SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
2 avril 2025
Éducation
par Birane Diop
LE TEMPS LONG DONNE RAISON À SENGHOR
Du Théâtre national Daniel Sorano aux écoles d'infirmiers, il a créé les institutions essentielles du pays. Son œuvre, aujourd'hui contestée, témoigne pourtant d'une vision universaliste plus que jamais d'actualité
En ces temps formidables marqués par l’ère de la post-vérité sans limites, il m’arrive de discuter avec des compatriotes de l’héritage de nos devanciers, notamment Cheikh Anta Diop et Léopold Sédar Senghor. Deux figures majeures de notre histoire intellectuelle, culturelle, sociale et politique, dont tout Sénégalais devrait être fier au regard de leur trajectoire, bien que leurs visions du monde fussent antagonistes, voire opposées. J’ai lu leurs œuvres et compris leurs désaccords ainsi que leurs petites querelles. Cheikh Anta prêchait la renaissance africaine, tandis que Senghor, dans la même veine que ses amis Damas et Césaire, militait en faveur de la négritude. Cependant, j’ai constaté que l’héritage de Senghor est parfois analysé avec un excès de mauvaise foi, peut-être lié à l’ignorance.
Certains affirment, sans nuance ni recul – des qualités pourtant nécessaires à toute analyse sérieuse et exempte de biais –, que Senghor était un suppôt de la France, un aliéné, un renégat, que sa vision du monde était bidouillée et qu’il serait la principale cause de notre « retard économique ». Pourtant, l’économiste et penseur décolonial sénégalais Felwine Sarr nous dit dans son essai Afrotopia (Philippe Rey, 2016) : « L’Afrique n’a personne à rattraper. » On impute aisément à Senghor une part démesurée de nos échecs. Quelle époque singulière !
Léopold Sédar Senghor était un grand homme d’État. Il a placé le Sénégal, petit pays niché en Afrique de l’Ouest, sur la carte du monde grâce à deux piliers : la culture et l’éducation. Il a fondé les premières institutions culturelles sénégalaises, notamment le Théâtre national Daniel Sorano et la Manufacture nationale de Tapisserie, et fut l’initiateur du Festival mondial des arts nègres. Il a également créé les écoles des agents sanitaires de Saint-Louis ainsi que celles des infirmiers et infirmières d’État, contribuant ainsi à renforcer les infrastructures éducatives et sanitaires du pays. Il avait compris, avant tout le monde, que la culture et l’éducation sont essentielles pour façonner des vies.
C’est pourquoi, durant son magistère, Senghor avait consacré plus d’un quart du budget de l’État à l’éducation et à la culture, convaincu que ces deux domaines constituaient les fondations indispensables d’une nation, qui irait au « rendez-vous du donner et du recevoir », par l’entremise de ses filles et fils bien instruits et éduqués. Le natif de Joal, ancien maire de Thiès – la ville rebelle –, profondément enraciné dans son royaume d’enfance, le pays sérère, mais ouvert aux influences du monde libre, savait que la construction de l’homme total, voire universel, passait par ces deux mamelles. À ce titre, je puis affirmer sans réserve qu’il était en avance sur son temps et sur son monde.
Face aux crises qui assaillent l’humanité et aux impasses de la mondialisation et du néolibéralisme, à la montée de la xénophobie et des passions tristes – ici comme ailleurs dans le corps social –, l’œuvre de Senghor nous invite à monter en humanité en plaçant l’humain au cœur de l’action publique afin qu’il accède au bonheur et au bien-être, quelle que soit sa langue, son origine, sa couleur de peau, son sexe ou sa religion. La pandémie de Covid-19 nous l’a appris à nos dépens. Revisiter son œuvre, bien qu’imparfaite – comme toute œuvre humaine –, nous arme pour résister aux discours de haine, aux assignations identitaires et aux ressentiments.
Par ailleurs, l’œuvre foisonnante de Senghor nous enseigne ceci : le Sénégalais est un être qui s’empêche. Il bâtit des ponts, mais n’érige jamais de barrières. Le Sénégalais est un citoyen du monde, qui a pour seule boussole l’altérité et doit toujours emprunter les voies de la créolisation. Les actualités géopolitiques, notamment ce qui se déroule à Gaza sous nos yeux, rappellent la portée de cette vision universaliste. Senghor, catholique mais avant tout Sénégalais, avait accordé à Yasser Arafat, alors président de l’Autorité palestinienne, un passeport diplomatique lui permettant de voyager sans entraves dans les aéroports du monde libre. Ce geste illustre sa conception d’un humanisme transcendant les frontières religieuses, culturelles et politiques.
L’autre leçon magistrale que nous prodigue le vieux savant sérère est celle-ci : le Sénégalais est animé par une mystique républicaine profondément enracinée en lui. Comme l’avait si bien formulé le philosophe catholique Charles Péguy, « la République est une mystique avant d’être une politique ». Ainsi, la République laïque doit être pour le Sénégalais sa seule patrie, sa seule certitude et le socle inébranlable de son unité.
Aujourd’hui, certains individus sans mesure ni retenue, prompts à invectiver devant l’éternel, s’acharnent encore dans une entreprise abjecte de diffamation, autrement dit, d’outrager sa mémoire. Senghor n’était pas parfait. Il était un simple homme, avec ses failles, ses zones d’ombre et ses erreurs. Cette humanité complexe et imparfaite avait d’ailleurs été mise en lumière lors de l’exposition « Senghor et les arts : réinventer l'universel », qui s’était tenue au Musée du quai Branly. J’ai eu la chance de visiter cette exposition un samedi matin ensoleillé d’août 2023, et elle m’a permis de mieux appréhender la richesse de son héritage, au-delà des critiques souvent réductrices dont il fait l’objet. Mais une chose demeure irréfutable : Senghor a construit l’État-nation, forgeant une identité nationale unifiée malgré la diversité linguistique, religieuse et ethnique qui caractérise le Sénégal. C’était cela, Senghor : un bâtisseur de ponts, un homme de vision. De surcroît, il n’était ni un démagogue, ni une élite désincarnée surfant sur les affects en politique.
Birane Diop est diplômé de l’Université Cheikh Anta Diop, de l’Université Jean Moulin Lyon 3 et du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM Paris).
VERS LE RECRUTEMENT DE 2 000 ENSEIGNANTS
Le ministère de l’Éducation nationale du Sénégal a dévoilé son plan de recrutement de 2 000 nouveaux enseignants, une initiative majeure destinée à renforcer le système éducatif national.
Le ministère de l’Éducation nationale du Sénégal a dévoilé son plan de recrutement de 2 000 nouveaux enseignants, une initiative majeure destinée à renforcer le système éducatif national.
Dans une note publiée ce mardi soir, le ministère a annoncé que les informations détaillées sur le dépôt des candidatures et les critères de sélection seront communiquées prochainement.
L’État du Sénégal, à travers le Ministère de l’Éducation nationale lance le recrutement de 2 000 enseignants pour renforcer le système éducatif.
Les informations sur les dépôts de candidature et les conditions d’éligibilité seront bientôt disponibles.
Ce recrutement vise à répondre aux défis persistants dans le secteur éducatif, en dotant les écoles de personnel qualifié. L’objectif est d’améliorer la qualité de l’enseignement et de garantir une meilleure répartition des enseignants sur l’ensemble du territoire sénégalais.
LE MAL DES UNIVERSITÉS
La livraison des chantiers universitaires constitue un grand embarras pour le gouvernement. Malgré sa volonté de stabiliser le calendrier universitaire, les retards notés dans l’exécution des travaux dans les universités constituent un blocage
Les revendications se poursuivent dans le sous-secteur de l’Enseignement supérieur. Des lenteurs notées dans la livraison des chantiers universitaires sont partout constatées. De Ziguinchor à Thiès en passant par Kaolack et Saint-Louis, enseignants et étudiants réclament la livraison des chantiers.
La livraison des chantiers universitaires constitue un grand embarras pour le gouvernement. Malgré sa volonté de stabiliser le calendrier universitaire, les retards notés dans l’exécution des travaux dans les universités constituent un blocage. Et ces lenteurs constatées dans la livraison des chantiers figurent souvent parmi les revendications des syndicats d’enseignants et des étudiants, si elles n’en sont pas les principales.
La section du Syndicat Autonome de l’Enseignement Supérieur (Saes) de l’Université Sine Saloum El Hadj Ibrahima Niasse (Ussein) observe une grève de 48 heures depuis hier, lundi 20 janvier pour dénoncer, entre autres, le retard de livraison des chantiers. « L’USSEIN traverse des difficultés majeures qui risquent de réduire à néant tous les efforts consentis jusqu’ici pour la mettre en place. La première est relative au retard de la livraison de ses infrastructures toujours en construction ou à l’arrêt. Depuis le démarrage des enseignements en 2019, l’USSEIN déroule ses activités pédagogiques dans des locaux d’emprunt devenus vétustes et aux capacités très limitées, malgré une augmentation conséquente annuelle de son effectif d’étudiants. À cela s’ajoute, la perte depuis octobre 2024 de la grande majorité des salles de cours du campus pédagogique de Fatick, dans un état de délabrement avancé, au regard des conclusions de la commission de la protection civile », peut-on lire dans un communiqué rendu public.
A l’université Iba Der Thiam de Thiès (Uidt), les étudiants ont décrété 72 heures de cessation des activités pédagogiques mercredi 15 janvier dernier pour dénoncer « la lenteur dans la finalisation et la livraison du nouveau pavillon de 1000 lits, du nouveau restaurant universitaire, ainsi que du service médical ». En réclamant l’achèvement de la construction de bâtiments pédagogiques et la réception d’équipements sociaux des revendications similaires, les étudiants de l’université Assane Seck de Ziguinchor avaient décrété le 22 novembre dernier, une grève illimitée. Au cours de cette grève, ils se sont pris aux forces de l’ordre. Ces manifestations avaient occasionné des blessés, des casses et des voitures brûlées. Et comme conséquences : l’université avait été fermée pendant quelques jours avant que le Conseil académique ne décide de la reprise des cours le 7 janvier dernier. Il y a de cela quelques mois, les étudiants de l’université Gaston Berger de Saint-Louis avaient protesté pour la livraison des chantiers. Il faut dire que les retards notés dans l’exécution des chantiers ont une incidence négative dans la gestion des universités publiques sénégalaises, surtout en termes de prise en charge des logements des étudiants mais aussi des effectifs pléthoriques des étudiants dans les salles de cours et des travaux pratiques. Aujourd’hui, le plus grand défi que le ministre et les partenaires doivent impérativement relever, c’est celui de l’achèvement des chantiers dans toutes les universités, sans occulter les autres maux qui gangrènent leur bon fonctionnement.
VIDEO
COMMENT L'OCCIDENT LAVE LES CERVEAUX AUX AFRICAINS ?
Après la colonisation, le moyen par lequel l’occident continue d’avoir l’influence sur les Africains est l’éducation, plus précisément des curricula de formation qui ne sont nullement fait pour servir les Africains au contraire pour les dominer. Malheureusement en dépit des constats implacables faits çà et là, les dirigeants ne prennent pas la décision politique radicale de rompre et proposer des systèmes qui sont en adéquation avec les besoins des africains. C’est l’avis du Professeur Ousmane Ba, spécialiste des curricula de formation.
Le système éducatif légué par la colonisation n’a jamais été conçu pour répondre aux besoins des pays africains. Au contraire, il visait à conditionner les esprits au service des intérêts des anciennes puissances coloniales. Les dirigeants africains en ont pleinement conscience.
Pourtant, pourquoi hésitent-ils encore à entreprendre une réforme en profondeur de ce système afin de mettre en place des curricula de formation capables d’accompagner le continent vers un véritable développement ? Telles sont les interrogations soulevées par le Pr Ousmane Ba, enseignant-chercheur spécialisé dans les curricula de formation. Il s’est exprimé à ce sujet lors d’un panel tenu en marge de la première édition d’Africa Diaspora, organisée fin décembre à Dakar.
LE DAK'ART 2024 A TENU SES PROMESSES
On redoutait des couacs en raison d’un report inattendu de six mois de ce grand événement culturel. Mais force est de constater que ce report s’est révélé être un repli stratégique, permettant un bon départ pour aboutir à un résultat remarquable.
On redoutait des couacs en raison d’un report inattendu de six mois de ce grand événement culturel. Mais force est de constater que ce report s’est révélé être un repli stratégique, permettant un bon départ pour aboutir à un résultat remarquable.
La 15ᵉ édition de la Biennale de l’art contemporain de Dakar (Dak’Art 2024) a connu un franc succès, presque à tous points de vue : la mobilisation, notamment de la jeunesse (collégiens et lycéens attirés par la magie des réseaux sociaux), la diversité des thématiques, les excellentes propositions des artistes, etc.
C’est le constat sans équivoque du journaliste culturel et critique d’art Aboubacar Demba Cissokho, qui suit cet événement culturel depuis plusieurs années.
Non seulement il note le bon déroulement de cette édition, mais il relève qu’au fil des années, l’intérêt pour cet événement demeure intact, du moins pour le monde des arts et de la culture, ainsi que pour les différents acteurs que cet événement implique et engage.
En revanche, sur le plan de la communication institutionnelle, des lacunes subsistent. Il appartient aux autorités d’y remédier pour continuer à positionner le Dak’Art comme un événement culturel et artistique incontournable. En effet, le Dak’Art est à mettre sur le compte du soft power du Sénégal.
Retrouvez les explications d’Aboubacar Demba Cissokho sur AfricaGlobe TV.
Les belles feuilles de notre littérature par Amadou Elimane Kane
LA RÉSISTANCE DES FEMMES DANS L’ŒUVRE THÉÂTRALE DE MAROUBA FALL
EXCLUSIF SENEPLUS - Cette courte pièce, vive et drôle, est une réussite dans ce qu’elle dénonce et dans la complexité de l’engagement panafricain en politique
Notre patrimoine littéraire est un espace dense de créativité et de beauté. La littérature est un art qui trouve sa place dans une époque, un contexte historique, un espace culturel, tout en révélant des vérités cachées de la réalité. La littérature est une alchimie entre esthétique et idées. C’est par la littérature que nous construisons notre récit qui s’inscrit dans la mémoire. Ainsi, la littérature africaine existe par sa singularité, son histoire et sa narration particulière. Les belles feuilles de notre littérature ont pour vocation de nous donner rendez-vous avec les créateurs du verbe et de leurs œuvres qui entrent en fusion avec nos talents et nos intelligences.
Aliin Sitooye Jaata ou la dame de Kabrus de Marouba Fall est un texte très engagé sur le thème de la résistance. Le genre théâtral permet ici de mettre en résonnance la démarche de la renaissance africaine. Chaque personnage représente la conscience de chacun à s’interroger sur l’histoire et sur les luttes qui ont été conduites pour résister à l’esclavage et à l’aliénation exercée par la puissance coloniale.
La dame de Kabrus est une prêtresse qui, par ses pouvoirs divins, invite la population à ne plus courber l’échine devant l’envahisseur mais à écouter la voix des ancêtres pour recouvrer la dignité. Le drame épique est ainsi posé. Mais les forces françaises, aidées de collaborateurs peu scrupuleux, ne l’entendent pas ainsi, il faut anéantir toute contestation. La révolte pacifique partie du Sud divise le pays car au Nord les alliances conduites par l’administration française détruisent la cohésion et la résistance. Aliin Sitooye Jaata refuse toute compromission et aspire à l’unité africaine. Selon elle, il n’y a pas de nord ni de sud mais une population pareillement morcelée, déchirée par la guerre coloniale. La réunification est la seule solution pour parvenir à la liberté. Ainsi elle choisit l’arme de la démocratie et de la négociation pour parvenir à un accord respectueux des hommes et des femmes, son message est celui de la paix. Courageuse et rebelle, telle une reine africaine, elle se livre aux autorités qui veulent sa tête et la brutalisant tuent l’enfant qu’elle porte.
Aliin Sitooye Jaata est donc la figure héroïque de la résistance, chère aux épopées antiques, qui offre sa vie en sacrifice et qui crie « plutôt la mort que l’esclavage », comme le scandaient les Femmes de Nder. Le théâtre de Marouba Fall est un terrible réquisitoire sur le massacre des esprits qu’a généré l’occupation coloniale française. L’unité spatio-temporelle du théâtre de l’auteur occupe le genre littéraire de manière poétique et engagée. Le texte est un hommage à l’unité, à la paix, à la dignité, à l’espérance d’une liberté grandie par le sacrifice. La parole de Marouba Fall est la promesse du rayonnement de la Renaissance Africaine.
Le second texte, Adja, militante du G.R.A.S., met en lumière la corruption politique qui occupe le pouvoir et qui se traduit par les échecs successifs de certaines gouvernances. Adja est une femme respectueuse, épouse et mère, qui veut devenir député pour aider son pays, au grand désespoir de son mari. Malheureusement, sa pensée est trahie, elle confond la formation politique dénuée d’intérêts personnels et la réussite corrompue. Elle revendique la condition moderne de la femme comme signe de vertu mais adopte une attitude irresponsable au sein de son foyer. Le modèle occidental est son référent social mais cela détruit ce qu’elle est profondément, une femme africaine honnête attachée aux valeurs humaines. Pourtant, le personnage d’Adja et son engagement sincère pose la question du rôle des femmes dans la conduite politique des Etats. Abusée par un escroc déguisé en marabout, Adja retrouve la raison afin de poursuivre son combat sur une voie nouvelle dégagée de l’opportunisme dévastateur.
Cette courte pièce, vive et drôle, est une réussite dans ce qu’elle dénonce et dans la complexité de l’engagement panafricain en politique. Le continent africain doit inventer son fonctionnement politique en s’appuyant sur ses valeurs culturelles, sociales et humaines. C’est tout le message de l’œuvre théâtrale de Marouba Fall qui inspire brillamment la démarche de la Renaissance africaine.
Aliin Sitooye Jaata ou la dame de Kabrus suivi de Adja, militante du G.R.A.S.,
Marouba Fall, Les Nouvelles Editions Africaines du Sénégal, Dakar, 2005.
LES COLLINES, PREMIÈRE ÉPREUVE DES ÉLÈVES DE DINDÉFÉLO ET IWOL
Pour les potaches vivant sur le plateau, escalader ces collines n’est pas une aventure mais une épreuve quotidienne, entre défis physiques et sacrifices scolaires.
Les chutes de Dindéfélo demeurent une attraction qui occulte le bonheur des randonnées et découvertes sur les montagnes du village et d’Iwol. Mais pour les élèves provenant du plateau, leur escalade est une corvée quotidienne.
Sur les contreforts du Fouta-Djallon, dans l’extrême sud-est du Sénégal, le pari semble accessible quoiqu’osé. Les 500 mètres d’altitude ne devraient point poser de problème. Il nous faut progresser au-delà du pied de la montagne, signification de Dindéfélo en pulaar, gravir ses pentes sous la conduite du guide Kaba Tounkara. A peine après avoir quitté le village, notre groupe (deux amies lettones et votre serviteur) entame son odyssée montagnarde par un sentier s’ouvrant au milieu des arbres, arbustes, un chemin parsemé de nombreuses roches noirâtres jonchant le sol encore herbacé en cette fin d’hivernage.
Le chemin, escarpé et sinueux, rend la marche difficile. Le sentier fait de bifurcations, des détours des plus inattendus. C’est une vraie forêt. Il faut souvent se servir de ses mains pour écarter les feuillages qui obstruent le passage ou d’un bâton comme une des nôtres en utilise. Tout en continuant l’escalade vers un horizon incertain, le visiteur doit avoir l’œil rivé sur le sol pour savoir où poser ses pieds. Gare à ceux qui n’ont pas de chaussures adaptées.
La montée comme la descente se révèlent périlleuses eu égard au caractère abrupt de la montagne. La crainte d’une chute nous habite tous et les consignes de prudence qu’on se lance à la volée semblent accentuer les appréhensions. La verdure et le parfum des arbres et herbes aident à supporter l’exercice. Il nous faut de temps à autre s’arrêter pour souffler. L’une des nôtres souffre d’une maladie qui ralentit son endurance physique. A la vérité, nous souffrons tous de la montée d’autant plus que la pratique sportive n’est pas quotidienne chez les randonneurs d’une matinée. La fréquence des haltes « pour se désaltérer » montre que les organismes sont éprouvés.
Le guide s’adapte au rythme et comprend que l’âge de ses clients, la cinquantaine, ne les prédispose pas à un exercice aussi périlleux. A quelques minutes de huit heures, c’est le début des cours au collège et au lycée. On est frappé par les grappes d’élèves qui dévalent ce qui tient lieu de marches pour se rendre à l’école. Constituant le cinquième des effectifs du collège et du lycée, selon le censeur Dame Seck, les élèves, originaires des quatre villages situés sur le plateau, sont soumis à ce « calvaire » tous les jours d’école.
L’habitude et la jeunesse aidant, ces potaches ne semblent point souffrir de la descente ou de la montée. Avec leurs cahiers, livres tenus dans des mains nues ou dans des sacs, ils devisent, discutent, rient aux éclats. Ils saluent ceux qu’ils croisent y compris les étrangers des différents villages du Plateau Dindéfélo. Ici, tout le monde se connaît quasiment. Et le guide du jour est comme un grand frère. Plus les minutes s’égrènent, plus les retardataires pressent le pas. Ceux qui ont le cours d’éducation physique et sportive ont l’accoutrement approprié pour aller à l’école. L’on est également surpris sur la non-emergence d’athlètes de haut niveau dans une zone ceinturée de montagnes.
La montée peut se poursuivre pour les athlètes du jour que nous sommes, et, face à la fatigue éprouvée, l’on se prend de pitié pour les jeunes potaches obligés de faire la randonnée tous les jours. « Cette épreuve constitue un véritable parcours du combattant ; c’est un souci pour nous. Leur vécu quotidien ne nous laisse pas indifférent. Il faut reconnaître : les élèves sont fatigués », compatit le censeur Dame Seck.
Un autre enseignant reconnaît que « quiconque parmi nous escalade la montagne aura dorénavant un regard différent et de la commisération pour les élèves qui nous viennent de la montagne ». Il a connu sa dose de souffrance de cette montée. Course contre la montre A cause de cette corvée des plus éprouvantes, les élèves des villages du plateau sont acceptés en classe même avec 20 minutes de retard.
Au-delà des conditions de déplacement et du facteur temps qu’ils prennent en compte, ils passent très souvent la journée à Dindéfélo et peinent à trouver des tuteurs. L’idée d’ériger un collège sur la montagne est constamment remise sur la table, même si le censeur sait que le « temps des promesses n’est pas celui de la réalisation. C’est un projet qui pourrait être considéré comme chimérique eu égard au nombre réduit d’élèves qui devront le fréquenter, mais aussi au budget qu’il ne serait pas facile de trouver ».
Tout récemment, l’idée a été remise sur la table et envisagée avec la visite d’un conseiller municipal départemental. « L’érection de ce collège serait un moyen d’atténuer les souffrances des élèves », souligne le censeur.
Une « alternative » partagée également par le maire de Dindéfélo, Kikala Diallo. Le corps enseignant est très heureux du « paradoxe constitué du fait que les meilleurs résultats scolaires sont obtenus par les élèves qui viennent de la montagne ». Il existe une « sorte d’émulation, de rivalité » entre les élèves du village et ceux de la montagne, constate le censeur.
Concernant les résultats scolaires, les jeunes filles remportent la palme face aux garçons. Pourtant, pour les principaux concernés, la montagne n’est pas un obstacle à la réussite et aux études.
« C’est dur de monter tous les jours, mais je préfère étudier ici que de retourner à Kédougou où j’ai fait la classe de 6e, vu que mes parents sont là », confie Halimatou Régina Diallo, 14 ans, en classe de 4e. Elle rêve de devenir infirmière. Même son de cloche chez la jeune Coumba Diallo, également élève en 4ème.
Cette dernière milite pour l’ouverture d’une route qui rallierait la montagne au village de Ségou voisin, pourvu également d’un lycée et collège. Le détour serait plus long, mais facilité. Originaire du village de Dandé, Mlle Diallo se projette dans la vie professionnelle dans la médecine ; elle veut embrasser une carrière de sage-femme. Samedi 21 décembre. Le groupe du jour est constitué d’un jeune confrère et d’un photographe. Comme à Dindéfélo, la tâche est plus qu’ardue en voulant prendre d’assaut le sanctuaire d’Iwol, haut de plus 450 mètres et domaine des Beddiks. Nous ne tardons pas, sous les rayons du soleil matinal, à mesurer l’ampleur de la tâche et à réclamer des moments de pause et de récupération. A chaque halte, l’inspiration et la respiration se font à grandes gorgées, sous l’œil amusé de notre guide du jour, un jeune de 13 ans issu du village d’Ibel, au bas de la montagne. Ici, contrairement à Dindéfélo, la route n’est pas rectiligne puisque le guide a choisi l’itinéraire le plus court. Dur de monter tous les jours Mais également le plus difficile. Au retour, la descente s’est révélée plus facile et avec moins d’arrêts. Les élèves du village d’Iwol sont soumis au même calvaire, mais sont aussi plus qu’endurants pour la randonnée.
« Ce n’est pas trop difficile. Il me faut juste 10 minutes pour monter et descendre », avance Kisto Keïta, rencontré en train de descendre, sac à dos, pour rallier Kédougou pour les vacances de Noël.
L’élève accuse du retard scolaire avec ses 18 ans. Il se prédestine à une carrière militaire. Sous l’influence certainement de certains de ses frères, mais également des soldats du centre d’entraînement tactique de Patassy visible dans la montagne voisine. Kisto Keïta déplore le « problème d’eau avec un forage qui fonctionne au solaire, donc pas toujours optimal, et l’absence de terrain de foot ». Plus on avance, nous rencontrons des populations occupées à leurs travaux champêtres. Ici, l’agriculture est la première activité, rangeant en arrière-plan la chasse et la cueillette qui nourrissaient jadis les Bedik. Nous rencontrons le chef du village d’Iwol, Jean-Baptiste Keïta, qui, d’un pas alerte et rapide malgré ses 68 ans, se rend également au champ. Il s’arrête, nous permettant une nouvelle halte et une nouvelle occasion de recharger les batteries. Le sexagénaire expose l’histoire de la localité et le quotidien de ses habitants. Il se propose de nous conduire au baobab mythique, le plus grand du Sénégal avec une circonférence de 23,30 mètres. L’imposant arbre vaut la montée.
OUVERTURE DE L’ÉCOLE AFRICAINE DE GOUVERNANCE
L’école africaine de gouvernance ouverte au Rwanda va encourager les dirigeants à stimuler le développement durable de l’Afrique en fournissant une éducation innovante en politiques publiques, une recherche de pointe et une plateforme d’engagement politik
L’école africaine de gouvernance ouverte au Rwanda va encourager les dirigeants à stimuler le développement durable de l’Afrique en fournissant une éducation innovante en politiques publiques, une recherche de pointe et une plateforme d’engagement politique.
(ASG, sigle anglais) a été officiellement ouverte le 14 janvier 2025 à Kigali, au Rwanda, en amont du recrutement de sa cohorte inaugurale 2025/2026. La cérémonie d’inauguration a rassemblé des dirigeants, des décideurs politiques, des universitaires et des parties prenantes du continent et au-delà, pour célébrer la création de l’ASG en tant qu’établissement à l’avant-garde des questions de gouvernance. L’ASG est cofondée par Paul Kagame, président du Rwanda, et Haile Mariam Desalegn, ancien premier ministre d’Éthiopie, explique un communiqué transmis vendredi à APA.
L’ASG est une institution unique et transformatrice dédiée à former une génération de dirigeants éthiques et motivés disposant des compétences et des mentalités nécessaires pour relever les défis et assurer la transformation socioéconomique sur le continent africain. La mission de l’école est d’encourager les dirigeants à stimuler le développement durable de l’Afrique en fournissant une éducation innovante en politiques publiques, une recherche de pointe et une plateforme d’engagement politique qui promeut une gouvernance transformatrice adaptée aux valeurs et aux opportunités spécifiques du continent. Au cours de l’événement, qui marque le point d’origine dans la mission de l’ASG visant à autonomiser la prochaine génération de dirigeants et d’innovateurs africains dans tous les secteurs, Haile Mariam Desalegn a déclaré : « L’ouverture de l’École africaine de gouvernance et le lancement du recrutement inaugural marquent un moment décisif dans l’engagement de l’Afrique en faveur de l’excellence en matière de leadership. En formant une nouvelle génération de leaders et d’innovateurs en recherche politique dans tous les secteurs, l’ASG crée le socle pour une gouvernance transformatrice éthique, innovante et ancrée dans les réalités de l’Afrique. Cette institution pionnière jouera un rôle central pour façonner l’avenir du continent en donnant à ses étudiants les moyens de promouvoir un développement systémique et un changement pérenne. »
Peter Materu, qui a prononcé un discours au nom de la Fondation Mastercard, a déclaré que l’ASG s’inscrit dans la stratégie Young Africa Works de la Fondation Mastercard, qui permettra à 30 millions de jeunes Africains, dont 70 pour cent de femmes, d’accéder à des opportunités de travail dignes et enrichissantes d’ici 2030. Aspect central de l’inauguration, le lancement de la première campagne de recrutement des étudiants de l’ASG a pour but de créer un groupe diversifié de talents de tout le continent africain, y compris des communautés sous-représentées, pour inscrire plus de 100 étudiants de premier cycle et professionnels de différents secteurs en première année aux programmes de master en administration publique (MPA) et de master exécutif en administration publique (EMPA).
VIDEO
LE SAVOIR ET LA TRADITION, UN DIALOGUE NÉCESSAIRE
Le philosophe Souleymane Bachir Diagne et l'avocat Doudou Ndoye croisent leurs regards sur l'état du savoir dans la société contemporaine. Entre tradition familiale et nouveaux médias, ils dissipent les maux qui rongent la transmission du savoir
Dans un entretien d'exception diffusé jeudi 16 janvier 2024 sur Belles Lignes, le philosophe Souleymane Bachir Diagne et l'ancien ministre de la Justice, Me Doudou Ndoye, ont livré un dialogue riche sur l'essence du savoir et les défis de la société contemporaine. L'émission, présentée par Pape Alioune Sarr dans son nouveau format, a permis une rencontre inédite entre ces deux figures intellectuelles sénégalaises.
Au cœur de leur échange : l'amour du savoir comme fondement de l'humanité. Pour Souleymane Bachir Diagne, cette quête de connaissance commence par une curiosité naturelle qui, correctement cultivée, se transforme en une véritable aspiration intellectuelle. Me Ndoye a complété cette réflexion en soulignant la dimension spirituelle de cette quête, rappelant la tradition coranique et l'importance de la conscience de soi dans ce processus.
Les deux intellectuels ont particulièrement insisté sur le rôle pivot de la famille sénégalaise traditionnelle. Contrairement aux idées reçues sur l'incompatibilité entre famille étendue et modernité, ils ont défendu la pertinence contemporaine de ces structures sociales. Me Ndoye a notamment partagé son expérience personnelle, illustrant comment ces liens familiaux continuent de façonner positivement la société sénégalaise.
La conversation a ensuite abordé les transformations sociales actuelles, notamment l'impact des réseaux sociaux. Le philosophe Diagne a mis en garde contre leur tendance à créer des "bulles" tribales plutôt que de véritables espaces de partage du savoir. Les deux intervenants ont plaidé pour un retour à des échanges plus profonds et authentiques.
La discussion s'est conclue sur l'importance des centres traditionnels du savoir au Sénégal, notamment Touba, évoquant le développement récent de ses universités comme signe encourageant pour l'avenir de l'éducation. Les intervenants ont souligné l'importance de préserver ces espaces de réflexion qui permettent de transcender les divisions et de cultiver une véritable quête de connaissance.
GREVE A L'UIDT, LES ETUDIANTS POURSUIVENT LEUR BOYCOTT
La Conférence des amicales d’étudiants de l’Université Iba Der Thiam de Thiès (UIDT) est à son troisième jour de cessation des activités pédagogiques, un mot d’ordre qu’elle observe depuis mercredi, pour rappeler à la tutelle son engagement ...
La Conférence des amicales d’étudiants de l’Université Iba Der Thiam de Thiès (UIDT) est à son troisième jour de cessation des activités pédagogiques, un mot d’ordre qu’elle observe depuis mercredi, pour appeler le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation à respecter son engagement d’achever les infrastructures sur le campus universitaire.
‘’Depuis hier (mercredi), nous ne faisons pas cours, nous avons décrété 72 heures de cessation d’activités pédagogiques et le principal problème qui est à l’origine de cette situation, c’est l’achèvement de la construction du nouveau restaurant et le nouveau service médical », a dit Adama Sow Kébé, président de la Conférence des amicales d’étudiants de l’UIDT.
‘’Un séminaire s’est tenu à Saly au mois de mai dernier, où le ministre avait pris des engagements, afin que le calendrier académique puisse être stabilisé », a rappelé M. Kébé.
Parmi ces mesures qu’il avait annoncées, figurait également l’accompagnement des universités en infrastructures, tant pédagogiques que sociales.
Selon lui, ces engagements « délimités dans le temps », consistaient, d’abord à, accompagner les universités à la rentrée du mois d’octobre, ‘’chose qui n’a pas été faite ».
‘’Nous, en tant qu’étudiant, avons été reçus le 26 septembre au ministère et les engagements avaient été réitérés par le ministre », a ajouté le président de la Conférence des amicales d’étudiants de l’UIDT.
Adama Sow Kébé relève que le président de la République Bassirou Diomaye Faye s’était engagé à décréter un plan d’urgence pour l’enseignement supérieur.
‘’Certes, nous sommes, en principe, dans l’année académique 2024-2025 depuis le mois d’octobre, mais certains sont toujours en 2023-2024″, a-t-il poursuivi, tout en admettant que « l’État fait des efforts pour qu’on entre dans les années normales’’.
Le dirigeant de la structure estudiantine n’a pas manqué de demander aux autorités d’ »accélérer les travaux au campus social de l’UIDT ».
Il annonce que 1.494 nouveaux bacheliers seront accueillis à l’UIDT, dimanche prochain. Un effectif qui, ajouté au nombre d’étudiants déjà présents à l’université, posera « forcément des problèmes, aussi bien sur le plan de l’hébergement que de la restauration », a-t-il alerté.
Interpellé par l’APS sur ce mouvement d’humeur, le directeur du Centre régional des œuvres universitaires de Thiès (CROUS-T), Serigne Mbackè Lô, a affirmé avoir reçu mercredi les étudiants pour une large discussion sur leur mot d’ordre.
‘’Le mot [d’ordre] concerne principalement le retard constaté dans la livraison des chantiers, ce sont les pavillons de 1.000 lits et un restaurant de 1.000 places assises », a rapporté le directeur du CROUS-T.
M. Lô a toutefois précisé que ces chantiers ne sont pas les seuls qui sont entrepris par l’État du Sénégal. ‘’Ce sont des chantiers globaux qui concernent pratiquement l’ensemble des universités du Sénégal et le retard n’est pas seulement observé à Thiès’’, a-t-il relevé.
Il souligne d’ailleurs que les chantiers de Thiès sont « les plus en avance ».
« Nous comprenons les étudiants, parce que nous connaissons ce qu’ils sont en train de vivre par rapport à l’insuffisance des places en termes d’hébergement », dit-il.
Serigne Mbacké Lô a dit « essayé autant que possible de leur faire comprendre que la solution n’est pas à (son) niveau, et qu’elle ne relève pas de sa prérogative ».
Ces chantiers sont en train d’être suivis par l’État du Sénégal, a-t-il précisé.
‘’Le chantier spécifique de Thiès est à un niveau de 90%. Ce qui reste, c’est pratiquement l’installation des équipements, (dont) une bonne partie est déjà sur place », a-t-il rassuré.
Selon lui, les équipements des autres universités concernées par des travaux similaires, ont été stockés à Thiès. Leur acheminement vers leurs destinataires a démarré la semaine dernière, a-t-il dit.
Le directeur du CROUS-T a informé que la structure qu’il dirige a engagé, sur fonds propres, des travaux pour doubler la capacité d’accueil du restaurant universitaire.