L’ASSEMBLEE NATIONALE, PROCHAIN THÉÂTRE DE LA GUÉGUERRE PASTEF-APR
L'affaire Diakhaté n'a fait qu'exacerber les tensions déjà vives autour de la position du Premier ministre sur l'homosexualité. Désormais, la bataille politique promet de gagner l'hémicycle lors de la Déclaration du politique générale
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La guéguerre entre l’APR et le Pastef a été déclenchée par la position du Premier ministre Ousmane Sonko, amplifiée par l’arrestation de l’activiste Ba Diakhaté. Elle pourrait atterrir à l’Assemblée nationale lors de la Déclaration de Politique Générale du chef du gouvernement attendue dans les touts prochains jours.
«Ceux qui pensent que Macky Sall a renoncé au pouvoir n’ont rien compris. Je ne serai pas surpris de le voir être la tête de liste de BBY aux prochaines élections législatives». Ces propos de l’ex-responsable de l’APR Moustapha Diakhaté, invité de Babacar Fall dans l’émission Grand Jury sur la RFM, sont à prendre au sérieux. En effet, ils sont tenus à une période où l’ex-chef de l’État, bien que se trouvant hors du pays depuis avoir procédé à la passation de pouvoirs avec son successeur, est en train de galvaniser ses troupes en perspective des prochaines échéances électorales dont la première pourrait être les élections législatives attendues avant la fin de l’année ou au début de 2025. Donc, selon l’ancien président du Groupe parlementaire de la coalition BBY à l’Assemblée nationale, tout porte à croire que son ex-mentor qui tient toujours les rênes du parti ne compte pas faire comme ses prédécesseurs. Lesquels, après avoir quitté le pouvoir, n’avaient jamais manifesté de velléités de le reconquérir. S’inscrivant à contre-courant de cette tradition, Macky Sall semble vouloir effectuer un come-back en 2029 voire avant si la possibilité se présente. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ses partisans donnent l’impression d’être gonflés à bloc pour tirer à boulets rouges sur l’actuel régime. Après les déclarations de Ousmane Sonko, s’exprimant en qualité de leader de Pastef, sur l’homosexualité qui leur ont donné l’occasion de le lyncher médiatiquement, les militants de l’Apr et de la coalition Benno Bokk Yaakar (BBY) se déchaînent comme de beaux diables sur le chef du gouvernement après les propos incendiaires de Ba Diakhaté sur sa personne concernant ses relations avec les LGBT. Des propos qui ont d’ailleurs entraîné l’interpellation de l’activiste. Ces deux affaires qui n’en font qu’une en réalité puisque concernant le même Ousmane Sonko et sa position par rapport à l’homosexualité ont en tout cas offert le prétexte aux boutefeux de l’ancien régime de déclencher les hostilités contre le régime du président Bassirou Diomaye Faye. Après le placement en garde-à-vue de l’activiste Bah Diakhaté suite à ses propos orduriers sur le leader de Pastef — qui est aussi l’actuel Premier ministre ! — des membres et pas des moindres de l’APR ont fait le déplacement avant hier devant les locaux de la DIC pour lui apporter leur soutien. Ils ont d’ailleurs été dispersés à coups de grenades lacrymogènes.
A cela il faut ajouter la sortie de Me Oumar Youm, dernier ministre des Forces armées du président Macky Sall et avocat de profession, condamnant avec véhémence cette arrestation. Comme si cela ne suffisait pas, Moustapha Diakhaté, lointain prédécesseur de Me Youm à l’Assemblée nationale comme président du groupe des députés de la majorité, a déversé sa bile sur le président de la République et le Premier ministre les traitant de menteurs, manipulateurs, responsables des personnes tuées lors des manifestations non sans condamner l’arrestation de Ba Diakhaté qu’il a jugée arbitraire.
Appréciant les premiers actes de la gouvernance des nouvelles autorités, il les a qualifiés d’échec total. «J’invite le chef de l’État et son Premier ministre à se mettre au travail plutôt que divertir les Sénégalais à qui ils avaient promis mont et merveilles une fois qu’ils seraient au pouvoir. Je veux parler de l’appel à candidatures pour certains postes, de la diminution des denrées, de la criminalisation de l’homosexualité à titre d’exemple. Là où nous les attendons c’est de faire mieux que leur prédécesseur notamment dans le prolongement du BRT ou du TER par exemple et dans bien d’autres de ses réalisations. S’ils pensent pouvoir masquer leur incompétence et nous faire peur par des arrestations, ils nous trouveront sur leur chemin...J’invite le président de la République à rendre le tablier s’il se juge incapable d’assurer sa mission pour nous permettre d’organiser une élection présidentielle anticipée» a-t-il pesté.
La DPG, une autre confrontation en vue
Depuis qu’ils sont passés à l’opposition il y a moins de deux mois, les militants de l’Apr ont eu leur première confrontation avec les forces de l’ordre mardi dernier. En effet, venus apporter leur soutien à Ba Diakhaté et l’imam Cheikh Tidiane N’dao, d’éminents membres de l’ancien parti au pouvoir dont des députés et des anciens ministres ont été dispersés à coups de grenades lacrymogènes par la police. Après s’être acharnés sur l’ex-opposition aujourd’hui au pouvoir, et particulièrement sur les militants du Pastef, c’est au tour des responsables de l’ancien régime de subir la furie des forces de l’ordre. Comme quoi, à chacun son tour chez le coiffeur ! Cet épisode qu’on peut qualifier de première bataille politique entre l’APR et le Pastef va à coup sûr être suivi par d’autres dans les jours à venir.
Le prochain lieu de confrontations risque d’être l’Assemblée nationale à l’occasion de la Déclaration de politique générale (DPG) du Premier ministre Ousmane Sonko. Un exercice républicain auquel il est obligé de se soumettre mais qui présente la particularité cette fois-ci que la majorité au pouvoir est… minoritaire dans l’hémicycle. Bien entendu le risque est grand, au cas où le plus grand nombre de députés décidaient de voter contre cette DPG, de voir l’Assemblée dissoute et des élections législatives organisées dans la foulée. Actuellement Pastef compte 42 députés contre 82 pour Benno Bokk Yaakar sur un total de 165 députés. Parmi les points qui seront abordés lors des débats, il est quasi certain que le Pm sera interpelé sur la criminalisation de l’homosexualité, la diminution du coût de la vie, l’appel à candidatures pour certains postes, l’emploi des jeunes, la suppression des institutions budgétivores... Autant de questions sur lesquelles les nouvelles autorités avaient fait des promesses tout en tardant à les matérialiser.
Comment Sonko pourrait déjouer le plan d’une motion de censure....
Si une motion de censure est votée par l’Assemblée nationale, ce serait un coup sans précédent pour le tout nouveau régime au pouvoir. Dans ce cas, certes l’actuel gouvernement serait dissous et un autre formé mais cela entraînerait aussi la dissolution du Parlement. C’est du moins la position émise par des partisans du nouveau pouvoir en l’occurrence le député Guy Marie Sagna dans l’émission du Jury du Dimanche sur ITV. Cette sortie a été précédée de celle du ministre porte-parole du Gouvernement qui a estimé que, si un tel cas de figure se produisait, l’opposition aurait choisi de marcher à contre-courant de la volonté du peuple qui a voté majoritairement en faveur du Projet de Pastef. Cela dit, il faut reconnaître que le Premier ministre Ousmane Sonko, en homme politique aguerri, n’a pas choisi d’aller au front sans armes. Ses injonctions à ses ministres de lui faire parvenir au plus vite leurs contributions en vue de la DPG peuvent être interprétée comme faites par un général qui a déjà planifié son plan de guerre avant de s’attaquer à un ennemi loin d’avoir dit son dernier mot. Sa décision de publier les derniers rapports des corps de contrôle épinglant plusieurs pontes de l’ancien régime et les enquêtes commanditées sur le foncier peuvent être perçues comme des épées de Damoclès sur la tête des nouveaux opposants. Et puis, la perspective de poursuites pour haute trahison à son encontre pourrait sans doute contraindre le président Macky Sall à demander à ses troupes de ne pas se suicider en déposant une motion de censure contre le Premier ministre du président Bassirou Diomaye Faye. Aussi, la probable scission au sein de l’APR entre pro- Macky et partisans de Amadou Ba, la position de faiblesse de Taxawu Sénégal dont le numéro 2, Barthélémy Diaz, par ailleurs maire de Dakar, a besoin de mettre de l’eau dans son vin pour pouvoir mener à bien ses projets pour la capitale, le PDS en attente d’être promu à des postes de responsabilité après son soutien à la coalition Diomaye Président… sont autant d’atouts qui peuvent jouer en faveur du Premier ministre. Last but not least, il ne faut pas écarter des manœuvres souterraines du pouvoir pour « convaincre » contre espèces sonnantes ou trébuchantes ou sous la menace des députés de Benno de voter pour la DPG de Sonko. Comme quoi, si la majorité parlementaire sert à quelque chose, il est difficile de résister aux redoutables pouvoirs du président de la République...ou de son Premier ministre dans un régime bicéphale comme celui qui s’est installé dans notre pays depuis avril dernier !