ON NE SOIGNE PAS LE MAL PAR LE PIRE
Aucune nomination régulière de magistrat ne peut être faite ni retirée sans réunion préalable du Conseil supérieur de la magistrature. Le respect de la loi et de la séparation des pouvoirs est le principal pilier de la démocratie et l'État de droit
Le 4 avril dernier, quelques organes de la presse en ligne avaient rendu compte de l'abrogation par le président de la République nouvellement élu, Bassirou D. Faye de décrets portant nomination de magistrats. Les actes en question avaient été pris à l'issue d'un Conseil Supérieur de la Magistrature présidé par son prédécesseur avant la fin de son mandat.
Dans une émission faite le même jour, j'exprimais ma prudence par rapport à la véracité de cette information. J'affirmais notamment qu'il serait étonnant qu'un président qui a été fraîchement élu pour rétablir principalement l'État de droit et l'indépendance de la justice puisse lui-même porter atteinte à ces principes fondamentaux dès ses premiers actes.
Car il était constant qu'il n'y avait ni réunion du Conseil Supérieur ni même une consultation à domicile.
Depuis lors, j'ai essayé de vérifier sans succès si cette information était avérée.
Grande a été ma surprise de constater l'existence de ces décrets qui violent manifestement les principes constitutionnels de l'indépendance de la justice et de la séparation des pouvoirs. En effet, au regard de l'article 90 de la Constitution, « Les magistrats autres que les membres du Conseil Constitutionnel et de la Cour des Comptes sont nommés par le président de la République après avis du Conseil Supérieur de la Magistrature. »
L'article 4 de la loi organique portant statut des magistrats confirme que « Les magistrats du corps judiciaire sont nommés par décret sur proposition du ministre de la justice, après avis du Conseil Supérieur de la Magistrature.»
Il apparaît donc clairement qu'aucune nomination régulière et légale de magistrat ne peut être faite ni retirée sans réunion préalable du CSM.
Je tiens cependant à préciser que je désapprouve totalement la tenue d'un
CSM la veille de l'expiration du mandat du président Sall. C'est non seulement d'une inélégance républicaine sans précédent, mais c'est très suspect. Il était néanmoins possible de revenir sur ces mesures en respectant le parallélisme des formes, c'est à dire en convoquant une autre réunion du CSM.
C'est pourquoi, j'invite M. le président de la République, à procéder au retrait de ces décrets qui ont été probablement pris dans la précipitation.
Le respect de la loi et de la séparation des pouvoirs est en effet le principal pilier sur lequel repose la démocratie et l'État de droit.
Ibrahima H. Deme est ancien magistrat, avocat, président du parti ETIC.