«JE N’AI JAMAIS DIT QUE DIP … »
Palabres avec … Nit Doff, rappeur

Mor Talla Guèye alias NIT DOFF est un artiste engagé à sa manière. Le natif de Louga qui a longtemps vécu en France a réussi à se faire accepter du public local grâce à la seule force de sa détermination en imposant son style assez dérangeant même s’il s’est assagi avec l’âge. Cependant il est toujours d’attaque pour tirer sur le régime. Il est revenu sur son parcours et sur ses ambitions à quelques heures de la tenue de la neuvième édition du Show of the year.
Vous tenez ce vendredi 20 décembre, la neuvième édition du Show of the Year ?
Nous en sommes à la neuvième édition, ce qui signifie qu’on est en train de poursuivre notre petit bonhomme de chemin et de marquer notre parcours. Pour moi, neuf éditions, ce n’est pas rien et cela représente quand même quelque chose.
Certains vous reprochent de vous cantonner au Stade Iba Mar Diop?
Depuis toujours nous travaillons selon un plan et une feuille de route bien définis. Cette année encore, on a suivi ce plan. C’est pourquoi nous allons faire deux dates. On a déjà eu à faire deux dates par le passé en jouant au Grand Théâtre et à Iba Mar Diop. Pour cette année, on a décidé d’améliorer l’existant en allant jouer à Iba Mar et à Paris. C’est vraiment cela la spécificité de cette année. Pour la première fois, on fera sortir le Show of the year du Sénégal pour l’amener à Paris. C’est quelque chose de grandiose. Pour l’année prochaine, on est en train de réfléchir et on compte proposer quelque chose de lourd et même mieux que l’Arène Nationale et Dakar Aréna.
Selon certaines indiscrétions pour la dixième édition, il sera question d’organiser un festival…
Effectivement ! L’événement a grandi et on ne va plus se contenter d’organiser un seul concert. C’est devenu une grosse demande. Il faut forcément s’adapter. C’est pratiquement devenu le rendez-vous ponctuel de tout le mouvement. Rien que pour cela, il faut que l’on essaye de le rendre beaucoup plus large pour que tout le monde puisse y trouver son compte. Et effectivement, l’année prochaine, ce sera autre chose. Un autre « level » inch Allah.
Pourquoi avoir choisi la date du 20 décembre ?
Il s’agit juste d’une date choisie au hasard. A la base, les Shows se déroulaient les samedis. Il se trouve que pour cette année, la date était déjà prise le samedi et on s’est rabattu sur le vendredi. Mais ce n’est pas très grave car nous serons en période de vacances. C’est juste pour cela que l’on a choisi la date du 20 décembre.
Pour la date 29 vous irez en France et vous allez collaborer avec Shym. Pouvez-vous nous parler de ce nouveau partenariat ?
De la première à la huitième édition, c’était H Guns Art et Buzz Events. On a réussi à faire prendre la sauce. Mais on a toujours voulu faire voyager le concept. Nous avions pour ambition d’inviter de nombreux artistes et de représenter le drapeau du hip hop Galsen aux quatre coins du monde. C’était vraiment ça l’idée. Quant à Shym, il a toujours soutenu toutes mes initiatives. C’est après avoir positivement apprécié l’énorme travail abattu que nous avons décidé de collaborer avec lui. A dire vrai, je suis très satisfait et je n’ai pas regretté d’avoir franchi le pas. Grace à son dynamisme et son entregent, nous avons réussi à réaliser notre fameux rêve de faire voyager le Show of the Year à Paris à la Bellevilloise. Cela, on le doit à Shym.
L’année dernière avec Domou Djoloof, vous et Shym, vous n’aviez pas réussi à organiser des évènements à Paris faute de visas. Comment avez-vous vécu cela ?
C’était juste une injustice. Ce sont des choses que l’on ne peut même pas expliquer. On ne peut pas concevoir que des artistes qui ont réussi à bâtir quelque chose de solide au Sénégal et qui y vivent soient ainsi interdits de voyager pour faire leur travail. Au même moment, leurs ressortissants viennent ici quand ils veulent sans aucun problème. Cela m’avait vraiment révolté et je ne me suis pas fait prier pour le dénoncer. C’est inadmissible. Heureusement que tout est rentré dans l’ordre et il n y a pas eu de problèmes cette année. C’est une occasion pour exhorter les gens qui travaillent dans les ambassades d’accorder plus de respect aux artistes car ils doivent voyager pour travailler. Il faut qu’ils fassent un peu d’efforts. Et encore une fois, qu’ils respectent un peu plus les artistes qui sont appelés à sillonner le monde pour leur boulot.
Quel répertoire allez-vous revisiter pour ce vendredi ?
On a l’embarras du choix car on a cinq albums sur le marché. Mais après tout, ce qui va être le plus important dans l’histoire, c’est la participation de tout le monde. C’est tout le mouvement qui sera à l’honneur et à la fête. Je veux dire par là, la crème, ceux qui viennent d’émerger, des révélations qui n’ont pas encore sorti d’albums. Ce, sans oublier les anciens qui ont tracé la voie et les artistes de ma génération. Comme d’habitude, on va offrir un bon spectacle. Nous voulons qu’il y ait un vrai spectacle et que les gens soient éblouis. Il ne s’agit pas de venir juste pour assister à un concert et de rentrer. Il faut que les gens soient émerveillés et que le lendemain au réveil, ils se disent : « Waaw, j’ai vécu quelque choses de fabuleux !». Il faut créer du rêve et que le spectateur soit surpris et étonné
Peut-on s’attendre à des innovations ?
Je préfère ne pas trop m’épancher la –dessus, mais il y aura beaucoup de surprises. Il y aura des invités inscrits sur mon conducteur. Je suis sûr que le spectacle livré va chambouler le public. Je m’en arrête là.
En dix ans de carrière vous avez sorti cinq albums. Quel est celui qui vous a le plus marqué ?
C’est une question qui revient souvent. Il est vraiment difficile d’y répondre car ce sont tous mes bébés. Les émotions ne sont pas les mêmes, mais les premières sensations et les premiers frissons sont toujours les meilleurs. Le retour que j’ai eu sur mon premier album reste le plus fort. Cela reste mon meilleur souvenir
Quels sont les artistes qui vous inspirent ?
Michael Jackson et Bob Marley. J’ai commencé par la danse et Michael est un as dans ce domaine. Sa voix est aussi sublime. J’écoute aussi Bob Marley qui m’inspire beaucoup. J’écoute Tupac même si ce n’est pas pour me calmer
Pouvez-vous revenir sur votre parcours ?
J’ai commencé par la danse. A l’époque, il y avait Michael Jackson et MC Hammer et tout le monde voulait faire de la danse. Par la suite, il y a eu l’avènement du rap wolof avec plus de punch. C’est ce qui nous a fait basculer vers la musique. Avant d’intégrer le milieu, j’aimais le rap et j’en écoutais souvent. J’écoutais beaucoup Iam, NTM, Pac, Biggy et tant d’autres. Avec l’essor du rap wolof, j’ai également aimé le Pee Froiss, Daara J, Rapadio etc... Tous ces gens m’ont vraiment donné envie de faire du rap.
Durant cette période, vous avez eu à faire des choses que vous regrettez et que vous n’allez jamais refaire ?
Effectivement, il y a eu des erreurs. Je suis un homme avec ses faiblesses et il peut arriver que je commette des erreurs. Cependant, je ne vais pas regarder dans le rétroviseur et revenir sur des choses blâmables que j’ai dû vivre dans mon parcours. Sur les douze ans, il y a eu certainement des erreurs de comportement et des mots de travers. C’est vrai et c’est humain. Je ne vais pas tous les citer
Quelle a été la plus grande difficulté à laquelle vous avez dû faire face à vos débuts ?
C’était sans doute le fait de m’imposer et de prendre ma place. Ce n’était pas facile ni évident de venir s’imposer dans un milieu où il y avait déjà des gens bien installés. Il fallait se battre d’autant plus que je ne vivais pas ici. Il fallait s’imposer. Et comme j’étais à l’extérieur, il y avait des barrières et il fallait se battre. C’est pourquoi j’ai dû m’incruster et m’installer pour arriver à imposer mon style.
Comment voyez-vous l’évolution du rap sénégalais ?
Il y a du positif et des acquis. Cependant, on constate un manque d’engagement au niveau des textes et de la musicalité. Les gens sont obnubilés par le buzz et le nombre de vues. Ce qui fait qu’ils ont laissé de côté ce qui faisait le charme du rap sénégalais avec la profondeur de ses textes et cette belle musicalité. Il y a aussi beaucoup à faire sur l’implication sur la vie des sénégalais. Le rappeur sénégalais jouait un important rôle de conscientisation au sein de la société et surtout de la jeunesse. Maintenant pour la recherche du profit et du buzz, on a tendance à négliger cet important aspect et je trouve cela dommage. Au niveau des vidéos, de la gestion de l’image et de la carrière de l’artiste, ils ont accompli d’énormes progrès. Ils parviennent aussi à jouer dans les grandes salles et à faire bouger les foules. Pour moi, tout ça c’est bien, mais il ne faut pas qu’ils laissent tomber le peuple. Les rappeurs s’imprégnaient vraiment des galères des Sénégalais. Ils se faisaient un combat et je trouve dommage qu’ils aient décidé de ramer à contre -courant et de ne plus en faire une priorité
Vous leur conseillez quoi alors?
Il faut qu’ils croient en leurs potentialités. Il faut aussi marcher sur les traces de nos ainés et éviter de tomber dans certains travers. Nous vivons dans une société qui nous inculque certaines valeurs et nous fixe des limites à ne pas franchir. La recherche effrénée de vues ou le buzz et de la notoriété ne doit pas nous pousser à dépasser certaines limites. On a un rôle à jouer dans cette société. Nous avons toujours été respectés et il faut éviter de se focaliser sur certains comportements répréhensibles qui commencent à prendre de l’ampleur
En parlant de comportements déviants, vous pensez surement à DIP qui vous a « clashé ». Pourtant vous disiez qu’il ne franchirait jamais cette barrière
Je n’ai jamais dit qu’il ne fera pas un « Clash » contre moi. Chacun a le droit d’interpréter les choses à sa manière, mais je suis un simple humain. Je ne suis pas un intouchable et je fais partie du « Game ». Cela fait partie du hip hop. Ce ne sont pas des choses méchantes. Ce qu’il a dit sur moi n’engage que lui, mais moi je n’ai rien de spécial à dire sur lui. Je suis en train de faire des choses beaucoup plus importantes pour le Game. C’est à ce niveau que m’attend la société. C’est à dire essayer de fédérer, de faire plus et mieux, d’organiser des choses extraordinaires et de relever le niveau. C’est cela mon rôle actuel et je dois aussi essayer d’ouvrir la voie à ces jeunes et leur faire profiter de ma position et de mon expérience. Je ne suis pas au stade où je vais me chamailler et rendre les coups. Je ne peux pas refuser cela, car cela fait partie du Game et j’ai déjà eu à en faire. Cependant, j’ai dépassé ce niveau et je vise plus haut. Je ne suis plus dans cette dynamiquelà. Quand on m’attaque, je laisse la rue répondre à ma place et ces gens-là le font très bien.
On va revenir au Show qui est devenu un évènement d’une grande dimension et très attendu. Est-ce que l’Etat vous a appuyé pour cette édition ?
(Gros éclats de rires) Non ! Franchement, je n’ai reçu aucun soutien de l’Etat ou de l’autorité de maniéré générale. C’est un peu à l’image de nos dirigeants. Il faut que tu sois leur larbin ou que tu deviennes leur pantin, sinon ils te boycottent et te ferment des portes. Mais cela ne peut nullement nous ébranler. Nous sommes des croyants et nous croyons en nous et en notre peuple. Nous n’avons jamais dépendu d’eux pour réussir nos évènements. Nous en sommes à notre neuvième édition et nous n’avons rien obtenu de ces gens-là. Pour rien au monde, on va changer. On restera nous-mêmes car c’est cela qui nous a construit. Je trouve juste dommage que pour un évènement de cette envergure, envié de toute l’Afrique, que nos autorités nous ignorent de cette façon. Je ne suis pas du genre à pleurnicher, car je suis un fonceur. S’elles viennent, c’est tant mieux car on a tous besoin d’être soutenu. Si elles ne viennent pas aussi, on va poursuivre notre chemin. Je profite de l’occasion pour remercier le public qui a toujours été présent à nos côtés. On est en train de réussir sans retourner notre veste ou changer notre discours. Et c’est ça qui fait notre force pour l’instant.
Nit Doff est toujours pro Sonko ?
Ah oui et à 1000%…
Qu’est- ce qui vous a précipité dans le champ politique ?
Franchement, je ne suis pas dans une démarche de politique politicienne. Mais je ne me suis jamais éloigné du champ politique car tout ce qui parle des affaires de la cité me concerne. Je suis un citoyen envoyé par son peuple pour défendre ses intérêts. Je dois prendre des positions s’il le faut. Je l’ai toujours fait avant que Sonko ne soit connu. J’ai toujours pris des positions à chaque fois que le besoin s’est fait sentir. Donc j’ai toujours mené ce combat citoyen bien avant l’avènement de Sonko et de son parti. Il se trouve que s’il y a un leader qui défend les mêmes principes et qui partage le même combat que moi. Alors, je défends les mêmes valeurs. Et comme j’ai vu quelqu’un qui aspire à défendre les mêmes intérêts que moi, je ne vais jamais hésiter à être à ses côtés. D’autant plus que je sais parfaitement où ces gens-là veulent mener notre pays. Tout ce qui m’intéresse, c’est qu’il faut que le Sénégal change. Je suis convaincu que le système actuel et nos gouvernants du moment ne sont pas bons pour notre pays. J’en suis convaincu et il faut que cela change et que ces gens-là dégagent. Je ne suis pas le seul à avoir cette vision. Tout le monde sait que rien ne marche dans ce pays. Tous les secteurs sont malades. Que ce soit la santé, l’éducation, le chômage, l’émigration clandestine, le coût de la vie. Rien ne fonctionne. Au même moment, on voit des gens qui sont épinglés par des rapports, libres de tout mouvement. On les voit s’accuser de tous les noms d’oiseaux. Ils blanchissent de faux billets et détournent nos milliards pendant que d’autres se livrent à un spectacle de manière éhontée. Pendant ce temps, il y a une justice sélective qui emprisonne selon la tête du client. Les grands prédateurs de notre économie et voleurs de la République se pavanent. Il faut que la République cesse d’être le nid de grands voleurs. Cela ne peut plus continuer. Concernant l’électricité, Il faut que chacun prenne ses responsabilités. Et si on voit que certains partagent cette vision et qu’ils sont prêts à mener le combat, on sera à leur côté sans hésiter un seul instant. Il s’agit de sauver le Sénégal et rien que pour cela, on ne va jamais hésiter. Quand j’en parle, je suis trop fier de dire que je donne de la force à ce brave M. Sonko qui a été victime de toutes sortes d’injustice. Il a été radié injustement parce qu’il dénonçait des personnes qui pillaient les biens de notre peuple. Je suis trop fier de lui donner de la force.
Juste qu’on ne vous voit pas dans les différentes manifestations?
Pourtant je suis toujours en phase avec eux. Je participe à leur manifestation même si je ne suis pas en première ligne. Je ne peux pas me dérober face à ce genre de situation qui prend en charge les intérêts du Sénégal. Quel que soit le courant qui combat cette injustice, je suis toujours à leurs côtés. Ceci, tant que cette lutte est justifiée et est surtout menée pour le compte du peuple sénégalais. C’est pour cela que je suis de tout cœur avec Guy Marius Sagna qui est juste un otage du président Macky Sall. Nous exigeons sa libération immédiate car il n’a rien fait qui puisse justifier son arrestation. Les vrais coupables sont connus de tous et ils ne sont pas inquiétés. Il s’agit de ces gens-là qui ont volé nos six mille milliards issus de l’argent du pétrole. Il y a les trafiquants de faux billets et les détourneurs épinglés par des rapports de l’IGE et qui continuent de se pavaner et de narguer le peuple à bord de leurs grosses cylindrées, eux et leurs enfants. Au même moment, on embastille un pauvre innocent qui ne fait que dénoncer la vie chère. Guy est un prisonnier politique et un otage du Président Macky Sall. Ils ont intérêt à le libérer, sinon ils seront responsables de tout ce qui arrivera.