RENVERSEMENT DE PERSPECTIVES
A qui parle-t-on donc d’une société sénégalaise en lambeaux qu’il a fallu reconstruire et réconcilier ? A quoi fait-on référence ?
«Léguer un Sénégal réconcilié et en paix», telle est la raison qui aurait motivé la décision du Président Macky Sall de reporter l’élection présidentielle au dimanche 24 Mars, alors qu’elle devait se tenir le 25 février. Le concerné l’a encore réaffirmé à l’occasion d’un entretien qu’il a accordé à la Bbc.
Réconciliation et paix. Le refrain est entonné partout par les hommes et femmes du président dans quasiment toutes leurs sorties de campagne électorale. De même que par des membres de la société dite civile. Mais que l’on nous permette d’émettre quelques objections. Pour dire que le Sénégal n’a jamais été un pays divisé : pas de conflits inter-ethniques, ni de conflits inter-confrériques, ni de conflits inter-religieux… toutes choses qui sont le fondement de notre vivre-ensemble. A qui parle-t-on donc d’une société sénégalaise en lambeaux qu’il a fallu reconstruire et réconcilier ? A quoi fait-on référence ?
Les tragiques événements survenus en 2021 et qui ont couru jusqu’en 2024 ne sont rien moins que la conséquence de l’irresponsabilité de nos hommes politiques, entretenue par certaines entités dont les médias. Et des Sénégalais ont dû se lever pour exercer leur devoir citoyen de renversement de paradigmes et de perspectives.
Il s’est alors agi de se dresser contre ceux qui se sont assurément trompé en pensant que le bien commun consistait exclusivement dans leur réussite personnelle, leur pouvoir et dans la satisfaction de leur avidité.
Il s’est agi de la défense du registre moral contre le rapport de force instauré par les réalistes-cyniques où les forts et les puissants l’emportent, et les faibles perdent toujours. Il s’est agi de manifester contre les sautes d’humeur qui gagnent la vie politique au détriment de la rationalité et du long terme.
Il s’est agi de s’opposer au mépris des lois qui conduisent à l’ochlocratie.
Il s’est agi de faire barrage aux imposteurs qui, une fois au pouvoir, s’emploient à noyauter toutes les institutions.
Il s’est agi d’exiger la moralisation de la vie publique, d’aller à la chasse aux conflits d’intérêts, aux arrangements douteux… et de réaffirmer la moralité au poste de commande de l’action politique. C’est de tout cela qu’il a été question. C’est de tout cela qu’il sera question…
A moins que.