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2 décembre 2024
Développement
UNE AGRICULTURE EN QUÊTE D'ÉMANCIPATION
Le Sénégal importe entre 70 et 80% de ses besoins alimentaires, selon le ministre de l'Agriculture. Une dépendance excessive qui pèse lourdement sur la balance commerciale, avec plus de 1000 milliards dépensés chaque année
Les importations sénégalaises de denrées alimentaires représentent 70 à 80 % des besoins de consommation du pays et s’élèvent en moyenne à 1.070 milliards de francs CFA par an, a déclaré, mardi, à Dakar, le ministre de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de l’Élevage, Mabouba Diagne.
‘’En raison de la hausse des prix des denrées alimentaires sur le marché international, les importations alimentaires ont un effet très négatif sur la balance commerciale. Le Sénégal importe plus de 1.070 milliards de francs CFA en denrées alimentaires’’, a signalé M. Diagne.
Il intervenait à un atelier d’évaluation provisoire du Programme conjoint Sahel en réponse aux défis Covid-19, conflits et changements climatiques (SD3C). Le SD3C est mis en œuvre au Sénégal et dans d’autres pays de la région, avec la collaboration du Fonds international de développement agricole, une institution spécialisée des Nations unies.
‘’Le Sénégal importe 70 %, voire 80 % de sa nourriture, avec un taux d’autosuffisance alimentaire de 57 % pour les céréales’’, a déclaré Mabouba Diagne.
Il reconnaît que ‘’le SD3C contribue à l’amélioration de la production et de la productivité agropastorales de la région (le Sahel), grâce à l’introduction de pratiques agricoles résilientes [et] garantissent en même temps une gestion durable de l’eau et de la terre’’.
Au Sénégal, 3.000 ménages ont bénéficié de ce programme, qui a permis de restaurer 40 hectares de terres dégradées et de réhabiliter un ‘’marché transfrontalier’’, selon M. Diagne.
Un marché dédié au bétail, deux parcs de vaccination du bétail et deux ‘’boutiques pastorales’’ font partie des fruits de cette initiative agricole du FIDA et de plusieurs gouvernements de la région, a-t-il signalé.
DAAKAA, TERRE DE PÈLERINAGE ET DE TRANSACTIONS DE CHAPELETS
Sous le soleil brûlant, les vendeurs s'activent depuis le début de la retraite spirituelle. Certains sont installés dans de modestes huttes, exhibant leur marchandise de manière statique. D'autres parcourent les allées, à la recherche de clients
Les vendeurs de chapelets sont omniprésents au Daakaa, une retraite spirituelle annuelle qui se tient sur un site situé à 10 km de la commune de Madina Gounass, dans le département de Vélingara (sud).
Cet objet de dévotion est très prisé par les pèlerins qui l’utilisent pour faire leurs invocations quotidiennes (zikr) durant les dix jours de cette retraite spirituelle qui se déroule en pleine brousse.
Des commerçants venus du Sénégal et de la sous-région ont pris d’assaut le site dès le premier jour de la 83e édition du Daakaa, lancée officiellement samedi, par le khalife de Madina Gounass, Thierno Amadou Tidiane Ba.
Certains d’entre eux exposent leurs chapelets sur les principales allées du site, dans des huttes faisant office de cantines. D’autres misent sur la mobilité en se faufilant dans les foules des fidèles dans l’espoir d’écouler rapidement ces objets de dévotion utilisés pour accomplir des zikr.
Sur l’allée principale jouxtant la grande tente sous laquelle se tiennent les prières quotidiennes, des chapelets sont exposés devant des huttes.
Assane Ba, un ressortissant d’Agnam (région de Matam, nord) basé à Dakar, a déjà fini de s’installer et d’exposer ses chapelets. Depuis sept ans, Ba vient au Daakaa pour vendre des chapelets qu’il confectionne lui-même. Tête baissée, assis sur une natte, le jeune garçon est concentré sur un gros fil noir dont un bout est noué autour de son gros orteil droit et le second entre ses doigts. Il fait glisser une perle, puis une autre, afin de respecter le nombre requis.
Il précise que suivant le type de chapelet, il peut varier entre 99 et 100 perles. Les chapelets de 100 perles sont plus nombreux, s’empresse-t-il de signaler.
La tête recouverte d’un bonnet dont la couleur est vraisemblablement ternie par le chaud soleil, Assane Ba vient au Daakaa pour vendre ses chapelets, mais aussi et surtout pour la retraite spirituelle. Il passe ainsi une partie de la nuit à prier et à faire les douze mille salatoul fatiha recommandés par le fondateur du Daakaa.
Son commerce de chapelets l’amène à fréquenter régulièrement le Daakaa de Madina Gounass, le Magal de Touba, les Gamou de Tivaouane et de Madina Baye. Il peut confectionner entre 5 et 15 chapelets par jour. Tout dépend de son humeur et de sa détermination, s’empresse d’ajouter.
Une ruée qui se fait attendre
Entouré d’autres panôtriers et vendeurs de chapelets, il guette vainement l’arrivée des clients qui ne se bousculent pas encore devant sa hutte. Une situation qu’il explique par l’arrivée tardive des pèlerins sur le site, même s’il espère une grande affluence vers la fin du Daakaa.
‘’Nous sommes juste au deuxième jour. Il nous reste huit jours, donc les acheteurs viendront’’, prédit-il, soulignant n’avoir vendu que 7 chapelets pour des prix variant entre 5000 mille et mille francs.
Harouna Ka, lui aussi confectionneur et vendeur de chapelets, a fini de prendre ses quartiers sur la même allée. La cinquantaine révolue, la tête revêtue d’un bonnet, l’homme est assis, un tas de perles noires enserré entre les jambes.
Il confectionne des chapelets à 5000 francs l’unité. Les chapelets exposés devant sa hutte sont vendus plus chers, car coûtant 90 000 francs l’unité, précise-t-il. D’autres chapelets de qualité supérieure peuvent même coûter jusqu’à 300 000 francs, dit-il.
Les chapelets ‘’youssourou’’ qui viennent de La Mecque, sont vendus à 70 000 francs, signale-t-il. Au passage, il vante la qualité des grains avec lesquelles ils sont fabriqués.
Les chapelets dits ‘’dialambaré’’ et ‘’baxline’’ sont vendus respectivement à 5000 et 40000 francs, informe le quinquagénaire, non sans préciser qu’ils sont confectionnés au Sénégal.
Il déplore la faible affluence des clients qui ne favorise guère les bonnes affaires. Depuis 1989, année où il a commencé à venir au Daakaa, c’est pendant les vendredis précédant la clôture de la retraite spirituelle que les fidèles s’arrachent les chapelets. ‘’Je réussis toujours à écouler le plus grand nombre de mes chapelets ce jour-là’’, se félicite-t-il.
A l’en croire, les chapelets vendus entre 5000 francs et 90 000 francs sont utilisés par les fidèles pour accomplir les recommandations de l’initiateur du Daakaa, Thierno Mamadou Saidou Ba. Avec ce type de chapelet, les pèlerins font chaque jour 12000 zikr de ‘’salatoul fatiha’’, durant les dix jours de recueillement et de piété, déclare-t-il.
LA CRISE DU SYNDICALISME EN AFRIQUE DE L'OUEST
Selon Babacar Fall, "les syndicats se sont trop formalisés". Leur manque de démocratie interne mène à des "batailles de contrôle" et des scissions à répétition, rendant les structures "peu attractives" pour les travailleurs sénégalais
(SenePlus) - En ce 1er mai, les travailleurs d'Afrique de l'Ouest célèbrent leur journée dans un contexte syndical pour le moins difficile. Comme l'explique le Professeur Babacar Fall, historien spécialiste des questions du travail, "le syndicalisme ne se porte pas bien" dans cette région.
Au Sénégal, qui illustre bien la tendance générale, l'heure est au constat amer : "Si l'on compare la situation des syndicats par rapport à la période qui a conduit vers les indépendances, où les syndicats ont véritablement joué un rôle moteur très important (...) les syndicats durant cette période ont véritablement joué le rôle de contre-pouvoir." Las, ce n'est plus le cas aujourd'hui.
L'émiettement syndical y est "très remarquable" avec "une vingtaine de confédérations". Le Professeur Fall déplore "cette faible attractivité des syndicats" qui "n'est pas du tout en faveur de l'émancipation des travailleurs et de la défense de leur pouvoir d'achat".
Selon lui, "les syndicats se sont trop formalisés. Ils sont devenus trop conventionnels". Leur manque de démocratie interne mène à des "batailles de contrôle" et des scissions à répétition, rendant les structures "peu attractives" pour les travailleurs.
Face à ces syndicats défaillants, ce sont désormais "des mouvements de plus en plus spontanés qui s'organisent" pour défendre les droits des travailleurs. Le Professeur Fall cite l'exemple du "mouvement Frapp qui fait beaucoup d'agitation" pour pallier "les faiblesses des syndicats".
Cette crise syndicale touche l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest. "Le portrait du Sénégal cadre parfaitement avec ce que nous pouvons avoir au Mali, en Guinée, au Burkina Faso, au Niger ou en Côte d'Ivoire" affirme le spécialiste.
Dans les pays du Sahel, marqués par l'insécurité, s'ajoute la difficile "restriction des libertés" qui impacte logiquement la liberté syndicale. "Des partis politiques ont été interdits d'activité. Il va sans dire que dans des conditions où les libertés sont confisquées par l'État, les libertés syndicales souffrent également."
Face à ce sombre constat, l'avènement du nouveau président sénégalais apparaît comme "une porte d'espoir" pour renouer le dialogue avec les corps intermédiaires. La décision de réautoriser les défilés du 1er mai après 3 ans d'interdiction est un "signe positif" selon le Professeur. Fall.
"Le nouveau régime ouvre une porte d'espoir. Il faut souhaiter que cette porte se consolide", insiste l'universitaire, appelant à une écoute accrue des revendications sociales pour "renché[rir] le pouvoir d'achat des travailleurs".
En ces temps de crise et de vives tensions sur le pouvoir d'achat, la réhabilitation du dialogue avec les représentants légitimes des travailleurs s'impose. Le 1er mai célèbre les conquêtes sociales issues de luttes solidaires.
LE MIRAGE DES FAUX LEADERS EN AFRIQUE
Trop de dirigeants usurpent la gloire des grands noms du passé sans en avoir l'étoffe. Des imposteurs sans vision ni dévouement pour leur peuple se parent des plumes de Lumumba, Nkrumah et Sankara estime Jean-Baptiste Placca
(SenePlus) - Sur un continent qui a un "besoin vital de leaders d'envergure", comme le souligne Jean-Baptiste Placca, il y a un réel danger à croire que "plagier les discours des figures charismatiques qui ont fait la gloire de l'Afrique, suffit pour faire de certains dirigeants actuels, les nouveaux Lumumba, Nkrumah, Sankara..."
L'exemple tchadien est éloquent. Alors que s'approche la présidentielle du 6 mai, "la question d'une éventuelle entente entre Mahamat Idriss Déby, chef de l'État et Succès Masra, son Premier ministre, devient un thème de campagne pour leurs adversaires." Placca soulève la possibilité qu'"l'ex-opposant irréductible soit devenu l'allié secret du président qu'il combattait ?"
Bien que "l'heure de vérité approche", qui révélera si Masra reste fidèle à ses anciennes convictions pour lesquelles certains "ont risqué leurs vies", le cas tchadien illustre un problème plus large : "Ces héros plus ou moins artificiels, que l'on vend, à la chaîne, à certains peuples du continent."
Cette "soif d'hommes providentiels" de populations "si souvent déçues par leurs dirigeants" est compréhensible. Mais comme le note Placca, "on a du mal à croire que pour guérir des trois éprouvantes décennies d'Idriss Déby Itno, la solution soit de mettre en selle son fils, pour une nouvelle tournée."
L'auteur dénonce "l'enthousiasme de commande autour de dirigeants parvenus au pouvoir par la petite porte" comme "une gloire acquise à bon marché", d'autant plus pour "des personnes parfois totalement inconnues du grand public, dont le pedigree ne justifie nullement les colonnes d'apothéoses qu'on leur dresse dans l'imaginaire populaire."
Alors que "la pénurie de leaders charismatiques n'est pas moins chronique, à l'échelle planétaire", le "drame de l'Afrique est qu'elle est plus vulnérable, avec des héros qui n'en sont pas du tout, alors qu'elle a, justement, besoin de leaders d'envergure."
Se revendiquer des grands noms comme "Lumumba, Nkrumah, Cabral, Sankara, Rawlings, Mandela" ne suffit pas. Comme l'explique Placca, "ce serait trop facile, s'il suffisait de plagier les discours de ces figures charismatiques pour devenir ce qu'elles sont, à jamais, pour l'Afrique !"
Au-delà des discours, "c'est leur sens de l'intérêt général et leur esprit de sacrifice qui faisait la grandeur de ces héros du panafricanisme." L'enjeu majeur reste donc pour l'Afrique de "leur trouver des successeurs à peu près à la hauteur."
Le continent a cruellement besoin de véritables leaders visionnaires et intègres, prêts à servir leur peuple plutôt que leurs intérêts personnels. Jusqu'à ce qu'une nouvelle génération de dirigeants charismatiques et désintéressés émerge, l'Afrique restera aux prises avec le mirage persistant des faux leaders.
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LE DÉSIR FRANÇAIS DE RECOLONISATION
60 ans d'indépendances formelles... et toujours l'ombre de la Françafrique. Boubacar Boris Diop, Aminata Dramane Traoré et Abdou Aziz Ndao décryptent dans un riche échange, les ambitions impérialistes d'une puissance résolue à conserver ses intérêts
Dans le 10ème épisode de son émission "Où va le Sénégal ?", le chercheur Florian Bobin recevait l'écrivain Boubacar Boris Diop, l'essayiste Aminata Dramane Traoré et le militant Abdou Aziz Ndao. Un échange percutant qui remet en cause la présence militaire française jugée néo-coloniale au Sahel.
Décryptant les récentes déclarations du général Lecointre sur un possible retour en force au nom des "intérêts" français, les invités dénoncent les cibles impérialistes de l'Hexagone. Boubacar Boris Diop évoque « un désir de recolonisation » tandis qu'Aminata Traoré pointe « un agenda de prédation » niant la démocratie.
Le Sénégal est vu comme un maillon clé du dispositif français, avec ses bases stratégiques à Dakar. Malgré l'alternance, on espère que le nouveau régime résistera aux pressions pour exiger le départ des troupes étrangères.
Échaudée par son échec cuisant au Mali, chassée par la fronde populaire, la France cherchait à se refaire une santé en embarquant d'autres puissances dans une nouvelle croisade militaro-économique contre la Russie et la Chine émergentes.
Face à ce risque, les intervenants appellent à l'unité africaine pour briser le jeu néo-colonial via une véritable souveraineté économique, politique et stratégique.
ANNIE JOUGA DÉNONCE LE LAXISME FACE À L'ACCAPAREMENT DU LITTORAL
Bien qu’elle salue l’arrêt des travaux sur la corniche, l'architecte craint que l’histoire ne se répète comme lors du premier arrêt ordonné par Macky Sall. À l'en croire, il faut démolir réellement tous les constructions illégales sans exception
Architecte née à Dakar, Annie Jouga estime qu’il y a effectivement urgence à agir pour sauver la corniche dont la vocation a été dévoyée.
Tout en saluant la décision prise par Bassirou Diomaye Faye, Annie Jouga déclare : “Cette décision, on l’attendait depuis longtemps. Maintenant, ce n’est pas une première. Macky Sall avait arrêté les travaux sur la corniche. On sait ce que cela a donné. J’espère que cette fois-ci sera la bonne.”
À son avis, il n’y a pas à faire la différence entre hôtels et autres constructions. “Il faudrait surtout éviter de faire du deux poids, deux mesures. J’entends certaines personnes dire qu’on ne peut pas tout casser. Mais pourquoi deux poids, deux mesures ? Soit on démolit, soit on laisse comme ça. À défaut de démolir, on peut mettre des taxes élevées de sorte que les concernés eux-mêmes vont quitter les lieux...”, préconise-t-elle.
À ceux qui s’interrogent sur la pertinence des démolitions, elle donne l’exemple des nombreux projets d’infrastructures de l’État dans lesquels on démolit bien plus d’immeubles à coups de plusieurs milliards de francs. “Pourquoi pas la corniche ?”, se demande-t-elle.
Le problème, selon elle, ce n’est pas seulement la vue sur la mer. Il est aussi d’ordre écologique et sanitaire. Par exemple, souligne-t-elle, Terrou-bi a été construit sur le terrain des gens qui devaient gérer l'île de la Madeleine. “C’est là où les oiseaux venaient se nicher auparavant. Mais en construisant cette route, on a créé toute cette situation”, regrette Mme Jouga. Cela dit, elle a tenu à rappeler que même si cela a pris certaines proportions à partir des années 2000, l’occupation de la corniche date des années Senghor. “Contrairement à ce qu’on dit, ce processus n’a pas démarré avec Wade. Le président Senghor avait déjà donné des autorisations de construire sur cette corniche. Si vous cherchez les premiers occupants de cette corniche, vous verrez que c’était des ministres de Senghor. L’affaire ne date donc pas de 2000”, fulmine l’architecte qui plaide pour que tout soit enlevé.
Annie Jouga demande surtout aux autorités d’aller jusqu’au bout en situant les responsabilités, car ceux qui construisent ont bénéficié de la complicité de certains hauts fonctionnaires. “Il faut nous dire comment ces terres sont extraites du domaine public maritime pour devenir d’abord des baux et ensuite des titres fonciers. Le problème est à ce niveau. Il faut situer les responsabilités. Le DPM, il faut le savoir, c’est à partir d’un certain point en bord de mer jusqu’à 100 m. Tout ce qui se trouve dans cet espace doit être enlevé”, a-t-elle renchéri, non sans rappeler que cette zone était autrefois déclarée zone non aedificandi.
DIOMAYE CASSE TOUT
En décidant de stopper les chantiers sur les corniches, le président de la République entend préserver le littoral dakarois. Pourtant, ni l'administration ni les ayants droit ne semblent avoir été dûment informés. Une démarche qui interroge
Même si l'intention est "noble", la démarche pose de sérieux problèmes quant à la légalité et à l'équité.
Robert Mugabe s'était levé un jour et avait instruit de récupérer les terres agricoles détenues par des Blancs. Diomaye s'est levé un jour et a instruit de faire cesser tous les travaux sur les corniches Ouest et Est de Dakar jusqu'à Guédiawaye. On aurait mis le conditionnel, si ce n'était pas la sortie du patron de la Direction de la surveillance et du contrôle de l'occupation du sol (Dscos).
En effet, dimanche dernier, dans l'émission "Point de vue" RTS1, Pierre Goudiaby Atépa avait pris beaucoup de Sénégalais de court, en annonçant que le président Diomaye avait suspendu les chantiers sur les corniches de Dakar. "Au moins, ils ont fait arrêter toutes les constructions sur le littoral, sur la corniche, depuis avant-hier", réjouissait le président du Club des investisseurs sénégalais, qui n'a pas manqué de rappeler au Premier ministre Ousmane Sonko sa promesse "de tout raser, s'il devient président de la République".
La mesure, pour la plupart des Dakarois, est salutaire. Mais pour ce qui est de la manière, il y a énormément à dire. Le plus bizarre, c'est que ce n'est ni la présidence qui informe les Sénégalais ni aucun de ses démembrements. À la place, c'est un homme d'affaires qui, lui-même, est accusé d'avoir fait plusieurs affaires sur la corniche qui est monté au créneau pour vendre la mèche. Pendant ce temps, ils étaient nombreux les fonctionnaires concernés par la mise en œuvre de la mesure, mais qui n'étaient pas eux-mêmes informés. Certains ne l'ont appris qu'hier, à travers la presse qui a largement repris le célèbre archi-tecte. Ce haut fonctionnaire témoigne : "La manière de procéder pose véritablement problème. On dirait un club. Les gens s'enferment entre quatre murs, arrêtent des mesures, sortent et font des déclarations. Cela est source d'un vrai malaise dans l'Administration", regrette-t-il.
Triomphant, Atépa, lui, estime qu’un jalon important a été posé. Il faudrait maintenant aller bien plus loin, en démolissant tout simplement ce qui doit l’être. Tout en atténuant le propos de Sonko en reconnaissant que tout ne peut être démoli, il donne les exemples du Maroc et de la Côte d’Ivoire, pour montrer qu’il est bien possible de rendre la plage aux populations. “Le roi du Maroc a fait détruire 400 immeubles qui étaient sur le littoral. Plus proche de nous, Alassane Ouattara a aussi dégagé ce qui devait l’être. Il faut juste avoir le courage de le faire”, souligne-t-il, non sans préciser que pour les hôtels, il faut miser sur des aménagements concertés.
Un haut fonctionnaire : “On dirait un club. Les gens s’enferment, prennent des mesures et sortent pour faire des déclarations.”
Patron de la Dscos, Papa Saboury Ndiaye, lui, semble bien avoir été mis au parfum. Sur Seneweb, il est revenu avec on ne peut plus de détails sur cette affaire. À ce stade, estime-t-il, il n’est pas question de démolition, mais plutôt d’une mesure conserva- toire en attendant de faire l’état des lieux. “On n’a encore rien démoli. Mais par mesure conservatoire, les travaux sont arrêtés pour permettre à tous ceux qui sont en train de travail- ler de s’arrêter un moment et permet- tre de faire le point”, a précisé le colo- nel Ndiaye. Aux confrères de Seneweb, il a expliqué que “les auto- rités veulent d’abord éplucher les documents de ceux qui y construi- sent, savoir comment ils leur ont été délivrés, ceux qui leur ont délivré les documents et la nature des construc- tions”. Seront concernés tous les tra- vaux situés sur la corniche-Ouest, la corniche-Est et la bande des filaos. Il a rappelé que “la corniche-Ouest commence au Cap manuel, s’étend sur Terrou-bi, la mosquée de la Divinité, l’hôtel King Fahd Palace, la plage de la BCEAO jusqu’à celle de Diamalaye. La corniche-Est, elle s’étend du Cap manuel à la plage longeant la route de Rufisque, en passant par l’ambassade de France, le palais présidentiel et le port”.
Mais où est donc l’acte administratif sur lequel repose cette suspension des chantiers sur le littoral ? Quand et où a-t-il été pris par les autorités ? Les titulaires de titres ont- ils reçu notification de cette suspension ? “EnQuête” a tenté de joindre le patron de la Dscos, mais en vain. Quoi qu’il en soit, le procédé fait en tout cas jaser jusqu’au sein de l’Administration, où certains fonctionnaires décrient la manière qui a été utilisée pour les informer.
De la nécessité d’encadrer la mesure
De l’avis de certains juristes, l’abus n’est pas à discuter dans cette affaire. “Même si le président a le pouvoir de prendre ce type de décision, il ne peut pas se lever un jour et le décréter de manière aussi informelle. On ne peut pas prendre une telle décision sans l’encadrer. Ça pose un véritable problème”, indique ce spécialiste du droit immobilier.
De plus, insiste-t-il, une telle mesure doit être encadrée non seule- ment dans le temps, mais aussi dans son objet. “Ces gens ne se sont pas levés et sont venus construire sur le littoral. Ils sont titulaires d’un droit plus ou moins établi. Et générale- ment, c’est la même Administration qui leur a donné ces titres sur la base de la même législation. Au nom de quoi on va leur dire que leurs titres sont illégaux ? C’est trop léger, à mon avis, au-delà de la manière qui pose véritablement problème dans un État de droit”.
Il aurait été plus judicieux, selon nos interlocuteurs, de mieux encadrer la mesure, “par exemple, en visant un certain type de logements, être plus précis sur la distance concernée par rapport à la mer, quel genre de construction... Il faut égale- ment déterminer de quel titre on parle : les baux, les titres fonciers ou des occupations sans droit ni titre”, commentent nos interlocuteurs non sans reconnaître la pertinence de s’intéresser à ce qui se passe dans le secteur.
Divergences autour de la légalité de l’occupation
Au-delà de la mesure portant sus- pension des travaux sur le littoral, le débat porte aussi sur le caractère légal ou non de l’occupation du littoral. Sur cette question de l’occupation du littoral, les juristes sont divisés. Alors que certains invoquent la loi sur le droit public maritime pour soutenir qu’on ne doit pas y ériger des constructions autres que celles qui peuvent être enlevées facile- ment, d’autres rappellent qu’il est bien possible de déclasser ces terres et de les verser dans le domaine de l’État. “Si l’État est dans une logique de considérer ces constructions comme étant illégales, la question qui se pose serait de savoir s’il peut faire du deux poids, deux mesures. Il va devoir soit tout démolir soit tout laisser” tient à prévenir ce spécialiste du droit immobilier.
L’autre option, c’est d’exproprier pour cause d’utilité publique, tout en indemnisant les personnes victimes d'expropriation. Ce qui risque de lui coûter des milliards de francs CFA. Notre expert explique : “Le risque, c’est de se retrouver avec des plain- tes devant les tribunaux. Je pense qu’il n’y avait aucune urgence. L’État pouvait se prémunir en faisant les choses convenablement, comme cela se fait dans un État de droit. Il devait sommer les gens de présenter les titres dont ils disposent. Ensuite, s’il y a lieu, saisir la justice pour se prononcer sur la légalité ou non de ces titres. Dans un État de droit, l’État doit également se soumettre aux lois et règlements.”
En attendant d’en savoir plus sur cette mesure de Diomaye, certains se préoccupent des dommages qui risquent d’être causés aux occupants. Généralement, ces derniers contractent des dettes auprès des banques pour la mise en œuvre de leurs pro- jets. “Certains doivent revendre, rembourser leurs prêts... Ce serait injuste de les faire payer, d’autant plus que la plupart ne sont responsables de rien. Il faut savoir qu'en général, ceux qui spolient, ce sont les gens de l’Administration. Pas ceux qui construisent. Les gens sont là après une, deux ou troisième revente parfois. C’est des gens qui, souvent, achètent de bonne foi.”
Aussi, notre source, la mauvaise foi ne se présume pas. “La bonne foi, en toute chose, elle est présumée ; tu ne peux pas te lever et dire que la personne est de mauvaise foi”.
Atépa mouillé dans l’occupation du DPM
Dans sa sortie sur la RTS1, Pierre Goudiaby Atépa a dénoncé l’appropriation privative du littoral par quelques privilégiés dans des conditions scandaleuses. Il revient sur le procédé : “On l’achète à 2 450 F le m2 ; on se fait octroyer un bail ; on prend le même terrain, on s’organise pour le faire déclasser et le transformer en titre foncier. Ils prennent ce titre, ils l’amènent à la banque. La banque leur donne l’équivalent d’au moins un million de francs CFA le m2. Ils le revendent à 1,5 million le m2. C’est scandaleux”, dénonce-t-il. Pour lui, l’État devrait démolir ce qui doit l’être, pour le reste, mettre en place des taxes qui devraient revenir à la municipalité. “Nous avons suggéré des taxes de privilège sur le littoral. Quand vous faites un immeuble avec vue sur la mer, les locations ou ventes sont augmentées d’au moins environ 30 % qui reviennent à la municipalité”, a-t-il expliqué, non sans insister que “le domaine public maritime appartient à tout le monde”.
De l’avis de ce haut fonctionnaire, il y a certes une part de vérité dans ce que dit l’architecte. Seulement, ajoute-t-il, il faut aller jusqu’au bout en cherchant qui a vendu ces terrains sur le littoral. “En tant que journaliste, allez chercher qui a vendu l’hôtel Azalai à ses actuels propriétaires ; aller voir qui a vendu une partie du Terrou-bi ; allez voir qui a vendu la cité Yérim Sow ; allez voir qui est derrière la cité Atépa ; allez voir qui a construit sur la bande des filaos à Guédiawaye...”, interroge-t-il dans une allusion à peine voilée. Par ail- leurs, notre interlocuteur qui s’interroge sur le projet de l’architecte rappelle que la plupart de ces terrains ont été vendus sous Wade, pendant qu’il était son conseiller.
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LE SÉNÉGAL DE DIOMAYE, UNE DIPLOMATIE RENOUVELÉE EN AFRIQUE DE L'OUEST
Réaffirmation de l'influence régionale, défense des intérêts économiques et énergétiques, médiation avec les juntes au pouvoir... Le président semble bien décidé à imprimer sa marque dès les premiers mois de son mandat
(SenePlus) - L'arrivée au pouvoir de Bassirou Diomaye Faye au Sénégal marque un tournant dans les relations régionales. Après une visite en Mauritanie puis en Guinée-Bissau, le nouveau président semble vouloir imprimer sa marque sur les dossiers sensibles qui lient le Sénégal à ses voisins.
Les liens historiques entre Dakar et Bissau devraient se renforcer selon Mamadou Lamine Sarr, enseignant à l'Université de Dakar: "Il y a quand même des intérêts économiques et, surtout, de sécurité au niveau de la frontière. (…) Il y a des intérêts communs mutuels pour que ces deux pays consolident leurs relations."
La présence des 120 soldats sénégalais déployés dans le cadre de la force de la Cédéao devrait ainsi se poursuivre. "Avec le contingent sénégalais, le président Macky Sall a pu consolider son alliance avec le président Sissoco contre les rebelles casamançais. Et vous pensez qu'avec Diomaye Faye, c'est la même politique qui va être poursuivie ? Tout à fait", analyse M. Sarr.
Mais c'est sur le dossier des gisements pétroliers et gaziers offshore que le président Faye semble le plus déterminé à marquer sa différence. Voulant renégocier les contrats avec British Petroleum, il s'est rendu en Mauritanie, pays co-propriétaire de ces ressources.
"C'est une condition. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles le président Diomaye Faye s'est rendu en Mauritanie. Il est important de discuter de cela", estime Lamine Sarr, tout en ajoutant: "Le président Diomaye Faye a très certainement réévalué l'accord et s'est rendu compte, peut-être, que les intérêts du Sénégal n'étaient pas assez défendus."
Malgré les réticences de BP, "le Sénégal, en tant qu'État souverain, a la possibilité de revoir ces accords. Il y aura plusieurs leviers sur lesquels le président pourra jouer", affirme le professeur.
Enfin, les nouvelles autorités sénégalaises semblent vouloir jouer un rôle de médiation avec les régimes militaires du Sahel. Selon M. Sarr, "S'il y a quelqu'un qui peut essayer de rapprocher nos frères du Burkina, du Mali et du Niger, c'est bien le président Diomaye Faye."
La question du franc CFA, sur laquelle le Sénégal partage la position des juntes, "peut être un levier pour faire retourner ces pays qui avaient quitté la Cédéao", affirme l'enseignant, ajoutant: "Je pense que c'est quelque chose qui est fort probable" qu'une rencontre ait lieu.
par Madiambal Diagne
DIOMAYE-SONKO, QUE TOUT LE MONDE MONTRE SES DOSSIERS FONCIERS
La suspension des travaux sur la Corniche est un signal dissuasif pour les investisseurs. Diomaye accepte pour Atépa ce que Diouf, Wade et Macky lui avaient refusé. Je suis totalement à l’aise sur ce sujet
Diomaye accepte pour Atépa ce que Diouf, Wade et Macky avaient refusé. L’homme d’affaires, Pierre Goudiaby Atepa, a annoncé le dimanche 28 avril 2024, une décision du président Bassirou Diomaye Faye de suspendre tous les chantiers privés en cours d’exécution sur la Corniche de Dakar. A quel titre Atepa annonce-t-il, à la place du gouvernement et des autorités compétentes, d’aussi importantes mesures, dans son propre secteur d’activités où il a des concurrents et sans doute quelques petits comptes à régler ? La dame Aby Ndour peut davantage craindre pour son petit business sur la Corniche ! N’aurait-il pas été plus décent de laisser le soin à un officiel de faire une telle annonce ! Quid des constructions qui ont fini d’être réalisées et dont certaines l’ont été avec l’implication directe de Pierre Goudiaby Atepa ? Ne faudrait-il pas les détruire pour être justes et équitables ? Voilà un parfait signal dissuasif pour tous les investisseurs qui détiennent des titres de propriété irrévocables et qui ont levé des financements auprès des banques et/ou ont recueilli l’argent d’acheteurs qui attendent le respect des délais de livraison convenus ! Au cas où l’Etat du Sénégal se risquerait à dédommager les victimes, que le budget national ne suffirait pas pour cela ! A titre d’exemple, l’Etat avait été obligé, en dépit des protestations du Président Macky Sall, de payer un terrain de 6000 m2 au prix de 9 milliards de francs, pour y ériger l’usine de dessalement d’eau de mer sur le flanc du Phare de Dakar ! Cela peut donner une idée du coût de dédommagements sur plusieurs kilomètres carrés de superficie de terrains !
Le Directeur général des Impôts et domaines (Dgid), Abdoulaye Diagne, a publié un avis indiquant les zones ciblées par la mesure de suspension des travaux. Soit dit en passant que je ne possède aucun chantier en cours dans les secteurs ciblés. On constate, à la lecture du document, qu’il y transparaît une certaine indignation sélective. En effet, pourquoi sévir seulement sur les affectations foncières postérieures à l’année 2020 ? Il aurait été plus exhaustif de passer au peigne fin toutes les affectations foncières sous le régime de Macky Sall et même de Abdoulaye Wade. Ainsi, on saurait le rôle joué par les uns et les autres comme par exemple celui de Pierre Goudiaby Atepa dans la première opération de morcellement des terres de l’aéroport Léopold Sédar Senghor ou du terrain jouxtant l’hôtel Terrou Bi de Dakar et abritant partiellement le nouvel hôtel Azalai ou encore les affectations dont avaient pu bénéficier des cadres du parti Pastef et du syndicat des agents des impôts et domaines ? Quel est l’impact économique et social de l’arrêt des chantiers ?
Ce sont des dizaines de milliers d’ouvriers et de techniciens du bâtiment qui gagnent leur vie en passant leurs journées dans ces chantiers. Qui va leur assurer des revenus ? On prendra également en compte les nombreuses personnes qui leur vendent à manger ou des boissons aux heures de travail. Et les familles qui dépendent du revenu journalier ramené par ces ouvriers ? Et les autres commerces et activités de production, de vente de ciment et de matériaux de construction, et les activités des cabinets de notaires ? L’adage dit bien que «quand le bâtiment va, tout va». En arrivant au pouvoir en 2012, Macky Sall avait agi de même que le tandem Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko, en bloquant des chantiers du lotissement de l’aéroport Léopold Sédar Senghor avec les cités Mbackiou Faye et Cheikh Amar, entre autres. L’évaluation faite par les services du ministère des Finances indiquait que plus de dix mille travailleurs gagnaient leur vie dans ces chantiers, à raison d’une dizaine d’ouvriers par villa. En septembre 2013, le gouvernement a laissé les chantiers se poursuivre pour ne pas faire souffrir davantage l’économie du pays.
Par ailleurs, au-delà de l’impact négatif que cela provoquera sur l’environnement des affaires et la cote du Sénégal au «Doing business», il y aurait fort à craindre qu’avec cette opération, le gouvernement fasse des milliers de victimes innocentes qui ont acquis des terrains par le circuit le plus légal. On peut bien s’imaginer que les pontes qui bénéficieraient d’affectations foncières les mettent immédiatement sur le marché. Dans sa note, le Dgid ouvre une brèche pour envisager l’examen des situations au cas par cas par un Comité ad hoc dont la domiciliation ou la composition n’est pas encore précisée. Reviendra-t-il au Premier ministre de s’occuper des discussions ou autres négociations, au cas par cas ?
Je suis volontaire pour être le premier client d’une enquête sur le foncier
L’occasion est donnée pour clarifier toutes les accusations portées, çà et là, contre des citoyens. Je n’ai eu de cesse de dire, sur tous les plateaux de radio et de télévision, et sur tous les tons, que je n’ai jamais bénéficié d’une affectation d’un seul mètre carré de foncier de la part de l’Etat. Tout patrimoine que j’ai pu acquérir dans ce secteur, l’a été par le truchement d’une transaction foncière stricte, avec des personnes privées et selon les procédures claires et transparentes, et tous les droits et taxes ont été dûment acquittés. Le nouveau gouvernement dispose de tous les leviers pour en avoir le cœur le net, d’autant qu’un responsable du parti Pastef, Abdou Gning, vient d’être nommé à la tête du service des Domaines. Dans un texte du 22 novembre 2022, publié dans ces colonnes et intitulé : «Je ne cède pas au chantage au smartphone», j’indiquais «qu’on a immanquablement des amis et des ennemis.
Des amis pour nous apprendre notre devoir, des ennemis pour nous obliger à le faire». J’espère fortement qu’une enquête exhaustive sera ouverte sur le foncier et ce sera une opportunité pour faire la lumière et faire taire des accusations fallacieuses et gratuites qui alimentent quelques causeries. On peut se consoler et rendre grâce à Dieu de faire partie des propriétaires et non pas de cette foule hystérique de délateurs, «livers» et autres promeneurs avec le smartphone à la main, qui prétendent dénoncer on ne sait quel scandale. On devra d’ailleurs nous dire si la propriété privée licite, pour un Sénégalais de surcroît, qui n’a jamais géré des fonds publics, n’a jamais occupé d’emplois publics ou n’a jamais bénéficié d’un contrat avec l’Etat, est prohibée dans ce Sénégal de Ousmane Sonko et de Bassirou Diomaye Faye ! Dominique Strauss Kahn, excédé par des reproches ou des quolibets de ses «amis» de la gauche sur sa richesse, avait pu dire un jour : «Devrait-on s’excuser d’être quelque peu riche ?» Encore une fois, personnellement, je suis totalement à l’aise sur ce sujet et cela m’avait permis de m’insurger contre les prédations foncières, avec un article retentissant titré «Finalement, ils ont fait pire que les Wade avec nos terres», en date du 8 juin 2020. Aussi, j’évoque très largement et on ne peut plus librement le sujet dans mon livre «Macky Sall, derrière le masque», publié en septembre 2023. Certains partisans du Président Sall, courroucés, avaient espéré en vain pouvoir me confondre avec des attributions foncières. Mal leur en a pris !
Mon audition que je souhaite tant, devant une structure d’enquête sur les questions foncières, sera le lieu, documents à l’appui, de montrer que depuis que je commençais à construire des maisons et des immeubles ou que j’achetais des terrains, en 1998 (cela fait 26 ans déjà, certains lanceurs d’alerte n’étaient pas encore nés !), Abdoulaye Wade était encore opposant, que Macky Sall était chef de division à la société Petrosen ou que Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye étaient étudiants à l’université de Saint-Louis et à l’université de Dakar. Mon audition comme celles de nombreux autres Sénégalais, permettront de fournir des preuves sur des attributions et autres transactions foncières, impliquant de hauts responsables du parti Pastef et portant sur des terrains dont ils ont pu bénéficier, au gré de multiples opérations de morcellement. En effet, cela permettrait également de débusquer des patrimoines fonciers opportunément occultés dans certaines déclarations de patrimoine. Et, croyez-moi, le parjure ne sera pas loin ! Il y a généralement des sujets qu’il vaudrait mieux ne pas soulever si on veut sauvegarder l’image de certaines hautes personnalités de l’Etat.
LA MONTÉE DE L'INQUIÉTUDE
Avec la suspension des travaux décidée sur plusieurs zones sensibles, c'est tout un secteur de l'économie qui est fragilisé, nourrissant craintes des ouvriers et réactions contrastées des populations concernées
Après l’annonce de la suspension des travaux au niveau de la corniche-Ouest et de la Bande des filaos, entre autres localités ciblées par les autorités, les ouvriers et les promoteurs sont dans une attente fragile et se projettent avec anxiété sur l’avenir.
Les autorités ont-elles cédé aux pressions des «livers» ? Depuis le début de la nouvelle alternance, des vidéos sur les supposés biens immobiliers, qui appartiendraient à des privés et des investisseurs, font le tour la toile. Depuis vendredi, le président Bassirou Diomaye Faye a pris la décision d’arrêter toutes les constructions sur la Corniche de Dakar et d’autres zones du pays. Et c’est pour une vérification de documents qui permettent à ces propriétaires d’hôtels, d’immeubles et villas de luxe de construire. Si la corniche-Ouest commence au Cap Manuel, s’étend sur Terrou-bi, la mosquée de la Divinité, l’hôtel King Fahd Palace, la plage de la Bceao jusqu’à celle de Diamalaye, la corniche-Est s’étend du Cap Manuel jusqu’à la plage longeant la route de Rufisque, en passant par la résidence de l’ambassade de France, le Palais présidentiel et le Port. Alors que la Bande de filaos s’étend de la zone de Malibu jusqu’à Malika, en passant par le rond-point Gadaye.
Sur place, les ouvriers sont au pied des murs. Au lendemain de l’annonce de la mesure, les maçons sont présents, en pleine manœuvre au niveau des différents chantiers où poussent des bâtiments à usage d’habitation, des infrastructures publiques comme le nouveau Palais de justice de Pikine-Guédiawaye niché sur la Vdn 3, où les lampadaires sont en train d’être installés par les techniciens. «C’est un site bien loti et la distance règlementaire des 100 m est bien respectée. C’était sur la demande des goorgoorlous, des pères de famille qui habitent dans les 5 communes de Guédiawaye. Il y a aussi des conseillers qui avaient sollicité un déclassement de cette bande, d’autant plus qu’il y avait toujours des agressions et des meurtres. Même les maisons environnantes étaient dans une insécurité totale. Ce site nous revient, c’est notre patrimoine. La majeure partie des gens vulnérables sont propriétaires d’une parcelle ici sur le littoral de la Vdn 3. Il ne faut pas oublier que la ville grandit et que Guédiawaye regorge du monde», renseigne le vieux Assane Diop, trouvé sur le site. A propos de la déclassification de cette Bande de filaos, les avis sont partagés. «Ce qui nous fatigue c’est qu’il y a des activistes mécontents qui ne sont pas bénéficiaires, qui cherchent avec ce nouveau régime à faire des règlements de comptes. Parce qu’ils savent qu’actuellement le régime en place est sensible aux problèmes et veut plaire à tout le monde. Ce qui n’est pas possible. Et nous osons croire que l’Etat va diligenter ce problème avec prudence. Car vouloir arracher un bien pour le donner à un autre est injuste parce qu’il y a beaucoup de personnes qui sont en train de se prononcer sur le littoral alors qu’elles ne maîtrisent même pas ce dossier», renseigne Pape Hann, trouvé sur le site de Gadaye. Selon lui, «ce littoral doit être animé parce qu’il s’étend jusqu’à Saint-Louis. Des infrastructures sont prévues. Il doit être animé et éclairé. Malheureusement, il y a des activistes qui veulent tout diaboliser en demandant à ce que ce que l’occupation du littoral de la Vdn 3 soit annulée. Quelle méchanceté».
Il faut savoir que toute cette zone fait partie du programme du Plan d’urbanisme de détails (Pud) approuvé et rendu exécutoire par un décret de l’ancien chef de l’Etat Macky Sall qui a été réparti pour un espace (150, 58 ha) comme suit : «43, 92% de la superficie totale du Pud sont réservés à l’habitat, 21, 01% aux voiries et réseaux divers, 35% aux équipements.»
Sur place, quelques filaos dansent sous l’effet du vent. Alors que les ouvriers poursuivent leurs corvées. A Malika, la situation est la même où l’occupation du foncier divise les différentes parties. Les jeunes de la commune, à travers une association locale, réclament 1500 parcelles à l’Etat. En plus d’exiger que le décret qui affecte la zone à certaines personnalités soit annulé, ils demandent au Président Faye l’octroi de ces parcelles à usage… sur le même site. «On ne demande pas de détruire tout ce qui est en train d’être fait ici avec le programme Pud. Ce n’est pas sérieux que les gens le fassent. Mais nous voulons que notre terre nous revienne parce que qu’elle est occupée par des gens qui n’habitent même pas la localité et qui bénéficient des ha. Tout le monde a droit à une parcelle. L’Etat devra faciliter l’octroi d’une parcelle aux enfants de la localité», explique Bachir Paye, détenteur d’une buvette de café Touba au niveau de la plage de Malika.
«J’espère que les autorités savent ce qu’elles font…»
Au niveau de la corniche-Ouest de Dakar où poussent des immeubles, des hôtels, des sites en situation de terrassement, les travaux se poursuivaient hier. Les ouvriers mettent la dernière main sur certaines finitions pour embellir leurs chantiers. Si certains n’ont pas le temps de disserter sur les lendemains qui risquent d’être moins enchanteurs à cause de l’arrêt des travaux, d’autres ont du mal à imaginer la suspension de leurs «contrats» de travail le temps que les audits soient achevés par les services domaniaux et cadastraux. «Que voulez-vous que je vous dise. Nous sommes venus travailler, mais je ne sais pas si demain (aujourd’hui) il sera possible de le faire. Du jour au lendemain, on va se retrouver dans la précarité», note un ouvrier, accroché au pied d’un immeuble. «J’espère que les autorités savent ce qu’elles font, surtout que Diomaye et Sonko sont des inspecteurs des impôts. On ne peut rien obtenir ici sans autorisation», ajoute un autre, qui hume cet effluve marin envoyé par la grande bleue qui gronde à quelques mètres de son lieu de travail. De l’hôtel Azalai, ouvert il y a quelques mois, jusqu’aux Mamelles, les interrogations et les inquiétudes se superposent sur les visages des travailleurs et des promoteurs après cette décision de suspension des procédures domaniales et foncières prise par Faye et Sonko.