SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
25 novembre 2024
Développement
par l'éditorialiste de seneplus, alymana Bathily
LA PART DES JOURNALISTES DANS LOI SUR LA PROTECTION DES LANCEURS D’ALERTE
EXCLUSIF SENEPLUS - L'élaboration de la la législation au Sénégal représente un délicat exercice d'équilibre appelant à s'inspirer à la fois des bonnes pratiques étrangères et d'un modèle collaboratif entre lanceurs d'alerte et médias
Alymana Bathily de SenePlus |
Publication 17/07/2024
Le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye nous l’a annoncé dès son premier discours à la nation du 3 avril 2024 : " j’engagerai sans tarder une politique hardie de bonne gouvernance économique et financière par la lutte sans répit contre la corruption, la répression pénale de la fraude fiscale et des flux financiers illicites, la protection des lanceurs d’alertes, la lutte contre le détournement de deniers publics et le blanchiment d’argent… ".
Le chef de l’Etat revenait ensuite sur le sujet en Conseil des ministres le 17 avril 2024, demandant au ministre de la Justice de finaliser avant le 15 mai 2024 un projet de loi sur la protection des lanceurs d’alerte.
Une loi portant statut et protection des lanceurs d’alerte
Le président de la République du Sénégal est donc clairement engagé sur le sujet, il ne reste plus qu’à en assurer la mise en œuvre.
Il faut d’abord bien entendu, formuler et adopter une loi exhaustive, comprenant « une définition claire du statut de lanceur d’alerte » et de « son champ d’actions », « des canaux de signalement sécurisés et confidentiels », « des procédures claires de signalement des activités illégales et contraires à l’intérêt général » ainsi que l’indique Jimmy Kandé, directeur de la Plateforme pour la protection des lanceurs d’alerte en Afrique francophone (PPLAAF).
Il ajoute qu’il est indispensable que la loi soit précise « pour que les gens ne puissent pas faire des dénonciations à l’emporte-pièce... »
Quant à Jean-Jacques Lumumba, banquier et lanceur d'alerte congolais à l'origine des Lumumba Papers mettant en cause son ancien employeur et l'entourage de l'ancien président Joseph Kabila, « il souhaite que la loi protège "des gens comme moi qui travaillent à dénoncer des faits qui détruisent des sociétés …"
Les bonnes pratiques internationales
Le législateur sénégalais pourra s’inspirer de nombre de bonnes pratiques à travers le monde.
Il s’agit notamment de celle des Etats-Unis où la pratique du lanceur d’alerte (whistleblower) est née avec la diffusion en 1972 de documents secrets sur la guerre du Vietnam (les Pentagon Papers) par Daniel Ellsberg à travers le Washington Post et le New York Times.
La Cour suprême des Etats-Unis reconnut la prééminence de la loi sur la liberté d’information sur les accusations d’espionnage du gouvernement. On dit plus tard que la publication des Pentagon Papers aura été déterminante pour le développement du mouvement pacifiste qui contribuera à la fin de la guerre.
Elle conduisit à la reconnaissance et à l’encadrement légal de l’activité du lancement d’alerte par l’Etat pour la première fois.
En 1986, le Congrès américain adopta des dispositions spécifiques pour assurer la protection des lanceurs d’alerte en prévoyant notamment des compensations, des remboursements avec intérêts et éventuellement des paiements de dommages et intérêts pour des lanceurs d’alerte qui auraient été indument suspendus de leurs emplois ou licenciés.
En Europe, la directive (UE) 2019/1937 dite « sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union Européenne » définit son objet, délimite son champ d’application et propose des règles et procédures.
En France, la loi « Sapin 2 » de 2016 concernant « la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique » qui assurait déjà la protection des lanceurs d’alerte, a été renforcée par la Loi du 21 mars 2022 « visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte »
Le rôle des journalistes dans le lancement lanceurs d’alerte
Le lancement d’alerte comporte un biais : celui de la validité de l’information lancée.
A l’heure des médias sociaux avec la recherche effrénée du « clic » et de « l’influence », de la prolifération de la désinformation et même de la manipulation délibérée des opinions, il est indispensable de recouper et de vérifier l’information des lanceurs d’alerte. D’autant que ceux-ci sont le plus souvent non pas des journalistes mais des citoyens ordinaires.
Il est donc recommandé de s’organiser pour vérifier l’allégation ou l’information que détient le lanceur d’alerte avant de la diffuser. On pourrait pour ce faire se référer au modèle établi par Wikileaks.
Quand en 2010 le lanceur d’alerte (le soldat Chelsea Manning) a fourni à Wikileaks 250 000 documents militaires portant sur les guerres américaines contre l’Irak et contre l’Afghanistan et de centaines de milliers d’autres rapports de guerre, des télégrammes et correspondances des agences d’espionnage, c’est à 5 titres de presse écrite « mainstream » de pays différents : The New York Times (USA), The Guardian (Grande Bretagne), Der Spiegel (Allemagne), El Pais (Espagne) et Le Monde (France) que Julian Assange a livré ces documents.
Les journalistes de ces 5 quotidiens partenaires ont mis en place un consortium de 120 journalistes et ont d’abord sélectionné les documents qui leur semblaient contenir de vraies informations puis les ont « expurgé » (notamment de noms d’individus susceptibles d’être mis en danger) avant de les envoyer à Wikileaks pour publication et de les diffuser eux-mêmes.
Des 250 000 documents, ils n’auront retenu pour publication que 1 897. C’est du fait de ce traitement que ni Wikileaks ni aucun des 5 journaux n’a pu être poursuivi pour diffusion de fausses nouvelles.
C’est pour « atteinte à la sureté de l’État », « atteinte aux efforts diplomatiques et aux relations des USA à travers le monde » que le ministère de la Justice américain a cru pouvoir poursuivre et traquer Julian Assange pendant 14 ans, avant de se résoudre à abandonner ces accusations.
Le modèle de collaboration lanceur d’alerte et journalistes au Sénégal
Le modèle Wikileaks de collaboration entre lanceurs d’alerte et journalistes a fait école. Il a été ainsi mis en œuvre notamment pour les Panama Papers et pour les Swiss Leaks.
On devrait l’adopter au Sénégal. La Plateforme pour la protection des lanceurs d’alerte en Afrique francophone (PPLAAF) comme elle le propose d’ailleurs déja, serait le réceptacle initial de toutes les alertes. À charge pour elle, en association avec des journalistes d’organes divers et de fact-checking, de les vérifier et valider avant publication.
AU MALI, UNE VIDÉO DÉVOILE UN ACTE DE CANNIBALISME PRÉSUMÉ AU SEIN DE L'ARMÉE
Les images montrent un homme en uniforme militaire malien éventrer un cadavre et annoncer son intention de dévorer le foie de la victime, sous les rires graveleux de ses compagnons d'armes. L'état-major annonce une enquête
(SenePlus) - Une vidéo particulièrement choquante a fait surface mardi 16 juillet 2024, sur les réseaux sociaux au Mali, suscitant l'indignation et des interrogations sur les pratiques des forces armées maliennes. Selon les informations de Radio France Internationale (RFI), cette vidéo montre un homme en uniforme militaire malien éventrer un cadavre avec une machette, annonçant son intention de manger le foie de la victime.
Dans ces images insoutenables, décrites par RFI, l'homme en treillis, arborant l'insigne des Forces armées maliennes (FAMA), est entouré d'autres soldats qui semblent approuver son geste macabre. Certains rient même, réclamant leur part du "petit-déjeuner" ignoble, allant jusqu'à demander le cœur de la victime.
Bien que le lieu et la date exacts de l'enregistrement restent incertains, RFI cite des sources sécuritaires, communautaires et des organisations de défense des droits humains qui situent l'incident soit à Sokolo, dans le cercle de Niono, en juin 2022, soit à Mourdiah, près de la frontière mauritanienne, en mai dernier. D'autres sources évoquent le secteur de Léré au cours des dernières semaines.
RFI rapporte que pendant ces périodes, les FAMA avaient repoussé des attaques du Groupe de soutien à l'Islam et aux musulmans (JNIM), lié à Al-Qaïda, et exhibé des corps éventrés et émasculés de jihadistes tués au combat.
Ces images d'actes cannibales présumés sont sans précédent concernant l'armée malienne. L'état-major général des armées a publié un communiqué ce soir, se démarquant de cette vidéo et assurant que "ces pratiques sont contraires à l'éthique, aux valeurs, us et coutumes de notre armée".
L'Etat-Major Général des Armées informe l'opinion nationale qu'une vidéo d'une rare atrocité assimilable à du cannibalisme circule sur les réseaux sociaux depuis ce matin Mardi 16 Juillet 2024. pic.twitter.com/EroFlPSES6
Cependant, cet incident n'est pas le premier du genre au Mali. En 2019, une vidéo montrant des chasseurs traditionnels dozos découpant le foie d'un cadavre pour l'offrir à leur chef avait déjà choqué les Maliens. Les dozos, connus pour leurs amulettes et leurs prétendus pouvoirs magiques, servent régulièrement de supplétifs à l'armée régulière dans les opérations menées dans le centre du pays.
Selon une source sécuritaire malienne citée par RFI, "plusieurs cas similaires ont été signalés récemment à la hiérarchie". Cette source met ces atrocités sur le compte de la dureté du terrain et de ses conséquences sur le psychisme des soldats.
VIDEO
CE QUE LES IMAGES DE L'ATTENTAT MANQUÉ CONTRE DONALD TRUMP MONTRENT
Des spectateurs ont filmé un individu rampant sur un toit à proximité du meeting, puis des coups de feu ont retenu un peu après. Le New York Times a lui capturé une image de la trajectoire d'une balle tirée, filant derrière la tête de l'ancien président
L'ancien président américain Donald Trump s'est échappé, samedi 13 juillet peu après 18 heures, heure locale (minuit, heure de Paris), à une tentative d'assassinat lors d'une réunion en plein air organisée à Butler, en Pennsylvanie. Alors que de nombreux médias et des milliers de partisans républicains étaient présents sur place, plusieurs caméras et appareils photo ont capté les images de cet événement.
Une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux montre un individu grimper sur un toit à une centaine de mètres de Donald Trump, moins de cinq minutes après le début de son discours. L'individu est de nouveau filmé quelques minutes plus tard, alors qu'il vient d'être abattu par des agents de sécurité.
Un photographe du New York Times a lui capturé une image de la trajectoire d'une balle tirée, filant derrière la tête de Donald Trump.
VIDEO
GUYS MARIUS SAGNA SECOUE LA CEDEAO
Sans détour, le député sénégalais décrit une organisation déconnectée des réalités, incapable de répondre aux défis de la région. Économie en berne, jeunesse sacrifiée, sécurité compromise : il brosse un tableau sans complaisance
Dans une intervention poignante devant le Parlement de la CEDEAO, le député sénégalais Guy Marius Sagna a dressé un tableau sombre de l'organisation régionale, pointant du doigt ses dysfonctionnements majeurs et appelant à une refonte urgente.
Sagna a d'abord souligné l'incapacité de la CEDEAO à résoudre les problèmes cruciaux qui appartiennent à tous ses États membres : santé défaillante, insécurité alimentaire, éducation inadéquate et sécurités menaces persistantes.
Le député a ensuite relevé le manque d'attractivité croissant de l'organisation, illustré par la faible participation des parlementaires à ses sessions. Plus alarmant encore, il a évoqué le retrait récent de trois pays membres, un échec cuisant à l'approche du 50e anniversaire de la CEDEAO.
Sagna n'a pas mâché ses mots concernant les politiques économiques de l'organisation, accusant les accords de partenariat avec l'UE de sacrifier les économies locales et de pousser la jeunesse ouest-africaine à l'émigration périlleuse.
Enfin, le parlementaire a lancé un appel vibrant à la refondation de la CEDEAO, exhortant à une transformation profonde pour en faire une véritable organisation des peuples, et non plus un simple club de chefs d'État.
VIDEO
L'ACHOURA, UNE CÉLÉBRATION AU MILLE VISAGES
La Tamkharite se révèle être un miroir fascinant de la diversité de l'Islam. Elle rappelle que la foi, loin d'être monolithique, s'exprime à travers une myriade de traditions, alliant le sacré et le profane dans une danse éternelle
(SenePlus) - Dans le tourbillon du calendrier musulman, le 10e jour de Muharam se dresse comme un phare spirituel, illuminant les cœurs et les foyers du monde islamique. L'Achoura, cette fête aux multiples facettes, dévoile un kaléidoscope de traditions qui transcendent les frontières et les cultures.
Au Sénégal, l'arôme envoûtant du couscous s'élève des maisons, annonçant des festins dignes des Mille et Une Nuits. Les tables ploient sous le poids de mets variés, du napé de sauce tomate au couscous noyé dans des flots de lait, sans oublier les douceurs parsemées de figues et de raisins secs. Mais gare à la gourmandise excessive ! Ces agapes généreuses peuvent parfois se terminer par une visite impromptue aux urgences.
Pourtant, derrière ces réjouissances culinaires se cache une profonde signification spirituelle. L'Achoura est avant tout un temps de recueillement et de dévotion. Les fidèles s'adonnent à la récitation de la sourate al-iklas, cherchant la miséricorde divine. La générosité envers les orphelins et la famille est encouragée, promettant des bénédictions pour l'année à venir.
Pour la communauté chiite, l'Achoura revêt une dimension plus sombre. Elle commémore le martyre de l'imam Hussein, petit-fils du Prophète, lors de la bataille de Kerbala. Les rues résonnent alors de lamentations et de gestes d'autoflagellation, témoignant d'une ferveur religieuse intense.
Les sunnites, quant à eux, observent généralement un jeûne recommandé, voyant dans cette pratique une forme d'expiation et de purification spirituelle.
Mais l'Achoura ne serait pas complète sans son versant profane. Dans certaines régions, la solennité religieuse cède la place à des célébrations hautes en couleur. Les rues s'animent de déguisements extravagants et de manifestations folkloriques bruyantes, créant un contraste saisissant avec la dimension sacrée de l'événement.
Ainsi, l'Achoura se révèle être un miroir fascinant de la diversité de l'Islam. Elle nous rappelle que la foi, loin d'être monolithique, s'exprime à travers une myriade de traditions, alliant le sacré et le profane dans une danse éternelle. Qu'elle soit vécue dans le recueillement ou l'exubérance, l'Achoura demeure un moment privilégié de communion et de réflexion pour des millions de musulmans à travers le monde.
PATRICK CHAMOISEAU, INSURGÉ DES LANGUES
Héritier de la "créolité", il appelle à faire voler en éclats les carcans linguistiques hérités du colonialisme. Une quête fertile d'un "imaginaire multi-trans-linguistique" pour briser les hiérarchies sclérosantes
(SenePlus) - Écrivain majeur des Antilles, Patrick Chamoiseau ne cesse d'interroger le rapport aux langues à travers son œuvre couronnée par le prix Goncourt en 1992 pour Texaco. Héritier d'Aimé Césaire et d'Édouard Glissant, il a contribué à forger le concept de "créolité", plaçant la langue créole au cœur d'un projet d'émancipation face à la domination du français.
Dans une interview parue sur le site de l'Unesco, l'auteur martiniquais revient sur son expérience fondatrice du "mutisme" scolaire, brutal heurt avec la norme linguistique imposée. "Le créole habitait mon esprit, structurait mon imaginaire. Me l'interdire revenait à me lobotomiser", confie-t-il, évoquant la violence de cette coupure d'avec sa langue maternelle.
"Pour justifier leur exploitation, les colonisateurs avaient développé un Grand Récit justificateur dans lequel ils avaient sacralisé leurs langues comme seuls moyens d'accès à la civilisation", décrypte le romancier. Une hiérarchisation cautionnée par les colonisés eux-mêmes dans un "contre-discours" visant à réhabiliter leur idiome.
Faire émerger une "parole vraie" dans ce contexto diglossique représentait un défi de taille. "Ce que j'ai appris, c'est qu'il ne faut pas hiérarchiser les langues, mais tendre vers un imaginaire multi-trans-linguistique, riche de toutes les langues du monde", plaide Chamoiseau.
Lui qui écrit "en présence de toutes les langues", à l'instar d'Édouard Glissant, prône la maîtrise d'un "langage" transgressant les carcans académiques. "Le langage brise l'orgueil des langues, leur sacralisation, pour les ouvrir à leurs insuffisances, leurs indicibles, et les forcer à désirer la présence d'autres langues."
Dépassant la simple réconciliation de l'oral et de l'écrit, l'auteur de Texaco appelle à un nouvel "imaginaire post-occidental" intégrant jusqu'aux langues du vivant - "des végétaux, insectes, animaux". Une quête de "Relation" brisant les séparations héritées de la pensée coloniale.
"À l'aube de tout geste créateur, il faut une catastrophe symbolique, une déroute de ce qui régente notre esprit", martèle Chamoiseau. La "nuit" du conteur créole désserrant l'étau pour laisser fleurir les possibles refoulés.
Si Frankétienne et Glissant ont ouvert la voie, le défi pour la nouvelle génération sera d'incarner cette "poétique du désir-imaginant de toutes les langues". Une ambition universelle, pardessus les "marqueurs identitaires", pour donner corps à la "Diversalité" chère à Chamoiseau.
Dans cette perspective, son dernier roman Le Vent du Nord explore la forme d'un "organisme narratif" décloisonnant les genres, par-delà la tyrannie du "récit" rassurant mais étriqué. Un pas de plus vers l'insurrection d'imaginaires émancipés, à l'opposé des "Grands Récits totalitaires" enserrant le réel dans leurs carcans.
L’IMPOSSIBLE MISSION DE BATHILY
Son réseau et sa connaissance fine des dossiers sahéliens en feront un atout précieux. Cependant, convaincre les pays de l'AES ne sera pas une mince affaire au vu de leur détermination et du contexte géopolitique régional en pleine évolution
Abdoulaye Bathily est le nouvel Envoyé spécial du président Bassirou Diomaye Faye pour les questions internationales. C’est le chef de l’Etat sénégalais qui en a fait la révélation après avoir été interpellé sur sa mission de médiateur de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) auprès des Etats de l’Alliance du Sahel (AES). C’était lors de son entretien du 13 juillet 2024 avec la presse locale à Dakar.
« J’ai pu convaincre le professeur Abdoulaye Bathily (de devenir) mon Envoyé spécial. Pas seulement sur cette mission de médiation dans laquelle la Cedeao m’a impliqué mais aussi sur d’autres missions pour lesquelles j’aurai besoin de son expérience, de sa respectabilité et de sa stature », a expliqué le président Faye.
Dans son dernier ouvrage, « Passion de liberté », qui constitue en somme ses mémoires, Abdoulaye Bathily se définit en « médiateur volontaire au service de l’Afrique » car il considère que c’est son devoir de « travailler à l’amélioration des rapports du Sénégal avec ses voisins ». Ici, il ne s’agira pas de cela car l’objet de la médiation à laquelle l’invite le président Faye semble plus compliquée qu’un sujet bilatéral.
Le 6 juillet dernier, le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont lancé à Niamey la Confédération de l’Alliance des Etats du Sahel après avoir annoncé auparavant leur départ du bloc ouest-africain. Ils protestent contre les influences extra-communautaire qui, selon eux, détournent l’institution de ses responsabilités fondamentales de protection envers ses membres et, donc, de ses objectifs. Des critiques balayées le lendemain par la Cedeao au cours d’un sommet tenu à Abuja et au terme duquel le Sénégalais Bassirou Diomaye Faye et le Togolais Faure Gnassingbè ont été désignés co-médiateurs pour tenter de rapatrier les pays de l’AES dans le giron ouest-africain.
Expérience et réseaux
Abdoulaye Bathily est un bon connaisseur des crises politiques d’Afrique subsaharienne, en particulier ouest-africaine. Son statut de professeur d’histoire émérite, sa maitrise des rouages fonctionnels des organisations continentales comme l’Union africaine et ses fonctions récentes de Représentant spécial du secrétaire général des Nations unies dans plusieurs dossiers en font un homme d’expérience et de réseaux. Mais cela suffira-t-il pour tirer remettre les pays de l’AES dans le train de la Cedeao ?
La mission de l’ancien ministre sénégalais de l’Environnement est particulièrement périlleuse si l’on tient compte de la détermination sans faille que le Mali, le Burkina Faso et le Niger affichent, partout et en toutes circonstances, dans leur volonté de mettre en oeuvre la Confédération des Etats de l’AES. Abdoulaye Diop, le chef de la diplomatie malienne, a déclaré à plusieurs reprises que la direction prise par les trois pays est « irréversible », demandant au passage de « cesser de regarder dans le rétroviseur ». Sous cet angle, la question de la marge de manœuvre dont pourrait disposer Abdoulaye Bathily est incontournable.
« Il connait bien les questions militaires et sécuritaires propres au Sahel, souligne Alioune Tine, président du think-tank Afrikajom Center. A cet égard, il peut rendre plus intelligibles pour Faye et Gnassingbè le contexte et les faits qui ont poussé les Etats de l’AES à cette rupture avec la Cedeao. A mon avis, il ne pourra pas faire plus que cela ».
Jusqu’en avril 2024, Abdoulaye Bathily était l’Envoyé spécial pour la Libye et chef de la Mission d’appui des Nations unies. Avant de démissionner, il aura dénoncé à maintes reprises l’égoïsme et la mauvaise foi des chefs de factions libyennes qui se disputent le pouvoir dans ce pays saucissonné en provinces autonomes et ravagé par des rivalités politico-tribalistes depuis les bombardements de l’OTAN et l’assassinat du colonel Mouammar Khadafi en 2011.
C’est sur les décombres libyens qu’est née la crise sécuritaire et politique au Mali avant sa propagation au Niger et au Burkina Faso. Autant de contextes dans lesquels La France a été accusée de duplicité par sa propension à soutenir des « régimes corrompus » dans ces trois pays tout en faisant émerger des forces terroristes au service de son agenda géopolitique dans le Sahel. Le coup d’Etat militaire contre Ibrahim Boubacar Keïta est le point de départ de ses déboires dans la région ouest-africaine.
Limites d’une médiation
Dans cet imbroglio, le diplomate Abdoulaye Bathily, sera sans doute reçu par les autorités maliennes, nigériennes et burkinabè. Il décrochera certainement des audiences avec Assimi Goïta à Bamako, Abdourahamane Tiani à Niamey et Ibrahim Traoré à Ouagadougou. Sa stature de militant des causes progressistes en Afrique lui en donnerait droit en conformité avec les orientations panafricanismes des régimes de l’AES. Mais à quoi cela servirait-il au regard de la « radicalité » et de la trajectoire « irréversible » qui encadrent le projet de mise en oeuvre de la Confédération de l’AES ?
« Il existe encore des canaux de discussion entre la Cedeao et l’AES, comme l’a dit Abdoulaye Diop. Cependant, il faut prendre en compte un facteur extrêmement important : l’AES tend à devenir un ensemble protégé par la Russie », souligne Alioune Tine. Un constat qui le projette déjà dans le futur.
« Le Cedeao a besoin d’être réformée en profondeur. Et si elle a le courage d’aller dans cette direction, il serait possible de faire émerger un nouveau cadre institutionnel dans lequel les pays de l’Alliance des Etats du Sahel pourraient se retrouver ».
Selon Tine, il faut connecter la question de l’AES au contexte plus large de la crise géopolitique interminable entre l’Occident et la Russie. « C’est un transfert de conflit dans le Sahel comme aire d’influences diverses dans laquelle la France et ses alliés perdent du terrain au profit de Moscou ».
Après avoir bourlingué aux quatre coins de l’Afrique en missi dominici au service des résolutions de conflit, Abdoulaye Bathily revient au bercail de ses origines sahéliennes. Dans son ouvrage précité, il estime que les dictatures et les coups d’Etat militaire font naturellement reculer la démocratie et l’exercice des libertés civiles et politiques. Mais il arrive, comme dans le cas du Nigeria selon lui, que les distorsions de l’ordre constitutionnel favorisent l’émergence de « personnalités progressistes » utiles à l’émancipation des peuples africains. Goïta, Tiani et Traoré ?
DÉCOUVERTE DE GAZ OFFSHORE, UN OBSTACLE À LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE DU PAYS
"Le soutien de la Banque mondiale au Sénégal pour une transition complète, rentable et propre vers des énergies entièrement renouvelables, est plus important que jamais", indique un rapport.
Les importantes découvertes de réserves de gaz offshore au Sénégal représentent ‘’un obstacle à sa stratégie de transition énergétique’’, indique un rapport présentant les résultats de deux études menées au Bangladesh et au Sénégal.
‘’Le Sénégal a pris déjà des mesures importantes pour abandonner rapidement le fioul lourd (HFO), mais ses réserves de gaz offshore récemment découvertes constituent un obstacle à sa transition énergétique’’, relève-t-il.
Le document est intitulé ‘’Fin de partie pour les gaz fossiles : comment aligner le financement de la Banque mondiale à l’appui des politiques de développement avec les principes de l’Accord de Paris ?’’. Il a été publié en juin 2024, par Recourse, Action Solidaire International (Sénégal), Don’t Gas Africa et Big Shift Global, en juin 2024, après des études réalisées au Bangladesh et au Sénégal.
Il estime que dans le contexte actuel, ‘’le soutien de la Banque mondiale au Sénégal pour une transition complète, rentable et propre vers des énergies entièrement renouvelables, est plus important que jamais’’.
Le Sénégal a fait d’importantes découvertes de réserves de gaz offshore depuis 2015 dont le champ gazier Grand Tortue Ahmeyim, situé dans les eaux profondes du bassin Mauritanie-Sénégal Gambie-Bissau-Conakry (MSGBC).
Ce champ contient des réserves substantielles, pouvant dépasser les 430 milliards de mètres cubes de gaz récupérable, soit 15 trillions de pieds cubes.
En dépit de ces importantes découvertes, déplore le rapport, ‘’il n’y a pas de place au Sénégal pour un secteur gazier offshore générateur de dommages environnementaux et de dettes en raison des coûts initiaux et des dommages continus engendrés par cette énergie fossile’’.
‘’La Banque mondiale devrait plutôt aider le pays dans sa politique de transition énergétique à adopter une approche holistique qui englobe les investissements dans les infrastructures d’énergies renouvelables, les mesures en faveur de l’efficacité énergétique et de l’engagement des parties prenantes, à travers son financement à l’appui des politiques de développement (DPF)’’, recommande-t-il.
Transition énergétique
Le document relève par ailleurs que le Sénégal s’est lancé dans une ambitieuse stratégie de transition énergétique visant à renforcer sa résilience et sa durabilité, tout en répondant à la demande croissante d’énergie.
Il indique qu’au cœur de cette démarche se trouve ‘’le Programme national d’électrification (PNER), qui définit des stratégies visant à diversifier le bouquet énergétique, à améliorer l’accès à l’énergie et à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES)’’.
Le Sénégal, en exploitant ses abondantes ressources renouvelables, notamment le solaire, l’éolien et la biomasse, vise à réduire ‘’sa dépendance aux combustibles fossiles, à renforcer la sécurité énergétique et à stimuler la croissance économique grâce au développement d’un robuste secteur des énergies renouvelables’’, explique le document.
Le financement à l’appui des politiques de développement (DPF) est un instrument de financement de la Banque mondiale dans lequel les pays emprunteurs acceptent de remplir des conditions spécifiques en échange de l’octroi de prêts, de subventions ou de garanties d’aide budgétaire.
Ces conditionnalités représentent une dimension influente de l’approche de la Banque en matière de réforme du secteur énergétique et font d’elle un acteur majeur dans la transition des pays, des énergies fossiles vers des sources d’énergies renouvelables et décartonnées, comme par exemple l’énergie éolienne, solaire et hydroélectrique durable.
Cette transition énergétique est essentielle pour atteindre les objectifs climatiques à long terme et réduire les émissions de gaz à effet de serre.
CHANGEMENT CLIMATIQUE, LE SÉNÉGAL PERDRAIT JUSQU’À 8 % DE SON PIB D’ICI 2030
Pour Leila Adamou Arouna, ”il apparaît fondamental de promouvoir des actions de réponses cohérentes et durables basées sur une approche globale visant à renforcer la résilience et l’adaptation des communautés”.
Dakar, 15 juil (APS) – Le Sénégal risque de “perdre jusqu’à 8 % de son PIB d’ici 2030 en raison des changements climatiques”, a indiqué, lundi, à Dakar, Leila Adamou Arouna, chargée du volet pastoralisme durable à la Commission climat pour la région du Sahel (CCRS), sur la base d’une étude de la Banque mondiale (BM).
“Le Sénégal, pays sahélien par excellence, figure parmi les plus vulnérables aux effets des changements climatiques, car son économie dépend fortement de l’agriculture et de l’élevage, qui restent fortement sensibles aux facteurs climatiques”, a-t-elle relevé.
Le Sénégal “pourrait perdre jusqu’à 8% de son PIB d’ici 2030, en raison des effets des changements climatiques, ce qui toucherait en priorité les revenus des personnes vulnérables”, a-t-elle dit, citant la Banque mondiale.
Leila Adamou Arouna intervenait lors d’un atelier de validation des besoins en renforcement de capacités dans le domaine de l’adaptation aux changements climatiques et du projet de feuille de route du groupe de travail national (GTN).
Organisé par la Direction du changement climatique, de la transition écologique et des financements verts (DCCTEFV) du ministère de l’Environnement et de la Transition écologique, cet atelier s’inscrit dans le cadre du projet de mise en œuvre des priorités régionales et nationales d’adaptation en Afrique centrale et de l’Ouest (PACO).
La Commission climat pour la région du Sahel (CCRS), en partenariat avec le ministère de l’Environnement de la République Fédérale d’Allemagne, appuie, dans le cadre de ce projet, les pays du Sahel dans la mise en œuvre de leurs plans nationaux d’adaptation et de leurs contributions déterminées nationales (CDN).
Les CDN désignent les plans d’action climatique que chaque partie de l’Accord de Paris sur le climat est tenue d’élaborer et de lettre à jour, en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de s’adapter aux effets des changements climatiques.
L’experte rappelle qu’une étude réalisée en avril 2022 par l’Organisation internationale du travail (OIT) avait, entre autres, mis en exergue ”l’impact sur les systèmes biophysiques du Sénégal, la baisse des précipitations et l’augmentation des évapotranspirations”.
”Ces facteurs, dit-elle, ont des conséquences notables sur la baisse de plus de 50% du débit des fleuves Sénégal et Gambie, sur la remontée des eaux marines des cours d’eau de la Casamance et du Sine-Saloum, sur la baisse générale du niveau des nappes, l’assèchement des rivières continentales, ou encore la salinisation des eaux douces et des terres.”
Pour Leila Adamou Arouna, ”il apparaît fondamental de promouvoir des actions de réponses cohérentes et durables basées sur une approche globale visant à renforcer la résilience et l’adaptation des communautés”.
”La coopération régionale est ainsi indispensable pour soutenir les pays les plus vulnérables, notamment ceux de la région du Sahel dans les efforts d’adaptation aux effets des changements climatiques ”, a-t-elle préconisé.
Le colonel Pape Assane Ndour, ingénieur des eaux et forêts et conseiller technique du ministre de l’Environnement et de la Transition écologique du Sénégal, souligne que ”les changements climatiques constituent un défi commun que les États doivent combattre dans la solidarité”.
Il a indiqué que ”jusqu’à 13,5 millions de personnes supplémentaires pourraient basculer dans la pauvreté dans la sous-région, d’ici 2050, du fait des chocs liés aux changements climatiques si des mesures d’adaptation ne sont pas mises en place”.
L'ÉDITORIAL DE RENÉ LAKE
DÉCOLONISER LA JUSTICE
EXCLUSIF SENEPLUS - Dans un État démocratique et de droit, la séparation des pouvoirs entre l'exécutif, le législatif et le judiciaire est fondamentale pour assurer le bon fonctionnement et l'indépendance de chaque institution
Aller chercher le savoir jusqu’en…Chine ! Cette recommandation de bon sens est une invite à aller au-delà des frontières de la vieille métropole coloniale pour chercher les meilleures pratiques (best practices), surtout quand, dans un domaine particulier, celle de l’ex-colonisateur n’est pas le meilleur exemple pour la bonne gouvernance à laquelle les Sénégalaises et les Sénégalais aspirent. S’il y a bien un domaine où la France n’est pas une référence à l’échelle mondiale, c’est bien celui de la Justice dans son rapport avec l’Exécutif.
Dans un État démocratique et de droit, la séparation des pouvoirs entre l'exécutif, le législatif et le judiciaire est fondamentale pour assurer le bon fonctionnement et l'indépendance de chaque institution. Au lendemain de la remise au président Diomaye Faye du rapport général des Assises de la justice qui se sont tenues du 15 au 17 juin 2024, ce texte a l’ambition de mettre en lumière l'importance de cette séparation et pourquoi il est critiqué que le président de la République soit également le président du Conseil Supérieur de la Magistrature.
Prévention de l'abus de pouvoir. La séparation des pouvoirs empêche la concentration excessive de pouvoir entre les mains d'une seule personne ou d'un seul organe. Chaque branche agit comme un contrepoids aux autres, ce qui limite les abus potentiels et favorise la responsabilité.
Indépendance judiciaire. En particulier, l'indépendance du pouvoir judiciaire est essentielle pour garantir des décisions impartiales et justes. Les juges doivent être libres de toute influence politique ou pression externe afin de pouvoir appliquer la loi de manière équitable. En de bien nombreuses occasions, tout le contraire de ce que l’on a connu depuis plus de 60 ans au Sénégal et qui a culminé pendant les années Macky Sall avec une instrumentalisation politique outrancière de la justice.
Fonctionnement efficace du législatif. Le pouvoir législatif doit être libre de proposer, examiner et adopter des lois sans interférence de l'exécutif ou du judiciaire. Cela assure la représentation démocratique des intérêts de la population et la formulation de politiques publiques diverses et équilibrées.
Le président de la République et le Conseil Supérieur de la Magistrature -
Le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) est souvent chargé de la nomination, de la promotion et de la discipline des magistrats. Dans de nombreux pays démocratiques, il est critiqué que le président de la République soit également le président de cet organe pour plusieurs raisons notamment celle du conflit d’intérêt potentiel et de la menace pour la séparation des pouvoirs.
En occupant simultanément ces deux fonctions, le président peut influencer directement les décisions judiciaires et les nominations de magistrats, compromettant ainsi l'indépendance judiciaire. Cette perversion n’a été que trop la réalité de la justice sénégalaise depuis les années 60 avec une accélération sur les deux dernières décennies avec les régimes libéraux arrivés au pouvoir après une alternance politique.
Cette situation a fortement affaibli la séparation des pouvoirs au Sénégal en concentrant trop de pouvoir entre les mains de l'exécutif, ce qui a régulièrement mené à des décisions politiquement motivées plutôt qu'à des décisions basées sur le droit.
La crainte d’une République des juges -
Les acteurs sociaux favorables à la présence du chef de l’État dans le CSM invoquent régulièrement la crainte d’une "République des Juges". Cette idée d'une "République des juges" où le pouvoir judiciaire dominerait les autres branches gouvernementales, n'est pas pertinente dans un système démocratique où il existe de multiples recours et des contrepoids aux potentiels abus des juges. Cette idée relève plus du fantasme jacobin que d’un risque réel dans une démocratie bien structurée, où il existe plusieurs niveaux de recours judiciaires permettant de contester les décisions des juges. Ces recours assurent que les décisions judiciaires peuvent être réexaminées et corrigées si nécessaire.
Par ailleurs, le pouvoir législatif a le rôle crucial de créer des lois et de superviser l'exécutif. En dernier ressort, le législatif peut modifier des lois pour contrer toute interprétation judiciaire excessive ou inappropriée, assurant ainsi un équilibre des pouvoirs.
Enfin, l'indépendance judiciaire signifie que les juges sont libres de rendre des décisions impartiales, mais cela ne signifie pas qu'ils sont au-dessus des lois ou qu'ils ne sont pas responsables. Les juges doivent toujours interpréter et appliquer les lois dans le cadre des normes constitutionnelles établies par le législatif.
La crainte d’une République des juges est un chiffon rouge agité en France depuis longtemps pour justifier un système judiciaire bien plus attaché à l’Exécutif que dans les autres démocraties occidentales.
Historiquement, le président de la République française a été le président du Conseil Supérieur de la Magistrature. Cette pratique a été critiquée pour son impact potentiel sur l'indépendance judiciaire. Actuellement, la réforme de 2016 a réduit le rôle direct du président dans le CSM, mais des questions persistent sur l'indépendance réelle.
De son côté, le système américain illustre une stricte séparation des pouvoirs, où le président n'a qu’un rôle indirect dans la nomination des juges fédéraux. Dans ce processus le président est chargé uniquement de nommer et seul le Sénat américain détient le pouvoir de rejet ou de confirmation. Cela vise à maintenir une certaine distance entre l'exécutif et le judiciaire.
L'Allemagne pour sa part maintient également une séparation rigoureuse des pouvoirs avec des organes distincts pour l'exécutif, le législatif et le judiciaire, évitant ainsi toute concentration excessive de pouvoir et préservant l'indépendance du pouvoir judiciaire.
Le modèle progressiste sud-africain -
L'Afrique du Sud offre un cas fascinant de respect de la séparation des pouvoirs, essentielle pour la stabilité démocratique et la protection des droits constitutionnels depuis la fin de l'apartheid. Suit une exploration de la manière dont la séparation des pouvoirs est respectée dans le système judiciaire sud-africain.
La Constitution sud-africaine, adoptée en 1996 après la fin de l'apartheid, établit clairement les pouvoirs et les fonctions de chaque institution de l’État : l'exécutif, le législatif et le judiciaire. Elle garantit également les droits fondamentaux des citoyens et définit les principes de gouvernance démocratique.
La Constitution insiste sur l'indépendance du pouvoir judiciaire, affirmant que les tribunaux sont soumis uniquement à la Constitution et à la loi, et ne doivent pas être influencés par des intérêts politiques ou autres pressions externes. Les juges sont nommés de manière indépendante, et leurs décisions ne peuvent être annulées que par des procédures juridiques appropriées, garantissant ainsi leur autonomie dans l'interprétation et l'application de la loi.
La Cour constitutionnelle est la plus haute autorité judiciaire en matière constitutionnelle en Afrique du Sud. Elle est chargée de vérifier la constitutionnalité des lois et des actions du gouvernement, de protéger les droits fondamentaux des citoyens, et de maintenir l'équilibre entre les pouvoirs. La Cour constitutionnelle a le pouvoir de rendre des décisions contraignantes pour toutes les autres cours, garantissant ainsi l'uniformité et la primauté du droit constitutionnel.
En plus de la Cour constitutionnelle, l'Afrique du Sud dispose d'un système judiciaire complet avec des tribunaux inférieurs qui traitent des affaires civiles, pénales et administratives à différents niveaux. Chaque niveau de tribunal joue un rôle spécifique dans l'administration de la justice selon les lois applicables.
La Cour constitutionnelle a souvent été appelée à vérifier la constitutionnalité des lois adoptées par le Parlement sud-africain. Cela démontre son rôle crucial dans le maintien de la séparation des pouvoirs en s'assurant que les lois respectent les normes constitutionnelles et les droits fondamentaux.
Les juges en Afrique du Sud sont nommés sur la base de leur compétence professionnelle et ne sont pas soumis à des influences politiques directes. Cela garantit que leurs décisions sont prises en fonction du droit et non de considérations partisanes ou externes.
La séparation des pouvoirs renforce la protection des droits fondamentaux des citoyens en permettant au pouvoir judiciaire d'agir comme un contrepoids aux actions potentiellement inconstitutionnelles ou injustes du gouvernement ou du législateur.
En respectant la séparation des pouvoirs, l'Afrique du Sud renforce la confiance du public dans le système judiciaire, crucial pour la stabilité politique, économique et sociale du pays.
Se référer aux bonnes pratiques –
La Fondation Ford a joué un rôle significatif et historique dans le processus d'élaboration de la Constitution sud-africaine de 1996. Franklin Thomas, président de cette institution philanthropique américaine de 1979 à 1996, a été un acteur clé dans ce processus. Avant les négociations constitutionnelles officielles qui ont conduit à la Constitution de 1996, l’institution philanthropique américaine a soutenu financièrement des recherches approfondies et des débats critiques sur les principes et les modèles constitutionnels. Cela a permis de jeter les bases d'une réflexion constructive et informée parmi les diverses parties prenantes en Afrique du Sud.
Des rencontres et des dialogues ont été facilités entre les leaders politiques, les juristes, les universitaires, ainsi que les représentants de la société civile et des communautés marginalisées. Ces forums ont joué un rôle crucial en encourageant la participation démocratique et en favorisant la compréhension mutuelle nécessaire à la construction d'un consensus constitutionnel.
Par ailleurs, plusieurs organisations de la société civile en Afrique du Sud ont joué un rôle actif dans les négociations constitutionnelles. Cela comprenait des groupes de défense des droits humains, des organisations communautaires et des instituts de recherche juridique.
En encourageant des initiatives visant à promouvoir la justice sociale, l'équité raciale et les droits fondamentaux, ces efforts ont contribué à ancrer ces valeurs dans le processus constitutionnel sud-africain. Cela a été essentiel pour contrer les héritages de l'apartheid et pour établir un cadre constitutionnel solide basé sur les principes de l'État de droit et de la démocratie.
Le rôle de ces initiatives dans l'élaboration de la Constitution sud-africaine a laissé un héritage durable de liberté et de justice en Afrique du Sud. La Constitution de 1996 est largement reconnue comme l'une des plus progressistes au monde, protégeant une vaste gamme de droits et établissant des mécanismes forts pour la protection de la démocratie et de l'État de droit.
L'expérience sud-africaine a souvent été citée comme un modèle pour d'autres pays en transition ou confrontés à des défis de consolidation démocratique ou de rupture systémique. Elle démontre l'importance du partenariat entre les acteurs nationaux dans la promotion de la bonne gouvernance et des droits humains.
Nécessité d'une transformation systémique au Sénégal –
Avec l'arrivée au pouvoir du mouvement Pastef, il est crucial pour l’administration Faye-Sonko de ne pas tomber dans le piège des petites réformes qui maintiennent intact le système ancien mais d'envisager une réforme judiciaire qui s'inspire des meilleures pratiques internationales, telles que celles observées en Afrique du Sud.
Décoloniser et émanciper la justice au Sénégal implique de repenser et de réformer le système judiciaire de manière à renforcer l'indépendance, la transparence et l'efficacité. S'inspirer des meilleures pratiques internationales tout en adaptant ces modèles au contexte spécifique du Sénégal est essentiel pour promouvoir une gouvernance démocratique solide et durable, répondant aux aspirations des citoyens pour une justice juste et équitable. L’instrumentation politique de la Justice doit devenir une affaire du passé au Sénégal.
Réformer la Justice pour assurer la Rupture au Sénégal ne peut se concevoir que dans un cadre plus général de refondation des institutions. L’éditorial SenePlus publié sous le titre “Pour une théorie du changement“ développe cet aspect de manière explicite. L’ambition pastéfienne de sortir le Sénégal du système néocolonial est partagée par l’écrasante majorité des Sénégalais et des jeunesses africaines. Cette ambition doit cependant être exprimée dans la présentation d’un cadre général clair, discuté et élaboré avec les citoyens. Le processus doit être réfléchi, inclusif et sérieux. Cela aussi, c’est la Rupture exigée par les Sénégalaises et les Sénégalais le 24 mars 2024.