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4 décembre 2024
Développement
PAR Seydoux Barham Diouf
LA POIGNÉE D’ÉPAULE QUI DIT TOUT
Lors de sa rencontre avec Macky Sall, le langage corporel de Diomaye Faye a révélé une communication habile, empreinte de continuité. Au-delà des apparences, son attitude illustrait l'importance de la communication non verbale dans le monde politique
Par opposition à la communication verbale, la communication non verbale représente l’ensemble des interactions entre des interlocuteurs sans l’usage de mots. Et lorsque l'on parle de « non-verbal », il s'agit d'établir une relation avec autrui sans parole. Elle se construit alors de silences, de gestes, de positions, d'attitudes, passe par les expressions faciales et la tenue vestimentaire pour compléter le message auditif. Ce langage corporel peut être conscient ou inconscient, mais s’y attacher permet de mieux faire passer un message, de le crédibiliser, de lui apporter en puissance, et donc de l'influencer. Mais attention, si la communication non verbale peut engendrer un apport de sens positif, elle peut aussi bien produire le contraire et ainsi décrédibiliser les propos de son émetteur. Ce qui justifie son importance dans la communication.
Ainsi, ce chiffre va peut-être étonner plus d'un, mais Albert Mehrabian, chercheur en psychologie, conclut de ses études que seulement 7% de notre communication passe par le langage verbal. Selon lui, 55% de la communication entre individus est issue de l'expression de nos visages et de nos mouvements corporels. 38% de nos échanges dépendent de la voix, ajoute-t-il. On peut donc comprendre pourquoi il faut y prêter attention, et avoir une bonne lecture de la communication non verbale et des émotions.
Candidat élu dès le premier tour à l'élection présidentielle du 24 mars au Sénégal, Bassirou Diomaye Faye, a été reçu jeudi au Palais de la République par le président sortant, Son Excellence Monsieur Macky Sall. Lors de cette rencontre, le nouveau président de la République s'est encore illustré de différentes manières dans sa communication, surtout verbale. Vêtu d'un beau boubou africain, Son Excellence Monsieur Bassirou Diomaye Faye s'est présenté à son prédécesseur avec une gestuelle bien maîtrisée. Posture, gestuelle et accoutrement ; tout était donc au rendez-vous.
Cependant, un geste a attiré toute mon attention : la main de Son Excellence Bassirou Diomaye Faye sur l'épaule de son prédécesseur, Son Excellence Macky Sall. Contrairement à ce que beaucoup auraient pensé, ce geste n'est pas anodin. En effet, lorsque quelqu'un serre la main de son interlocuteur, il lui arrive de placer une main sur son épaule. Un geste qui peut paraître anodin, et pourtant, la place de cette main peut permettre de définir la personnalité de la personne et de déterminer quels sont ses sentiments envers son interlocuteur.
Ici, Son Excellence Bassirou Diomaye Faye pose sa main gauche sur l'épaule de son interlocuteur, lui regarde droit dans les yeux avec un petit sourire aux lèvres. Ce geste est chargé de significations dans le contexte de la communication politique. Il exprime un profond respect et une affection sincère du président Bassirou Diomaye Faye envers son prédécesseur, marquant ainsi une continuité harmonieuse dans la transition du pouvoir. Ce contact physique entre les deux présidents, associé au regard direct et au sourire, symbolise également un soutien et un encouragement mutuels, renforçant ainsi les liens interpersonnels et favorisant une collaboration constructive.
De plus, ce geste peut être perçu comme une manifestation de confiance et de connexion émotionnelle, renforçant ainsi la crédibilité et l'authenticité de Son Excellence Bassirou Diomaye Faye aux yeux du public. Enfin, il pourrait également servir de stratégie de communication habile pour projeter une image de calme, de contrôle et de coopération, illustrant ainsi son aptitude à naviguer avec grâce et diplomatie dans les interactions politiques.
Il faut donc noter que la communication non verbale joue un rôle crucial dans la façon dont les messages sont perçus et interprétés, surtout dans le contexte politique. Son Excellence Bassirou Diomaye Faye, par son geste délicat de poser sa main gauche sur l'épaule de son prédécesseur, Son Excellence Macky Sall, lors de leur rencontre au Palais de la République, illustre parfaitement cette notion. Ceux/celles qui le critiquaient lors de sa première sortie doivent donc garder le calme et rester silencieux.ses car il maîtrise bien l'art de la communication visuelle, ou non verbale si vous voulez.
Seydoux Barham Diouf est politiste en formation à l'UCAD.
LES DESSOUS DE LA FORMATION DU PROCHAIN GOUVERNEMENT
L'équipe devrait compter dans ses rangs de nombreux technocrates et moins de personnalités politiques connues. Des figures 'neutres', sans engagement politique, ainsi que des personnes venues de la diaspora pourraient avoir leur place
(SenePlus) - Cinq jours après sa victoire à l'élection présidentielle du 24 février 2022, les sénégalais attendent de connaître la composition du futur gouvernement de Bassirou Diomaye Faye. Élu dès le premier tour avec 54% des voix, selon les résultats provisoires communiqués par la Commission nationale de recensement des votes, le nouveau chef de l'État sera investi le 2 avril, date de fin de mandat de son prédécesseur Macky Sall. Son premier gouvernement devrait être formé dès le lendemain de la fête nationale, le 5 avril.
Selon des sources au sein de son parti, le Pastef, cité par RFI, "l'essentiel est de se mettre rapidement au travail pour plancher sur les priorités du nouveau président", à savoir l'économie, le coût de la vie et la souveraineté alimentaire. Pour y parvenir, le gouvernement devrait compter dans ses rangs de nombreux technocrates et moins de personnalités politiques connues. "Des figures 'neutres', sans engagement politique, ainsi que des personnes venues de la diaspora pourraient avoir leur place", précise-t-on.
Bassirou Diomaye Faye devrait également s'appuyer sur les membres de la coalition "Diomaye président", qui regroupe une centaine de petits partis et mouvements comme celui de l'ancien syndicaliste Dame Mbodj ou de l'ex Première ministre Aminata Touré. "L'essentiel est la rupture et le projet porté par le nouveau président", insiste-t-on au sein du Pastef.
Quant au rôle d'Ousmane Sonko, figure de proue du parti et soutien de la première heure à la candidature de Bassirou Diomaye Faye, celui-ci a déclaré au Monde qu'"aucun poste ne lui a été promis". "Toutes les options sont ouvertes, que ce soit un rôle ministériel, de proche conseiller ou de président de l'Assemblée nationale", a-t-il ajouté.
Enfin, les grands partis traditionnels pourraient-ils participer à ce nouveau gouvernement ? Le PDS, qui a apporté son soutien à quelques jours du scrutin, se dit ouvert aux discussions. Selon son porte-parole Maguette Sy, "on ne ferme pas de cloisons mais si discussions il y a, ce sera avec les leaders du parti", Abdoulaye Wade et Karim Wade.
LE PUR, UNE PERCÉE SIGNIFICATIVE DANS LA SCÈNE POLITIQUE
Fort de ses récents succès électoraux, le parti a créé la surprise en plaçant son candidat Aliou Mamadou Dia à la troisième place. Pourtant jusqu'alors peu connu, ce dernier a su tirer son épingle du jeu et mettre en avant son expérience internationale
Le PUR, créé en 1998, est l’un des partis politiques les plus actifs de la vie politique sénégalaise des six dernières années. Seul, il a fait élire des députés en 2017. En 2022, allié au Pastef-Les patriotes d’Ousmane Sonko et à d’autres partis, le PUR a obtenu plusieurs sièges à l’Assemblée nationale. Le parti du guide religieux serigne Moustapha Sy réputé pour la discipline, l’organisation et la fidélité de ses militants continue de percer sur la scène politique.
A l’issue de l’élection présidentielle du dimanche dernier, le candidat du PUR, le parti de l’unité et du rassemblement, Aliou Mamadou Dia a crée la surprise en ce classant troisième avec 2, 80 % parmi les 19 candidats à la présidentielle. Une prouesse devant des ténors de la scène politique comme Khalifa Ababacar Sall, Idrissa Seck entre autres qui ont moins de 2%. Durant la présidentielle de 2019 le candidat du PUR le professeur Issa Sall s’était classé à la quatrième position derrière Ousmane Sonko 15,67%, Idrissa Seck 20,5%, et le président Macky Sall réélu avec 58,27%.
Alors que tous les esprits étaient tournés vers Cheikh Tidiane Youm, Secrétaire général national du PUR, le patron de la formation vert-blanc Serigne Moustapha Sy a porté son choix sur Aliou Mamadou Dia, très peu connu du grand public.
‘’J’ai toujours été un militant du PUR depuis 2018, mais mes fonctions internationales ne me permettaient pas de m’afficher’’, fait-il savoir en précisant que même dans l’ombre, il donnait des conseils.
Aliou Mamadou Dia a eu plusieurs contrats avec le système des Nations unies, ce qui lui a permis de travailler dans une trentaine de pays africains. M. Dia a débuté sa vie professionnelle à la direction des travaux géographique et cartographique entre 1997-1998 à Dakar, notamment sur la partie géomatique.
Candidat à l’élection présidentielle du 24 mars sous la bannière du Parti de l’unité de rassemblement (PUR), Aliou Mamadou Dia, a tiré son épingle du jeu par son parcours historique durant cette campagne présidentielle inédite dans l’histoire du pays. Désormais le parti aura son mot à dire dans la sphère politique avec cette nouvelle configuration. Plus de 7, 3 millions d’électeurs étaient appelés aux urnes pour élire un cinquième président de la République. Dix-neuf candidats étaient en lice. La Commission nationale de recensement des votes a avancé un taux provisoire de participation de 61, 30 %.
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QUAND OBTENIR UN VISA VIRE AU RACKET
Déjà confrontés à une procédure d'obtention de visa complexe, de nombreux Sénégalais doivent aussi faire face à la cupidité de certains. Des intermédiaires monnayent désormais l'accès aux rendez-vous. Enquête sur un trafic organisé
Déjà confrontés à une procédure d'obtention de visa complexe, de nombreux Sénégalais doivent aussi faire face à la cupidité de certains. En effet, des intermédiaires monnayent désormais l'accès aux rendez-vous, pourtant gratuits, pour déposer un dossier. Comment est né ce système peu scrupuleux et quelle en est l'ampleur ?
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LES GRANDES AMBITIONS SOUVERAINISTES DE BASSIROU DIOMAYE FAYE
Abandon du franc CFA, renégociations commerciales dans le gaz et le pétrole, départ des troupes françaises du territoire... Le nouveau chef d'État pourrait déclencher une vague de réformes majeures dans les prochains mois
(SenePlus) - Dans un entretien accordé à RFI, Pape Ibrahima Kane, chercheur sénégalais, a décrypté les principales ambitions du nouveau président sénégalais Bassirou Diomaye Faye en matière de souveraineté économique, monétaire et diplomatique.
Tout d'abord, M. Kane souligne que « la première souveraineté » que vise M. Faye est « la souveraineté de l'État sur ses ressources naturelles », à savoir le gaz, le pétrole, les phosphates ou le zircon. Son projet électoral, qui mentionne à 18 reprises le mot « souveraineté », prévoit de « renégocier les contrats » signés avec les compagnies internationales comme BP ou Kosmos Energy dans le secteur énergétique.
Sur les contrats gaziers et pétroliers offshore déjà existants, le chercheur estime qu'il « n’y a pas l'information qui permet de vérifier » les affirmations du président sortant Macky Sall selon lesquelles « l'État sénégalais est déjà majoritaire ». Il souligne que de nouvelles négociations pourraient avoir lieu, notamment avec le voisin mauritanien avec lequel le Sénégal partage ces ressources.
Dans le secteur de la pêche, Pape Ibrahima Kane juge que le nouveau président a aussi « la possibilité de remettre en cause beaucoup de ces contrats » accordés à des entreprises étrangères par des Sénégalais qui les ont ensuite sous-loués. Il s'agirait de satisfaire les demandes des pêcheurs locaux qui déplorent la raréfaction des ressources halieutiques.
Sur le plan politique, l'ambition affichée de « sortir du néocolonialisme » pourrait se traduire par le départ des bases militaires françaises installées au Sénégal depuis l'indépendance en 1960, estime M. Kane. Il s'attend aussi à une renégociation des accords de défense liant le pays à la France.
Concernant la monnaie commune CFA, le chercheur note que M. Faye a adopté un discours « plus réaliste » en évoquant d'abord l'éco, future monnaie de la CEDEAO, avant d'envisager une monnaie nationale. Néanmoins, un changement au Sénégal fragiliserait davantage le franc CFA, dont la Côte d'Ivoire est désormais le principal soutien.
Sur la scène internationale, M. Kane juge improbable un « shift » vers la Russie, le Sénégal entretenant déjà d'« excellents rapports » économiques et une politique de non-alignement. En revanche, le nouveau président pourrait use de son influence auprès du Mali pour le ramener dans le giron de la CEDEAO.
En conclusion, Pape Ibrahima Kane estime que la conduite de la politique étrangère reviendra au président Faye, tandis qu'Ousmane Sonko, allié de poids dans sa victoire, pourrait se voir confier des responsabilités au niveau national.
UN AVENIR EN DÉBAT
Amadou Ba se retrouve à la tête de l'opposition après sa performance présidentielle. Une occasion à saisir pour refonder l'opposition et reconquérir le pouvoir. Il lui faudra toutefois d’abord se débarrasser des scories que lui aura laissées Macky
Débarrassé de l’hypothèque Macky Sall, qui pense déjà à ses délices de Marrakech, le nouveau chef de l’opposition sénégalaise a tout un vaste chantier à déblayer s’il veut conquérir enfin le fauteuil présidentiel dans 5 ans. Il lui faudra d’abord se débarrasser des scories que lui aura laissées le chef de l’Etat sortant dont il a compris qu’il n’a jamais souhaité sa victoire. Et refonder autour de sa personne, avec ses alliés de Benno, un véritable parti d’opposition, uni pour reconquérir le pouvoir.
Les résultats provisoires de l’élection présidentielle du 24 mars, tels que publiés hier par la Cour d’appel de Dakar, révèlent que Amadou Ba, le candidat de la Coalition Benno bokk yaakaar (Bby), a obtenu 1 million 605 mille 86 voix, soit 35, 79% des suffrages exprimés ce jour-là. Ce qui le place en seconde position des candidats. Si l’on se fie à la logique qui avait été appliquée en 2019, quand Macky Sall avait gagné haut la main devant 4 autres candidats, Idrissa Seck, qui avait obtenu un peu plus de 22% en s’étant classé second, Amadou Ba devrait revendiquer le statut et les privilèges de chef de l’opposition. Si du moins, il s’en sent l’envie et la disposition.
Il faut dire que M. Ba, comme Bassirou Diomaye Faye, a été un candidat délégué. Ils ont tous les deux été portés par un mouvement dont ils ne sont pas les dirigeants. Une fois élu, BDF a eu l’intelligence de rendre tous les mandats qu’il détenait dans son mouvement politique, et devient donc plus libre pour mener la politique qu’il entend conduire à la tête de l’Etat.
Pour Amadou Ba, les choses ne devraient pas être plus compliquées. Nous avons ici un candidat qui, dès sa désignation, a été contesté par des caciques de son parti. Il se dit même que le leader-même, qui avait porté sa candidature, ne cachait plus l’animosité qu’il portait à son égard et souhaitait secrètement sa défaite. Les choses en ont été au point où ce sont les leaders des partis alliés, membres de la coalition Bby qui ont pesé de tout leur poids pour que Macky Sall ne lâche pas son poulain en rase campagne. Mais il l’a fait du bout des lèvres, en sachant que Amadou Ba allait connaître son Waterloo. Toutefois, si sa défaite a plusieurs causes, les perspectives d’avenir de Amadou Ba sont entre ses propres mains.
La première option pour lui, serait de faire une Opa sur la Coalition Benno. Ses plus de 35%, qui font de lui le chef de l’opposition, le placent ipso facto comme le leader de son mouvement. Et puisque Macky Sall est sur le départ, tous ses lieutenants, qui se dressaient contre l’ancien Premier ministre, n’auront plus de moyens pour s’opposer à sa mainmise. Une emprise qui sera d’ailleurs favorisée par des personnes comme Aminata Mbengue Ndiaye, Moustapha Niasse ou Abdoulaye Saydou Sow, entre autres. Toutes ces personnes ont une revanche à prendre, et auront à cœur de constituer une opposition forte et déterminée, qui va se positionner en alternative à Pastef. Faute de quoi, Barthélemy Dias va repositionner Taxawu autour de lui, pour se préparer à la Présidentielle de 2029. Les opposants dans l’Apr n’auront qu’à se taire ou partir.
S’il est gêné de porter l’héritage de l’Apr, Amadou Ba pourra se débarrasser de ce nom, et le laisser aux héritiers de Macky Sall. Ces derniers auront d’ailleurs d’eux-mêmes, du mal à se regrouper derrière un leader incontestable, maintenant que leur chef leur aura tourné le dos. L’Apr n’a jamais été un parti structuré, mais plutôt une machine électorale, façonnée pour l’intérêt et les ambitions d’un seul individu. Maintenant qu’il n’en a plus besoin, il leur laissera la coquille qu’ils auront du mal à remplir. Et ce n’est pas au candidat choisi malgré eux qu’ils vont demander de leur servir de guide.
Par contre, tous ceux qui lui auront été fidèles dans les durs moments de cette campagne assez particulière, pourraient l’aider, avec l’appui des partis alliés, à constituer le noyau du plus grand parti de l’opposition, qui pourra devenir une force de proposition face à Pastef. Si vraiment Amadou Ba s’en sent l’étoffe. On sait qu’il peut être déterminé s’il est convaincu du but. L’autre solution serait pour lui, de se contenter de profiter des énormes richesses qui lui sont prêtées, et de s’éloigner de la politique. Ce ne serait pas bête non plus.
Par Ibou FALL
DU FOND DES URNES, LA REVOLUTION
Dimanche passé, le 24 mars 2024, le peuple du Sénégal, sans distinction de sexe, de race, de confession, est allé voter sans fanfaronner, comme il le fait régulièrement depuis 1848, en dépit de bien des émotions
Dimanche passé, le 24 mars 2024, le peuple du Sénégal, sans distinction de sexe, de race, de confession, est allé voter sans fanfaronner, comme il le fait régulièrement depuis 1848, en dépit de bien des émotions. Chacun, selon son intime conviction, exprime alors son sentiment sur ce que doit devenir notre République, le temple des futurs Sénégalais, c’est-à-dire nos enfants, nos petits-enfants et leurs descendances, qui sont les nôtres.
Sauf que, cette fois, parler d’alternance relèverait de l’euphémisme : quand bien même le sang ne gicle pas sur les murs, cette Présidentielle est une authentique révolution… C’est aussi cela, être Sénégalais : on ne fait rien comme tout le monde.
Rien de nouveau : chaque élection, comme à l’accoutumée, avant le jour fatidique, charrie son cortège d’incertitudes, de crises de nerfs, de clowneries et de tragédies. La route est longue, depuis le premier métis député du Sénégal, l’avocat François Carpot, né à SaintLouis en 1862 et élu en 1902, que remplaceront à la suite, Blaise Diagne, Galandou Diouf, Lamine Guèye, Léopold Sédar Senghor…
Comme une curieuse tradition, ils s’allient les uns aux autres, puis se séparent, s’affrontent, se combattent et se succèdent. Ils sont tous de la même engeance.
Malgré les apparences, l’alternance, au Sénégal, est une vieille tradition…
A partir de 1963, la principale élection n’est plus celle du député du Sénégal au Parlement français, mais celle du président de la République. Les alternances font une pause : Léopold Sédar Senghor rempile encore et encore, en 1963, 1968 (après avoir repoussé l’élection prévue en décembre 1967 quand le mandat était de quatre ans), 1973 avec des scores qualifiés de soviétiques.
Seul candidat possible, compte tenu des conditions légales de soumission d’une candidature à la Présidentielle, il finit par se faire une raison : à chaque élection qu’il remporte les doigts dans le nez, quand ce n’est pas le bain de sang, comme en 1963, c’est le séisme social. Les grèves de 1968 et 1973 mènent la République au bord du gouffre...
Il faudra toute la culture républicaine de l’Armée sénégalaise, à laquelle le pouvoir est proposé en 1968, pour que notre démocratie vogue à nouveau vers son destin si tumultueux. Pourtant, partout en Afrique, et même sur bien d’autres continents à travers le monde, guerre froide oblige, c’est la mode des putschs militaires et des forcings totalitaires.
Quand je vous dis que le Sénégal est une perle rare…
Certes, arrive le pluralisme démocratique après 1974, la création du Parti démocratique sénégalais, Pds, sous la houlette de Me Abdoulaye Wade, fait sensation. Mais cela relève plutôt de la cosmétique institutionnelle.
Le «parti de contribution» est bien trop gentil : il demande juste à entrer dans un gouvernement pour réparer les frustrations d’un ancien militant, Abdoulaye Wade, battu dans sa ville natale, Kébémer, par Djibril Ndiogou Fall. Mauvais perdant, Wade claque la porte de l’Ups quand, en plus, le ministère des Finances, sur lequel il fait alors une fixation, revient à Babacar Bâ, qui y remplace Jean Collin, ministre des Finances sept années durant.
Excusez du peu
Dans la foulée des réformes institutionnelles, le Sénégal ayant besoin de siéger aux tables des grandes familles idéologiques mondiales, le fameux concert des nations si cher au Président Senghor, d’autres courants sont tolérés
Le gauchiste repenti Majmouth Diop, revenu de son exil malien, ressuscite le Parti africain de l’indépendance, Pai, au prix d’une gentille pharmacie dans le centre-ville
Le tableau de famille politique sénégalais en est presque touchant lors des élections générales de 1978, qui combinent Présidentielle et Législatives : ça y distingue comme dans un vieux western, le bon, la brute et le truand…
Côté underground, bien sûr que ça grenouille dans la clandestinité…
Ça décompte dans cette sombre smala, un peu n’importe qui : de l’indigné gauchiste, de l’obtus islamiste, du simplet raciste, du terroriste borné, du crétin patenté.
Il faut de tout pour déconstruire une planète, n’est-ce pas ?
Senghor, le timonier de la barque Sénégal, ça fait bien des années qu’il n’en peut plus. L’âge, à n’en pas douter, certes ; la médiocrité ambiante, à mon sens, le pousse davantage à la retraite. Réélu en 1978, il a en tête de céder la place à mi-mandat, début 1981
C’est finalement fin 1980, le 31 décembre, qu’il rend le tablier, élégamment, avec cet art du beau geste que seul le savoir-vivre inspire. Ce n’est pas une alternance, juste une transition.
Son successeur, l’interminable Abdou Diouf, du haut de sa splendeur, croit avoir tout compris : Senghor, ce poète (comprenez, ce rêveur), est un coincé de la démocratie qui demande plus de hauteur. Deux mètres, sans doute. L’administrateur civil à l’esprit simplet, qui se croit démiurge, ouvre les vannes d’un art majeur et complexe que seuls les esprits supérieurs et raffinés devraient exercer : la politique…
Abdoulaye Wade, persuadé de n’en faire qu’une bouchée à la Présidentielle de 1983, ne comprend pas vraiment que le patron de l’époque se nomme Jean Collin. Grave erreur… Il s’y casse les dents en 1988 également.
Comme dit le Wolof, «balâ ngay khàm, khamadi khaw lâ rèy»… Traduction : à force de se planter, on finit par comprendre ce qui se passe.
Le 19 mars 2000, lorsque les chiffres du scrutin tombent, les Sénégalais sont soulagés : enfin, on change de monde… Wade n’est pas Diouf, le destin du pays empruntera donc une nouvelle trajectoire.
Ça fera illusion quelque temps…
C’est juste une nouvelle bande de profitards qui s’installe ; à la différence qu’ils ont plus faim que leurs prédécesseurs. Ceux qui grignotaient peureusement à coups de millions leur font pitié : eux, les nouveaux maîtres du pays, ils le dévorent à grands coups de milliards…
Il faudra douze interminables années pour que la supercherie de l’alternance, la première, soit démasquée. Le panache de Wade sur la scène mondiale, l’aventure des «Lions» en 2002, les rendez-vous planétaires comme l’Oci, le Fesman et autres rencontres mondiales, en plus des autoroutes, échangeurs, immeubles et autres faits glorieux, font croire que le Sénégal est un pays riche…
Sauf que le Sénégalais moyen se sent de plus en plus pauvre tout ce temps. Les milliards dont on parle, il n’en sent même pas l’odeur. Dans les chaumières, ça commence à parler «d’alternoce» dont jouissent les marabouts et pontes politiques.
Le 26 mars 2012, une nouvelle alternance survient.
Arrive un nouveau venu, qui promet d’être sobre et vertueux. Il a une bonne tête de Sénégalais sans aspérité, et son épouse est d’une convivialité touchante. Une «darling kôr» à la simplicité légèrement sophistiquée, dont la générosité est trop exubérante pour être innocente.
Après un calvaire de douze années à supporter des caprices, des lubies qui ne les ont pas rendus plus riches, ni plus heureux, en dépit des nombreux éléphants blancs du Plan Sénégal émergent, les Sénégalais ont décidé de tourner cette page que l’on a surnommée «une deuxième alternance».
Cette fois, ce n’est plus une «alternance», comprenez un acteur de la scène publique qui a fricoté avec tout le monde, selon les saisons, aux affaires comme dans l’opposition
Les Sénégalais ont voté sans trembler pour le candidat qui leur ressemble. Personne ne prend soin de lui, alors qu’il est depuis dix-sept ans dans la Fonction publique et qu’on ne lui reproche rien. Juste qu’il n’a pas le bras long. Comme tous ceux qui se disent qu’ils ont du mérite mais pas de «badiene».
Bassirou Diomaye Faye, banal inspecteur des Impôts, a le plus mince Cv de tous les candidats. Même pas directeur de quoi que ce soit… Il fait pitié, face à un candidat dont le cursus laisse penseur : directeur des Impôts, Dg des Impôts et domaines, ministre des Finances, ministre des Affaires étrangères, Premier ministre.
BDF, pour faire simple, n’a même pas de pédagogie pour expliquer le «Projet».
Ça tombe bien, les Sénégalais s’en foutent comme leurs premières couches.
Ils demandent juste de faire table rase de tout ce qui précède : des politiciens versatiles, qui s’arrangent avec leur bonne conscience tant que leurs privilèges sont saufs depuis une cinquantaine d’années
Dans les pays où les frustrations se règlent à coups de pistolets, ça s’appelle une révolution…
Mais nous sommes au Sénégal, une République pas comme les autres.
Par Danièle DARLAN
L’ESPOIR
Un nouveau président de la République a été élu à l’issue d’élections jugées libres et transparentes, encore une fois le peuple sénégalais a fait la démonstration de sa maturité, et de son sens de la République
Les événements qui se sont déroulés au Sénégal ces dernières semaines ont tenu en haleine l’Afrique entière et en particulier l’Afrique francophone : l’avenir de la démocratie au Sénégal était en train de se jouer et malheureusement certains ont souhaité la voir chuter et même disparaitre afin qu’elle ne soit pas un «mauvais exemple» pour les régimes autoritaires qui souhaitent s’affranchir de ce qui est pour eux un obstacle à leurs intérêts : la démocratie !
Beaucoup d’autres, en revanche, et j’en étais, ont tremblé de voir le Sénégal, terre d’exemple en la matière, reculer et peut être même chuter ! C’était sans compter sur le Peuple sénégalais et surtout son Conseil Constitutionnel qui ont joué pleinement leur rôle et ont préservé la démocratie au Sénégal.
Un nouveau Président de la République a été élu à l’issue d’élections jugées libres et transparentes, encore une fois le peuple sénégalais a fait la démonstration de sa maturité, et de son sens de la République.
Le Président élu, a trois missions principales : il est garant de l’unité nationale et de l’intégrité du territoire ; il a une mission de protection des populations ; il veille au respect de la Constitution, tout ceci sous l’œil vigilant du Peuple et de ses Représentants. Ce qui s’est passé au Sénégal est source de fierté mais aussi de leçons pour l’Afrique mais par dessus tout, source d’espoir pour l’Afrique. La première leçon est l’importance de la culture démocratique dans un Etat, le peuple sénégalais en a fait la démonstration ; il a fait la démonstration de son attachement aux principes démocratiques, de son attachement à son pays le Sénégal, et de sa maturité. La deuxième leçon est l’importance de la justice. Une justice indépendante est le cœur de la démocratie ; sans justice, sans respect des textes et en particulier de la Loi Fondamentale, la démocratie est une coquille vide : le Conseil Constitutionnel sénégalais a rempli cette exigence d’indépendance et a ainsi rempli sa mission. La troisième leçon est l’importance d’une Institution constitutionnelle forte mais également d’Hommes forts au sein de cette Institution, forts dans le sens noble du terme c’est-à-dire, des hommes et des femmes courageux, compétents, intègres et dotés d’une grande sagesse. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’on a coutume d’appeler les membres des juridictions constitutionnelles «les Sages» !
Par-dessus tout, ce qui s’est passé au Sénégal, est source d’ESPOIR pour tous les peuples Africains afin que ceux-ci s’approprient leur souveraineté et comprennent ainsi que les pouvoirs que détiennent leurs dirigeants n’ont qu’une source en démocratie : le mandat que leurs peuples leur ont donné, de gérer et administrer l’Etat en leur nom et selon leur volonté exprimée dans la Constitution. Et c’est pour cette raison qu’ils ont institué un gardien chargé de veiller au respect des termes de ce mandat: la Juridiction Constitutionnelle.
Bravo au peuple sénégalais et à son Conseil Constitutionnel, nous en sommes fiers !
DANS LA MAJORITÉ, LES PREMIERS CRAQUEMENTS SE FONT JOUR
Défait pour la première fois après plus d'une décennie au pouvoir, le camp présidentiel sénégalais doit désormais faire son examen de conscience. Derrière l'union affichée, des dissensions éclatent déjà au grand jour et un début de règlement de comptes...
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 27/03/2024
La victoire surprise de l'opposant Bassirou Diomaye Faye à la présidentielle marque le début d'une période d'introspection et de remise en question pour le camp au pouvoir, selon plusieurs analystes interrogés par l'AFP.
Déjà, au siège de l'Alliance pour la République (APR), le parti du président Macky Sall, "l'ambiance était à la fin de règne" lorsque le candidat malheureux Amadou Ba est venu féliciter le vainqueur lundi, rapporte l'agence. "Certains militants, à mots couverts, mettaient en cause l'intouchable président Macky Sall et son investissement moindre dans la campagne", note l'AFP.
Ces critiques se font plus virulentes dans la presse. "Macky Sall a sacrifié ceux qui étaient avec lui depuis 2008", déplore dans Le Quotidien Moustapha Diakhaté, ancien proche du chef de l'État. Pour lui, "Macky Sall a torpillé la carrière de milliers de militants".
Le porte-parole de la coalition présidentielle BBY, Pape Mahawa Diouf, invoque de son côté "le manque de sérénité" lié à la défaite et assure que le "moment de laver le linge" viendra "tranquillement". Mais les analystes évoquent déjà les prémices d'un règlement de comptes.
Selon El Hadji Mamadou Mbaye, chercheur interrogé par l'AFP, "les choses étaient pliées" depuis la mise en cause judiciaire de l'opposant Ousmane Sonko en 2021. Cette affaire a exposé les tensions au sein du camp présidentiel.
Autre erreur majeure pointée du doigt : le choix du candidat Amadou Ba qui a "peu charismatique, peu politique" et souffert des dissidences au sein de sa propre majorité.
Au-delà des tensions entourant la succession de Macky Sall, c'est bien le bilan global de 12 ans à la tête du pays qui est sanctionné, avec un rejet des inégalités et des violations des droits humains lors des dernières années troubles.
L'heure semble donc venue pour le camp présidentiel de tirer les leçons de cette cuisante défaite, ouvrant une période de questionnements internes qui risque d'exacerber les luttes intestines.
par Arona Oumar Kane
LE DEVOIR D'INGRATITUDE
EXCLUSIF SENEPLUS - La gratitude politique, si naturelle soit-elle, ne saurait justifier la reconduction de personnalités dont la présence au sein du prochain gouvernement contredirait l'esprit même de cette élection
Le président élu Bassirou Diomaye Faye va succéder à M. Macky Sall au sommet de l'Etat le 2 avril prochain. Cette élection est avant tout la victoire de l'intelligence stratégique d'un parti et surtout d'un leader qui a su contourner les manœuvres du pouvoir pour le mettre hors course et garder des chances de conserver le pouvoir. C'est aussi une victoire portée par une large coalition de mouvements et de personnalités, aussi vaste que composite.
Cette alliance, soudée dans l'urgence d'un changement, regroupe cependant des figures de proue des précédents régimes, certaines incarnant les travers et les échecs que les électeurs ont massivement rejetés ce dimanche 24 mars 2024. Ainsi se pose la question de l'attitude que doit avoir le nouveau président vis-à-vis de ces soutiens encombrants.
L'élection de Diomaye Faye symbolise un désir profond de renouvellement au sein de la société sénégalaise. Les citoyens aspirent à une gouvernance débarrassée des pratiques obsolètes et corrompues qui ont longtemps entravé le développement du pays. Ils ont voté pour une rupture, non seulement avec les méthodes du passé, mais également avec les figures qui les incarnent. Dans ce contexte, la gratitude politique, si naturelle soit-elle, ne saurait justifier la reconduction de personnalités dont la présence au sein du nouveau gouvernement contredirait l'esprit même de cette élection.
Le président Diomaye Faye se trouve donc face à un impératif moral : celui de "trahir" les attentes de ceux qui, bien qu'ayant contribué à la construction de sa victoire, ne représentent pas le changement plébiscité.
Bien au contraire, des figures comme Aida Mbodj et Habib Sy, respectivement ministres dans les gouvernements Diouf et Wade, pour ne citer que les plus en vue, mais aussi Moussa Diop ou Lansana Gagny, tous deux d'anciens DG sous Macky Sall, devront être écartés de toute possibilité d'exercer quelque fonction que ce soit au sein de la haute administration sous le nouveau président, ne serait-ce que pour le symbole.
Cette ingratitude, loin d'être une faute, enverrait un signal fort au peuple sénégalais en particulier et à la classe politique dans son ensemble. Un signal qui indique clairement que le choix des membres du nouveau gouvernement et la nomination aux fonctions civiles doivent se faire selon des critères de compétence, d'intégrité et de dévouement à la cause publique, en écartant toute considération de loyauté politique, y compris vis-à-vis de militants, sympathisants ou alliés de la première heure.
Hormis le cas des responsables politiques de premier plan qui gravitent autour de la mouvance Diomaye Président, il y a aussi les militants de base des groupements de femmes et de jeunes, les bouillants activistes de la diaspora ou des associations de la société civile, dont certains nourris aux pratiques politiciennes honnies des anciens régimes. Ceux-là doivent également voir leurs attentes de recevoir des subsides et autres passe-droits, en guise de récompense pour leur implication, déçues par le nouveau président qui devra expliquer clairement, après les avoir remerciés pour leur mobilisation, que sa priorité sera de travailler à améliorer concrètement leurs conditions de vie pour que soit rompu définitivement le triptyque "je te soutiens, tu gagnes, tu me récompenses".
Cette logique de partage de butin explique à elle seule le fait que plus de 51% du budget de la nation soit consacré aux dépenses de fonctionnement, ce qui est une aberration pour un pays de 18 millions d'habitants dont seulement 1% sont des agents du secteur public. Les milliers de milliards de FCFA que représente cette incroyable proportion, issus de nos impôts, de nos ressources naturelles mais aussi d'un endettement irrationnel, sert en partie à alimenter l'entretien d'une caste de privilégiés qui se sont accaparés les ressources du pays, au détriment de la majorité de la population obligée de se débrouiller dans l'informel pour subsister.
Les dignitaires connectés qui ont reçu le candidat Diomaye Faye ou M. Ousmane Sonko, en son nom, devront se passer des camions de vivres du Ramadan, des mini-cheptels pour les grands événements, des enveloppes de liquide, des moutons de tabaski, 4X4, largesses foncières sur le domaine publique national, billets d'avion et devises pour les pèlerinages, oumra et autres accomplissements d'acte de dévotion, devenus une monnaie d'échange très en vogue auprès de la clientèle.
Les amis, membres de famille et alliés de personnes proches du nouveau pouvoir et qui pensent déjà à s'improviser fournisseurs de biens et de services en tous genres pour capter une part des centaines de milliards de marchés publics, devront ronger leurs freins. Ils devront apprendre à résister aux pressions familiales et communautaires de ceux qui leur expliquent que c'est maintenant leur tour de profiter et qu'ils le méritent du fait de la volonté divine.
Certes, l'exercice s'annonce délicat. Il implique de naviguer entre les écueils de la politique réelle, où alliances et compromis sont souvent nécessaires, ceux des "réalités" d'une société accoutumée et abreuvée à la corruption de masse devenue une norme sociale, et la volonté de rompre radicalement avec les pratiques d'un ancien monde que les électeurs ont massivement voies.
Mais il en va de la crédibilité du nouveau régime. En choisissant délibérément de se démarquer des figures et des comportements du passé, le président Faye ne trahirait pas seulement des individus dont les intérêts peuvent diverger de l'objectif de développement que ses électeurs lui ont assignés, mais il resterait fidèle à un idéal défendu par un mouvement populaire qui l'a porté au sommet et à un mandat confié par un peuple avide de changements et de progrès.
Ce devoir d'ingratitude ne doit pas être perçu uniquement comme une négation de la politique traditionnelle, mais aussi comme l'affirmation d'une nouvelle éthique de gouvernance, où les responsabilités sont attribuées sur la base de la valeur ajoutée pour le pays, et non selon des calculs politiciens et des réflexes de préservation d'un ordre établi qui n'est plus tenable. En assumant cette posture, le président Diomaye Faye enverrait un signal fort, non seulement à ses concitoyens mais aussi à la scène internationale, affirmant ainsi à la face du monde que le Sénégal entre résolument dans une ère de transparence, d'efficacité et d'équité dans la gestion des affaires publiques, qui pourrait inspirer et contribuer à faire sortir le continent tout entier de l'ornière. L'histoire retiendra peut-être ce moment comme celui où un leader aura osé défier les codes non écrits de la politique sénégalaise pour rester fidèle aux aspirations de son peuple. Il s'agira, pour paraphraser une formule célèbre, de réduire la politique à sa plus noble expression.
M. Bassirou Diomaye Faye a une chance exceptionnelle de redéfinir les contours du pouvoir au Sénégal et de transformer notre pays radicalement, réussissant là où ses prédécesseurs ont échoué. Il aura besoin pour cela de puiser, dans la sagesse et le courage, les ressources spirituelles et morales nécessaires pour embrasser ce devoir d'ingratitude, une "trahison légitime" pour le plus grand bien du peuple sénégalais.