COMME UNE ALLIANCE DE PARIAS
Jean-Baptiste Placca tance des putschistes qui "assimilent leur orgueil à l'honneur de leur patrie", évoquant la rupture entre l'AES et la CEDEAO. "L'interdépendance est telle que les considérations d'amour-propre ne devraient pas y prévaloir"
(SenePlus) - Dans son éditorial de ce samedi 21 décembre 2024 sur RFI, Jean-Baptiste Placca analyse sans concession la sortie du Burkina Faso, du Mali et du Niger de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). L'éditorialiste y voit une décision aux conséquences dramatiques pour les populations, portée par des régimes militaires qui confondent "leur orgueil personnel avec l'honneur de leur patrie".
Cette rupture intervient alors même que la CEDEAO tente de maintenir ces trois pays dans l'organisation régionale. Le chef de la junte nigérienne a d'ailleurs rejeté cette semaine toute tentative de médiation, confirmant le caractère "irréversible" de leur départ. Une position que Jean-Baptiste Placca qualifie de "manœuvre grotesque", particulièrement dans leur décision d'accorder des exemptions de visa aux ressortissants des pays de la CEDEAO.
"Pourquoi n'appliquent-ils donc pas ces exemptions à toute l'Afrique ?", s'interroge l'éditorialiste, qui y voit une tentative de "quémander, par la force, une réciprocité" et d'anticiper "la réprobation de leurs concitoyens, qui ne manqueront pas de leur reprocher cette rupture, lorsqu'elle commencera à leur compliquer singulièrement l'existence".
L'analyse est d'autant plus sévère que le bilan des régimes militaires reste peu reluisant. "Plus de quatre ans après le renversement d'Ibrahim Boubacar Kéita, près de trois ans après le renversement de Roch Marc Christian Kaboré, et bientôt un an et demi après le coup d'État qui a renversé Mohamed Bazoum, ni les Maliens ni les Burkinabè et encore moins les Nigériens ne vous diront qu'ils sont un peuple heureux, en sécurité, à l'abri des privations et de la vie chère", souligne Jean-Baptiste Placca.
L'éditorialiste pointe également le manque de vision politique claire de ces régimes, dont les discours ne sont que "des tâtonnements truffés d'extraits picorés chez Rawlings, Sankara, ou même Sékou Touré". Une différence notable avec les putschistes historiques comme Rawlings au Ghana ou Sankara au Burkina Faso, qui "avaient une idée claire de ce qu'ils pensaient, et ce dont ils rêvaient pour leur peuple".
Si la CEDEAO n'est pas exempte de critiques - l'organisation s'étant "beaucoup discréditée aux yeux des populations" ces dernières années selon l'éditorialiste - la décision de ces trois pays apparaît comme "une diversion" particulièrement préjudiciable. "L'interdépendance est telle que les considérations d'amour-propre ne devraient pas y prévaloir", conclut Jean-Baptiste Placca, rappelant qu'"on ne quitte pas une organisation parce qu'elle vous applique les textes qui la fondent".