Emmanuel Macron a vivement dénoncé lundi 13 janvier les discours «indignes» alimentant les critiques antifrançaises au Sahel, qui servent selon lui des «puissances étrangères» ayant «un agenda de mercenaire». «Les discours que j'ai pu entendre ces dernières semaines sont indignes (...) parce qu'ils servent d'autres intérêts, soit ceux des groupements terroristes (...), soit ceux d'autres puissances étrangères qui veulent simplement voir les Européens plus loin, parce qu'elles ont leur propre agenda, un agenda de mercenaires», a dénoncé le président de la République, en affirmant que «l'armée française» était au Sahel «pour la sécurité et la stabilité», pas pour «d'autres intérêts».
«J'entends beaucoup de gens qui disent tout et n'importe quoi. Demandez-vous par qui ils sont payés, demandez-vous quels intérêts ils servent. Moi j'ai mon idée», a répondu Emmanuel Macron à un journaliste malien qui rapportait les doutes d'une partie de la population de son pays sur les raisons de l'engagement des militaires français et leur détermination à combattre les djihadistes.
«Que ces gens-là disent qui se fait tuer pour leurs enfants !», s'est exclamé Emmanuel Macron, alors que 41 militaires français ont été tués au Sahel depuis 2013. «Moi je sais qui est tombé pour la sécurité des Maliennes et des Maliens, des Nigériens et des Burkinabè : des soldats français», a-t-il martelé. Ce dernier a remercié les dirigeants sahéliens d'avoir «combattu avec beaucoup de fermeté» ces «discours indignes». Mais les cinq chefs d'État africains, dont plusieurs ont salué l'engagement de la France lors de leurs discours de fin d'année, sont restés silencieux sur ce point lors de la conférence de presse à Pau.
Sentiment antifrançais
Au Mali, au Burkina et au Niger notamment, des manifestations antifrançaises se sont multipliées ces derniers mois contre la présence de l'ancienne puissance coloniale au Sahel. La contestation populaire est même parfois rejointe par des responsables politiques de haut rang. Le ministre burkinabé de la Défense, Moumina Cheriff Sy, s'était même interrogé publiquement, en juin, sur l'activité de la France au Sahel dans le journal sud-africain Mail and Guardian.
La prise de parole de la militante suisso-camerounaise Nathalise Yamb lors du sommet Russie-Afrique à Sotchi, en octobre, a «eu un effet libératoire de la parole antifrançaise», souligne en outre Caroline Roussy, chercheuse à l'IRIS et spécialiste de la géopolitique des frontières en Afrique, interrogée par Le Figaro. À Sotchi, la militante avait ainsi fustigé la «Françafrique», réclamé la fin du franc CFA et demandé «le démantèlement des bases militaires françaises qui, sous le couvert d’accords de défense bidons, ne servent qu’à permettre le pillage de nos ressources, l’entretien de rébellions, l’entraînement de terroristes et le maintien de dictateurs à la tête de nos États.» Deux mois plus tard, le 21 décembre, Emmanuel Macron et le président ivoirien Alassane Ouattara avaient annoncé la fin du franc CFA à Abidjan. «Cette séquence confuse autour du franc CFA a servi à alimenter le ressentiment antifrançais et ressurgit aujourd'hui sur l'opération Barkhane», observe Caroline Roussy.
Mais ce ressentiment antifrançais n'est pas nouveau, insiste la chercheuse : «Il est ancré depuis des années chez les intellectuels (locaux, NDLR), qui considèrent que leurs pays sont dans des relations d’inégalités vis a vis de la France et qui ne supportent plus l’arrogance française, illustré par exemple par le discours de Dakar de Nicolas Sarkozy en 2007 ou plus récemment par la convocation de Macron à Pau.»
Le sentiment antifrançais a d’autant plus augmenté ces derniers temps que les attaques des groupes djihadistes se sont multipliées, et que ce sont les armées nationales qui ont payé le plus lourd tribut. «Le fait d'observer qu'il n'y a pas de résultats tangibles sur le territoire et qu’au contraire la menace augmente, a permis de poser la question en trouvant en bouc émissaire commun, la France», analyse Caroline Roussy.
La Russie dans le viseur
Un sentiment antifrançais bien ancré donc, mais qui serait alimenté, ces derniers temps, par des puissances étrangères... ou plus précisément par la Russie, selon certains observateurs. «Nous soupçonnons les Russes d'encourager le sentiment antifrançais»dans la bande sahélo-saharienne, confiait récemment à l'AFP un haut gradé français. «On peut penser qu'il y a une manipulation de la part des Russes», abonde, auprès du Figaro, Caroline Roussy. «Une pétition circule, notamment au Mali, pour que les Russes s'engagent au Sahel, note la chercheuse à l'IRIS. Elle revendique huit millions de signatures, même si cela demande évidemment vérification.»
Lors de certaines manifestations antifrançaises, des slogans prorusses ont par ailleurs été scandés. La Russie, qui a relancé son influence sur le continent africain, s'est notamment rapprochée du Mali ces derniers mois et tente de jouer un rôle crucial dans la crise traversée par le pays. Un accord de défense a été signé entre les deux pays en juin 2019.
Moscou a également entrepris une coopération militaire avec d'autres pays du Sahel, soulignait en novembre le site Orient XXI. Le Niger a par exemple acheté, à l'automne dernier, douze hélicoptères de combat russes. La Russie s'est aussi rapprochée récemment du Tchad, par l'intermédiaire de divers projets économiques. En Centrafrique, enfin, des réseaux russes auraient financé plusieurs campagnes de presse antifrançaises, toujours selon Orient XXI.
Un sulfureux groupe paramilitaire russe
Bien que le président Macron n'ait pas précisé lundi à quelles «puissances étrangères» il se référait, le terme de «mercenaires» évoque les activités du sulfureux groupe paramilitaire russe Wagner. À l'automne 2019 une petite équipe de Wagner a séjourné à Bamako, a appris l'AFP auprès de deux sources sécuritaires distinctes en Afrique de l'Ouest. Ce groupe, avec qui Moscou dément tout lien, fournit des services de maintenance d'équipements militaires, entre autres activités. Ils ont été aperçus ailleurs en Afrique: en Libye, on les dit alliés au maréchal Haftar. Dans le nord du Mozambique, ils combattraient avec l'armée une rébellion djihadiste et des médias occidentaux ont fait état d'une présence à Madagascar et au Soudan.
Par l'éditorialiste de seneplus, Serigne Saliou Guèye
QU’EST-CE QUI DONC EXPLIQUE L’INDIFFÉRENCE MÉPRISANTE DE L’ETAT ?
L’attitude des autorités étatiques vis-à-vis de « Nio lank nio bagne » est inacceptable - Macky n’a pas beaucoup appris des événements qui ont été le catalyseur du mouvement populaire qui avait déboulonné Wade en 2012
Après presque un mois de contestation dont le point d’orgue avait été la première manifestation du collectif « Nio Lank Nio Bagn » du 13 décembre dernier, la colère monte chez ceux et celles qui se battent contre la hausse du prix de l’électricité. Vendredi dernier s’est encore tenue une manifestation pour exiger l’annulation des nouveaux tarifs de l’électricité. Une marche à laquelle ont pris part des milliers de personnes de tous âges et de toutes conditions. En dépit de l’absence très remarquée des partis de l’opposition et de certaines centrales syndicales, la mobilisation a encore été au rendez-vous.
L’énorme arsenal répressif déployé pour intimider les manifestants est un signe que le gouvernement cherche à briser par la matraque et les gaz lacrymogènes la détermination des manifestants, mais aussi à contenir toutes les têtes de pont qui pourraient peser dans le rapport de force contre le gouvernement. Cela n’a pas empêché, en cette énième journée de protestation, que la population descende massivement dans la rue non seulement à Dakar mais aussi dans d’autres villes de l’intérieur. D’ailleurs les slogans frappés sur les banderoles, les coquelicots, les pancartes, les T-Shirts, les bandeaux montrent toute la radicalité et la détermination des manifestants à ne point reculer dans leur combat contre la hausse du prix de l’électricité.
Stratégie de pourrissement ou de containtment
Quand des citoyens se rassemblent et s’organisent pour extérioriser leur mécontentement ou porter régulièrement leurs revendications dans la rue, il est du devoir des autorités en charge de répondre à leurs préoccupations de leur prêter une oreille attentive ou d’amorcer avec eux un dialogue pour trouver des solutions. Hélas, le pouvoir du président Macky Sall fait fi de ce devoir d’écoute et de dialogue.
En effet, l’attitude des autorités étatiques vis-à-vis des manifestants de « Nio lank nio bagne » est tout simplement inacceptable. Nonobstant les marches, les conférences de presse, la saisine de certaines autorités comme le médiateur de la République, les autorités gouvernementales semblent ne point entendre ces plaintes de la rue qui sourdent du mécontentement populaire. Elles adoptent une indifférence effarante, à la limite méprisante, à l’endroit de ces manifestants alors que nous sommes à l’heure du dialogue national. Au lieu d’aménager des plages de négociations avec ces manifestants contre la hausse du prix de l’électricité, elles préfèrent adopter des solutions de riposte agressives ou répressives. Au lieu d’enclencher des discussions avec ces milliers de citoyens qui manifestent pour le mieux-vivre des ménages, les autorités préfèrent faire la politique de l’autruche, employer des méthodes peu scrupuleuses pour déstabiliser « Nio lank Nio bagn » ou casser la dynamique populaire dudit collectif avec des programmes de diversion comme le « Cleaning day ». Si l’autorité préfectorale n’interdit pas de temps à autre les marches de « Nio lank nio bagn » au point même de réprimer durement les récalcitrants, ce sont des jeunes de l’APR qui organisent des contre-manifestations pour saborder leurs rassemblements.
C’est dans cette optique que le ministre de l’Environnement, Abdou Karim Sall, et Moussa Sow, coordonnateur de la Convergence des jeunesses républicaines (COJER), ont promis de faire face aux manifestants de « Nio lank » qu’ils qualifient d’ « imposteurs » et de « marchands d’illusions ». Pour ces responsables apéristes, ce combat contre l’électricité cache un autre qui est de vouloir affaiblir les institutions républicaines avec en tête le président de la République. Pire Aymérou Gningue, président du groupe parlementaire Bennoo Bokk Yaakaar, envisage une proposition de loi interdisant la marche durant le vendredi et le dimanche. Et pourquoi pas les autres jours de la semaine ! Ce, afin de garantir le libre exercice de culte des Sénégalais. Une telle initiative relèverait d’une imbécilité (faiblesse d’esprit) notoire de la part d’un godillot qui ignore qu’en République laïque, l’Etat connait les religions mais ne les reconnait pas.
Le Sénégal n’est pas une République confessionnelle mais, comme le stipule l’article 1 de la Constitution, « une République laïque, démocratique et sociale ». Par conséquent, le principe de séparation entre religion et Etat en République est absolu. Les religions n’ont rien à imposer ni en morale, ni en matière de mœurs à l’Etat. Et l’Etat non plus n’a pas à manipuler ou à instrumentaliser la religion à des fins politiciennes. Il est absurde de vouloir proposer une loi constitutionnellement liberticide sur la base de l’exercice d’un culte. Et parlant de vendredi, certainement Aymérou fait allusion à la prière de la mi-journée alors que les marches ne se tiennent que lorsque les fidèles reviennent des mosquées.
Et si le Président du groupe parlementaire de Bennoo a inclus dans sa proposition le dimanche, c’est pour ne pas être accusé certainement de discrimination vis-à-vis de la communauté catholique car il sait pertinemment que jamais les marches ne se tiennent dans ce pays les dimanches. Et puis, pour les animistes ou les païens que nous sommes au « Témoin », peut-il nous dire, le brave Aymérou, quel est le jour de la semaine où nous exerçons notre culte ? Ça pourrait bien être le samedi, ou le jeudi, ou le lundi… Dans tous les cas, dans sa proposition de loi, il devrait tenir compte de nous aussi…
Puisque la Constitution ne fait pas de distinction entre les différentes croyances, Aymérou aurait dû ajouter dans son propos le samedi, jour du sabbat des juifs, parce que si minime soit-elle, il y a une communauté juive dans notre pays en plus, on l’a dit, des animistes et des athées. Si, dans la stratégie du pourrissement ou du « containment » adoptée par l’Etat pour contrer « Nio lank », la direction de la Senelec n’actionne pas de soi-disant associations consuméristes dirigées par des personnes sans scrupule ou de faux imams pour expliquer à travers les médias le bien-fondé de la hausse, c’est le ministre du Pétrole et des Energies qui monte au créneau pour tempérer les ardeurs et promettre une réduction du prix de l’électricité aux environs de 2023. Et ce, pour un problème qui requiert une solution dare-dare.
Leçons non sues
Aujourd’hui, après un mois de contestation, seul le médiateur Alioune Badara Cissé, du côté étatique, a reçu les figures de proue de « Nio lank, Nio bagn » pour leur faciliter une audience auprès du président Macky Sall. Mais on a le sentiment que le président Macky Sall n’a pas beaucoup appris des événements qui ont été le catalyseur de ce vaste mouvement populaire qui avait déboulonné Wade en 2012. Quand il fallait écouter le peuple qui revendiquait contre les délestages et la dévolution monarchique et le 3e mandat, Wade, sourd et aveugle, avait préféré user de la violence pour répondre.
Ses zélotes avaient préféré soutenir la possibilité d’un troisième mandat à défaut de faire passer à l’Assemblée nationale la dévolution monarchique. Ses courtisans qui manquaient de lucidité lui ont toujours fait croire que c’était possible de faire un troisième mandat. Et au lieu de décrypter la colère du peuple qui investissait systématiquement les rues de Dakar, des ministres comme Ousmane Ngom ont cru lui rendre service en rédigeant un triste arrêté anticonstitutionnel restreignant la liberté de manifestation sur une portion du territoire national. Il s’en était suivi systématiquement une bataille farouche dans la rue entre le pouvoir et le peuple. Au bout du compte, plus d’une dizaine de morts dont les plus emblématiques sont l’étudiant Mamadou Diop et le jeune policier Fodé Ndiaye. Aujourd’hui, les mêmes nuages que ceux-là qui ont libéré la pluie d’un mécontentement déstabilisateur sous le règne de Wade commencent à s’amonceler sous celui de Macky Sall. Et ce dernier, enfermé dans sa tour d’ivoire et entouré lui aussi de courtisans, refuse de voir et d’entendre la trombe de colère qui risque de balayer à terme son régime. Au départ, c’est l’électricité qui était le ferment des revendications populaires avant que ne viennent s’y greffer la dévolution monarchique et le troisième mandat. Ce cocktail explosif sonna l’hallali du régime wadien. Aujourd’hui, c’est encore l’électricité qui fédère toutes les couches sociales et tous les âges autour de la plateforme « Nio lank Nio bagn ». Au même moment bruissent les rumeurs d’un troisième mandat ou d’une possibilité de dévolution du pouvoir au beauf Mansour Faye. Si le chef de l’Etat s’entête à ne pas prendre langue avec les manifestants de « Nio lank », il est fort probable que son dernier mandat ne pourra pas connaitre la stabilité nécessaire pour mettre en action la deuxième phase de son plan de développement à savoir le « PAP II » du PSE.
LA DÉMOCRATIE SERA BIEN LA GRANDE ABSENTE DE LA RÉUNION DE PAU
Il faut poser sans détour la question démocratique. Aucun fruit ne sortira d'un arbre pourri. Le soutien français aux dictatures est une politique injuste et de courte vue
Après le décès de 13 soldats français en novembre dernier au Mali, la pertinence et la légitimité de l'intervention militaire française au Sahel ont été remises en question. Dépassé par les événements, Emmanuel Macron a voulu paraître reprendre la main en convoquant les chefs d’État membres du G5 Sahel à Pau. Cette façon arrogante de faire a suscité un tollé en Afrique. De nouveaux massacres au Niger ont obligé à repousser la réunion à janvier. Depuis, la situation sur place a été marqué par une intense activité des forces. On parle d'importantes "victoires tactiques" pour Barkhane mais aussi de nombreuses pertes dans les forces armées du G5.
Répondre au défi politique
Après trois mois, rien n'a fondamentalement changé : six ans d'intervention n'ont pas permis de redresser la situation du Mali et les groupes armés ont essaimé dans tout le sous-continent. La réunion de Pau ne changera rien si elle ne traite du problème que sous l'angle militaire. En Afghanistan, Barack Obama a vainement augmenté les effectifs étasuniens. L'écrasante supériorité militaire des États-Unis n'a rien produit. La supériorité militaire française ne fera pas mieux au Sahel. Il faut répondre au défi politique.
Tout d'abord nous devons reconnaître et prendre acte du fait que l'intervention française est désormais suspecte aux yeux des populations. Dès lors, il est temps de planifier un plan de retrait. Pour autant, il ne peut s'agir de laisser une autre puissance - Arabie saoudite, Turquie ou Russie - s'installer comme maîtresse de la région. Cela implique de remettre en selle les organisations internationales légitimes à agir : le mandat de la Minusma doit être élargi et comporter une dimension nettement plus offensive.
Parallèlement, il faut mobiliser la communauté internationale pour participer à la reconstruction des États, victimes des politiques d'ajustement exigées par le FMI dans les années 1990. Le budget de Barkhane pourrait être réorienté progressivement dans cette direction.
Enfin, il faut poser sans détour la question démocratique. Aucun fruit ne sortira d'un arbre pourri. Le soutien français aux dictatures est une politique injuste et de courte vue. Il discrédite durablement toute action française dans la région et représente un obstacle à tout règlement durable des conflits. En février 2019, l'armée française réprimait l'opposition armée au dictateur tchadien Idriss Déby, façon de récompenser sa participation au G5 Sahel. Comment dans ces conditions prétendre lutter durablement contre les djihadistes et pour la démocratie et les droits de l'Homme ?
Hélas, la démocratie sera bien la grande absente de la réunion de Pau.
"IL EST URGENT ET LÉGITIME DE RENDRE LE CONSEIL DE SÉCURITÉ PLUS INCLUSIF"
Selon Macky Sall, une représentation "plus équilibrée donnerait à l’Afrique un surcroît d’autorité et de légitimité en tant que garant du système de sécurité’
Le président sénégalais Macky Sall a souligné lundi à Dakar l’urgence de rendre le Conseil de sécurité de sécurité de l’Organisation des Nations unies ‘’plus inclusif’’, en vue d’arriver à une meilleure gouvernance mondiale.
"Il est urgent et légitime de rendre le Conseil de sécurité des Nations unies plus inclusif dans sa composition et plus démocratique dans son fonctionnement pour une meilleure gouvernance mondiale", a-t-il dit lors de la réunion de la huitième rrencontre ministérielle du comité des 10 chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine (C-10) sur la réforme du Conseil de sécurité des Nations unies.
Selon Macky Sall, qui présidait la cérémonie officielle d’ouverture de cette rencontre, une représentation "plus équilibrée donnerait à l’Afrique un surcroît d’autorité et de légitimité en tant que garant du système de sécurité’’.
"Il n’est pas superflu de revenir sur la légitimité de cette revendication (…). Aujourd’hui, l’Afrique compte le plus grand nombre d’adhérents aux Nations unies avec 54 Etats membres. De plus les questions africaines occupent l’essentiel de l’agenda du Conseil de sécurité. On ne peut pas régler les questions africaines sans les Africains", a fait valoir le président sénégalais.
Il a demandé au C10 de poursuivre dans la perspective de son mandat "en veillant à la solidarité, à la cohésion et à la discipline de groupe"
"Nous allons continuer à faire preuve d’ouverture dans les échanges avec les autres groupes d’intérêts (…), en même temps il faudra éviter toutes initiatives ou démarches de nature à fragiliser l’unité et la cohésion du groupe Afrique’’, a indiqué Macky Sall.
"Il est important que le groupe continue d’insister sur la nécessité de préserver l’inclusion et la transparence dans le processus de négociations au sein du groupe de travail de l’Assemblée des Nations unies", a-t-il ajouté.
Le président Sall juge juste "la Position africaine commune’’ (PAC) consistant à réclamer "en cas de réforme des Nations unies un statut unique pour tous les nouveaux membres permanents".
L’assemblée ministérielle du Comité des chefs d’Etat et de gouvernement (C-10), instituée en 2005, est composée de 10 pays, à savoir l’Algérie, la Guinée Equatoriale, le Kenya, la Libye, la Namibie, l’Ouganda, la République du Congo, le Sénégal, la Sierra Leone et la Zambie, soit deux par sous-région.
Il a pour mandat de présenter, défendre et vulgariser la Position africaine commune (PAC) issue de la Déclaration de Syrte (Lybie) prévoyant l’octroi au continent de deux sièges permanents et deux sièges non permanents supplémentaires au Conseil de sécurité.
L’objectif principal visé à travers cette position est de "veiller à la réparation de l’injustice historique que représente l’absence de l’Afrique de cet organe au sein duquel les questions africaines sont prépondérantes".
MOUSTAPHA CISSÉ LÔ, LE MITRAILLEUR
La vie de Moustapha Cissé Lô est à l'image d'un volcan en constante éruption. L'irascible responsable Apr dégaine et tire sur tout ce qui bouge…
La vie de Moustapha Cissé Lô est à l'image d'un volcan en constante éruption. L'irascible responsable Apr dégaine et tire sur tout ce qui bouge… Même sa propre formation politique n'est plus à l'abri des tirs sans sommation de El Pistolero.
"El Pistolero" ! Rien que le surnom dresse le profil partiel d'une redoutable bête politique. Ce gladiateur qu'il est toujours bon d'avoir à ses côtés. Celui qui se charge volontiers du "sale boulot". Celui qui va au front, à chaque fois que la situation l'exige, pour descendre les adversaires politiques- mais pas que- sans une once de remords. Le président de l'Apr, Macky Sall pensait avoir trouvé son homme : Moustapha Cissé Lô. Mais il ne se doutait point que le natif (28 décembre 1954, 65 ans) de Keur Mbarick (Louga) était "génétiquement" imprévisible, difficile à ferrer et pouvait dégainer et tirer sans sommation sur sa propre formation politique et ses frères de parti… pour défendre ses "intérêts" et ses "convictions".
Le colosse (1,98m) aux faux airs d'ancienne gloire de lutte est volubile, irascible. Devant le pupitre de l'hémicycle, le mardi 3 décembre 2019, Lô est volcanique. Abordant la question de la distribution des semences et engrais à l'occasion de l'examen du budget du ministère de l'Agriculture, l'ancien gérant de "Secco" à l'office sénégalais de commercialisation de l'arachide (Oncad, 1975-1983) bave de colère et son grand boubou marron semble amplifier ses gestes d'hystéries. Cette fois-ci, la cible a changé.
"L'arachide c'est mon dada, je suis un opérateur économique et j'étais à l'Oncad. Ce domaine, je le maitrise mieux que quiconque ici et je prends Mamadou Diagne Fada (Dg Sonacos, Ndlr) à témoin, son père était mon ami. D'Abdou Diouf à nos jours, j'ai toutes les statistiques et si vous donnez des chiffres qui ne reflètent pas la réalité, je les battrais en brèche", promet-il.
Mieux que de battre en brèche les chiffres du ministère, Cissé Lo apostrophe le ministre et son staff en des termes hors limite de la courtoisie républicaine. "Il faut arrêter de donner des bons à ces jeunes soulards qui fréquentent les prostituées. Je vais informer tous les chefs religieux. Il faut arrêter de politiser la distribution des semences sinon je vais dire ici ce que je sais. Si je dis ce que je sais, ce sera la fin du monde. Vous allez prendre des bâtons et chasser les ministres à coups de pied", tempête-t-il.
Béni hier, honni aujourd'hui
Le malaise interne à l'Apr est monté d'un cran après cette sortie. Et pour cause : alors que la mouvance présidentielle tentait difficilement de se remettre d'une tension interne suscitée par le débat sur le troisième mandat, la fronde de l'ancien président du groupe parlementaire, Moustapha Diakhaté débarqué de son poste de conseiller ainsi que la sordide histoire de trafic de faux-billets qui a emporté le député aperiste Bougazelli, voilà que Cissé Lô remue le couteau dans la plaie encore béante.
Autrefois, les sorties incendiaires du "fou de Keur Mbarick" contre l'opposition faisaient rire sous cape dans la mouvance présidentielle. Mais cette fois, l'homme à la gâchette facile, qui semait la terreur au conseil régional de Diourbel avec son révolver en 2005, a déchargé son chargeur sur le régime. Ça s'appelle du fratricide. De la tête de gondole, Macky Sall, au plus petit lampiste, personne n'est épargné. Pour cette opération de déballage grandeur nature, le temps de parole à l'Assemblée ne suffisait pas. Le député joue les prolongations le lendemain sur deux pages du journal L'Observateur du 4 décembre.
"Macky Sall n'est pas mon père, il ne m'a pas acheté. Il a abandonné tous ceux qui ont combattu avec lui dans l'opposition. Sa façon de nous rendre la pièce de notre monnaie, c'est refuser de nous recevoir", charge-t-il. Ruminant sa colère, le palais jette au charbon un de ses plus redoutables "faucons" : Yakham Mbaye. Dans une interview (sur Dakaractu) aux senteurs d'un soliloque, le directeur du quotidien national lâche une riposte disproportionnée qui confirme la politisation dont Cissé Lô faisait allusion autour de la distribution des intrants. Mais qu'importe !
"Moustapha Cissé Lô qui soutient avoir été victime de l'ingratitude du pouvoir, combattu et écarté comme opérateur économique du processus d'achat et de vente des intrants agricoles, n'est rien d'autre qu'un fieffé menteur. En réalité, il a bénéficié de l'État, cette année, de six marchés d'un volume de 4 531 tonnes de semences et d'engrais. Et c'est au moyen de chantages et de menaces qu'il est parvenu à ses fins", lâche Yakham.
"Baye Guinaar", ancien parieur du Pmu
Faisant le tour des médias, Baye Lô ou encore "Baye Guinaar" (producteur dans la filière avicole) comme l'appellent les plus proches, tente de redorer son blason d'opérateur économique ayant fait fortune à l'âge de 21 ans, terni par les soubresauts d'une carrière politique. En réalité, le fils d'El Hadji Aliou Lô (opérateur économique et dignitaire politique de Louga) n'a pas toujours été un apparatchik, même s'il a été biberonné à l'idéologie socialiste par un père membre fondateur du Bds (1948) et un homonyme, Moustapha Cissé (ancien ambassadeur et ancien député-maire de Louga), tous deux Senghoristes.
Ce n'est qu'en 1987 qu'il décide de s'engager en politique avec le parti pour la libération du peuple (Plp) de Me Babacar Niang. Chez les Lô, l'engagement politique n'est pas sujet à un quelconque diktat. En atteste le choix de son fils Jr Lô de militer pour Idrissa Seck. Cissé Lô adhère finalement au Ps en 1996 pour parachever l'œuvre politique de son père et sera élu député pour la première fois en 1998, puis réélu en 2007 mais cette fois sous la bannière du Pds qu'il a rejoint à la chute du pouvoir socialiste.
Ensuite réélu en 2012 et 2017 après avoir été déchu en 2008 de son mandat de député en même temps que Macky Sall. L'actuel président du parlement de la Cedeao a, depuis, gravi les échelons et gagné en galons.
Éduqué à la dure par un père "dictateur" qui n'hésitait pas à le convoquer dans la brousse pour le corriger sévèrement en cas de contreperformance à l'école, Moustapha en a été marqué au fer rouge. Le jeune Lô qui a abandonné les études après l'obtention de son Bepc (Bfem), décide de suivre les sinueuses pistes qui mènent à la fortune. C'est le début d'une success story pour ce self-made-man. Téméraire, le turbulent jeune homme a été recruté à l'Oncad comme agent technique avant d'être propulsé gérant de "Secco" à Kébémer en 1975.
Tapha qui n'avait d'yeux que pour le fric démissionne en 1983 à l'Oncad pour lancer ses propres affaires. Il se laisse tenter par le pari mutuel urbain (Pmu). La chance lui sourit. "Je fus un excellent joueur de Pmu. Avec Cheikh Mbacké, nous jouions le Pmu chaque jour jusqu'à minuit. Je connaissais Cash, Christian Bigeon, etc. J'ai gagné en ce temps-là 3 millions 800 francs Cfa. Les gens venaient chez moi pour me demander quel est le cheval gagnant. Mon premier million de francs Cfa, je l'ai gagné à 21 ans au Pmu", se rappelle-t-il.
Aussi bouillant que sensible
À Médina, le jeune Lougatois tenait à l'époque une petite garçonnière où il croquait la vie à pleines dents. "Toutes les belles filles couraient derrière moi à Médina, parce que je portais de jolis boubous. Elles faisaient la queue chez moi et je choisissais les plus belles pour en faire ce que je voulais", raconte Cissé Lô qui finit par se caser en 1978 avec "la plus belle femme de Médina", Ndèye Ndiakhaté Guèye et aménage à Touba Mosquée où il délocalise son business : vente de matériels électroménagers et de voitures d'occasion après un bref séjour aux États-Unis.
Le caractère très bouillant (dans la scène politique) de ce polygame (3 femmes) et père d'une douzaine d'enfants, trahit une sensibilité à fleur de peau. A la maison, aux côtés de sa famille, le belliqueux politicien est méconnaissable. Il présente un visage d'ange. "Il y a un monde entre le Cissé Lô qui est dans la scène politique et celui qu'on voit à côté de sa famille. Il est très sensible et joviale en famille", témoigne un de ses neveux.
Contrairement aux apparences, Cissé Lô est décrit par ses proches comme quelqu'un de très affectueux et d'une magnanimité à nulle autre pareille.
Talibé mouride excommunié
Impulsif, ce talibé mouride qui a pourtant fait serment d'allégeance à feu Serigne Fallou Mbacké, est un insoumis malgré son attachement à Serigne Touba. Ses bisbilles avec le porte-parole de la famille de Serigne Fallou, Serigne Abdou Fatah Mbacké en 2014 sont restés encore frais dans les mémoires. Le deuxième vice-président de la 12e législature avait été déclaré "persona non grata" à la cérémonie du Magal de Kazou Rajab édition 2014 suite à un audio dans lequel Cissé Lô traite le porte-parole de tous les noms.
Malgré la mise en garde de Serigne Abdou Fatah Mbacké qui a demandé aux autorités étatiques que Cissé Lô ne fasse pas partie de la délégation officielle, ce dernier a quand-même défié le marabout en se pointant à la cérémonie. Furax, le marabout demande l'excommunication de Cissé Lô et invite les disciples à estimer les biens du député à Touba afin de les racheter.
Baye Lô paiera cash son attitude de défiance envers la famille maraboutique. En effet, son domicile et ses voitures ont été incendiées le 20 juin 2014 par des disciples mourides en furie. 19 personnes furent arrêtées dont Serigne Assane Mbacké qui avait publiquement revendiqué l'acte.
"Je n'ai pas de problème particulier avec Serigne Abdou Fatah, ce qui m'oppose à lui est purement politique", précise Cissé Lô qui a déménagé à Yoff (Dakar). Non sans renseigner : "on avait d'excellentes relations, mais il m'a demandé d'intervenir dans la liste de "Benno bokk yakaar" à Louga pour positionner un de ses proches. Étant donné que je ne suis pas responsable à Louga, bien que je sois originaire de cette localité, je lui ai clairement signifié que je ne pouvais pas le faire. Il a estimé que ma réponse était sèche et arrogante".
Il a fallu l'intervention du président Macky Sall pour éteindre le feu en réconciliant les deux protagonistes lors de la cérémonie du Magal de Touba en novembre 2016.
Les relations de Cissé Lô avec la presse sont aussi heurtées. Bon client pour les journalistes friands de déclarations fracassantes, il n'hésite pas à insulter toute une corporation. Mécontent de la manière dont un incident a été traité et durant lequel il a été dit qu'il a tiré une balle en l'air, Cissé Lô dément et se défausse sur les journalistes. "C'est des menteurs qui me poursuivent pour dire du mal de moi et de ma famille. Je fais l'objet de médisance et de calomnie de la part de journalistes qui sont payés par des adversaires politiques". Il s'adressait ainsi aux correspondants des médias à Touba qu'il a fait venir chez lui en présence de ses gardes du corps.
Même les magistrats en ont pris pour leur grade. "Il n'y a pas de justice au Sénégal. Les magistrats ne jugent pas équitablement et dans leur intime conviction. Ils font n'importe quoi", fulmine-t-il.
C'est dire que l'homme n'a presque pas de cible. C'est un mitrailleur qui tire dans tous les sens.
PAR MADIAMBAL DIAGNE
CE N'EST PAS CHEZ WADE QU'IL FAUT ALLER PLEURER
On ne peut pas ne pas être en colère quand on voit des gens dénoncer auprès de l'ancien président, la mal-gouvernance dont serait coupable le régime de Macky Sall. On a le sentiment de voir des victimes défendant leur bourreau
Une délégation du mouvement Noo lank, qui se lance dans une croisade contre la hausse du prix de l’électricité, a rendu une visite fort médiatisée au Président Abdoulaye Wade. La résidence du prédécesseur de Macky Sall est devenue un lieu de causette obligé pour les responsables politiques de l’opposition et des activistes de tous ordres.
Les audiences avec l’ancien Président Wade sont très courues et chacun cherche à être reçu et à se faire photographier avec lui, l’air satisfait et, à l’occasion, s’épancher sur les mérites de Abdoulaye Wade et sa stature d’homme d’Etat et de bienfaiteur de l’Etat et de la République.
Cette situation ne manque pas d’étonner. On croirait même rêver. Pourtant, tout le monde peut s’accorder sur l’idée que Abdoulaye Wade n’a jamais changé, il ne s’est jamais renié, n’a jamais exprimé le moindre regret et ne s’est jamais excusé de ses forfaits et méfaits durant tout son parcours politique qui reste jalonné d’assassinats politiques, de violences, de compromissions.
Une fois au pouvoir de 2000 à 2012, Abdoulaye Wade s’est distingué comme le chef de l’Etat qui aura commis les plus hauts faits d’armes en matière de mal gouvernance dans toute l’histoire politique du Sénégal. Abdoulaye Wade a fini de signer tout ce qu’il peut y avoir comme turpitude. Le règne du Président Wade a été marqué par de graves atteintes aux libertés démocratiques et aux droits humains.
Si Abdoulaye Wade devient donc subitement le mur de lamentations ou celui chez qui il faut aller chercher la bonne parole, c’est sans doute parce que ses visiteurs, ces personnes qui le pourfendaient hier, ont changé et révèlent leur manque de constance et de suite dans les idées. On ne le dira jamais assez, il peut être loisible à chacun d’épouser et de porter n’importe quelle cause, mais il est important de se montrer conséquent et surtout de ne pas insulter l’intelligence des autres Sénégalais.
La manœuvre est claire, faute de pouvoir mobiliser une opinion publique pour leurs causes, les hôtes de Abdoulaye Wade cherchent à compter dans les rangs les militants restés encore fidèles au leader du Parti démocratique sénégalais (PDS).
Ce n’est pas chez Wade qu’il faut pleurer pour l’électricité
La première décision du Président Abdoulaye Wade en 2000 avait été de remettre en cause la gestion de la Senelec, confiée par le régime du Président Abdou Diouf à une firme internationale Hydro Québec.
De nombreuses voix s’étaient élevées pour mettre en garde le gouvernement de Abdoulaye Wade contre une telle hérésie, car Hydro Québec s’engageait à rénover tout le système de production et d’exploitation de la compagnie nationale d’électricité. Le choix du Président Abdou Diouf de confier la gestion à des professionnels dont les compétences sont internationalement reconnues procédait de la même logique de la privatisation de la Sonatel.
Mais Abdoulaye Wade, qui cherchait à défaire tout ce que Abdou Diouf avait réalisé avant lui, se faisait une fixation de retirer la concession allouée à Hydro Québec. Il voulait faire de même avec Orange, mais l’Etat français le stoppera net. Le Sénégal réglera une facture de plus de 50 milliards de francs Cfa pour dédommager Hydro Québec. La Senelec tomba alors de mal en pis. La compagnie sera mise à genoux par des mauvais choix de gestion et une gabegie scandaleuse.
Ainsi, à la fin du règne de Abdoulaye Wade, la Senelec était l’exemple parlant de l’échec de la gouvernance de son régime. Les consommateurs totalisaient plus de 900 heures de délestage par an. On assista ainsi à des émeutes de l’électricité. C’est dans les nuits sans électricité, sous les lueurs des bougies, que naissait le Mouvement Y’en a marre qui était un cri de révolte contre les coupures d’électricité.
A l’inverse, la première réussite du Président Macky Sall, dès son accession au pouvoir en 2012, a été de régler définitivement le calvaire des coupures d’électricité. Le Sénégal passa ainsi de plus de 900 heures de délestage à moins de 60 heures en 2014. Aujourd’hui, les délestages sont devenus un vieux souvenir. Alors, est-ce simplement que les anciens leaders de Y’en a marre sont devenus amnésiques pour avoir l’outrecuidance de vanter aux Sénégalais les mérites de Abdoulaye Wade et surtout de l’appeler à soutenir des actions contre la politique de Macky Sall dans le secteur de l’électricité ?
Ce n’est pas chez Wade qu’il faut pleurer contre un éventuel troisième mandat de Macky Sall
Pour mobiliser une certaine opinion publique contre l’intention prêtée au Président Macky Sall de briguer en 2024 un troisième mandat de président de la République, les mêmes hommes politiques et membres d’organisations de la société civile vont chez Abdoulaye Wade pour demander son soutien.
Ont-ils oublié qu’en 2012, le Président Wade avait bravé la rue et la communauté internationale pour briguer un troisième mandat ? Abdoulaye Wade avait marché sur plus de 14 cadavres de jeunes manifestants pour pouvoir se présenter à l’élection de 2012 et essuyer une cuisante défaite face à Macky Sall. Il est absurde et révoltant que ceux qui étaient au front, notamment le 23 juin 2011, contre le projet de dévolution monarchique du pouvoir entrepris par Abdoulaye Wade au profit de son fils Karim Wade, se mettent aujourd’hui à réclamer le soutien de la famille Wade pour prétendre sauver la démocratie et le système politique et républicain du Sénégal.
Ce n’est pas chez Wade qu’il faut pleurer sur le mauvais sort des institutions de l’Etat et de la démocratie
Président de la République, Abdoulaye Wade a osé tous les tripatouillages des lois fondamentales du Sénégal. Dans son comportement de tous les jours, il a bafoué les autres institutions de l’Etat. Le 9 novembre 2010, devant des juges venus du monde entier pour la réunion annuelle de l’Union internationale des magistrats, le Président Abdoulaye Wade avait insulté les magistrats en leur balançant à la figure l’allégorie du maître et de l’esclave, pour dire que les juges sénégalais ne sauraient se montrer indépendants. Quel drôle de respect pour les institutions de l’Etat ! Abdoulaye Wade déplaçait comme il voulait les juges qui ne lui obéissaient pas.
C’est le président de la République Abdoulaye Wade qui prenait sa plume pour critiquer dans les médias des décisions de justice qui lui étaient défavorables et déclarer publiquement refuser de les appliquer. C’est le même Abdoulaye Wade qui avait investi dans des listes aux élections locales le khalife général des Mourides, Serigne Saliou Mbacké. C’est le même Abdoulaye Wade qui a contourné la décision de la justice d’interdire l’utilisation de la photo du président de la République sur des bulletins de vote à des élections législatives pour y mettre en lieu et place une ombre on ne peut plus reconnaissable.
En 2007, Abdoulaye Wade refusa l’audit du fichier électoral réclamé par l’opposition et organisa ces élections sans cette opposition, avec un taux de participation historiquement faible de 34,7%. C’est le Président Abdoulaye Wade qui avait fait révoquer, le 14 janvier 2009, les députés Moustapha Cissé Lô et Mbaye Ndiaye qui avaient choisi de soutenir le combat politique de Macky Sall.Abdoulaye Wade, à la tête du Sénégal, a eu à commettre toutes les dérives contre les libertés et le respect des droits humains.
En douze ans de règne, il avait systématiquement refusé de recevoir les organisations de défenseurs des droits humains. Devenu président de la République, Abdoulaye Wade a signé le crime de l’assassinat du juge constitutionnel Me Babacar Sèye. Il s’empressa en janvier 2002 de sortir de prison la bande à Amadou Clédor Sène avant de leur faire bénéficier d’une amnistie avec la fameuse loi Ezzan le 17 février 2005.
Le même Amadou Clédor Sène restera impuni après avoir été arrêté en novembre 2007 pour trafic international de cocaïne. Abdoulaye Wade va encore couvrir les agresseurs aux marteaux de Talla Sylla qui avait sorti un tube musical, chantant les forfaitures de Abdoulaye Wade. Tout journaliste ou leader d’opinion qui se mettait à critiquer Abdoulaye Wade subissait ses foudres.
Abdoulaye Wade devrait être gêné et embarrassé en recevant des opposants qui viennent auprès de lui se plaindre des interdictions de manifestation. Aussi, combien de journalistes ont été arrêtés et emprisonnés durant le règne de Abdoulaye Wade ?
Les journaux L’As et 24 Heures avaient été attaqués par des sbires de Abdoulaye Wade, président de la République. Les radios Première Fm, Sud Fm, Walf Fm, Oxy-Jeunes ont vu leur signal coupé sous le régime de Abdoulaye Wade. Il donnait publiquement consigne de ne pas donner de la publicité à des médias jugés hostiles à son régime.
Ce n’est pas chez Abdoulaye Wade qu’un manifestant politique interdit devrait pouvoir chercher refuge
Combien d’opposants avaient été persécutés, gazés, tabassés et emprisonnés par le régime de Abdoulaye Wade ? D’autres ont péri sous les balles des forces de sécurité ou sous les roues de leurs camions. Abdoulaye Wade a traqué ses anciens Premier ministres Idrissa Seck, Moustapha Niasse et Macky Sall, respectivement pour malversations financières oupour une histoire burlesque de trafic de passeports diplomatiques ou pour un trafic supposé de devises étrangères.
En mars 2011, le régime de Abdoulaye Wade arrêta un groupe de jeunes du parti de Macky Sall, accusés de vouloir perpétrer un risible coup d’Etat. Abdoulaye Wade insultera la communauté halpular pour un supposé soutien ethnique à Macky Sall. La communauté chrétienne du Sénégal sera unanimement choquée par des déclarations du Président Abdoulaye Wade, dont la police poussera le bouchon jusqu’à profaner leur principal lieu de culte à Dakar, en y pénétrant pour arrêter l’opposant Jean Paul Dias, durant une messe du Vendredi Saint.
Le régime de Abdoulaye Wade enverra des «gros bras» pour faire sa fête à l’opposant Barthélemy Dias. Ce dernier se défendra en usant d’une arme à feu et tua Ndiaga Diouf, un de ses agresseurs. Barthélemy Dias sera jeté en prison jusqu’à l’arrivée de Macky Sall qui le fera libérer. Le Président Abdoulaye Wade avait toujours dans son collimateur le maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall, jusqu’à soulever les marchands ambulants contre l’édile de la capitale.
On finit par avoir le sentiment que les nouveaux visiteurs de Abdoulaye Wade sont des victimes sous emprise qui défendraient leur bourreau.
Ce n’est pas chez Wade qu’il faut pleurer pour la prévarication de ressources publiques
On ne peut pas ne pas être en colère quand on voit des gens dénoncer auprès de Abdoulaye Wade la mal-gouvernance du Sénégal dont serait coupable le régime de Macky Sall. De qui se moque-t-on ? Qui ne s’était pas ému de la gabegie des ressources publiques du fait du Président Wade et de son fils Karim Wade ?
Qui avait fini de dépecer les réserves foncières de Dakar jusqu’à amputer le périmètre de l’aéroport de Dakar de plus de la moitié de la superficie dans le cadre d’opérations de spéculation foncière ? Qui a donné des contrats pétroliers et gaziers à Frank Timis si ce n’est Abdoulaye Wade et son fils Karim Wade, ministre de l’Energie ?
Qui avait chassé la compagnie minière Kumba Resources, des mines de fer de la Falémé, pour faire venir Arcelor Mittal ? Le régime de Macky Sall a été obligé de payer quelque 75 millions de dollars pour dédommager Kumba Resources pour les turpitudes du régime de Wade. Plus de 400 milliards de francs Cfa avaient été déjà engloutis par le régime Wade dans le chantier de l’aéroport Blaise Diagne avant que le Président Macky Sall ne mît un garrot à cette hémorragie financière et fit terminer les travaux par une entreprise turque.
Qui a encore pu oublier que c’est le régime de Abdoulaye Wade qui avait disloqué le tissu industriel du Sénégal avec la déstructuration notamment des Industries chimiques du Sénégal (Ics) et des Chemins de fer, ainsi que de la Sonacos ? Ces deux dernières entités ont été données au franc symbolique par Karim Wade à son ami Abbas Jaber.
Qui a provoqué la descente aux enfers de l’hôtel King Fahd Palace en chassant de manière rocambolesque l’exploitant, le groupe international Starwood ? Le secteur du tourisme sénégalais n‘a jamais autant souffert que du temps de Abdoulaye Wade.
On voit donc que c’est facile, selon les postures du moment, de vouloir refaire le monde ou berner une opinion publique pour l’emballer dans une cause, mais les faits restent têtus. Il n’y a pas de quoi être amnésique, tous les visiteurs du Président Wade du moment ont bien conscience de tout ce qui s’est fait. Il est tout de même triste qu’une personne d’un tel âge se fasse exposer et victime de tentatives de manipulation sur tout combat par toute personne ayant un agenda propre.
Nul ne l’accepterait pour ses propres parents ! Il n’en demeure pas moins que la réponse du Président Wade à ses visiteurs reste bien symbolique de toute une posture constante chez lui. Les choses se jouent dans un après-Macky Sall que Abdoulaye Wade n’imagine pas sans Karim Wade.
LE CASSE-TÊTE DU LOGEMENT
A Dakar, où vivent près de 4 millions d’habitants sur une superficie totale de 550 km2, l’acquisition d’un toit est un véritable chemin de croix à cause principalement de la cherté des terrains et des obstacles pour l’obtention d’un prêt bancaire
Cheikh Tidiane Diaby, la trentaine, longe le hall du Centre de Conférences Abdou Diouf de Diamniadio (périphérie de Dakar) où se tient le Salon international de l’habitat de Dakar. L’espoir de ce visiteur, comme de tant d’autres, est d’avoir accès à un logement.
« Quand on n’a pas de maison, on n’a rien. Pour le moment, je n’en ai pas. A Dakar, c’est quasiment impossible de trouver un terrain. Les prix sont trop chers. Le principal problème, c’est la surenchère », fustige cet agent d’une banque.
En compagnie d’un collègue, il pénètre dans un stand et écoute attentivement les explications de la gérante.
« Dans notre coopérative, chaque personne cotise 11.000 F CFA pour l’adhésion : 5000 F CFA de part sociale et 6000 F CFA de cotisation annuelle. Ainsi, on fournit à l’adhérant nos numéros de compte bancaire où il peut déposer de l’argent en fonction de ses revenus. Quand on a un site, on informe les membres du prix des terrains. S’ils ont déjà épargné le montant nécessaire, ils vont en bénéficier. Au cas contraire, ils complètent leurs versements », détaille Amy Guèye, trésorière de la Coopérative d’habitat et de construction Siggil Jigeen (Honorer la femme, en langue wolof).
En tout cas, dans la capitale sénégalaise, le prix du loyer reste très élevé malgré l’avènement récent d’une loi pour le juguler.
« Il y a clairement de l’abus. Parfois, il ne te reste plus rien si on défalque le loyer de ton salaire. C’est extrêmement difficile pour les pères de famille. Les bailleurs avaient revu les prix à la baisse. Maintenant, c’est un retour à la case départ. S’il y avait une commission de contrôle, ce serait mieux », préconise Cheikh Tidiane Diaby.
De l’avis de Mamadou Faye, « au Sénégal, les jeunes ont un problème d’informations et d’orientation pour l’accès au logement ». Pour y remédier, ce travailleur des Industries Chimiques du Sénégal (ICS) recommande aux banques, comme la BHS (Banque de l’Habitat du Sénégal), des visites régulières dans les entreprises pour discuter avec les salariés.
Le programme 100.000 logements n’est pas la première initiative de l’Etat du Sénégal afin de permettre au plus grand nombre de citoyens d’accéder à la propriété.
« La SN HLM et la Sicap (Société immobilière du Cap-Vert) étaient là pour aider les salariés à avoir des maisons. Actuellement, ces deux sociétés ne sont pas si performantes que ça », tranche Faye.
En effet, entre 2014 et 2018, le Sénégal n’a construit en moyenne que près de 5000 unités d’habitations. « A ce rythme, le déficit de logement, estimé aujourd’hui à 325.000, ne pourrait jamais être comblé surtout lorsqu’il se creuse à concurrence de 12.000 unités chaque année. Si rien n’est fait, l’accès à un logement décent restera impossible pour la majorité des Sénégalais, surtout ceux à revenus faibles », conclut l’ancien Premier ministre Mouhammad Boun Abdallah Dionne.
Au Sénégal, des promoteurs immobiliers participent à l’effort de résorption du déficit en logement. Sur toute l’étendue du territoire national, ils font sortir de terre des villas. « On a signé un protocole d’accord avec la mairie de Mont Rolland (84 km à l’est de Dakar). Aujourd’hui, on est à 2000 ventes sur les 3000 maisons à construire. Sur le site, il y a déjà des villas témoins F3, F4 et F5 (social et standing) », informe Claude Thouvenin, le Président Directeur Général du groupe Enekio, issu du Centre européen des entreprises innovantes de Montpellier (France).
Après avoir constaté que la construction d’une maison au Sénégal dure en moyenne 2 ou 3 ans, cette entreprise a élaboré des techniques de pointe lui permettant de livrer ses villas F3 ou F4 au bout de six mois seulement.
« A Mont-Rolland, on va créer entre 500 et 1000 emplois locaux. On va les former à nos techniques de construction. On veut démontrer au Sénégal que cela fonctionne pour ensuite exporter ce modèle en Afrique », promet M. Thouvenin.
Les villas bioclimatiques d’Enekio sont commercialisées entre 11 et 48 millions F CFA. Après Mont-Rolland, ce groupe compte étendre ses tentacules notamment à Touba Toul (près de 100 km à l’est de Dakar).
SAHEL : "ON A CONFIÉ À L'ARMÉE FRANÇAISE UNE MISSION IMPOSSIBLE"
Le chercheur Marc-Antoine Pérouse de Montclos, auteur du livre « Une guerre perdue », estime que « l’opération “Barkhane” prolonge la vie de régimes corrompus »
Le Monde |
Christophe Châtelot et Marie de Vergès |
Publication 12/01/2020
Le 12 janvier 2013 débutait l’intervention militaire française au Mali, destinée à lutter contre l’expansion de groupes djihadistes. Sept ans plus tard, le spécialiste des questions africaines Marc-Antoine Pérouse de Montclos, directeur de recherches à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), estime que l’armée française se retrouve prise « dans une sorte de piège, qui pourrait devenir notre Afghanistan ». Auteur du livre Une guerre perdue* (à paraître le 15 janvier), il estime que la France devrait « annoncer un désengagement », alors qu’Emmanuel Macron fait venir pour un sommet à Pau, lundi 13 janvier, les présidents des pays du G5 Sahel (Mali, Niger, Burkina Faso, Tchad, Mauritanie).
Votre ouvrage à paraître s’intitule Une guerre perdue. Il serait donc déjà temps d’acter l’échec de l’intervention militaire française au Sahel ?
Clairement, le bilan n’est pas bon. En janvier 2013, le déploiement des troupes françaises a débuté avec deux grands objectifs : empêcher l’enracinement des groupes djihadistes dans le nord du Mali et restaurer la souveraineté de l’Etat malien sur l’ensemble du territoire. Aucun n’a été atteint. Le pays reste coupé en deux. Dans le nord, des groupes rebelles taxent les populations et les services publics ne fonctionnent pas, ou peu. Et pour gagner Bamako par la route depuis Gao, il faut passer par le Niger puis le Burkina Faso.
La France a donné un coup de pied dans la fourmilière des groupes djihadistes. Le résultat est qu’ils se sont dispersés puis ont émergé dans des zones où ils ne se trouvaient pas avant, comme le nord du Burkina Faso ou le Macina, dans le centre du Mali. On observe donc plutôt une extension du phénomène. Et ces groupes, qui étaient fragmentés et ne s’entendaient pas forcément, se sont regroupés, avec désormais un ennemi commun : la France. La présence militaire étrangère leur donne une légitimité.
Cet échec était-il selon vous programmé ?
Oui, on a confié à l’armée française une mission impossible. Au Mali, le djihadisme n’a jamais été que le symptôme d’un Etat défaillant. L’armée française est intervenue à Tombouctou alors que le fond du problème se trouvait à Bamako. Que peut faire la France dans un tel contexte ? A l’époque, elle aurait pu se contenter de donner un coup de semonce aux djihadistes en bombardant certaines de leurs positions, puis se retirer. Au lieu de cela, on se retrouve avec 4 500 hommes pris dans une sorte de piège, qui pourrait devenir notre Afghanistan. Pour l’instant, côté français, il n’y a pas eu énormément de pertes humaines, malgré l’accident d’hélicoptères de fin novembre : 41 hommes en sept ans, ce n’est pas l’Algérie. Mais le problème de fond, c’est l’inanité de cette intervention. Je ne vois pas comment la France peut réussir à sauver cette partie de l’Afrique en s’appuyant sur des armées défaillantes.
L’opération « Barkhane », en se plaçant dans un temps long, ne peut-elle atteindre certains objectifs ? Les armées locales sont-elles donc irréformables ?
Cela fait soixante ans que la France fait de la coopération militaire en Afrique, mais pour quel bilan ? Toutes les armées de la région continuent de tuer des civils en toute impunité. Or pour gagner une guerre asymétrique, contre un ennemi invisible, il faut le soutien des populations. Celui-ci est impossible à obtenir si, au nom de la lutte contre le terrorisme, on laisse passer les exactions commises par les militaires africains. A terme, on va peut-être voir se développer un syndrome « Turquoise » [nom de l’opération française au Rwanda en 1994]. Je ne parle pas de génocide mais de massacres de civils perpétrés par des armées africaines qu’on forme et qu’on équipe. Cela va finir par nous éclabousser. Et « Barkhane » prolonge la vie de régimes corrompus et pour certains très autoritaires.
Vous estimez donc que l’intervention militaire non seulement échoue, mais induit aussi des effets pervers ?
Disons que la présence militaire française ne sert pas seulement à essayer de lutter contre le terrorisme. Elle garantit aussi aux gouvernements en place qu’il n’y aura pas de coups d’Etat contre eux. N’a-t-on pas carrément dévié le mandat de « Barkhane », qui ne concerne que les groupes djihadistes, pour aller bombarder une colonne de rebelles tchadiens venant de Libye [en février 2019] ? Tout ça pour sauver la peau du soldat Idriss Déby, bizarrement présenté comme l’élément de stabilité de la région… Or le Tchad, contrairement à ce qu’on entend dire par les officiels français, est un pays très fragile et sur lequel il est difficile de s’appuyer. Avec cette police d’assurance que leur offre l’armée française, tous ces régimes n’ont aucune incitation à se réformer. On ne peut pas continuer comme ça. Il faut taper du poing sur la table.
C’est-à-dire, concrètement ?
Il faudrait annoncer un désengagement.
La France ne passerait-elle pas alors pour un allié peu fiable ?
C’est fort possible. Il y aurait du ressentiment contre la France parce qu’elle s’en va. Mais le ressentiment contre l’ancienne puissance coloniale est déjà aujourd’hui très vif, justement parce que son armée est présente et qu’elle est soupçonnée d’ingérence. Je suis très favorable à ce qui est présenté comme une convocation de Macron auprès des présidents des Etats du G5 Sahel. Si on est bien dans une logique de partenariat, il faut que chacun y mette du sien. Aujourd’hui, le président malien Ibrahim Boubacar Keïta ne paraît pas être dans une logique de réforme de son pays et de son armée, ni de lutte contre la corruption et l’impunité. C’est pourquoi il faudrait envoyer un signal fort, dire ce qu’on attend comme changements, et que si ça ne marche pas, on se désengage.
Mais comment répondre face au risque d’une extension de la menace ?
Dans ces guerres asymétriques, il faut bien sûr une réponse militaire. Ça ne peut pas être que de la négociation. Mais est-ce le rôle de la France ? Non, c’est aux Africains de se prendre en main. On ne peut pas maintenir le Mali indéfiniment sous perfusion humanitaire, financière et militaire. A un moment, il faut que les Maliens se ressaisissent, qu’ils disent quel type d’Etat ils veulent.
Evidemment, il risque d’y avoir des situations de chaos très difficiles pour les Sahéliens. Mais l’intervention militaire française ne peut résoudre cela. L’est de la RDC ou le sud du Soudan connaissent aussi de violents affrontements, pourtant on n’y a pas envoyé 4 500 hommes.
Il y a aussi la question de l’objectif de cette guerre au Sahel. Si les autres pays européens n’interviennent pas, c’est sans doute parce qu’ils se disent que la France fait le job. Mais également parce que l’interprétation de l’ampleur de la menace par les Britanniques ou les Allemands n’est pas la même. La France est intervenue au Mali en faisant valoir le risque d’une menace terroriste globale. Mais il s’agissait d’une action préventive, car aucun des groupes qu’on combat au Sahel n’a jamais mené d’attaque chez nous.
Est-on vraiment dans une lutte contre le djihadisme ?
On est face à des groupes insurrectionnels et l’usage du qualificatif de « terroriste » introduit beaucoup de confusion. Les rebelles tiennent des morceaux de territoire, mais aucun n’a démontré sa capacité à gouverner. Ce qui va évidemment à l’encontre du récit dominant brandissant la menace d’un nouvel Etat islamique. Il y a un vernis religieux mais une logique mafieuse. La motivation religieuse à rejoindre ces groupes n’est d’ailleurs pas déterminante. C’est plus souvent par opportunisme, pour se protéger des exactions des forces armées ou pour se venger. Les agendas sont d’abord locaux. Ces mouvements se greffent sur des conflits de bétail et d’accès à la terre. Que peut faire le soldat français là-dedans ? On ne peut pas lui demander de se transformer en vacher et d’encadrer les troupeaux des Peuls.
AUDIO
À QUAND LA FIN DE LA MENDICITÉ DES TALIBÉS ?
Chaque jour, ils doivent mendier au profit de leur maître coranique. Cette pratique est-elle recommandée par l’islam ? Le mauvais traitement répond-il aux préceptes de la religion ? L'éditorialiste de SenePlus Mamadou Mao Wane sur RFI
À Dakar, nous croisons les talibés à chaque carrefour. Et pourtant, nous les voyons à peine, tant ils se sont fondus avec le temps dans le décor.
Ils sont des dizaines de milliers avec chacun leur gamelle, souvent sans chaussures et portant des vêtements en lambeaux, à déambuler dans les rues de la capitale sénégalaise. Ils ont été confiés par leurs parents à des daaras pour apprendre le Coran. Chaque jour, ils doivent mendier au profit de leur maître coranique. La pratique de la mendicité est-elle recommandée par l’islam ? Le mauvais traitement infligé à ces enfants répond-il aux préceptes de la religion ?
Les invités :
- Mamadou Mao Wane, éditoraliste à SenePlus et porte-parole de la Plateforme pour la protection et la promotion des droits humains (PPDH) ;
- Niokhobaye Diouf, directeur de la protection des droits de l’enfant au ministère sénégalais de la Femme, de la Famille et du Genre ;
- Serigne Modou Bousso Dieng, maître coranique, coordonnateur de la confédération internationale des familles religieuses (CIFAR), ancien président du collectif des jeunes religieux du Sénégal ;
- Sadikh Niass, secrétaire général de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (RADDHO).
VERS DE NOUVELLES MENACES SUR INTERNET
Donner à la police la prérogative de décider ce qu’est un contenu « terroriste », en dessaisissant le juge, pourrait mener à la censure d’opposants politiques et de mouvements sociaux - DÉCLARATION DE L'ASUTIC
SenePlus publie ci-dessous, la déclaration de l'Association des utilisateurs des TIC (ASUTIC) du Sénégal, datée du 12 janvier 2020 relative à l'initiative du gouvernement de soumettre très prochainement au parlement, un projet de loi portant sur la sécurité intérieure.
"La rentrée solennelle des cours et tribunaux du 09 janvier 2020 a été l’occasion pour le Président du Sénégal de prononcer un discours alarmiste sur le terrorisme en pointant du doigt Internet: «En matière de crime organisé comme le terrorisme, fait-il savoir, il n’est même plus nécessaire de se connaitre ou de se rencontrer physiquement pour préparer et exécuter un acte malveillant. Il nous faut donc prêter une attention particulière à la gouvernance d’Internet, comme espace de propagande et de relais de financement.»
Ainsi donc, Internet et ses espaces de discussions seraient les lieux de propagande terroriste, de recrutement d’endoctrinement et de radicalisation des sénégalais.
Aussi, pour combattre ce phénomène, il soumettra prochainement à l’Assemblée nationale un projet de loi portant sur la sécurité intérieure.
Selon le Président du Sénégal, Il s’agira avec ce projet de loi «de donner à l’autorité publique les moyens légaux de prendre des mesures adaptées et proportionnées au regard des risques encourues et des circonstances contre notamment des attentats terroristes ou menaces avérées d’actions terroristes, le recrutement de personnes en vue de participer à une entreprise terroriste, la provocation au terrorisme ou l’apologie d’actes terroristes par des écrits, des forums, des tribunes publiques ou privées ou par tout autre moyen notamment par l’utilisation d’un réseau de communication bien connu des actions criminelles ressortissant au crime organisé transnational associé ou non à une entreprise terroriste».
Au regard de ce qui précède, la question légitime est de savoir les motifs d’un tel projet de loi quand on sait que le Sénégal dispose déjà d’un arsenal juridique anti-terroriste de prévention depuis 2016 avec la Loi n° 2016-33 relative aux Services de renseignement, la Loi n° 2016-29 portant Code pénal révisé, la Loi n°2016-30 portant code de procédure pénale révisée.
Ce dispositif légal antiterroriste, avec de puissants moyens d’investigation, donne la possibilité aux services spéciaux de renseignements lorsqu’ils disposent d’indices de menaces terroristes d’utiliser des procédés techniques intrusifs de surveillance et de localisation.
Pire encore, il n’y a aucun encadrement des mesures intrusives qu’ils peuvent prendre pour neutraliser une menace terroriste.
Ainsi, ce dispositif légal anti-terroriste promulgué depuis 2016, est un véritable danger pour les droits humains et libertés fondamentales des sénégalais.
Cependant, ce cadre légal a des limites pour lutter contre les contenus à caractère terroriste en ligne.
Aussi, il est fort probable que ce projet de loi du Gouvernement du Sénégal sur la sécurité intérieur portera sur la prévention de la diffusion sur internet de contenus qualifiés de terroriste.
On nous parle de lutter contre la propagande terroriste, le mal étant internet, dès lors, il se pourrait que cette lutte repose sur des dispositifs légaux de censure d'internet.
Sous-couvert de lutte contre le terrorisme, instrumentalisant sa peur, un tel texte contiendrait certainement des dispositions extrêmement dangereuses pour nos droits et libertés d’Internet en particulier la liberté d’expression en ligne, le droit d’accès à l’information, la liberté d’association et de réunion sur internet.
On nous parle de lutter contre l’endoctrinement au terrorisme via les espaces publics numériques, mais en cette période de tension politique et sociale au Sénégal, il ne serait pas surprenant que ce qui est aussi visé est la mise hors ligne des expressions politiques de l’opposition et des mouvements sociaux contestataires.
La définition du « terrorisme » est tellement vague et lorsqu’elle existe, elle est volontairement large, qu’elle peut servir à justifier la censure de toute expression politique ou sociale violente.
Ainsi, donner à la police la prérogative de décider ce qu’est un contenu « terroriste », en dessaisissant le juge, pourrait mener à la censure d’opposants politiques et de mouvements sociaux.
Face aux discours terroristes qui se propagent sur Internet et la perception de plus en plus négative des sénégalais de l’espace public numérique, ceux qui prétendent nous gouverner, tentent de légitimer l’adoption d’une stratégie légale de contrôle d’internet.
C’est tout le sens du discours du Président du Sénégal lors de la rentrée solennelle des cours et tribunaux du 09 janvier 2020.
Les protections associées à nos droits et libertés reculent partout dans ce pays: dans la rue, dans la presse et de plus en plus sur internet. Aussi, si l’on se soucie de nos droits et libertés d’internet, de préserver un espace où le pouvoir pourra être critiqué, où nous pourrons nous réunir pour débattre et nous organiser, nous devons nous mobilier pour tenir en échec un projet de loi sur la sécurité intérieur qui pourrait être liberticide.
L’Association des Utilisateurs des TIC (ASUTIC) demande aux citoyens ainsi qu’aux défenseurs des droits humains la vigilance et rappelle au Gouvernement du Sénégal:
Dans un état de droit, la censure de masse de l’Etat ne doit pouvoir être prononcée que par un jugeet non par la police;
La lutte contre le terrorisme, dans un état démocratique, ne doit jamais être un prétexte pour censurer les oppositions politiques et les mouvements sociaux contestataires."