LE DOUBLE JEU DIPLOMATIQUE
Si BDF poursuit ses tournées diplomatiques dans les pays démocratiques, Sonko a décidé de prendre le chemin des capitales où siègent des régimes autocratiques. Que cherche-t-il, au-delà d’assumer une proximité avec les putschistes ?
Si BDF poursuit ses tournées diplomatiques dans les pays démocratiques, Sonko a décidé de prendre le chemin des capitales où siègent des régimes autocratiques. Que cherche-t-il, au-delà d’assumer une proximité avec les putschistes ?
Le nouveau pouvoir scénarise deux productions diplomatiques : il y a le Président Diomaye Faye, qui enfile son costume de chef d’Etat pour raffermir les liens diplomatiques avec les voisins : il s’est rendu en Mauritanie, qui entretient des liens gaziers avec le Sénégal, en Gambie dont l’histoire se confond avec celle du Sénégal et en Guinée-Bissau dont le Président a tissé des relations solides avec Dakar depuis son accession au pouvoir. Aujourd’hui, il sera à Abidjan qui est la locomotive économique de l’Union économique ouest-africaine (Uemoa).
Ce dimanche, Ousmane Sonko a décidé parallèlement à ces voyages présidentiels de rendre visite aux putschistes du Sahel et de la Guinée. «Le parti Pastef assumera son option panafricaniste et souverainiste par le renforcement de ses partenariats politiques aux niveaux africain et sous-régional. A cet effet, nous projetons une tournée sur invitation de nos partenaires, qui devrait démarrer par les étapes de la Guinée Conakry, du Mali, du Burkina Faso et du Niger», assure le Premier ministre, qui a présidé ce dimanche la première réunion du Bureau politique post-Présidentielle du parti au pouvoir.
Ces visites chez les présidents de l’Alliance des Etats du Sahel (Aes), mise en place par le Burkina, le Niger et le Mali, qui ont annoncé leur sortie de la Cedeao, sont le prolongement des positions tranchées de Sonko, l’opposant. Le 18 août 2022, il avait affiché son soutien au Président de la transition malienne, Assimi Goita, lors de sa déclaration de candidature à la Présidentielle de 2024. Il avait soutenu que s’il est élu Président, qu’il n’hésiterait pas «à dépêcher des troupes pour soutenir» le Peuple malien et «en finir avec cette gangrène», en référence aux groupes djihadistes qui se propagent dans le pays. Lors de la même rencontre, il avait accusé l’ex-Président Sall d’avoir «rapatrié les quelques éléments sénégalais qui étaient sur le théâtre malien». L’Armée était obligée de sortir de son mutisme en rappelant que les troupes ne s’étaient pas désengagées, mais qu’il s’agissait d’une «relève périodique des contingents engagés dans le cadre de la Minusma».
Modèle souverainiste
Pour huiler ses liens avec les colonels maliens, Sonko avait envoyé en novembre 2023, une délégation à Bamako dirigée par Dr Dialo Diop, vice-président des «Patriotes» chargé des questions panafricaines, pour discuter des questions liées aux enjeux sous-régionaux, notamment la création de l’Aes, qui vise à contrer l’influence de la Cedeao. Selon ses propos relayés à l’époque par le site Maliweb, Dialo Diop a exprimé sa conviction que l’Aes ne serait pas entravée, considérant même sa création comme une défaite politique majeure pour la France, qui s’est désengagée du Mali au même titre que la Minusma. Aujourd’hui, le Ousmane Sonko, qui incarne une nouvelle génération de jeunes politiciens, la promesse de la rupture, avec un discours aux relents populistes et panafricanistes, qui a conduit son candidat à une victoire éclatante au premier tour de la Présidentielle avec 54, 28% des voix, dix jours seulement après sa libération de prison, ne veut pas changer de logiciel : il voudrait assumer cette apparente convergence de vues avec les régimes militaires au pouvoir dans ces quatre pays. Même si certains tentent de faire croire qu’il y a une différence entre Sonko, leader du parti Pastef et Sonko Premier ministre, ses propos à Bamako, Ouaga, Niamey et Conakry engageraient le Sénégal. La dichotomie discursive est impossible à ce niveau de responsabilité.
Demain Moscou ?
Au pouvoir grâce aux urnes, qui ont consacré son poulain, que cherche Sonko chez les putschistes ? Est-ce une refonte de la politique d’exclusion contre ces régimes, soutenues à l’époque par l’ancien Président, voulue par Sonko qui a réussi à provoquer l’alternance du 24 mars dernier, qui a marqué la fin d’un bras de fer de trois ans avec Macky Sall. Pour lui, ces visites seraient l’expression assumée des idéaux dits panafricanistes qu’il partage avec les militaires au pouvoir à Bamako, à Niamey, à Ouagadougou et Conakry.
Ensemble, ils voudraient montrer qu’ils entretiennent un grand dessein souverainiste pour le continent. Lors de la prestation de serment de Bassirou Diomaye Faye, Mamady Doumbouya et le Colonel Malick Diaw, président de l’organe tenant lieu de Parlement au Mali, étaient à Dakar. Dans la foulée de l’élection de Diomaye, Général Thiani, qui avait demandé au Peuple sénégalais de prendre son destin après l’ajournement de la Présidentielle par Macky, s’est dit convaincu «qu’ensemble», ils imprimeront «une nouvelle dynamique» aux relations entre le Sénégal et le Niger «dans le sens de l’affirmation de notre souveraineté et la défense véritable des intérêts de nos peuples et que les autorités de l’Alliance des Etats du Sahel (Aes) sont engagées à le faire dans l’honneur et pour la victoire». Alors que Capitaine Ibrahim Traoré, le président de la Transition burkinabè, est sûr que le Président Faye était le «symbole d’une nouvelle ère pour une Afrique décomplexée, libre et souveraine». Demain, une visite à Moscou, parrain des trois régimes du Sahel, après le départ des Français et celui annoncé des Américains de Niamey ? Par ailleurs, le parti Pastef annonce la réception d’une délégation de La France Insoumise (Lfi) «du 14 au 18 mai, composée d’élus et conduite par Jean-Luc Mélenchon». A coups de tweets, l’Insoumis s’était toujours ému de la situation de Sonko…