TRUMP ET LE BLUES DU PETIT BLANC
Le "trumpisme" aura renforcé ce courant nationaliste chauviniste réactionnaire et raciste, prônant le repli identitaire, qui se révèle de plus en plus comme une lame de fond qui traverse tout le monde occidental

Donald Trump est raciste.
Il assimile les Mexicains à "des trafiquants de drogue, des violeurs, des voyous..". Son programme politique dont le slogan promet de "Restaurer la Grandeur des États Unis", ne fait aucune référence aux Africains Américains. Les groupuscules néo nazis et suprémacistes blancs qui prolifèrent encore dans le Sud des États Unis ne s'y sont d'ailleurs pas trompés en l'adoptant dès le début de sa campagne. Et il refuse de se dissocier publiquement même du Ku Klux Klan.
Donald Trump est ouvertement sexiste.
Propriétaire de la structure organisatrice de "Miss USA" et de "Miss Monde" il ne juge les femmes qu'en fonction de leur apparence physique. Il dénonce avec véhémence le droit à l'avortement reconnu dans la plupart des États de l'Union.
Islamophobe, il se propose d'interdire l'entrée des États Unis à tous les musulmans de tous les pays du monde. Quant aux 11 millions de migrants clandestins vivant en ce moment aux États Unis, il promet de les déporter tous dès sa prise de fonction et d'ériger un mur de plus de 3.000 kilomètres tout le long de la frontière mexicaine. Il se propose même de "revoir" le statut des migrants légaux !
sur le plan de la politique internationale, le Président Trump retirera son pays de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) qui constitue pourtant depuis la fin de la 2ème guerre mondiale le cadre central de coopération militaire et stratégique entre les États Unis et l'Europe.
Il reniera tous les accords commerciaux dont les USA font partis à travers l'Organisation Mondiale du Commerce (OMS), accords qui constituent à ses yeux un "viol" et qui auraient permis de "transférer des millions d'emplois américains" en Chine.
De même, le Président Donald Trump dénoncera tous les accords sur le climat, estimant que "le concept même de réchauffement climatique a été crée par les Chinois pour rendre l'industrie manufacturière américaine non compétitive".
Comment un homme avec des conceptions si radicalement opposées au consensus démocratique, aux opinions dominantes chez les Démocrates comme chez les Républicains, peut il même se présenter à l'investiture de l'un des deux partis dominants, aujourd'hui en 2016 ? Pourtant après avoir remporté sans conteste la nomination du Parti Républicain, en raflant 45% des votes face à sept concurrents, il fait maintenant jeu égal avec son rival démocrate.
A la clôture de la convention de son parti, il marquait même un net avantage avec 44% des intentions de vote contre 39% à Hillary Clinton selon un sondage mené par CNN le 22 juillet. Il est vrai que c'est la candidate démocrate qui est désormais en tête des sondages depuis que la convention de son parti s'est à son tour tenue.
En tous cas, on le voit : Donald Trump représente un challenger sérieux à Hillary Clinton. Certains observateurs prédisent même déjà une Présidence Trump. "Il y'a bien une voie pour Donald Trump pour obtenir les 270 votes du collège électoral" titrait il y'a quelques jour le Washington Post.
Les médias américains avaient pourtant d'abord cru à un "phénomène" passager suscité par un emballement médiatique du aux talents du candidat qui a animé une émission de télé-réalité pendant plus d'une décennie. Mais les sondages ont tôt fait de révéler qu'en fait le candidat républicain bénéficie d'une vraie base électorale : "les blancs qui n'ont pas fait d'études supérieures".
Les "petits Blancs" dirons nous.
Ceux-ci se retrouvent dans les états de l'ancienne ceinture industrielle, la Rust Belt, du Nord Est, autour des grandes villes de Chicago, Détroit et Cleveland jusque dans les anciennes cités industrielles le long de la frontière canadienne. Ce sont des ouvriers de la sidérurgie, de l'automobile et des mines.
Cette population a subi de plein fouet les effets de la mondialisation avec la délocalisation des industries manufacturières et la fermeture des mines. Les "Petits Blancs" se retrouvent aussi dans le Sud traditionnel, celui des 11 États Confédérés : Alabama, Arkansas, Florida, Georgia, Louisiana, Mississippi, North Carolina, South Carolina, Tennessee, Texas et Virginie.
Bien que bénéficiant encore dans leur ensemble de niveaux de salaires supérieurs à ceux des Noirs de la même classe et affectés par un taux de chômage moins élevé (6,9 % contre 16, 6% en 2015), le déclin économique, la baisse de revenue et l'insécurité financière ont eu des effets dévastateurs sur cette classe sociale.
C'est que les valeurs sociales et culturelles traditionnelles de cette classe : suprématie blanche, domination du male, christianisme fondamentaliste, croyance en l'exceptionnalisme américain et patriotisme agressif, ont été battus en brèche.
La reconnaissance des droits civiques des Noirs, l'émancipation des femmes, la défaite du Vietnam, la souveraineté de plus en plus affirmée des états de l'Amérique latine, l'impuissance des "boys" en Irak en Afghanistan ont été autant de traumatismes pour elle. Elle est maintenant dévastée par l'alcoolisme, la drogue, la délinquance juvénile, la destruction de la famille et une étonnante augmentation de la mortalité.
Le "Petit Blanc" américain attribue sa déchéance aux "autres", c'est-à-dire au "gouvernement de Washington" qui serait corrompu et aux mains des "socialistes", aux Noirs qui seraient "violents" et vivraient au crochet des "Américains qui travaillent dur et croient en Dieu", aux Latinos et autres immigrés qui ne seraient que des trafiquants de drogue et aux "Chinois" qui leur auraient pris leurs "jobs".
L'élection à deux reprises d'un Noir à la présidence des États Unis n'a paradoxalement fait que conforter les Petits Blancs dans cette vision du monde. Noam Chomsky, le linguiste de renommée, professeur émérite au MIT, critique particulièrement lucide de la politique et de la société américaine faisait remarquer que le Petit Blanc américain était animé de "profonds sentiments de colère, de peur, de frustration et de désespoir" et que tout le discours de Donald Trump était calibré pour exploiter à fond ces sentiments.
Et il ajoutait que c'était précisément pour cela qu'il était dangereux. Mais la dangerosité de Donald Trump n'est pas tant qu'il pourrait succéder à Barack Obama à la Maison Blanche. Car, en réalité s'il y a une "voie" pour son élection le 8 novembre prochain, elle bien étroite.
Les "Petits Blancs" vers lesquels il semble concentrer de plus en plus sa campagne, en excluant, souvent violemment tous les autres groupes, ne représentent qu'entre 23 et 30 % de l'électorat. Et ils ne voteront évidement pas tous pour le candidat républicain.
Cependant même si son promoteur est battu par Hillary Clinton, le "Trumpisme" aura distillé son venin au sein de la société américaine et contribué à aggraver les clivages raciaux et sociaux, le racisme et les discriminations. Ceci survenant dans un contexte où l'élection d'un Noir à la Maison Blanche qui a provoqué une contre révolution blanche qui cautionne l'incarcération de masse des jeunes Noirs et leurs meurtres par la police.
Au plan international le "trumpisme" aura renforcé ce courant nationaliste chauviniste réactionnaire et raciste, prônant le repli identitaire, qui se révèle de plus en plus comme une lame de fond qui traverse tout le monde occidental. On a pu le vérifier encore récemment en Grande Bretagne avec le "Brexit".
De la France à la Hongrie, de la Slovénie jusque même à la Suède ou à la Norvège, le discours de Donald Trump trouve échos, s'il n'est pas déjà celui du pouvoir. C'est dans ce sens que Noam Chomsky faisait le parallélisme entre la situation actuelle et celle qui, dans les années 1930 a conduit à l'élection d'un certain Adolf Hilter en Allemagne.
"On disait que c'était le Juif le problème. On vous dira à présent que ce sont les Noirs et les migrants clandestins. On vous dira que les males Blancs sont une minorité persécutée…"