoit, très vite, qu’il est utopique de concilier hymne à la souveraineté, efficience et progrès avec le désordre public. Mais le concevoir est une chose, l’énoncer à des partisans aveugles et encore euphoriques en est une autre. Cependant, le temps presse dans un pays défiguré par des années de lutte partisane, avec une population jeune, des emplois rares ou miséreux, une économie extravertie, une dette à peine tolérable et des attentes sans nombre des électeurs : Tableau peu exceptionnel en Afrique. Ce constat appelle une réflexion sans état d’âme sur le principe démocratique et son application stricto sensu. S’il s’agit de défendre les intérêts du plus grand nombre et instaurer un ordre porteur de progrès, l’expression libre et plurielle du suffrage universel suffit rarement. En occident, elle intègre des droits connexes supposés universels et qui nous interpellent : droit de manifester, revendiquer, s’arrêter de travailler, poser des barricades, ou encore s’unir au mépris du genre. Si cela est la règle, elle conduit à l’implosion dans les nations africaines qui ont adopté la démocratie sans se tenir à l’ordre républicain. Il faudrait d’ailleurs rappeler que l’esprit des lois qui le supportent, dans nos contrées, ne trouve pas toujours d’écho dans notre propre histoire régionale.
Ainsi, il est juste de s’interroger sur les moyens de sauver ce qui reste de l’État et le remettre sur les rails de l’avancement après de graves dérives ou une révolte. Il est souvent nécessaire que prévale une union sacrée autour d’une autorité ferme, unifiée et concertée, dictée par l’intérêt général et exercée sans complaisance ; avec la force qui reste à la loi. Cet exercice périlleux sur le terrain de la violence convoque un art majeur : celui de gouverner. Il réclame un guide éclairé parce que bien conseillé ; qui sache entre autres vertus, écouter et féconder des idées qui ne sont pas siennes. Pour celui qui a brigué librement les suffrages et gagné la confiance du peuple, c’est aussi savoir choisir entre le suicide collectif de l’anarchie et la dictatoriale contrainte de la défense du bien commun, parfois aux limites de la démocratie. Hic et nunc, le modèle de réussite asiatique accentue, sinon éveille, la perplexité de tout esprit critique sur la primauté de “l’exercice du principe démocratique”. L’État y pense souvent et agit en toute puissance pour le progrès et le bien de tous, Comment, à la majorité des citoyens africains, bien le faire percevoir et légitimer une autorité forte qui s’exerce dans l’intérêt général ?
Il nous faut méditer sur la brillante question de l’ex président de la République du Ghana Nana AKUFO, mettant au défi un journaliste qui l’interrogeait de lui citer un seul pays qui soit passé de l’indigence à la prospérité par un modèle démocratique ?!
Du reste, il n’y a pas seulement des libertés à restreindre, mais surtout un conservatisme social à dynamiter. N’est-il pas temps de mettre un terme au culte du paraitre, au mimétisme (jusqu’à la couleur de la peau), à la mentalité d’assisté, au manque de rigueur, au rapport conflictuel avec l’heure et la vérité, aux libertés prises avec les engagements personnels ou à l’archaïsme de l’expression religieuse.
On peut craindre que ce soit dans nos raideurs et dérives culturelles que se cachent aussi les causes de notre retard et de notre vulnérabilité. Ils sont attendus : les brillants sociologues et leaders d’opinion éclairés, audacieux et convaincants qui feront bouger les lignes. En tout cas, il est aisé de convenir de la démocratie, pour se maintenir sur un palier haut de prospérité. Mais pour monter à cette altitude de croisière, la poussée est nécessairement contraignante. La lumière sur les libertés est souvent atténuée quand on est bien obligé d’aider un peuple malgré lui.
Papa Macoumba GAYE
Professeur Titulaire Agrégé de Médecine Université Cheikh Anta Diop de Dakar