SENEGAL, LA REPUBLIQUE DES OPPORTUNISTES
La bataille des courants et des idéologies politiques est devenue une vieille histoire au Sénégal au profit de la transhumance politique et des opportunités politiques de l'heure
La bataille des courants et des idéologies politiques est devenue une vieille histoire au Sénégal au profit de la transhumance politique et des opportunités politiques de l'heure. Et le phénomène s'est accentué ces dernières années avec des hommes politiques qui ne prennent même pas le temps de faire leur '' deuil'' politique après la perte du pouvoir.
À l'APR évidemment, c'est une autre page qui s'ouvre avec l'ancien Premier ministre et candidat malheureux à l'élection présidentielle, Amadou Ba. Accompagné de l'ancien maire de la ville de Guédiawaye et non moins frère de l'ex président de République Macky Sall, l'ex PM, après le khalife général des mourides Serigne Mountaga Mbacké, a rendu visite hier au khalife général des tidianes, Serigne Babacar Sy Mansour. Manifestement, il tisse sa toile, avec des anciens dignitaires du régime déchu, qui ont décidé de l'accompagner dans sa ‘’quête d'une Nouvelle Responsabilité politique’’. Mais si dans un pays démocratique, une opposition forte est souhaitable, force est de dire que la célérité avec laquelle les hommes politiques changent de conviction et de chapelle politique au Sénégal est inquiétante. Les pères fondateurs du pays comme Senghor, Mamadou Dia, Majmout Diop, Cheikh Anta Diop, Abdoulaye Ly, Assane Seck, avec des lignes politiques identifiées, se sont peu ou prou battus pour ces idéologies, même s'il y a eu des alliances notoires très connues entre le PRA et l’UPS par exemple. Mais la frontière n'était pas aussi poreuse apparemment, et les changements de positions aussi laxistes dès la chute du parti au pouvoir. Il faut juste analyser les régimes des présidents Abdoulaye Wade et Macky Sall, pour se rendre compte que souvent, les idéologies politiques pèsent moins dans le choix des cadres des partis qui, pour la plupart, ont occupé de hautes fonctions dans la République et défendu une certaine ligne de parti. Le PDS, si on s'en tient juste à l'histoire récente, est la première formation politique qui en a fait les frais dans son cheminement. En effet, avec le règne du président Abdoulaye Wade, beaucoup de cadres de cette formation étaient les chantres du libéralisme et des idéaux du parti. Toutefois, après la défaite de leur leader, force est de voir que le PDS a vu le départ de plusieurs de ses barons. Ils ont essayé d'imputer leur départ à Karim Wade, à raison parfois. Mais, la vérité est que la ''prairie marron'' était devenue accessible à plusieurs anciens collaborateurs du président Wade. Et plusieurs d'entre eux qui étaient des pourfendeurs du président Macky Sall, certains étant même les artisans de sa liquidation politique, deviendront ses principaux défenseurs voire laudateurs. La suite tout le monde la connaît.
L'APR AU BORD DE L'IMPLOSION
Par ailleurs, il faut souligner que les mêmes travers guettent l'APR. Cette formation politique qui était déjà une armée mexicaine avérée et notoire quand elle dirigeait ce pays, est au bord de l'implosion; les uns affichant clairement leur soutien à Amadou Ba comme Aliou Sall et Latif Coulibaly, d'autres préférant un mutisme de clin d'œil au nouveau régime. Ils sont très rares ceux qui se démarquent clairement du régime Diomaye-Sonko, excepté Abdou Mbow et quelques rares cadres de l'APR.
L'HYPERTROPHIE DU CHEF, L'ABSENCE DE FORMATION DES MILITANTS, LES OBSTACLES A UN VERITABLE ENGAGEMENT POLITIQUE
Pourquoi cette déliquescence de la conviction dans l'engagement politique ? Les analyses politiques ont évoqué plusieurs raisons. Mais ce qui est sûr, c’est que l'absence de formation dans les partis politiques fait partie des goulots qui concassent l'engagement des militants au service d'une cause. Même les partis de Gauche, connus jadis pour la densité intellectuelle de leurs membres, ont déserté les écoles de parti au profit des compromissions qui minent la redynamisation de plusieurs de leurs formations. L'autre raison, c'est l'hypertrophie des chefs incontestés qui restent les seules constances dans les partis politiques. C'était un secret de Polichinelle par exemple que seul Macky Sall faisait l'unanimité au sein de la coalition BBY et de l'APR parce que c'est lui qui décidait de la carrière et de l'ascension de ses militants et alliés. De ce fait, le bureau politique ne se réunissait que pour apporter la réplique à l'opposition, parfois sans aucune conviction.
UNE MALADIE QUI N'EPARGNE PAS LE PASTEF
Dans le même ordre d'idées, il faut dire que le Pastef n'est pas à l'abri de ces alliances contre nature. D'abord parce qu'Ousmane Sonko et dans une moindre mesure le président de la République semblent être les seules personnes invulnérables du parti. On voit déjà les critiques proférées contre certains ministres par des alliés qui n'arrivent plus à les avoir au téléphone. Ainsi, à la lumière des batailles politiques qui ont précédé cette victoire, chaque militant pense être un acteur majeur du ''Projet''. Certaines nominations laissent entrevoir des récompenses politiques, et les mêmes travers des régimes précédents guettent ce pouvoir même si la rupture est la clef de voûte de leur programme avec leur fameux Jub, Jubël, Jubënti.