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24 avril 2025
Développement
PAR Cheikh Anta Babou
L’ÉNIGME DU VOTE MOURIDE
Les mourides, en général, votent comme la majorité des Sénégalais. Pendant longtemps le ndigël était simplement un alibi pour masquer les fraudes massives avant l’adoption du code électoral consensuel de 1992
Le score fleuve réalisé par la coalition Wallu Sénégal dans le département de Mbacké lors des élections législatives (un écart de 72 998 voix) et la défaite historique de Benno Bokk Yaakaar malgré l’engagement de deux arrière petits-fils de Shaykh Ahmadu Bamba dont l’un était tête de la liste départementale a été surprenant. De même, lors des élections locales, certains observateurs ont été surpris par la victoire du bulletin blanc contre le maire de Tuuba, pourtant conduisant une liste officielle unique. Cependant, ceux qui observent le comportement de l’électorat mouride dans la longue durée ne sont pas surpris par ces situations qui, à première vue, peuvent paraȋtre paradoxales.
L’homogénéité de la communauté mouride et la propension du disciple à voter selon le bon vouloir du Shaykh et toujours pour le parti au pouvoir, des certitudes largement partagées par la plupart des chercheurs et des observateurs, relèvent plus du mythe que de la réalité. Un bref rappel historique nous en convaincra.
Dans les années trente, la confrontation entre Blaise Diagne et Ngalandou Diouf avait divisé la communauté mouride. Le Khalife Serigne Muhammadu Mustafa soutenait Blaise Diagne qui avait joué un rôle déterminant dans le contentieux entre la communauté mouride et l’entrepreneur français Tallerie soupconné d’avoir dilapidé les fonds destinés la construction de la grande mosquée de Tuubaa. Son oncle, Shaykh Anta Mbakke, par contre, soutenait Ngalandou Diouf. Cette position lui attira les foudres de Diagne qui le fera exiler à Ségou d’où il ne reviendra qu’après la mort de ce dernier en 1934. Cette même polarisation va se renouveler dans les 1950 avec la rivalité entre Lamine Guèye et Léopold Sédar Senghor. Le soutien déterminé et publique du deuxième Khalife des mourides, Serigne Falilu Mbakke, pour Senghor, n’était un secret pour personne. Serigne Shaykh Mbakke (Gaynde Faatma), fils aȋné du premier Khalife des mourides, par contre, était un ardent supportaire de Lamine Guèye. Serigne Moodu Maamun, le fils aȋné de Shaykh Anta, était également dans le camp de Lamine.
L’avènement de Shaykh Abdul Ahad, troisième Khalife des mourides, va changer la donne. Il aura des relations tendues avec Senghor. Pour la première fois dans l’histoire du Sénégal, les tensions entre le président de la République et le Khalife général des mourides, étaient dans le domaine publique. À côté du Khalife, Serigne Shaykh Mbakke, était un opposant actif au président Senghor, soutenant financièrement et moralement ses adversaires politiques comme Cheikh Anta Diop et mêmes les syndicalistes grévistes des années 60 and 70.
Il n’est pas étonnant que les premières localités gagnées par le PDS de Abdoulaye Wade dans le Bawol soient dans le fief de Daaru xudoos comme Taīf dont Serigne Shaykh était le leader. Durant les élections âprement disputées de 1988 où le Khalife des mourides soutenait Diouf, le pays mouride avait enrégistré un fort taux d’abstention de la part de disciples qui sympatisaient avec Wade mais préféraient ne pas désobéir à leur guide religieux. La politiste américaine Linda Beck, qui a fait des recherches sur les élections au Sénégal, d’ailleurs, suggère que Wade avait en realité, remporté les suffrages mourides et que le supposé triomphe de Diouf n’a été possible qu’à cause de la fraude massive facilitée par la loi électorale de l’époque qui ne garantissait pas des élections justes. La suite des événements semblent lui donner raison. Le score électoral du PDS dans le département de Mbacké et autres fiefs mourides ne cessera de progresser.
L’arrivée de Wade au pouvoir en 2000 lui permettra de consolider les acquis et pérenniser sa mainmise sur l’électorat mouride. Wade se présentera comme un mouride président et dévoué disciple au service de la Muridiyya. Il réussira à gagner l’admiration de la communauté mouride qui, malgré sa puissance économique et son influence culturel, se considérait, néanmoins, marginalisée dans la gestion des affaires de la nation. Son échec de 2012 était dû, en parti, à l’abandon de secteurs importants de la confrérie conduits par des shaykhs mécontents de la tentative du président Wade de vassaliser la confrérie et le danger que cela représente pour leur autorité et crédibilité face au peuple sénégalais. Les résultats des récentes élections locales et législatives montrent que ce désamour étai temporaire. Il y a donc bien une continuité dans le comportement électoral des disciples mourides. Mais ce comportement ne traduit pas l’unanimisme, une obéissance aveugle aux injonctions du Khalife ou un soutien constant au parti au pouvoir. Les mourides, en général, votent comme la majorité des Sénégalais. Pendant longtemps le ndigël était simplement un alibi pour masquer les fraudes massives avant l’adoption du code électoral consensuel de 1992.
Cheikh Anta Babou est Professeur d’histoire, Université de Pennsylvanie, USA.
Le maire de Ziguinchor tourne la page des législatives et déclare sa candidature pour la présidentielle. Si un membre du parti veut également se présenter, il est libre de le faire. A ce moment, on organisera une primaire », a indiqué le leader de Pastef
Pour le maire de Ziguinchor et leader de Pastef, Ousmane Sonko la page des législatives est tournée. Le cap est désormais fixé sur la présidentielle de 2024. À 18 mois de cette échéance « historiques» Sonko se positionne déjà. Face à la presse ce jeudi 18 août 2022, il déclare: « Moi, Ousmane Sonko, je suis candidat à la présidentielle de 2024 ».
Cependant, s’empresse-t-il de préciser: « C’est le parti qui décide. Si un membre du parti veut également se présenter, il est libre de le faire. A ce moment, on organisera une primaire ». En perspective de ce « rendez-vous historique », le leader de l’opposition invite les sénégalais à s’engager pour une vraie alternance en 2024.
« Si on rate encore le coche, les 50 prochaines années seront très difficiles. C’est pour cette raison que nous appelons les militants, sympathisants et l’ensemble des Sénégalais à s’engager pour un changement radical. Il faut préparer la jeunesse à aller s’inscrire dans les listes. Allez créer des cellules jusque dans le Sénégal des profondeurs », lance-t-il aux « patriotes ».
Dans cette même dynamique, Ousmane Sonko annonce une tournée nationale en décembre dans tous les 46 départements.
essai-conversations de Koulsy Lamko
RÉFLEXIONS SUR LA FORME DE L'ÉTAT TCHADIEN
EXCLUSIF SENEPLUS - Le grand mensonge c’est de prétendre que les communautés que l’on rassemble de temps à autres pour une harangue adressée dans un galimatias intraduisible souhaitent avoir pour représentants des gens qu’ils ne connaissent pas (3/4)
Au Tchad, suite à l’assassinat du président Idris Deby Itno au pouvoir de décembre 1990 à avril 2021, son fils Mahamat Deby prend la tête d’un groupe d’officiers : le Conseil Militaire de Transition (CMT), et installe un régime dit de transition dont l’un des objectifs principaux est de préparer le retour à l’ordre constitutionnel au terme d’une période de 18 mois. Un ministère de la Réconciliation nationale a été chargé d’organiser un dialogue national Inclusif DNI, dans le but de faciliter la mise en place d’institutions et mécanismes devant permettre d’organiser des élections libres et transparentes. Ce dialogue, précédé d’un pré-dialogue de groupes de politico-militaires, qui s’est tenu pendant plus de 4 mois à Doha sous l’égide du Qatar et de la France a abouti à un accord entre une partie des belligérants habituels et le gouvernement issu du coup d’état d’avril 2021. Cet accord salué par l’Organisation des Nations Unies, exclut cependant le principal mouvement armé. Ledit dialogue national inclusif (DNI) se tiendra à Ndjaména à partir du 20 Aout 2022.
En marge et pour participer à la réflexion qui se mène dans son pays natal, l’écrivain tchadien Koulsy Lamko publie aux Editions Casa Hankili África, Mexico, un livre d’entretiens dont le titre sibyllin et iconoclaste présage du tumulte ambiant autour d’une rencontre dont il pense qu’elle est pour une énième fois, une ré-initiation avortée tant les dés sont pipés quant à l’issue probable : le risque de la légitimation d’une succession dynastique qui mettra le pays à feu et à sang.
SenePlus lui ouvre ses colonnes permettant que soient partagés de larges extraits de « Mon pays de merde » que j’adore avant la parution de l’essai-conversations à la rentrée d’octobre 2022.
Dans cette troisième partie, Koulsy Lamko explore l'idée du fédéralisme comme possible solution aux misères de l'État-nation jacobin qui, à ses dires, fait tant de mal aux populations
Vous avez participé à une conférence sur la Forme de l’État au Tchad en novembre dernier. Le thème était : « Le Fédéralisme est-il la solution ? » Encore une de vos multiples contradictions…Un panafricaniste…
KL : Ne vous laissez pas abuser pas l’apriori facile dans vos argumentaires. Au contraire c’est mon idéal panafricain qui exige que soit amorcée une réflexion qui inclut des déterminismes géographiques, culturels, confessionnels ou sociétaux sur la question. Et qui pose celle de la décolonialité, le dépassement de ces corsets sociologiques d’hier ou d’aujourd’hui. L’État fédéral multinational multiculturel a toujours été la base politique et idéologique de l’État africain avant les traites et les colonisations arabo-berbères et européennes. On ne dira jamais assez la nécessité de puiser dans les savoirs africains précoloniaux pour comprendre un certain nombre de situations de chaos que nous vivons. Quand on a lu Cheikh Anta Diop et Mbog Basong on s’en trouve très vite convaincu.
ARS : Vous chérissez bien les galères dans vos activités ! Et ce n’est pas pour vous taxer de masochiste.
KL : Les initiateurs de la Conférence ont souhaité que je les accompagne dans le suivi des travaux ; que j’organise en collaboration avec le groupe technique, les aspects scientifiques. Cela avec l’ambition qu’à partir des contributions, naisse un document d’auteurs collectifs. Interroger l’établi, remettre en question ce qui semble être un acquis devrait être un exercice permanent, sain, et qui ne devrait pas souffrir de tabou, d’autodafé ou de fatwa. Et, cela davantage lorsque les faits têtus démontrent l’inadéquation des structures qui moulent nos pensées, nos actions individuelles ou collectives et nous font exister comme des ersatz. Dès lors que l’on jette un regard sur l’évolution du continent ou de nos communautés nationales, l’on peut aisément conclure à l’impasse… Face auquel il faut proposer des esquisses de solutions.
ARS : Revenons au Tchad… Tout bien pesé, analyses, réflexions, débats d’idées sont indispensables quant à la redéfinition de la forme de l’État pour un renouveau sérieux. Le Tchad n’en sera pas à sa première expérience de réflexion sur la forme de l’État. Par le passé, de nombreuses femmes et hommes politiques ont évoqué cette alternative à maintes reprises, pour parer aux insuffisances que vous évoquez par rapport à l’État-nation de type jacobin. Hélas les efforts sont restés vains…
KL : Précisons mots et contextes. Au Tchad, les gens en sont arrivés à créer intuitivement un lexique de mots tabous qui provoquent de l’urticaire ou réveillent des phobies enfouis dans les limbes de la mémoire collective. C’est que j’appelle les mots apocryphes de notre mythe obsédant et du narratif de notre courte et brève histoire de vie. Ils sont nombreux : frères du nord, frères du sud, laoukoura, doum, habit, saarai- alcoolique, zagh, kirdis, mbamban, djaman, domaïn, njékouboujé ge ngal, kara gourbolo, hiner, plata, souweu, esclavage, fédéralisme… Fédéralisme fait partie de ce champ lexical particulier. Pendant longtemps, il suffisait qu’en proposant un débat sur la forme de l’État l’on prononce le mot fédéralisme pour qu’une espèce de police d’opinion vous taxe de sécessionnisme, de séparatisme ou de divisionnisme. Une confusion volontaire dans la perception des mots, de leur contenu et des réalités auxquelles ils renvoient.
ARS : N’est-ce pas aussi parce qu’il y a souvent eu plutôt manipulation ou interprétation tendancieuse. Il faut reconnaître que des femmes et hommes politiques ont battu des campagnes électorales en prônant un régionalisme ethnicisé…
KL : C’est que ces mots cachent un malaise sociétal profond. Quand dans une communauté nationale l’on se refuse de se poser les vraies questions sur le devenir collectif, on laisse le champ libre à l’ignorance et le pas au roman national débridé plutôt qu’à une critique rationnelle de l’histoire. À nul esprit qui ne soit tordu, jamais, il viendrait à l’idée que les peuples décident d’opérer un tri discriminatoire sur des bases régionales ethnicisées pour assigner à perpétuelle résidence cloitrée telle ou telle autre communauté. Depuis des générations les peuples se sont rencontrés, des alliances se sont tissées. Et les gens en Afrique savent qu’ils ont le droit de vivre où ils sont accueillis et les autres le devoir d’accueillir celui qui le souhaite.
ARS : Et pourtant, on a entendu des politiques agiter le « rentre chez toi, ici c’est chez » moi, le principe du « premier occupant », l’autochtonie exclusive et excluant. Des crimes odieux, des génocides, ont été commis avec à la base ce principe ségrégationnel et du déni de l’Autre…
KL : Résultats d’une politique d’instrumentalisation des faiblesses structurelles, dont l’ignorance et l’inculture encouragées sciemment. Si seulement l’on se posait la question du moule que l’on pourrait inventer pour définir la forme d’organisation dans laquelle toutes les communautés se sentiraient vivre pleinement leur existence selon les valeurs qu’elles se sont librement choisies, l’on n’en serait pas à fomenter l’ignorance ou à perpétrer les perceptions erronées et connotées qui ne recoupent pas nécessairement les réalités effectives et affectives.
ARS : Mais la Conférence semblait déjà induire un parti pris parce que le sous-titre se présente comme une affirmation et le mot fédéralisme mis en lumière.
KL : La question centrale dans ces échanges s’inscrivait au-delà de l’intitulé. Le terme fédéralisme comme moule d’idées renvoyait plutôt à une catégorie en opposition à l’État-nation unitaire déconcentré ou même décentralisé. Puisqu’en fait, ce qui préoccupait les participants à cette réunion c’était la réponse à la question : « Quelles articulations trouver pour que les peuples de l’ensemble du territoire, se sentent libres de choisir ceux qui les représentent, de participer à la gestion de leur terroir, d’en conserver les moyens de production et les bénéfices de la plus-value, d’exercer un contrôle sur la gestion, de sanctionner au besoin ceux qui en perturbent l’équilibre ? Et surtout de vivre en toute quiétude sans l’omniprésence de la botte du soldat ou du combattant armé ?» Il s’agissait de ne plus tergiverser sur une discussion qui réactualisait, remettrait à l’ordre du jour des acquis de réflexions déjà menées tout le long de notre histoire tumultueuse, et dont ont émané plusieurs partis politiques fédéralistes. La Conférence Nationale Souveraine en 1993 a fait des propositions de modèles, de centaines d’articles et ouvrages publiés, etc. C’est d’ailleurs ce qui explique qu’il y ait eu pendant les communications une présentation du livre de Feckoua Laoukisam[1] qui 25 ans plus tôt prônait déjà le fédéralisme.
ARS : Et alors pourquoi l’urgence…
KL : Il arrive toujours dans l’histoire des peuples, un moment charnière où l’on doit se regarder en face, froidement, sans faux fuyant, sans flagornerie, sans ressentiment, sans haine, sans violence ; mais avec franchise et fermeté. L’occasion qu’offrait la violation de la Constitution de 2005 en cours par une suspension arbitraire et le vide juridique que pouvait faire constater l’irruption d’un Conseil Militaire de Transition s’y prêtait. Dans ces cas-là, il semble normal que l’on revienne au contexte pour mieux appréhender les tenants et aboutissants.
ARS : Lesquels ?
KL : Un seigneur de guerre règne sans partage pendant 30 ans, maintenu à bout de bras par l’ancienne puissance colonisatrice qui selon lui-même l’a obligé à demeurer au pouvoir même lorsqu’il s’en disait éreinté. Il meurt dans des conditions floues tant la version officielle ne convainc personne. Manifestement c’est un coup d’État, du moment que la junte militaire qui usurpe le pouvoir, dissout l’Assemblée nationale et le gouvernement, faisant fi de toutes les dispositions légales. Il n’y a même pas eu de déclaration de vacance de la présidence de la République. On brandit l’indisponibilité du président de l’Assemblée tout en l’accusant de n’avoir pas voulu assurer l’intérim et pour ainsi justifier l’État d’exception. On ne dit pas assez que la Constitution a prévu qu’en cas d’empêchement du président de l’Assemblée, c’est le premier vice-président qui assure l’intérim. Le coup d’esbroufe réussit puisqu’on fait croire qu’il y a un impératif besoin d’un militaire à la tête de l’État, parce que des rebelles attaquent... Un argument insuffisant, même fallacieux, parce qu’un civil à la tête de l’exécutif aurait pu engager plus aisément des consultations avec la partie adverse. Mais au Tchad, l’on n’a ni honte, ni peur des mensonges grossiers !
ARS : Qu’avez-vous contre les coups d’États militaires ? Ils ont parfois abouti à clarifier la situation.
KL : Mon problème, ce n’est pas le coup d’État militaire, c’est ce qu’on en fait. Si c’est pour organiser une révolution qui impose la volonté populaire et change tous les paradigmes en les tendant vers le mieux-être des populations toutes, why not… Mais si c’est juste pour installer et en pire les mêmes turpitudes sans rien changer aux structures inopérantes, cela ne vaut pas la peine…
ARS : Vous publiiez dans une interview au magazine italien Il libretto … que cela défie le bon sens que de toute la folle pléthore de généraux, c’est-à-dire environ 400, dont certains sont bien plus expérimentés, l’on choisit le plus jeune, la trentaine, qui manifestement ne comprend pas grand-chose aux affaires de l’État, pour diriger un pays dont la Constitution invalide les candidats de moins de 45 ans de surcroît…
KL : L’impensé impensable ! 300 à 400 généraux emmargeant au budget d’un des pays les plus pauvres de la planète ! Il faut un effort surhumain de la pensée pour y croire ! Idriss Deby a juste semé des camps de déstabilisation permanente dans tout le pays : un héritage empoisonné, une bombe à retardement. De dizaines de camps militaires plus ou moins répertoriés, une sous armée clanique au sein de l’armée nationale dont la mission est celui du mercenariat au service des intérêts de la Françafrique. À l’heure de la démobilisation, à quels métiers pourra-t-on convertir ces milliers de braves gens de villages entiers du grand Darfour que l’on a arraché à leurs travaux champêtres et de pâturage pour un enrôlement douteux ?
ARN : Ne vous préoccupez pas de leur sort. Les généraux semble-t-il sont autant commerçants et hommes d’affaires et qui ont investi dans le pays… La rumeur raconte qu’on en a même épinglé quelques-uns dans des trafics de drogue…Et puis l’État devra-t-il prendre en charge des mercenaires, ce serait a minima…
KL : Quant à l’actuel gouvernement de transition, il n’est rien d’autre qu’un remake, un recyclage, agglomérat de bons serviteurs impénitents du système Habré-Deby, ministres « multirécidivistes», les uns depuis le régime habréiste, les autres n’ayant de légitimité que celle des armes, d’éternels affidés-agrippés à la machine du loto-gagnant, ou d’éternels fils à papa. C’est de la poudre aux yeux, une sorte de gage de bonnes intentions face aux probables velléités de sanctions de l’Union Africaine ou des institutions financières « bailleurs de fonds », mais un gage très peu convaincant. L’agenda non avoué, mais qui ne dupe personne, sera d’installer durablement le fils d’Idriss Deby, pérenniser le système clanique, élargir la base des affidés, pour continuer à nager en eau trouble et conserver les propres intérêts de classe, de clans et d’affidés ! Et personne ne rendra compte des crimes politiques, des assassinats, des crimes économiques, des détournements massifs et monstrueux des biens publics.
ARS : Revenons au fédéralisme
KL : La formule interrogative : Le fédéralisme est-il la solution ? Plus qu’hypothèse de travail réflexif, était davantage un cri du cœur qui exprime non seulement l’indignation, le ras-le-bol du peuple qui après des décennies d’espoir et de désespérance à la fois, pensait que seule la mort du tyran le délivrerait de l’étau. Le réveil est douloureux, pour se rendre à l’évidence qu’en tyrannie l’on doit compter avec les rhizomes qui poussent comme à l’état de nature du banian. Le Frolinat avec ses multiples ramifications et seigneurs de guerre qui se relaient au pouvoir depuis plus de quatre décennies et qui pour le comble se paie le luxe d’imposer, à la barbe de l’opinion publique nationale médusée et des alliances internationales, une succession dynastique ! Cela au mépris des souhaits et injonctions de tous.
ARS : Que préconiseriez-vous dans cette situation ?
KL : J’avoue n’avoir ni les compétences du juriste, ni celles de l’historien politiste qui a l’habitude de démêler les écheveaux dans les situations alambiquées, ni celles du chercheur spéculatif. Mais comme tout le monde, je lis, j’observe la réalité, j’analyse et j’interprète avec les outils d’analyse que je glane de ci de là. À vrai dire, de nombreuses études ont été faites sur le Tchad pour l’atypie que présente ce territoire immense au cœur de l’Afrique : ses interminables guerres de fractions, ses régiments claniques menés par des potentats et qui ont étalé le long des décennies leur incapacité à améliorer la vie des populations, le règne généralisé de la terreur, les fraudes électorales, l’instrumentalisation de l’élite et de la classe politique à des fins inavouées du diviser pour régner, l’intimidation systématique de la société civile, la corruption généralisée, le détournement des deniers publics et leur affectation à l’achat massif d’armements, l’absence de créativité politique et de vision. De centaines de rencontres, réunions de conciliation, sommets tous azimuts avec des chartes et traités et accords qui ne sont pas respectés par leurs signataires. Où n’est-on pas allé pour résoudre les dissensions et conflits inter tchadiens ? Soudan, Lybie, Lagos, Kano, Congo Brazza, Congo RDC, Gabon, Algérie, Bénin, Burkina Faso, Yémen, Rome, Doha, Paris… Il ne nous reste plus qu’à aller nous réunir au Groenland ou sur la lune ! Et ce sont pour la plupart les mêmes, qui depuis plus de cinq décennies se sont installés dans ce mouvement de transhumance du politico-militarisme qui vont et viennent au gré des prébendes que ceux qui sont au pouvoir à Ndjamena leur accordent. Ces sont les mêmes délictueux qui sont condamnés mardi, amnistiés vendredi, gratifiés dimanche, nommés à des postes de responsabilité samedi, et qui la semaine suivante reprennent les armes dès qu’ils se sentent fragilisés dans leur contrat avec le pouvoir central et repartent au maquis. Les mêmes qui détournent les deniers de l’État, passent par un séjour initiatique dans une cellule de prison, en ressortent après avoir promis d’en rétrocéder une partie à la hiérarchie et après la geôle sont nommés à de postes supérieurs encore plus juteux pour continuer la capture !
ARS : Vous avez déjà raconté cette dynamique…du chaos
KL : Il me semble que lorsque toutes les tentatives d’organisation sociopolitique ont fait long feu, lorsque l’échec clignote en rouge cinglant au tableau de bord du bolide, la question de la forme de l’État ne peut plus être subsidiaire ou tributaire du roman national naïf où l’on se susurre que tout le monde il est beau il est gentil, tout le monde s’aime beaucoup et qu’il faut continuer à revivre chaque jour les mêmes violences et misères. Pourquoi donc malgré toutes les énergies qui se déploient depuis six décennies, l’on en est toujours à devoir gérer le chaos ?
ARS : Bien de gens pensent et à juste titre que promouvoir fédéralisme c’est semer le grain de la discorde et espérer que pourra croitre l’idée de la sécession, ou l’éclatement du territoire en plusieurs États…
KL : Toujours cette lecture erronée parce qu’incomplète par le prisme nordistes/sudistes, musulmans/chrétiens ! En réalité, la plupart de ceux qui continuent de prôner le maintien d’un État unitaire, sont ceux-là qui en tirent leurs intérêts individuels, de classe, de parti ou de clan, d’hommes d’affaires en eaux troubles et qui tiennent mordicus à la pérennisation d’un système légué par l’Empire Français et qui a fait long feu. Cela, même lorsque la majorité du peuple souhaite la fédération. On retrouve le même type de réticence lorsque l’on évoque le panafricanisme : la frontière qui sécurise les rentes pour l’élite.
ARS : Et pourtant il semble que les résultats des consultations qui ont été menées pour préparer le dialogue révèle une prédominance de l’opinion pour l’État unitaire…
KL : Je n’y crois pas un seul mot. Il suffira d’un référendum sur le fédéralisme, sans fraudes et manipulations pour se rendre compte que si l’on demandait aux populations de s’exprimer sur la question en en expliquant objectivement le bien fondé, aucune communauté qu’elle soit de l’est, du nord, de l’ouest, du sud ne refuserait d’avoir la possibilité de voter directement ses gouverneurs, ses députés locaux, ses représentants locaux et surtout d’être à l’initiative des projets de développement d’un territoire qu’elle connait bien et dont les bénéfices lui seront immédiatement perceptibles. Quelle communauté refuserait-elle d’user de son droit à décider de ce qu’elle souhaite pour elle-même ? Quelle communauté refuserait-elle d’être débarrassée de groupes de parasites, cette protobourgeoisie militaire et civile qui joue à la colonisation, impose ses insuffisances notoires, ne fait même pas l’exercice d’apprentissage de quelques mots de la langue de ses « administrés» ? Le grand mensonge c’est de prétendre que les communautés villageoises que l’on rassemble de temps à autres pour une harangue qui leur est adressée dans un galimatias intraduisible souhaitent avoir pour responsables ou représentants des gens qu’ils ne connaissent ni d’Adam, ni d’Eve. Surtout des gens qu’elles n’ont ni élus, ni désignés, ni choisis et qui leur ont été imposés depuis une capitale lointaine que beaucoup d’entre eux n’auront jamais la chance de visiter avant de mourir. De ces gens-là, ils ne retiennent que le caractère félon et violent d’une élite barbare parachutée depuis un autre pays inconnu, surtout lorsque le comportement violent, irrespectueux des us et coutumes démontrent à satiété le caractère inapproprié de la relation. Rien de différent du commandant militaire des colonies envoyé depuis Paris. C’est d’ailleurs l’une des acceptions sémantiques liée au vocable « gouverneur » et au droit de bastonner, de spolier, d’obliger au travail forcé.
ARS : Nous ne sommes plus à l’ère de la colonisation !
KL : L’état colonial est teigneux et celui que l’on nous a légué draine dans son sillage, le système économique avec qui il fait corps : le néolibéralisme, aujourd’hui, ultra libéralisme.
Retrouvez la dernière partie sur SenePlus.com ce jeudi 18 août 2022.
[1] F. Laoukissam, Tchad, la solution fédérale: une dynamique de paix et une stratégie de développement par la gestion partagée
par l'éditorialiste de seneplus, demba ndiaye
LÉGISLATIVES, LA VICTOIRE DES VAINCUS
EXCLUSIF SENEPLUS - Pape Diop a offert sa béquille au sursitaire président. On en saura bientôt le prix parce que personne ne croit à une mission de sauvetage (du soldat Macky) de nos institutions contre les flibustiers de Yaw-Wallu
À minuit, l’heure des crimes sordides, ils ont réveillé la presse pour, avec des mines de rescapés d’un naufrage. Ils sont venus dire aux Sénégalais dont beaucoup fêtaient eux leur défaite qu’ils avaient « gagné » 35 des 45 départements du pays. Ce n’était pas drôle, mais d’un tel ridicule qu’on a éclaté de rire devant nos petits écrans : les vaincus fêtaient leur victoire. Victoire qu’ils étaient les seuls à voir, avec des mines de déterrés. Depuis que le ridicule est devenu une valeur et non une honte, tout est possible.
Ne croyant pas aux miracles, j’ai refusé de penser que les tendances lourdes égrenées ce dimanche soir du 31 juillet pendant des heures par les reporters des radios et télés allaient changer notablement, dans les heures et jours suivants et changer ma conviction selon laquelle Benno Book Yaakar (BBY) a bien reçu ce jour historique, une déculottée mémorable.
Quelles que soient les manœuvres qui n’allaitent pas manquer, la gouvernance politique du pays pourrait bien connaître des changements majeurs. Et le président Macky Sall allait connaître des cauchemars pour les deux ans qui lui restent. Parce qu’avec les résultats de ces législatives, son rêve caressé et jamais (encore) avoué d’un troisième mandat venait d’être définitivement enterré par les résultats qui s’égrenaient avec la désagréable musique d’une scie métallique à leurs oreilles bourdonnantes des maudits chiffres issus des urnes.
Il semble bien qu’au-delà de toute attente, avec notamment les ridicules manœuvres de listes électorales amputées de moitié (titulaires pour les uns et suppléants pour les autres), les citoyens aient administré au pouvoir, au parti pris peu éthique de « sa » presse (une véritable cinquième colonne d’une coalition épuisée, usée), une leçon politique majeure : « nous préférons une gouvernance éthique au béton armé d’arène, de stades et autres TER, BRT. Nous votons pour l’espoir que demain la Justice sera juste et non tragiquement sélective, une police qui respecte sa devise, de protéger et servir et non aux ordres de gouvernants provisoires et délestés de ce qui semble être un permis de tuer. Le retour à un véritable service public de l’audiovisuel. Bref, le choix de la morale contre un régime dont les députés se transforment en dealers, trafiquants de passeports, ou, qui gardent par-devers eux des millions au point de se les faire « voler »....
Leur « victoire » est une défaite non assumée, un Waterloo de dimension modeste. S’ils se cramponnent à un résultat d’honneur de 82 députés contre 80 d’une liste largement amputée de ses « stars », c’est pour faire oublier qu’ils dégringolent de 125 députés sur les 165 de la précédente législature à 82 ; qu’ils arrivent notablement derrière l’opposition en termes de voix. Que pour survivre, ils sont obligés de débaucher (acheter) quelques nouveaux députés affamés, ou surtout, amener à Canossa, un politicien au crépuscule de sa vie politique et qui rêve d’occuper à nouveau le perchoir, bien que ne disposant que d’un député. Mais qui vaut cher pour que le cadavre au pouvoir obtienne un sursis afin d’éviter un enterrement prématuré.
Monsieur Pape Diop, a offert sa béquille au sursitaire président. Bientôt on en saura le prix parce que personne ne croit à une mission de sauvetage (du soldat Macky) de nos institutions contre les flibustiers de Yaw-Wallu. De grâce monsieur Diop, n’essayait pas de nous faire croire que vous êtes devenu un Pape investi d’une mission salvatrice contre des irresponsables, couteaux entre les dents, venus charcuter nos institutions. Vous êtes venus vous servir sur la bête et non service la République. En accusant l’opposition victorieuse de desseins cannibales, vous insulter le plus que million et demi de Sénégalais qui ont voté pour elle. Allons ! Ayez donc la trahison « honorable » (si c’est possible) et un certain respect pour ceux qui ont cru à votre discours électoral, vous ont donné leurs voix et à la clé, un député qui vaut plus que les 82 de celui dont vous allez faire les louanges pour les 16 mois qui lui restent pour engloutir nos maigres ressources dans le kérosène de « son » avion à faire le tour du monde au nom d’une certaine Afrique : celle des prédateurs et autres usurpateurs de fonctions...
Et donc le roi est à poils, nu comme un ver. Pas d’héritiers. Tous reniés. Défroqués. Dégradés de la lignée royale ! Même celle qui a voulu (oser) accélérer la cadence en oubliant que Sa Majesté a une démarche de Sénateur et non les jambes d’un sprinteur. Depuis, elle n’arrête pas de valser au gré des pertes de boussole du navigateur en chef. Une sorte de maquerelle de la République. Ses rêves d’une « remontada » dans l’estime du chef viennent de se fracasser sur la déculottée du 31 juillet. Parce que, même le monarque sait pertinemment que « sa victoire » est une défaite magistrale, historique.
Mais voilà, à force de tuer ses potentiels héritiers, à force de les envoyer au casse-pipe pour sauver un empire en déconfiture du fait des orgies d’une gouvernance putride, à cause de ce cannibalisme royal donc, le monarque n’a plus d’héritiers. Même pour sauver le trône pour les seize mois restants. Ainsi donc, « la plus grande coalition que le pays ait connu » comme ils se qualifiaient dans l’euphorie de l’arrivée de « mburu ak soow » s’est transformée en la « plus grande coquille vide » que le pays ait jamais connue. Mais ça, ils refusent encore de le voir, de le reconnaître au mat tanguant d’un paquebot en fin de croisière. Comme le Titanic, ou le Joola, notre tragique Titanic....
LES MALIENS RÊVENT AVANT TOUT DE LIBERTE ET DE DÉMOCRATIE
Entretien avec Bakary Sambe, directeur régional du think tank africain "Timbuktu Institute", sur la situation au Mali et le point de vue des pays voisins
Lundi 14 août, le président sénégalais et président en exercice de l'Union africaine, Macky Sall, a effectué une visite-éclair à Bamako. Une visite "d'amitié et de travail" qui n'a duré que quelques heures mais qui était cruciale pour tenter d'amorcer un réchauffement entre le Mali et ses voisins africains.
Depuis la prise de pouvoir des militaires - il y aura deux ans le 18 août 2022 - le Mali entretient en effet des relations diplomatiques compliquées avec les Etats qui l'entourent. A l'international, ses rapports avec les pays occidentaux et l'Onu ne sont pas non plus au beau fixe.
Pourquoi est-ce dangereux et pourquoi est-il nécessaire de renouer le dialogue avec les militaires ? Eléments de réponse avec le Dr. Bakary Sambe, directeur régional du think tank africain Timbuktu Institute, au micro de Konstanze Fischer.
DW : Macky Sall était en visite lundi [au Mali]. Il a eu des mots assez amicaux. Comment cette visite a été perçue au Sénégal, selon vous qui êtes basé à Dakar?
akary Sambe : Cette visite a été nécessaire. D'abord, il y a un continuum socio-historique et culturel très, très important entre le Mali et le Sénégal. Ce sont les mêmes populations. L'autre chose est que la question de la stabilité du Mali est un enjeu stratégique majeur pour le Sénégal et la Côte d'Ivoire. La présence russe aujourd'hui au Mali aussi pose d'autres paradigmes parce que ces deux pays vont être des pays producteurs de gaz, qui vont être vus par Moscou comme étant des pays qui limiteraient leur capacité de contrainte et de pression sur les puissances européennes. Donc, il y a des enjeux stratégiques énormes.
L'autre chose, c'est que quand on est en face d'un pays comme le Mali, où on a du mal aujourd'hui à tenir la sécurité au niveau de la capitale, il faut nécessairement revoir la coopération militaire, mais aussi voir quelles sont les mesures à prendre pour que, justement, l'épicentre de la violence à partir du Mali, telle qu'on l'a vécue dans les années 2010, ne se répande pas sur les autres pays voisins.
DW : Et vous pensez que la junte serait ouverte à de tels rapprochements?
Bakary Sambe : La visite de Macky Sall peut être analysée comme une main tendue, il faut que ces mains tendues-là se multiplient dans la région pour qu'on leur dise qu'il faudrait sortir du déni de la réalité. La réalité sécuritaire est catastrophique. Hélas, on est dans une situation tendue avec les 49 soldats ivoiriens retenuset aujourd'hui, je me pose beaucoup de questions sur la disponibilité des autorités maliennes à vouloir entendre raison, à vouloir véritablement collaborer avec ces pays-là. Mais, je le rappelle : cette collaboration est nécessaire, non seulement pour la sécurité du Mali, mais pour la stabilité de la région.
DW : Une question à présent sur la Minusma. Les relations ne sont pas très bonnes non plus entre Bamako et l'ONU. Quelles seraient les conséquences d'un retrait de la Minusma?
Bakary Sambe : Si on prenait le risque de faire partir ces soldats sans mesures alternatives, c'est-à-dire sans force africaine, qui est en attente depuis très longtemps, sans une disposition de la CEDEAO ou d'autres forces à vouloir prendre la relève, je crois que ce serait une catastrophe sécuritaire pour toute la région. C'est pour cela que c'est un enjeu majeur pour lequel je crois que ça vaudrait des concessions.
DW : Sauf que là aussi, on a l'impression que la junte malienne n'est pas prête à faire de telles concessions. Elle empêche aussi, par exemple, l'accès des experts de l'ONU sur des sites pour des enquêtes concernant des violations de droits de l'homme...
Bakary Sambe : Il est vrai qu'aujourd'hui, on ne devrait pas laisser des massacres être perpétués au cœur d'un pays comme le Mali. Mais je pense que l'urgence aujourd'hui, c'est d'abord de tendre la main aux autorités de la transition, de réaliser les conditions d'un dialogue possible pour maintenir le minimum, c'est-à-dire la présence de la Minusma, l'assistance des pays voisins et après s'occuper des questions de droits de l'homme.
Bien qu'il faille dès à présent mettre en place des mesures d'urgence parce que la situation humanitaire se dégrade de jour en jour dans le centre du Mali et qu'on craint même un débordement aussi dans le Liptako-Gourma, vers le Burkina Faso ou vers le Niger.
DW : Comment faire par ailleurs, pour qu'à l'intérieur du Mali, où on a l'impression que toute voix contestataire et immédiatement étouffée, il y ait une prise de conscience de cette situation?
Bakary Sambe : Oui, mais c'est qu'on est en train de payer tout de même le lourd bilan de l'échec de la communauté internationale dans son intervention au Mali, qui n'a ni gagné la guerre contre le terrorisme ni la paix avec les populations locales.
Donc, la junte a encore du crédit à surfer sur ce mécontentement général, ce qui aussi coïncide sur le continent avec un vent nationaliste protestataire, avec un discours souverainiste où les nouvelles générations africaines ne veulent pas vivre de la même manière les relations qu'on avait avec l'Europe que leurs prédécesseurs.
Mais je crois que la réalité finira par prendre sa revanche.
Maintenant, il est très difficile dans un pays comme cela, avec les intellectuels, les chercheurs qui n'arrivent plus à retrouver leur liberté de ton, de faire l'éveil des consciences. Est-ce qu'on peut aider le Mali malgré lui ? C'est cela la question qui se pose aujourd'hui.
La logique voudrait qu'il y ait un plus fort engagement et non pas un délaissement du Mali, ce pays qui a tant besoin du soutien de ses voisins et de la communauté internationale.
DW : Le 18 août, cela fera deux ans maintenant que les militaires sont au pouvoir. Quel est votre pronostic à court terme?
Bakary Sambe : Je pense que s'il y a une urgence, c'est d'accélérer le processus démocratique. Il faudrait quand même que le régime en place commence à donner des gages, à la communauté internationale, mais d'abord des gages aux Maliens qui rêvaient de liberté, de démocratie. Et ce rêve-là, on ne peut pas l'arracher aux Maliens. Et je crois que, malgré la difficulté de la situation et la difficulté d'une prise de parole publique, aujourd'hui, au niveau des intellectuels et de la société civile, je crois que ce dont rêvent les Maliens, c'est avant tout la liberté, la démocratie, le développement, la paix et la stabilité.
DW : Merci beaucoup.
Bakary Sambe : Merci de votre aimable invitation.
LES LÉGISLATIVES FURENT UNE RUDE BATAILLE
Benno Bokk Yaakar a remporté d’une courte tête la majorité absolue lors des élections du 31 juillet dernier. Ce score serré satisfait toutefois l'ancienne Première ministre, Aminata Touré, tête de liste nationale de la majorité pour ce scrutin - ENTRETIEN
La coalition Benno Bokk Yaakar (BBY) a obtenu 83 députés grâce à l'alliance avec un député indépendant, loin des 125 sièges remportés en 2017. L'intercoalition de Yewwi Askan Wi (YAW) d’Ousmane Sonko et Wallu Sénégal d’Abdoulaye Wade a elle obtenu 80 sièges. L'ancienne Première ministre et ancienne présidente du Conseil économique, social et environnemental du Sénégal répond aux questions d'Eric Topona.
DW : Aminata Touré bonjour.
Aminata Touré : bonjour
DW : la coalition au pouvoir au Sénégal, Benno Bokk Yakaar (BBY) à laquelle vous appartenez a obtenu la majorité absolue à l'issue des dernières élections législatives. Êtes-vous satisfaite?
Aminata Touré : C'est un point de satisfaction. Nous n'aurons pas de grandes difficultés à faire passer les lois que propose l'exécutif. C'était une rude bataille. Mais, c'est normal, puisque nous avons vécu trois années difficiles. Pas seulement pour le Sénégal, mais aussi sur le plan international: la covid-19 qui a vraiment eu un impact très difficile au niveau des populations. Vous savez, 80% quasiment de notre économie est informelle, faite de petits métiers. Et vous savez, en période de Covid-19, il y a eu la limitation des déplacements. Beaucoup de contraintes. Et ça a eu un impact sur beaucoup de familles. Et ensuite est arrivée la guerre de l'Ukraine qui a entraîné une inflation, une augmentation des prix, très importante. Dans un contexte économique difficile, voilà qu'un gouvernement arrive à avoir une majorité. On ne peut être que satisfait.
DW : Pourtant, lors des élections législatives de 2017, la majorité au pouvoir n'avait que 125 députés sur les 165 que compte l'Assemblée nationale. En 2022, vous en avez eu 82 C'est un net recul non? C'est même une sanction?
Aminata Touré : C'est ce que je viens de vous expliquer. En 2017, vous n'aviez ni Covid-19, ni inflation. Une sanction qui donne une majorité absolue, tout le monde voudrait l'avoir. Demandez aux gouvernements qui n'ont pas de majorité à l'Assemblée nationale. Évidemment, nous allons étudier ces résultats là et voir quel est le message qui est donné. Mais, je pense qu'il ne faut pas cracher dans la soupe.
DW : L'un des points de crispation actuellement au Sénégal, c'est l'éventuelle candidature du président Macky Sall, lors de la présidentielle de 2024. Il n'a encore rien dit, mais que répondez-vous à ceux qui lui prêtent cette intention?
Aminata Touré : Ils lui prêtent peut-être des intentions qu'ils ne connaissent pas. Il faut attendre que le président Macky Sall se prononce. Et je pense qu'il le fera bientôt.
DW : Franchement, pour préserver la paix sociale dans votre pays, le président Macky Sall ne doit-il pas se retirer à l'issue de son second et denrée mandat qui expire en 2024?
Amina Touré: Je pense que ce qu'il faut faire d'abord, c'est qu'il faut travailler au quotidien pour offrir aux Sénégalais justement des conditions de vie dignes et favorables. Je pense que c'est le plus important. On ne peut passer notre temps à faire que de la politique. Je pense qu'il faut d'ailleurs penser dans le cadre de l'Afrique à organiser des élections générales, ou en une journée, on pourra élire tout le monde et on passera le reste des quatre années à venir travailler.
DW : Aminata Touré, merci.
Aminata Touré: Merci.
LETTRE DU MALI AU CONSEIL DE SÉCURITÉ DE L'ONU
LE MALI ACCUSE LA FRANCE DE COMPLICITÉ AVEC LES TERRORISTES
Le gouvernement dispose de preuves que des violations flagrantes de l'espace aérien malien ont servi à la France pour collecter des renseignements au profit des groupes terroristes opérant dans le Sahel et pour leur larguer des armes et des munitions
SenePlus publie ci-dessus, la lettre adressée à l’ONU par l’État malien accusant la France d’aider les mouvements terroristes sur son sol et dans le Sahel.
« Excellence Monsieur le président,
Au nom du Gouvernement de la République du Mali, je tiens à appeler votre attention sur des actes graves qui sont de nature à porter atteinte à la paix et à la sécurité internationales.
En effet, depuis plusieurs mois il nous a été donné de constater des violations répétitives et fréquentes de l'espace aérien malien par les forces françaises, en y faisant voler des vecteurs aériens tels que des drones, des hélicoptères militaires et des avions de chasse, sans autorisation des autorités maliennes.
Depuis le début de l'année 2022, les Forces armées maliennes (FAMa), munies de nouvelles capacités, ont enregistré plus de 50 cas délibérés de violation de l'espace aérien malien par des aéronefs étrangers, notamment opérés par les forces françaises, sous différentes formes. Aux actes d'indiscipline caractérisés par des refus d'obtempérer aux instructions des services de contrôle aérien, s'ajoutent des cas d'extinction des transpondeurs dans le but de se soustraire au contrôle.
S'y ajoutent également des cas de falsification de documents de vol, ainsi que des cas d'atterrissage d'hélicoptères dans des localités hors aérodromes, sans autorisation préalable. De nombreux vols d'avions de renseignement et de drones évoluant à haute altitude ont été notés, qui se livraient à des activités considérées comme de l'espionnage, de l'intimidation voire de la subversion. Le tableau listant les incidents aériens depuis l'annonce du retrait de la force Barkhane est joint en annexe.
Son Excellence monsieur ZHANG Jun, Ambassadeur,
Représentant permanent de la République Populaire de Chine auprès des Nations Unies
Président du Conseil de sécurité des Nations Unies
L'un des cas les plus récents a été la présence illégale d'un drone des forces françaises, le 20 avril 2022, au-dessus de la base de Gossi, dont le contrôle avait été transféré aux FAMa, le 19 avril 2022. Ledit drone était présent à partir de 11h45 évoluant à moyenne altitude, pour espionner nos vaillantes FAMa. Outre l'espionnage, les forces françaises se sont rendues coupables de subversion en publiant des images collectées par leur drone, montrant des civils tués. Des résultats de l'enquête judiciaire menée par les services compétents du Mali, il a été établi que les corps y avaient été disposés bien avant l'arrivée des forces maliennes à Gossi. Cette communication malheureuse avait pour objectif de ternir l'image et d'accuser les forces armées maliennes engagées pour la libération de leur territoire, la protection et la sauvegarde de leurs populations éprouvées par une longue crise.
Le 21 avril 2022, une patrouille de Mirage 2000 a survolé à plusieurs reprises, sans coordination préalable, un convoi FAMa en partance pour renforcer le dispositif de l'emprise de Gossi. Cette manœuvre s'inscrivait dans une dynamique d'intimidation de nos forces.
Le 15 juin 2022, l'avion de transport tactique Casa 295 de l'Armée de l'Air du Mali a été harcelé par un aéronef de combat appartenant à la force Barkhane, alors que l'aéronef malien effectuait des rotations entre des aérodromes situés en territoire malien. L'aéronef français inconnu, qui ne s'est jamais annoncé à la radio, a effectué des manœuvres dangereuses autour de l'avion malien, perçues comme des tentatives d'intimidation.
En outre, le 06 août 2022, la force Barkhane a confirmé dans un communiqué officiel avoir mené des opérations aériennes contre des présumés terroristes dans la zone de Talataye. Cependant, ces opérations unilatérales n'ont pas été coordonnées avec les FAMa.
De plus, dans le secteur de Lerneb, la nuit du 06 au 07 août 2022 vers 03h30 du matin, un hélicoptère a atterri aux environs de la forêt de Ougrich au sud de Lerneb et Aratène, cercle de Goundam, région de Tombouctou. L'hélicoptère a embarqué 2 éléments d'Ibrahim Ag Baba, lieutenant d'Abou Talha, chef de l'émirat de Tombouctou pour une destination inconnue.
Le 08 août 2022, à 37 Km de Tessit, un hélicoptère Chinook a survolé des renforts FAMa de Gao en mouvement vers Tessit, dans la direction opposée de progression.
Le Chinook, surpris dans ses activités, a subitement repris de l'altitude. Les recoupements du Poste de Commandement Interarmées de Théâtre (PCIAT) Est auprès des partenaires n'ont pas permis de confirmer l'origine de l'aéronef.
Le 08 août 2022 à 12h55, une patrouille des FAMa est sortie de Labbezanga pour rechercher en vain un colis largué par Barkhane à 03 Km Est dudit poste.
Tout au long du processus de transfert aux autorités maliennes de l'aérodrome de Gao et de l'espace aérien du Nord, depuis l'annonce du retrait de Barkhane, les aéronefs militaires maliens ont fait l'objet d'entraves régulières, par des manœuvres retardatrices visant à réduire leur efficacité et à rallonger leurs délais de réaction.
Face à la multiplication de ces actes d'agression contre la souveraineté et l'intégrité territoriale d'un État membre des Nations Unies, le Gouvernement du Mali a publié les communiqués n° 009 et 028 respectivement du 12 janvier et du 26 avril 2022, dont copies figurent en annexe, afin de prendre à témoin l'opinion nationale et internationale. Le Conseil de sécurité en a été également informé.
Le Gouvernement du Mali dispose de plusieurs éléments de preuve que ces violations flagrantes de l'espace aérien malien ont servi à la France pour collecter des renseignements au profit des groupes terroristes opérant dans le Sahel et pour leur larguer des armes et des munitions.
Aussi, il convient de rappeler que c'est en raison de suspicions de manœuvres de déstabilisation de la France que le Gouvernement du Mali s'est fermement opposé à la demande de soutien aérien de la France au profit de la MINUSMA, afin que la France ne se serve pas de la mission onusienne comme prétexte pour mener des opérations subversives visant à fragiliser davantage le Mali et la région du Sahel.
Au regard du droit international, le Gouvernement du Mali estime que ces actes de la France constituent une agression, qui est définie, selon la résolution 3314 (XXIX) de l'Assemblée générale des Nations Unies du 14 décembre 1974, comme « l'emploi de la force armée par un Etat contre la souveraineté, l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique d'un autre Etat ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations Unies...»
Ainsi, le Gouvernement du Mali invite le Conseil de sécurité des Nations Unies, garante de la paix et de la sécurité internationales à œuvrer afin que la République française cesse immédiatement ses actes d'agression contre le Mali.
En outre, La France, membre permanent du Conseil de sécurité, devrait se conformer à la légalité internationale, en respectant les dispositions pertinentes de la Charte des Nations Unies.
En cas de persistance dans cette posture qui porte atteinte à la stabilité et à la sécurité de notre pays, le Gouvernement du Mali se réserve le droit de faire usage de la légitime défense, conformément à l'article 51 de la Charte des Nations Unies.
Je vous prie de porter la teneur de la présente à l'attention des membres du Conseil de sécurité, en vue d'une réunion d'urgence sur ces questions et de la publier en tant que document officiel du Conseil de sécurité.
Veuillez agréer, Excellence Monsieur le Président, l'assurance de ma considération distinguée. »
Par Yoro DIA
LES TRAVAUX D’HERCULE DU POMPIER AFRICAIN
L’UA est en train de devenir une réalité géopolitique après avoir été toujours un mur des lamentations africaines
Mon confrère du Mali, Alassane Souleymane Maïga, a eu l’intuition géniale dans son papier «Pompier africain et voisin malien», de qualifier Macky Sall de pompier africain. Cette idée de Macky Sall comme pompier africain m’a fait beaucoup penser à «Sam le pompier», une série pour enfants qu’adore mon jeune garçon.
Comme Sam le pompier, le président de l’Union africaine est appelé d’un coin à l’autre pour éteindre des incendies, comme au Mali (en crise avec la Côte d’Ivoire) ou pour éviter que l’incendie ne recommence comme au Sud Soudan, au Tchad ou en République Démocratique du Congo, qui accuse le Rwanda de déstabilisation. L’Europe, quel numéro de téléphone ?, avait déclaré ironiquement Henry Kissinger en 1970 pour montrer que l’Europe est une grande puissance commerciale mais un nain géopolitique.
L’Union africaine semble avoir la stratégie inverse : un nain commercial parce que désuni, mais avec une ambition géopolitique naissante car contrairement à l’Europe, elle a au moins commencé par avoir un numéro de téléphone : celui du président en exercice, qui est entré par effraction dans la géopolitique mondiale avec la crise en Ukraine et semble vouloir imposer la présence de l’Ua dans la cour des grands, avec l’exigence d’une présence africaine au G20 car l’Afrique réunie est la huitième puissance économique mondiale.
Le contexte politique international, marqué par la fin de l’hégémonie occidentale du monde, est favorable à cette ambition africaine. Cette fin de l’hégémonie occidentale est marquée par la montée de la Chine et de l’Inde, le prosélytisme politique russe en Afrique, qui fait que le Président français Macron taxe les Russes de colonisateurs. Le néo-colonialisme russe est un néo-colonialisme de proximité avec des interventions en Ukraine, en Géorgie et la mise sous tutelle de la Biélorussie. C’est une sorte de doctrine de Monroe version slave, alors que celui français est extra-européen et principalement africain. L’offensive russe en Afrique est surtout une stratégie d’influence pour bousculer la France en Afrique. L’Union soviétique avait une prétention universelle alors que la Russie ne l’a jamais eue jusqu’à maintenant. Poutine veut reconstruire l’empire des Tsars, pas conquérir le monde comme l’Urss.
La bataille entre la Russie et l’Occident en Afrique, la montée de la Chine et de l’Inde marquent la fin de l’hégémonie occidentale du monde. En d’autres termes, comme disait de Gaulle : «La France de Papa est morte et ceux qui ne l’ont pas compris mourront avec elle.» J’ai envie d’ajouter : «L’Afrique de Papa est morte et ceux qui ne l’ont pas compris mourront avec elle.» Et Macron, malgré ses discours de rupture sur la France-Afrique, sur les nouvelles relations, ne semble pas l’avoir compris en parlant d’hypocrisie de l’Afrique sur la guerre en Ukraine, parce qu’elle ne s’est pas alignée sur l’Occident. Ce n’est pas parce que l’on ne partage pas la même idée, la même position, que je suis hypocrite. Cela traduit un état d’esprit qui veut que l’Afrique soit un réservoir de voix pour l’Europe à l’Onu.
Ce qui se passe avec la guerre en Ukraine est que l’Ua est en train de devenir une réalité géopolitique après avoir été toujours un mur des lamentations africaines. Devenir une réalité géopolitique c’est dire que l’Occident a son agenda, la Russie a le sien, mais nous aussi on a le nôtre. L’agenda de la France est de rester une puissance africaine pour tenir son rang, celui de la Russie est de la bousculer dans le pré carré pour se positionner et négocier en Europe. Celui de l’Ua semble être le non-alignement, que j’appelle le dialogue critique, pour défendre ses intérêts comme la liberté du commerce pour accéder aux céréales. Ce n’est pas de l’hypocrisie, c’est de la realpolitik, qui est le fondement des relations internationales. N’est-ce pas de Gaulle qui disait que les Etats n’ont pas d’amis mais des intérêts. La France a toujours été le poil à gratter de l’hyperpuissance américaine et a toujours adoré rappeler à son plus vieil ami et allié, à savoir les Etats-Unis, la formule «amis, alliés mais pas alignés». C’est exactement ce que fait le Sénégal aujourd’hui avec ses vieux amis occidentaux.
Les Français l’appellent «amis, alliés et pas alignés». Nous l’appelons le dialogue critique, qui consiste aussi à chercher des solutions africaines à certains problèmes africains, évitant ainsi que le continent soit un terrain de jeu de la rivalité géopolitique des Grands. Il est évident que sur l’histoire des 49 militaires ivoiriens emprisonnés à Bamako, on trouvera plus facilement une solution avec les relations de fraternité et de bon voisinage que dans la géopolitique ou le Droit international. C’est pourquoi le pompier africain, comme l’appelle Alassane Souleymane, a raison de faire confiance aux palabres à l’africaine pour trouver une solution dans cette querelle de voisins.
Par Biram Ndeck NDIAYE
DE L’ÉTROITESSE DES PARTIS POLITIQUES
Un parti politique n’est qu’une partie d’un ensemble appelé peuple et/ou pays qui constitue le tout. Comment une partie d’un tout pourrait être plus importante que l’ensemble dont elle est issue ?
Un parti politique n’est qu’une partie d’un ensemble appelé peuple et/ou pays qui constitue le tout. Comment une partie d’un tout pourrait être plus importante que l’ensemble dont elle est issue ? C’est ce que veulent nous faire croire les politiques. La somme de volontés particulières ne peut automatiquement valoir volonté générale comme l’a fait remarquer Jean-Jacques ROUSSEAU. Les partis politiques sont des associations partielles par rapport à la grande association qu’est le pays. Il s’agit d’une minorité de personnes organisées qui s’impose à la majorité.
Certes, il n y a pas de réelle démocratie sans partis politiques, peut-on dire. La pluralité et la liberté des partis constituent, de nos jours, des conditions primordiales de la démocratie. Les partis concourent à l’expression du suffrage selon les constitutions française, italienne, sénégalaise (art. 4 al 2), à la formation de la volonté politique selon la constitution allemande. Toutefois, « je me méfie des partis politiques, ils deviennent vite des partis-pris » comme disait le penseur. C’est l’opposition d’intérêts particuliers alors que la société doit être gouvernée sur la base d’intérêts communs.
Pour ce qui nous concerne, d’emblée, un constat s’impose : le Sénégal est un tout petit pays par sa superficie, un espace si réduit où s’engouffre une multitude d’associations, ces partis politiques dont certains n’existent que de nom. L’électorat est si mince que même un Président de la République aussi démocratiquement élu soit-il, reste toujours élu par une minorité de sénégalais, soit moins de 3 000 000 de votants. Si des électeurs inscrits sur les listes électorales on enlève tous ces abstentionnistes, qu’en reste-t-il ? Une élection permet d’avoir un indice sur l’intérêt général.
A l’élection présidentielle du 24 février 2019, la 11ème depuis l’indépendance, sur 16 209 125 sénégalais, il y avait 6 683 043 inscrits contre 5 302 349 en 2012 d’une part et, d’autre part, 4 428 680 votants contre 2 735 136 au premier tour en 2012 puis 2 915 893 au second tour. En 2019, le Président élu avait obtenu 58,26% des voix, mais seulement 2 555 426 de nos concitoyens avaient voté pour lui contre 1 909 244 en 2012 même si cela représentait 65,80% des voix après les 26,58% du premier tour.
Ce chiffre représente la majorité d’une minorité de sénégalais (2 555 426 sur 16 209 125, soit 15, 76% des sénégalais ont élu le Président de la République). Malgré l’aspect positif de la démocratie, un Président de la République et tous les élus du système sont choisis par une minorité de concitoyens (un pourcentage des votants) même si c’est mieux qu’une dictature. C’est plus flagrant dans un pays avec de grands électeurs comme les Etats-Unis d’Amérique. Cependant, le respect est dû aux constitutions qui déterminent la manière dont le pouvoir s’acquiert et s’exerce. L’élection du Président de la République au suffrage universel en est une émanation. L’esprit qui a guidé ce choix à travers le monde était d’en faire un chef placé au-dessus des partis, un Chef d’Etat et non point un chef de parti. Pourquoi se contenter de moins (un parti politique) si on a la possibilité d’avoir plus (un Etat) ? Qu’il nous soit permis d’ajouter que c’est le suffrage de citoyens qui est sollicité certes mais qu’il répond à des critères préétablis que sont les conditions requises pour devenir électeur ayant trait notamment à la nationalité, à l’âge et au casier judiciaire (jouir de ses droits civiques) pour ce qui concerne le Sénégal.
Les deux élections ne sont pas de même nature mais on peut rappeler que pour les législatives de 2022 (liste avec nombre de candidats égal au nombre de suppléants, sans vote préférentiel ni panachage mais pour la 1ère fois au Sénégal une équipe A constituée uniquement de titulaires séniors a joué contre une équipe Aʹ ou B composée exclusivement de remplaçants ou juniors, comme si le ridicule ne tuait plus), le corps électoral est constitué de 7 036 466 inscrits et 3 281 583 votants, soit 46,64% et 20 697 votes blancs et nuls. Dès lors, pourquoi les politiques se bombent le torse si fièrement, pensant être plus légitimes et plus représentatifs que tous les autres ? Certains chefs religieux et artistes mobilisent plus de monde qui, de surcroît, contribuent financièrement et de manière volontaire. Les politiciens à la solde de l’Etat et des collectivités territoriales sont rémunérés à travers des impôts et taxes prélevés sur tout le territoire sénégalais. Les politiciens, surtout ceux au pouvoir, doivent se garder d’avoir le triomphe exagéré. Ils exercent leurs activités dans des périmètres très étroits et, tous pris ensemble, sont de loin moins nombreux que la somme des autres citoyens. Ils coûtent cher, beaucoup trop cher si on y ajoute les détournements de deniers publics. Nos problèmes sont-ils résolus pour autant ? Que nous rapportent-ils par comparaison avec qu’ils coûtent ? Plus de soixante (60) ans après les indépendances, l’Afrique se rapproche-t-elle davantage du développement ? C’est à nous tous d’en juger.
L’étroitesse des partis politiques entraîne l’étroitesse d’esprit de beaucoup de politiciens qui pensent que le monde s’arrête à leur formation politique. Le plus souvent, les coalitions se forment et se défont au gré du vent. Est-ce sur la base de l’intérêt du peuple ou de celui des partis, ou encore de ceux qui sont au sommet des partis ? Chacun a le loisir d’apporter sa réponse à cette interrogation. Le choix des responsables du parti se fait-il sur la base de la compétence, de la capacité intellectuelle ou de la représentativité (nombre de personnes susceptible d’être mobilisé) et de qu’ils traduisent par légitimité ? Pourquoi être démis de ses fonctions si on perd une élection, quels que soient le sérieux, la compétence de la personne concernée? La performance de la structure qu’elle dirige importe peu. On peut dire que ce n’est pas la notion de développement, le progrès tout court qui anime ces gens-là qui pensent ainsi. Nous avons eu la naïveté de croire que c’est fort justement dans la conduite d’un Etat que l’intelligence devrait être la denrée la plus recherchée et utilisée.
D’ailleurs ne semble-t-on pas inciter les dirigeants d’établissements publics à détourner l’argent du contribuable en leur faisant croire qu’ils disposent de moyens non pour améliorer le fonctionnement de leur structure mais pour battre campagne ? Quel politicien encore aux affaires lance un appel à l’honnêteté, à la loyauté, à la sobriété ? Il faut être un exemple pour s’aventurer dans la morale. Les « grandes gueules », les détourneurs invétérés de deniers, les insulteurs publics qui ne sont pas encore capables de proférer en poésie même si c’est devenu « un art », sont les mieux appréciés par la hiérarchie comme pour dire aux autres qu’ils devraient suivre ces mauvais exemples. La politique est devenue, malheureusement, une voix rapide pour s’enrichir sans le mérite correspondant. De plus en plus de politiciens ont un esprit étroit, suivent aveuglément des consignes qu’un doué de raison aurait du mal à accepter, par exemple l’interdiction de parler d’un sujet (mandat) sous peine de sanctions comme au temps des inquisitions et autodafés, le fait de renier la doctrine de son parti pour une alliance de circonstance. On commence par brûler les idées, on finit par les personnes. Comment prétendre aimer quelqu’un si on s’interdit de lui dire la vérité ?
Au lieu d’utiliser notre énergie et notre intelligence à inventer des raccourcis qui nous mènent vers l’émergence ou le développement, on les utilise pour abattre des adversaires dans son propre camp et chez les concurrents d’en face. On donne des coups plus meurtriers que dans les sports de combat, parfois avec l’intention d’éliminer définitivement. Certains sont devenus experts dans la fabrication de faux renseignements destinés aux plus hautes autorités. C’est dire quelle étroitesse d’esprit dans les partis politiques et chez de nombreux politiciens. Certains étoufferaient vite dans un cadre ou la libre pensée n’a pas toujours sa place et où les coups tordus, enrobés de vraisemblance et à dose homéopathique, sont distillés sans avoir l’air d’y toucher.
Les bonnes théories cèdent la place à une logique de parti, donc partisane. Des intellectuels, universitaires et hauts cadres, ont choisi massivement d’éviter la piste qui mène à la politique et ont laissé la place à des médiocres qui finissent par décider pour eux et pour des sénégalais silencieux et inactifs. En politique sénégalaise et africaine, ce ne sont pas toujours ceux qui ont une torche qui se mettent devant pour éclairer la voie, ce ne sont pas les locomotives qui tirent les wagons et voilà pourquoi les personnes et les biens transportés arrivent rarement à bon port et à temps. Nous sommes en retard par rapport aux pays occidentaux mais, bizarrement, au lieu de presser le pas, nous le ralentissons si nous ne marchons pas à reculons.
Pour être honnête, ce n’est pas à l’opposition qu’il faut demander des comptes mais plutôt ceux qui se sont portés volontaires pour conduire nos destinées et qui ont été élus pour des résultats qu’ils ont mentionnés dans leur programme. Ils ont une obligation de résultats parce que le peuple s’est fait l’obligation de leur donner plus que les moyens de travailler. Mais qu’est-ce une profession de foi sans foi ?
Nonobstant ces écueils, j’écoute toujours ceux qui nous dirigent avec l’espoir qu’un jour, à la place de débats stériles, ils nous diront la bonne recette pour régler ou diminuer le problème du chômage, de l’inflation, de l’éducation et de la protection sociale pour tous, de l’assainissement, de la voirie. Rien que cela. Une voix interne me dit : comment des individus qui n’ont jamais fait l’apprentissage du leadership, n’ont pas su se gérer eux-mêmes dans une étape antérieure, pourraient subitement gérer toute une communauté sans aucune formation? Ah, politique, quand tu nous tiens dans ton étroitesse !
Biram Ndeck NDIAYE
Auteur, juriste
Par Amadou Bassirou NDIAYE
LE PREMIER MINISTRE NOUVEAU EST ARRIVÉ
Monsieur le président, il faut nous donner le choix, le bon choix, nous n’en n’avons pas
Monsieur le président, il faut nous donner le choix, le bon choix, nous n’en n’avons pas !
C’est vrai, vous avez sorti de terre Diamniadio, opéré un maillage territorial, en infrastructures économiques, routières, aéroportuaires, portuaires, hospitalières, électriques, éoliennes. Ainsi, le Sénégal a fait des bonds énormes et nous pouvons subséquemment rivaliser avec les pays émergents avec ces infrastructures de dernière génération : nous pouvons en être fiers !
Mais, à présent, il nous faut un niveau de vie qui puisse permettre leur utilisation optimale et ce n’est pas le cas pour la majorité des Sénégalais !
Monsieur le président, nous avons besoin d’un BON père, ou d’une mère, de famille, comme Premier ministre. Un Technicien qui s’appuiera sur la compétence, l’efficacité, la loyauté et l’intégrité des agents de l’Administration pour stabiliser le niveau de vie des sénégalais, pour promouvoir l’initiative économique, gommer les inégalités, renforcer la cohésion autour du Contrat social qui nous unit, par-delà nos différences, nos croyances. Un Premier ministre à qui l’on donnera des moyens financiers conséquents pour garder le cap vers un développement durable, inclusif. Un Premier ministre qui ne se préoccupera de la prochaine élection.
L’heure est à l’urgence : celle d’une offre structurée, efficiente et globale face à une demande sociale pressante et qui va crescendo avec l’arrivée de tous ces jeunes hantés par le sous-emploi, le chômage, la précarité, la tentation de l’émigration irrégulière.
C’est le lieu d’opérer une pause stratégique, différer certains investissements, certes nécessaires mais pas indispensables.
Un hôpital de dernière génération a besoin de malades aux moyens à niveau pour sa rentabilité. Certaines tours à milliards pour abriter des Administrations et des services privés ne sont pas urgentes. Des institutions qui font en permanence des études pointues et pointées dans les placards ne sont pas utiles...
Par contre, après la Covid et la guerre en Ukraine qui dure, nous avons besoin d’un accompagnement et plus de proximité, pour faire face.
Là où les prix des denrées de première nécessité sont anormalement chers et que les Sénégalais mangent difficilement à leur faim, nous en sommes à la satisfaction de nos besoins primaires. Nous voulons des biens de consommation de première nécessité abordables, des possibilités d’accès à l’emploi pour les jeunes diplômés, des formations diplomantes pour ceux qui le désirent, un accès facile à la santé et tant d’autres petites préoccupations qui font le bonheur de l’homme modeste, c’est à dire la majorité des Sénégalais.
La satisfaction de ces besoins nous permettra d’être à niveau, à l’heure du pétrole du gaz et de leurs dérivés et qui sait, pour 2024 aussi !