«QUE LES GENS ARRÊTENT DE DIRE QUE LA SÉRIE DOIT SON SUCCES AUX SCANDALES»
«L’As» a rencontré la scénariste de la série controversée, «Maîtresse d’un homme marié »
«Maîtresse d’un homme marié » est une nouvelle série sénégalaise qui fait couler beaucoup de salives. Comme son nom l’indique, elle met en scène la vie «d’une maîtresse» prête à tout pour garder son amant à ses côtés. Mais, cette série expose surtout la réalité et le quotidien de beaucoup de Sénégalais dans leurs ménages et dans leurs vies de tous les jours. Très critiquée par les organisations islamistes, la série fait objet de plusieurs polémiques à cause de certaines scènes jugées parfois obscènes. «L’As» a rencontré la scénariste de cette série controversée.
D’où vous est venue l’idée d’écrire la série «Maîtresse d’un Homme Marié» ?
KALYSTA SY : A la base, c’était une chronique qui passait sur les réseaux sociaux et qui concernait les personnages de Marème, Lala et Cheikh. Quand j’ai rencontré Mass Ndour le boss de Marodi, l’idée d’en faire une série m’est venue. Je ne voulais pas faire une série basée sur l’infidélité ou la polygamie, il fallait faire une série qui représente ou qui parle des histoires de femmes. Alors c’est dans ce sens là que les personnages de Racky, Dior, de Dialyka et des autres ont été créés, ainsi que les personnages annexes. C’est comme cela que la série a été créée. C’est juste un film qui est comme un miroir pour montrer les femmes, comment elles vivent au quotidien, c’est-à dire dans leurs milieux naturels à savoir à la maison, au travail, entre amies.
Pourquoi un tel titre : «Maîtresse d’un Homme Marié» ?
C’est juste pour faire parler les Sénégalais. Rires… On a choisi un tel titre parce qu’on savait que les gens allaient en parler. Cela pouvait être une histoire de femme ou un autre nom. Mais pour vendre, il faut trouver un nom accrocheur d’où le choix du titre
Comment s’est fait le casting ?
Le casting s’est fait naturellement. Parce que Marodi dans ses productions a une base de données d’acteurs, entre autres. On peut sélectionner là-bas pour trouver des profils adéquats. Mais, pour la série « Maîtresse d’un Homme Marié », on avait organisé un casting au centre culturel Blaise Senghor où il y avait mille deux cents personnes, mais malheureusement, on n’avait pas trouvé les profils idéals. On a été obligé de faire un casting avec les gens qu’on connaît, Marème est venue, elle a amené son frère qui est Birame dans la série, je connaissais bien avant Dialika c’est une amie. De fil en aiguille, on a formé cette équipe. Je ne connaissais pas Cheikh, on m’a donné ses coordonnées. Bref c’est un casting sauvage qui nous a permis d’avoir l’équipe qui a pu faire la série. Les acteurs n’ont pas eu d’appréhension sur la série. Chaque acteur a dès le début adopté son rôle. Il n’ont ni eu peur ni fait de rejet. Ils ne se sont pas posés de questions. Ils me connaissent, ils savent l’engagement que j’ai par rapport au travail. Ils ont joué au mieux leurs rôles c’est pour cela que le public les a adoptés.
Le succès de la série ne vous a pas trop surpris ?
Quand on fait un bon travail, on peut s’attendre à une belle récompense. Mais que ce succès aille au delà des frontières, je ne m’y attendais pas forcément. Je pensais qu’on faisait juste une production pour les Sénégalais et par les Sénégalais. Mais, c’est vrai que cela m’a beaucoup surpris, comme le reste du groupe d’ailleurs de voir que au delà du Sénégal, la série est adoptée. Aujourd’hui que l’international adopte les productions sénégalaises, cela fait rêver et cela me fait plaisir. On se bat pour faire de la qualité et des choses qui sont appréciées par tout le monde.
Maîtresse est une série à polémique. Comment vivez-vous avec toutes ces critiques ?
Les critiques sont tout à fait normales. C’est l’apanage du public, ils ont le droit d’aimer ou de rejeter un produit qu’on leur propose. Nous notre option c’est de leur proposer un produit de qualité. Comment le perçoit le public ? Ils sont dans leurs droits d’émettre un avis favorable ou pas. Aujourd’hui, la grande masse des Sénégalais adhère au projet de cette série. Les chiffres ont augmenté, en moins de deux jours, atteignant le million de vues sur Youtube. Cela veut dire que même si le public nous critique, mais ils nous suit et nous accompagne.
Les scènes jugées obscènes sont-elles intentionnelles?
La question de la sensibilité dépend de celui qui regarde. Aujourd’hui, beaucoup de Sénégalais ont dans leurs maisons des contenus qui viennent d’ailleurs qui peuvent heurter et choquer, mais il les regardent. Dans la série « Maîtresse », on n’a jamais vu un acteur embrasser une actrice ou une scène purement sexuelle. Les gens ne voient que des esquisses. Qu’ils soient heurtés, on peut les comprendre parce qu’il s’agit d’opinions et de points de vue sur tout. C’est un choc générationnel. Nous tendons à plus d’autonomie, à plus de liberté. Il y a des gens qui sont assez conservateurs, on les comprend, mais c’est un choc générationnel, rien d’autre. On considère qu’on n’a pas de détracteurs, parce que quand on se réveille, on travaille pour aller de l’avant et on laisse aux autres de faire ce qu’ils savent faire le mieux que nous c’est-à dire organiser des campagnes ou des actions de protestations. C’est leur travail. Nous, le nôtre, c’est d’offrir au public des choses qu’il peut regarder tous les lundis et vendredis.
Et les plaintes qui vous ont été adressées ?
Je peux vous dire que je n’ai jamais vu de plaintes. Peut être qu’elles se limitent sur les médias. On a été convoqué au CNRA (Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel). On y est parti et on a répondu à toutes les questions parce qu’au delà de la série «Maîtresse», c’est une équipe de jeunes qui travaillent. La moyenne d’âge tourne entre 23 et 25 ans. Je ne veux pas entendre les gens dire quand ils parlent « Maîtresse », que c’est un succès dû aux scandales. C’est un succès dû à un travail qui a été effectué par une équipe qui se lève tous les jours pour proposer du contenu que cela soit du côté des acteurs ou du côté de l’équipe technique. Aujourd’hui, Marodi est en train de laisser à des jeunes le soin de faire un travail remarquable, qui au delà du Sénégal, est apprécié par tout le monde.
Comment s’est passée la collaboration avec Marodi ?
Je suis chez Marodi avec le projet. Maintenant, je suis parfaitement intégrée dans l’équipe de Marodi qui est une équipe jeune, dynamique et très ouverte qui fait beaucoup de productions au top aujourd’hui. Notre collaboration s’est très bien passée, c’est une chose merveilleuse. Ici, c’est ma maison.
Quel regard portez-vous sur la prolifération des séries ?
C’est très bien, si ça permet aux jeunes de s’identifier à ce qui est fait ici. Aujourd’hui, je suis fière quand je vois des jeunes filles reproduire les mêmes tresses faites par des actrices, vouloir les mêmes vêtements portés dans les séries. Au delà de la série, on est en train de vendre et d’exporter le label « Made in Sénégal », avec les paysages, le décor, mais avec les costumes faits par des créateurs sénégalais. On participe à vendre la destination Sénégal. Toutes les productions aujourd’hui ont une plus value financière pour le pays. Si vous allez tourner quelque part, même la vendeuse de cacahuètes du coin se frotte les mains. On paie des salaires à des jeunes sénégalais et c’est bon. Il faut accompagner ce processus de développement. Il faut les aider à se former et à se professionnaliser.
Il est dit que Marodi fait des Novelas?
Les gens ici à Marodi sont responsables, ils travaillent. Il y a deux sortes de gens : ceux qui ont du temps pour parler et ceux qui travaillent. Nous, aujourd’hui, on n’a pas le temps de répondre aux gens, on travaille. Vous allez sur notre plateforme, nos vidéos sont traçables. Nous faisons des séries qui atteignent des millions de vues. Cela pour des gens qu’on dit qu’ils font du n’importe quoi c’est bien que les gens nous suivent, ils n’ont qu’à parler nous on travaille.
D’aucuns reprochent aux séries sénégalaises de faire l’apologie du libertinage….
Nous faisons de la fiction. Et dans la fiction, il est permis de rêver. Aujourd’hui, si on veut que les gens viennent au Sénégal, et qu’on a envie que les gens regardent le Sénégal autrement, nous devons montrer une autre facette du Sénégal. Ce pays est très beau, il y a des endroits magnifiques et toutl e monde ne vit pas dans la pauvreté. Il y a des gens qui vivent bien. C’est un choix artistique c’est à dire toutes production a un choix artiste. Le nôtre c’est de donner un contenu qui parle des sénégalais moyens. Si je prends l’exemple de la série Maîtresse, tout le monde n’est pas riche. Ce sont des Sénégalais comme tout le monde qui vivent de gorgorlou, parce qu’ils travaillent et ils ne sont pas là à se plaindre.
Est-ce le titre «Maîtresse» colle toujours à la série vu que la principale maîtresse est devenue deuxième femme de son amant ?
Le terme est très approprié. Si vous regardez la série américaine (How to Get Away with Murder, littéralement « Comment échapper à une condamnation pour meurtre ») alors que la série a cinq saisons, vous voyez au fil de cinq saisons que les meurtres ont dépassé un et il y en a mille meurtres. Aujourd’hui le titre épouse forcément la série parce qu’il y a une maîtresse qui va venir et vous ne savez pas que c’est qui. Il y aura toujours une maîtresse.
Jusqu’à quand votre collaboration avec Marodi ?
On espère le plus longtemps possible. La première saison va se terminer, et il y aura une deuxième saison. Attendez la saison deux, elle sera incroyable. C’est du lourd. La production de la série Maîtresse ça me prend beaucoup de temps. Et c’est difficile de l’associer avec une autre chose. Peut-être pour l’année à venir, je serai sur d’autres projets. On est devenu une famille et on est là pour encore faire parler les Sénégalais.
Qui est la vraie maîtresse ?
Vous ne le saurez pas. Je ne vais pas le dire. La vraie maîtresse, personne ne pourra le deviner. Mais il y aura une seconde maîtresse c’est sûr.
Quelles sont les retombées de la série ?
Les retombées en termes de vues sur Youtube c’est 1,5 millions de vues par épisode. Le premier épisode a fait 2,7 millions de vue. Comme on est au Sénégal, on s’abstient de parler des retombées financières.