MAL-ÊTRE ET INCOMMODITÉS DE FEMMES ACTIVES
Règles douloureuses à l’école, au travail et absence de congé menstruel, C'est un sujet dont on ne parle presque jamais
C'est une période du mois que beaucoup de femmes redoutent. Fait certes naturel, les menstrues sont souvent accompagnées de nombreux symptômes désagréables et parfois très inquiétants. Alors que, dans notre société, parler des menstrues a toujours été un tabou, les symptômes de cette indisposition sont plus prononcés chez certaines femmes que chez d'autres, au point d'être un handicap dans le quotidien de ces premières qui, face à des douleurs qui peuvent parfois être insoutenables, sont souvent forcées à manquer l'école ou le travail, malgré elles.
C'est un sujet dont on ne parle presque jamais. ''Avoir ses "ragnagna'' ; ''être indisposée'' ; ''saigner du nez'' ; ''les chutes du Niagara'' ; ce sont autant d'expressions à mots couverts utilisées pour désigner les menstrues. Les tabous autour des règles continuent d'exister et perdurent malheureusement au Sénégal.
Beaucoup de femmes chez qui les symptômes sont plus prononcés (règles douloureuses), souffrent encore plus de cette pesanteur sociale. Et ce ne sont pas des écolières, étudiantes et autres femmes actives ou travailleuses dans différentes entreprises et sociétés, obligés de déserter les classes, les bureaux ou services, qui diront le contraire.
Mame Bousso travaille dans une entreprise de la place à temps plein. Pour elle, allier travail et douleur menstruelle ne font pas bon ménage, surtout lorsqu'elle doit donner des explications, pour disposer, dans une société où ce sujet ne passe pas. "Je crains toujours ce moment ; même en parler est difficile pour moi parce que n'étant pas habituée. Au début, on m'exigeait un Certificat médical pour justifier mon absence. C'est un peu compliqué ; vous imaginez apporter un Certificat médical, juste parce qu'on a des règles douloureuses. Et rares sont les médecins qui les délivrent ; mais on essaie de faire avec. Personnellement, je me prépare en conséquence, en prenant des médicaments le plutôt possible. Et si les douleurs persistent, je suis obligée de rentrer. Chacun a sa façon de supporter la douleur."
Pour Mame Diarra, il est presque impossible de rester sur place. "Je ne suis pas à l'aise et d'ailleurs je fais des va et vient dans les toilettes pour vérifier si tout va bien. Heureusement qu'il y a des toilettes pour femmes qui permettent de respecter notre intimité. Mon supérieur m'a une fois demandé un Certificat médical. Mais, après explication, il a compris et, depuis, je ne suis plus obligée de le donner. Cependant, certaines entreprises montrent peu d'indulgence envers ces femmes, contrairement à l'entreprise où je suis actuellement. Je risquais même de perdre mon poste, pour cause d'absentéisme. Je croise vraiment les doigts et je garde espoir pour qu'au moins une loi soit votée dans le sens de nous faire bénéficier de congés en cette période", explique-t-elle. Les élèves et étudiantes ne sont pas non plus épargnés.
Du haut de ses 15 ans, Dieynaba, élève en classe de 3ème, subit de plein fouet ces effets «indésirables» de la puberté. "Je suis élève en classe d'examen et je peux vous dire que j'ai raté beaucoup de cours parce que tout simplement les douleurs étaient insupportables. Je suis obligée de tout le temps trouver des excuses parce que c'est gênant pour moi d'en parler. À l'école, le confort n'y est pas et les personnes ne comprennent vraiment pas notre mal-être. Pour elles, prendre des médicaments suffit pour stopper la douleur. Or, elle varie d'une femme à une autre." Pour beaucoup de femmes actives, aussi bien dans le formel que l'informel, la situation dans laquelle elles travaillent devient de plus en plus préoccupante en ces périodes du mois. C'est ce que révèle Aissatou, la trentaine, vendeuse de légumes. "Je rencontre d'énormes difficultés lorsque je suis en période de règles.
En plus des douleurs qui réduisent toute mon efficacité, je me sens mal à l'aise au marché ; les conditions ne sont pas réunies car les toilettes ne sont pas praticables. Il est vraiment difficile d'entretenir son hygiène dans ces conditions. À chaque fois, je suis obligée de descendre beaucoup plus tôt que prévu, des fois même il m'arrive de ne pas venir au marché car les douleurs m'handicapent carrément." Aujourd'hui, face à cette indisposition mensuelle, un certain nombre de pays ont prévu, dans leur législation du travail, le droit au congé menstruel. Tel n'est pas encore le cas au Sénégal. De même, un peu partout dans le monde, de plus en plus d'entreprises proposent des jours de congés aux femmes pendant leur période menstruelle.
Dans des pays comme le Japon, l'Inde, la Corée du Sud, pour ne citer que ceux-là, le pas a déjà été franchi. Dans la législation sénégalaise, il est prévu des jours de congés de maternité, pour les derniers mois de grossesse et les femmes allaitantes. Cependant, beaucoup de femmes se sentent exclues, du fait de la conception de la société où elles ne sont pas prises en compte durant ces quelques jours d'incommodité.
De nos jours, pour des raisons culturelles et sociales, il y a toujours un malaise collectif qui plane au-dessus des menstruations et il est temps de lever les tabous. Le vote d'une loi sur le congé menstruel permettra, dans une certaine mesure, aux femmes actives notamment du secteur formel de mieux appréhender leur cycle menstruel. Faudrait-il alors lever certaines craintes liées notamment à une discrimination à l'embauche mais aussi un difficile avancement en ce qui concerne leur carrière, pour ces femmes, en plus des congés de maternité dont elles bénéficient. Bref, alors que dans un certains nombres pays, les femmes ont obtenu le droit de bénéficier d'un congé menstruel, pouvons-nous, un jour espérer de même pour le Sénégal ? L'appel est lancé au législateur.