POUR LA PREMIERE FOIS….
La présente contribution s’inspire d’un article d’Alioune Tine paru sur Walf, évoquant le silence du ministre de l’Intérieur actuel chargé des élections sur la non application des décisions de justice concernant la réinsertion d’Ousmane Sonko ...
La présente contribution s’inspire d’un article d’Alioune Tine paru sur Walf, évoquant le silence du ministre de l’Intérieur actuel chargé des élections sur la non application des décisions de justice concernant la réinsertion d’Ousmane Sonko sur le fichier électoral.
Le « droit de l’hommiste » l’interpelle en ces termes : “C’est pour la première fois que le Sénégal fait l’expérience d’une défaillance aussi caractérisée de son administration face à une question majeure de démocratie et d’état de droit pour une raison simple : l’administration électorale ne communique pas, ne dialogue pas, ne se concerte pas avec les acteurs concernés »
Il faut en effet rappeler que, dans un passé récent, les partis politiques en compétition avaient su “dialoguer” pour convenir du choix d’une personnalité neutre pour la supervision des consultations, et répondre ex ante aux desiderata légitimes des uns des autres. Au-delà de l’organisation des élections, le contexte actuel doit interpeler. On pourrait aussi dire, à la suite d’Alioune Tine que, Pour la première fois :
L’élection présidentielle se tient après de violentes confrontations qui ont fait des morts, des blessés, et une foultitude de jeunes militants en prison, et avec des enquêtes toujours en cours pour déterminer les responsabilités. Nul doute que cela ne manquera pas d’influer sur le climat d’un scrutin qui aurait dû se tenir dans un environnement plus apaisé. Il faut souligner que la répression par les forces de défense et de sécurité, a été si lourde que les premiers responsables d’entre eux invoquent à son propos, l’inadaptation de l’appareil du maintien de l’ordre répressif pour gérer ce type de manifestations ;
Pour la première fois :
On va aux élections présidentielles au Sénégal, sans les ténors de la scène politique, soient l’actuel Président de la République qui ne se représente plus, et son principal challenger en prison;
Pour la première fois :
Les décisions de justice enjoignant l’administration chargée de ces élections (DGE, DAF) d’inclure à nouveau le principal opposant dans le fichier électoral duquel il avait été retiré à tort, ne sont pas prises en compte par celles-ci. Au niveau du parti au pouvoir,
Pour la première fois :
On note une sorte d’implosion du parti au pouvoir dont les cadres les plus emblématiques refusent de s’aligner sur le candidat choisi.
On a connu par le passé des sécessions de ténors de partis comme celles de Djibo Djibo Ka, puis Moustapha Niasse du PS à l’orée des élections de 2000, mais à notre connaissance, elles n’avaient pas eu la même ampleur que celle que nous observons aujourd’hui au niveau du parti présidentiel.
Le parti au pouvoir va dans une grande dispersion aux élections avec des personnalités politiques de 1er ordre, comme Mouhamed Boun Abdallah Dionne ancien Premier Ministre, Aly Ngouille Ndiaye ancien Ministre de l’Intérieur, Mame Boye DIAW, ancien Directeur des Domaines, Aminata Asomme Diatta ancienne ministre du Commerce, et d’autres très tôt en rupture de ban, comme Aminata Touré, ancienne Premier ministre, Coumba Ndoffène Bouna Diouf ancien Ministre etc…
Pour la première fois :
Le candidat officiellement investi par son parti, n’en tient pas les rênes.
Le Président de la République qui vient de se voir confirmé à nouveau dans le poste de Secrétaire général de l’APR.
Cette situation me semble inédite, et pose le problème de la liberté de manœuvre du candidat lorsque la campagne électorale sera lancée
De tout cela, il ressort que :
Le caractère inclusif du scrutin est déjà menacé par le jeu de yoyo entre l’administration des élections et les juges du fond sur la question de la légalité de la candidature de SONKO. Un précontentieux électoral est donc du domaine du possible, au regard de la détermination de la DAF, de la DGE et de la CDC, à appliquer les décisions de juges du fond de Ziguinchor et de Kolda
Le dossier de l’opposant vient d’être remis au Conseil Constitutionnel, qui l’a jugé recevable.
L’avenir proche nous dira ce qu’il en sera réellement de la décision finale de cette institution quant aux candidats définitivement retenus pour compétir en février 2024
Enfin cette élection ne charrie pas encore d’informations claires sur la vision des candidats, malgré la publication d’ouvrages de quelques candidats potentiels, mais qui n’ont pas encore l’objet de débats publics approfondis.
Il s’agit de Mame Boye DIAO qui vient de publier «Le Sénégal qui vient» et Ousmane Sonko qui annonce la parution d’un nouveau livre, après la publication de « Pétrole et Gaz au Sénégal », « Solutions pour un Sénégal nouveau », et « les territoires de développement »
Le candidat Amadou Ba, quant à lui, affirme s’inscrire dans la continuité, en gardant la vision (PSE) et les programmes de son prédécesseur, avec un accent particulier sur une politique d’emploi des jeunes, dans un mode encore plus « fast track » que la précédente.
Toutefois l’annonce qui a retenu notre attention est, pour l’instant, celle de la création d’une banque de développement dont les contours et les missions restent à préciser
Au plan sous-régional, les élections vont se tenir dans un contexte de crise la CEDEAO, marqué par la création de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) entre le Niger, le Burkina Faso et le Mali, et dont la série d’actes posés poussent au pessimisme quant à l’avenir de la communauté économique telle que créée en 1975
En définitive, notre pays aborde un nouveau tournant dans son histoire de pays ayant acquis la souveraineté formelle depuis bientôt 64 ans.
Il est caractérisé par la jeunesse de sa population, aux attentes de celles-ci et de la population en général d’une vie meilleure et d’un renforcement des acquis démocratiques
Avec la violence de la répression des évènements de 2021 et 2023, suivis d’emprisonnements de près de 1000 manifestants si l’on s’en tient aux statistiques reprises par les organes de presse, le pays semble avoir rompu avec le pacifisme d’antan. Les plans et programmes proposés depuis 1960 n’ont pas encore mené à l’avènement d’un Sénégal nouveau.
Dans cette situation, il est utile de signaler aux candidats que l’enjeu est d’autant plus crucial que le Sénégal se trouve à la croisée des chemins au regard de la réorganisation géopolitique de la mondialisation qui se déroule sous nos yeux
L’entame du processus de transformation structurelle de notre économie est urgente. Le modèle économique actuel a fait la preuve de son inadaptation et de son incapacité à satisfaire les besoins essentiels des populations par la création d’emplois décents et la répartition équitable des fruits de la croissance.
Les gouvernants africains dans leur ensemble, ne peuvent plus se permettre de faire fonctionner leurs économies à partir de rentes issues de l’exportation de ressources minières brutes, dont les revenus peinent à couvrir les besoins de populations caractérisées par un croît démographique exponentiel.
Les attentes d’un développement économique à partir de l’aide au développement, de l’endettement auprès des institutions financières internationales ou du financement international privé, dont les délais sont de plus en plus courts avec des taux d’intérêts élevés menaçant la soutenabilité des dépenses budgétaires de remboursements, ont fait la preuve de leur nocivité en matière de souveraineté nationale
Les remèdes prescrits par les institutions de Bretton Woods, visent prioritairement à restaurer l’équilibre budgétaire national via une augmentation des recettes internes (fiscalité) et des restrictions sur les dépenses publiques, le tout en harmonie avec la stricte nécessité de préserver la capacité à rembourser la dette.
Le changement de modèle économique ne peut-être qu’arraché à une oligarchie néocoloniale strictement centrée sur la maximisation de ses marges d’exploitation.
La question à poser est par conséquent de savoir quel est le niveau de détermination des aspirants à la magistrature suprême, de s’engager dans une voie de rupture avec ce modèle qui n’a jamais conduit nulle part au développement économique ?
Il est temps de relever le défi de la transformation structurelle et de ne plus se contenter de la part congrue de la valeur ajoutée que l’on veut bien accorder à nos pays, que l’on se garde bien désormais d’appeler, avec beaucoup de cynisme « pays en voie de développement » alors que nous vivons dans une mondialisation à sens unique. Le Président de la République, lors du dernier Conseil présidentiel de Fatick a d’ailleurs évoqué les difficultés structurelles du pays, qu’il n’aura pas su, lui-même, résoudre sur la durée de son magistère.
“Un pays(le Sénégal) qui après 63 ans d’indépendance n’a pas de langue nationale enseignée, et dont la monnaie constitue un problème, c’est ça les vrais débats économiques débats de société, le reste c’est des faux problèmes au quotidien” fait-il ce jour-là. La monnaie…. Le mot est lâché ; de surcroît, sa place dans ce discours improvisé, intrigue. S’agit-il du Fcfa actuel ? De l’ECO version Uemoa, de l’ECO version CEDEAO ?
Le discours gagnerait à être éclairci, et des positions nettes prises par les candidats, dans un contexte où le Fcfa est le symbole d’une « servitude volontaire » comme dirait l’autre, aux yeux des jeunes du continent qui le considèrent comme la source de tous les malheurs.
Pour en revenir à la question du caractère inclusif que doit revêtir l’élection, nous disons à toutes fins utiles, que le passage en force que constituerait l’élimination de SONKO, pourrait accoucher d’une situation que beaucoup d’entre nous redoutent, à savoir des comportements anarchiques nés du désespoir, avec comme conséquence la présence accrue dans l’espace politique et social, des forces chargées du maintien de l’ordre tel que conçu par les tenants actuels du pouvoir actuel, animé par la farouche volonté de perpétuer leur règne. Auquel cas, Il est permis de conjecturer que le scrutin prochain pourrait accoucher d’un Sénégal nouveau, dont le trait distinctif serait une restriction accrue des libertés de toutes natures que l’on observe dans les grandes dictatures du monde.
Les prémisses sont là.
Elles ont pour nom : interdictions quasi systématiques des manifestations à caractère politique, obstruction des lieux de réunion (siège de Dethié Fall), mise à contribution outrancière de la justice pour régler des différends politiques etc… Bientôt la prise de parole irrévérencieuse ne sera plus tolérée, avec les conséquences que l’on sait sur la liberté et les droits humains.
Par conséquent, « THE DAY AFTER », un tohu bohu indescriptible pourrait se produire, et mènerait à ce que De Gaulle appelait à tort la “chienlit” pour qualifier à son niveau le “désordre social” qui allaient suivre les manifestations de 1968.
Pour finir, il nous semble utile de lancer un appel aux aspirants à la magistrature suprême, pour rappeler que, présider aux destinées du pays ne signifie essentiellement jouir de la toute-puissance du pouvoir accordé par la Constitution au Président de la République, que nous considérons comme excessif en démocratie.
Des pouvoirs du Président de la République, le pouvoir de nomination nous paraît être le plus pernicieux, lorsqu’il est utilisé à des fins de démonstration de puissance.
Il semble vouloir dire :
« Je te nomme et je te dégomme selon mon humeur » !
« Tu n’étais rien, de mon seul bon vouloir je te fais toi « TOUT » !
« Tu es riche, je t’appauvris » séance tenante pour t’apprendre à obéir !
« Tu n’obéis pas, je te jette en prison afin que nul n’ignore l’étendue de ma puissance !
La liste des formes d’abus de pouvoirs possibles est longue et peut prendre les formes les plus insensées, surtout dans un pays qui est passé du royaume à la République sans en expliquer le sens évolutif.
Les expressions « Borom Réwmi, Borom deukëbi », utilisées par des compatriotes ignorants ou alors adeptes de la flagornerie, témoignent de cette confusion sur le statut du chef de l’Etat, d’ailleurs souvent entretenue à dessein par ce dernier pour renforcer davantage son image de souverain auprès du peuple.
Au-delà de 2024, des réformes s’imposent pour la réduction des pouvoirs présidentiels, dont le caractère hypertrophié est source de dérives autoritaires préjudiciable au bon fonctionnement d’une République démocratique.
Dans cette perspective, la société civile a un important rôle à jouer ; il devient urgent pour le pays qu’elle s’implique dans la définition et des politiques publiques jusque-là laissée à l’appréciation d’un seul homme ou d’un seul parti politique. Elle en est capable de par la force de ses idées et ses capacités de suggestion et de mobilisation.