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24 avril 2025
Développement
SALIF KEITA EN GUINÉE, VIP OU PERSONA NON GRATA ?
L'artiste malien continue sa croisade contre la France. Cette fois, il dénonce une cabale « gauloise » contre sa personne. Une persécution révélée, selon lui, par une mésaventure à l’aéroport de Conakry…
Jeune Afrique |
Damien Glez |
Publication 04/01/2020
Certains ont peut-être moins écouté la musique de Salif Keita que celle de Fela Kuti, quand « The black president » déclinait « V.I.P. » en « Vagabonds in power ». Car c’est comme un malpropre que le chanteur malien se serait fait « foutre dehors » du salon dédié aux V.I.P., justement, à l’aéroport de Conakry.
Parmi les actionnaires minoritaires de la société qui gère l’aéroport de Conakry figurent « Aéroports de Paris Management », l’Agence Française de Développement (AFD) et la Chambre de Commerce et d’Industrie de Bordeaux.
À défaut de trouver une épaule sur laquelle pleurer auprès de son propre chef de l’État, l’artiste est littéralement tombé dans les bras du président guinéen, comme en témoigne un cliché viral où il se blottit dans les bras d’Alpha Condé, lors d’une audience au Palais Sékhoutouréya.
par Jean-Baptiste Placca
URGENCE D'UN LEADERSHIP CLAIRVOYANT
Pour que l’Afrique, dans 150 ans, n’en soit pas à se demander comme Haïti aujourd’hui : « Qu’avons-nous fait de notre indépendance ? », elle devrait méditer cette phrase d'Ahmadou Ahidjo : "Il n’y a pas de dignité pour ceux qui attendent tout des autres"
Pour que l'Afrique, après deux siècles de souveraineté internationale, n'en soit pas à se demander, comme Haïti : « Qu'avons-nous fait de notre indépendance ? », elle devrait méditer sans cesse cette phrase, contenue dans le discours prononcé par Ahmadou Ahidjo, lors de la proclamation d'indépendance du Cameroun : « Il n’y a pas de dignité pour ceux qui attendent tout des autres ».
Une nouvelle année commence. Et 2020 est particulière, puisqu’elle marque le 60e anniversaire de la plupart des indépendances africaines. Et d’ailleurs, nous avons consacré, le 1erjanvier, sur cette antenne, une édition spéciale à l’indépendance du Cameroun, proclamée à l’aube du jour de l’an1960. Édition spéciale à laquelle vous semblez décerner un 20 sur 20, sans jeu de mots. Expliquez-nous donc pourquoi ?
Cette édition spéciale vaut, en effet, un cours magistral d’initiation à la politique africaine de la France, telle qu’elle a été conçue, au moment des indépendances, et telle qu’elle sera conduite, des décennies durant, par différents gouvernements. Et ceux qui veulent comprendre pourquoi les Africains sont si suspicieux vis-à-vis de la France dans ses rapports avec l’Afrique trouveront, dans ces trente minutes d’édition spéciale, des explications comme on les aura rarement enseignées dans les amphithéâtres, y compris des meilleures universités de par le monde.
Où l’on apprend que les indépendances ont rarement été concédées de bon cœur par la France. Il faut, évidemment, souligner que le Cameroun n’était pas une colonie française, comme l’étaient, par exemple, le Sénégal, la Guinée ou la Côte d’Ivoire. Le Cameroun et le Togo étaient des colonies allemandes. Et une des humiliations infligées à l’Allemagne, après sa défaite dans la Première Guerre mondiale, a été de la déposséder de ses colonies en Afrique. Et la Société des Nations, ancêtre de l’ONU avait divisé le Cameroun en deux, pour en confier la partie qui jouxte le Nigeria à la couronne britannique. Et à la France, l’autre morceau, aux confins du Congo-Brazzaville, de la Centrafrique, du Tchad et de la Guinée équatoriale.
Après la Deuxième Guerre mondiale, le conseil de tutelle de l’ONU, qui a pris la suite de la Société des Nations, a exigé de la France et de la Grande-Bretagne qu’elles laissent les territoires sous leur tutelle accéder à l’indépendance.
La France était donc, d’une certaine manière, contrainte d’accorder l’indépendance au Cameroun. Voilà pourquoi la France du général de Gaulle a dû user de subterfuges divers pour préserver ses intérêts, comme on a pu l’entendre dans l’édition spéciale.
C’est aussi parce qu’ils sentaient que l’indépendance réelle qu’ils réclamaient était en train d’être viciée, que les militants indépendantistes de l’UPC (Union des population du Kamerun) avaient pris le maquis, pour empêcher une indépendance « factice », « sous contrôle », comme l'a dit Laurent Correau dans l’édition spéciale.
La France n’avait, par contre, aucune contrainte, donc, pas besoin de subterfuges pour décoloniser ses autres colonies.
Oui. Sauf que la Guinée de Sékou Touré – et quelques « porteurs de pancartes » de Dakar et d’ailleurs – avaient défié le général de Gaulle qui, en réaction, a alors décidé de les laisser tous accéder à l’indépendance. Et ses collaborateurs se sont employés, dans la plupart des pays, à remettre les clés de la nation indépendante à des dirigeants politiques acquis à la France, qui n’étaient pas nécessairement ceux qui réclamaient la véritable indépendance. Des nationalistes qui luttaient réellement pour l’indépendance comme Um Nyobe, il y en avait dans presque tous les pays. Mais la métropole a fait en sorte que ceux-là ne deviennent pas les dirigeants des nations souveraines.
D’où une forme plus ou moins visible de servilité chez nombre de chefs d’État qui arrivent au pouvoir en 1960. Ils étaient d’ailleurs, à l’époque, dénoncés avec une certaine virulence par les associations d’étudiants d’Afrique noire, notamment en France et au Sénégal. Et si Ahidjo, Senghor, Houphouët-Boigny, et tant d’autres étaient si décriés, c’est parce qu’ils avaient été choisis par la France, pour servir de desseins que redoutait la partie la plus éclairée de l’opinion. Ces indépendances piégées expliquent d’ailleurs des ouvrages comme L’Afrique noire est mal partie de René Dumont.
Ahidjo, Senghor, Houphouët-Boigny et les autres dirigeants favorables à la France étaient-ils pour autant des traîtres à la patrie?
Pas nécessairement. Mais ils étaient plus enclins à tout céder à la France, et à se fondre sans mal dans le moule de la Françafrique. Terme, du reste, usité par Félix Houphouët-Boigny, qui rêvait de la communauté de destin voulue par le général de Gaulle. Cette « docilité » supposée, Houphouët-Boigny s’en est servi pour faire avancer la Côte d’Ivoire, qui n’était pas la mieux lotie des anciennes colonies, mais elle était « couvée » par Paris, qui l’a voulue comme vitrine, pour montrer à tous que l’allégeance pouvait être payante. Ahmadou Ahidjo ne disait pas autre chose, lorsqu’il suggérait, en janvier 1960, que la France devait être « le guide naturel des premiers pas » du Cameroun indépendant !
Soixante ans plus tard, les anciennes colonies britanniques, qui ont eu leurs propres démons, ne sont pas les plus mal en point du continent.
Pour que l’Afrique, dans 150 ans, n’en soit pas à se poser la question cruelle qui hante aujourd’hui Haïti : « Qu’avons-nous fait de notre indépendance? », un sursaut s’impose, qui passe nécessairement par un leadership clairvoyant et exemplaire.
Ahmadou Ahidjo était peut-être soumis à la France. Et si son discours du 1er janvier 1960 a été rédigé par un conseiller français, c’est néanmoins sa voix que l’on entend dire ceci, qui relève du bon sens de son terroir : « Il n’y a pas de dignité pour ceux qui attendent tout des autres ».
LA FRANCE VA NOMMER UN REPRÉSENTANT INDÉPENDANT À LA BCEAO
Selon le Financial Times, le passage du CFA à l’ECO est plus politique qu’économique. Pour le journal britannique, cette décision est motivée par les revendications des populations
Nouvelle révélation dans la polémique autour du passage du franc CFA à l’ECO, selon le magazine britannique Financial Times, le gouvernement français surveillera les reverses de la nouvelle monnaie au niveau de la Banque Centrale Des Etats de l’Afrique de l’Ouest par le biais d’un représentant dit “indépendant”.
Un représentant pour siéger à la banque centrale.
Selon le magazine britannique, un représentant indépendant sera désigné par la France pour siéger au niveau de la banque centrale.
“La France désignera un représentant «indépendant» auprès de la Banque Centrale Régionale et contrôlera quotidiennement les réserves” peut on lire dans le magazine.
Cette révélation pourrait ranimer la polémique sur le rôle de la France dans la processus de création de cette nouvelle monnaie.
Pour le Financial Times, le passage du CFA à l’ECO est plus politique qu’économique. En effet, pour le journal, cette décision est motivée par les revendications des populations.
La lutte anti franc CFA étant portée dans la quasi totalité des pays de l’UEMOA par des activistes engagés et autres membres de la société civile.
L'ÉNORME PARI IRANIEN DE TRUMP
A dix mois de la présidentielle, le président américain, grand pourfendeur des interventions militaires de so pays au Moyen-Orient, vient de prendre la décision la plus risquée de son mandat
A dix mois de l'élection présidentielle, Donald Trump, grand pourfendeur des interventions militaires américaines au Moyen-Orient, vient de prendre la décision la plus risquée de son mandat.
L'élimination, dans une attaque de drone à Bagdad, du général iranien Qassem Soleimani, marque un tournant aux répercussions imprévisibles. L'Irak dit redouter "une guerre dévastatrice", l'Iran a promis une vengeance "au bon moment et au bon endroit".
Si le président de la première puissance mondiale est un grand adepte de la rhétorique guerrière, il avait jusqu'ici fait preuve de beaucoup de retenue au moment de passer à l'offensive, comme lors de l'annulation à la dernière minute de frappes aériennes contre la République islamique en juin 2019.
Début d'une escalade ou mesure temporaire ? Moins de 24 heures après le mort du chef de la Force Qods des Gardiens de la Révolution, le Pentagone a annoncé le déploiement de 3.000 à 3.500 soldats supplémentaires dans la région.
L'ancien homme d'affaires, arrivé au pouvoir sans la moindre expérience diplomatique, va, de fait, devoir gérer sa première crise majeure de politique étrangère, sur fond d'un procès en destitution au Sénat et d'une campagne électorale qui s'annonce très agressive.
"C'est une combinaison potentiellement terrifiante qui réclame des prises de décision prudentes, sages, et une main stable et ferme", souligne, sans cacher son inquiétude, Aaron David Miller, ancien diplomate et négociateur dans des administrations des deux bords.
Or les premières réactions du milliardaire républicain, qui revendique haut et fort un fonctionnement "à l'instinct", n'ont pas contribué à rassurer ceux qui s'inquiètent de sa navigation à vue sur les dossiers géopolitiques complexes.
Fidèle à son style de communication iconoclaste et provocateur, il s'est contenté jeudi soir, au moment de l'annonce de la mort de Soleimani, de tweeter l'image d'un drapeau américain - sans le moindre mot - en guise de première réaction.
Depuis son luxueux club de Mar-al-Lago, en Floride, où il est en vacances, il a poursuivi vendredi matin avec une phrase chargée d'ambiguïté: "L'Iran n'a jamais gagné une guerre, mais n'a jamais perdu une négociation".
Pour l'ex-diplomate américain Nicholas Burns, aujourd'hui professeur à Harvard, si le général iranien prévoyait effectivement de frapper des installations américaines, l'intervention de Washington était légitime. "Mais Trump a-t-il prévu les 15 coups suivants sur l'échiquier ?", s'interroge-t-il, enclin à répondre par la négative.
Retrait d'Irak ?
Toujours très attentif à sa base électorale et à ses promesses faites lors de sa campagne victorieuse de 2016, Donald Trump répète depuis son arrivé à la Maison Blanche qu'il veut sortir des "guerres sans fin" qui, estime-t-il, ont trop couté aux Etat-Unis, humainement comme financièrement.
Pour Richard Haass, président du Council on Foreign Relations (CFR), il serait "ironique, mais aussi tragique et dangereux", que le président qui voulait réduire l'empreinte des Etats-Unis au Moyen-Orient ait "enclenché une dynamique qui nous y entraînera encore davantage au moment où nous sommes confrontés à des défis face à la Chine, la Corée du Nord ou la Russie".
Si la plupart des ténors républicains du Congrès ont fait bloc et loué le "courage" du président, les démocrates ont clamé leur inquiétude.
"Un drapeau n'est pas une stratégie", a ironisé Samantha Power, ambassadrice des Etats-Unis à l'ONU sous Barack Obama. "Trump est entouré de lèche-bottes (ayant viré tout ceux qui n'étaient pas d'accord avec lui) (...) Cela risque de mal tourner très rapidement".
Parmi les différentes hypothèses avancées par des analystes, celle d'un retrait intégral des troupes américaines d'Irak revient avec insistance. Donald Trump pourrait s'appuyer sur les menaces pesant sur les Américains et les déclarations de Bagdad pour justifier sa décision tout en menaçant de frapper de nouveau l'Iran à distance.
"Cela lui permettrait de faire un clin d'oeil à sa base électorale en apparaissant comme ferme tout en procédant à un retrait", estime Colin Kahl, expert à l'université de Stanford et ancien conseiller de Barack Obama.
Reste la question des éventuelles motivations politiques du président américain au moment où il a donné le feu vert pour éliminer le puissant général iranien.
Ironie de l'histoire, c'est Donald Trump lui-même qui avait évoqué, il y a près d'une décennie, la tentation pour le locataire de la Maison Blanche de lancer un conflit avec Téhéran à l'approche d'une grande échéance électorale. Il l'avait fait en termes très critiques et ironiques en évoquant... Barack Obama.
"Afin d'être réélu, Barack Obama lancera une guerre avec l'Iran", tweetait-il en 2011, époque à laquelle il n'était pas encore entré en politique, mais ne manquait jamais une occasion d'attaquer le dirigeant démocrate.
par Momar Dieng
LA DUPERIE PERMANENTE QUI PREND EN OTAGE LA DÉMOCRATIE
La posture du «ni oui ni non» proclamée par le chef de l’Etat est inexcusable pour celui qui est censé incarner la droiture et le respect de la parole donnée - C'est un sous produit de la mégalomanie à laquelle se convertissent les assoiffés de pouvoir
On laissera à François Mitterrand son «coup d’Etat permanent», cet essai célèbre qui visait à dénoncer la mutation du pouvoir démocratique en objet personnel opérée par un Général Charles de Gaulle auréolé pourtant par sa posture de résistant face à l’Allemagne hitlérienne. A ce «coup d’Etat permanent», il faudra désormais associer la duperie permanente qui caractérise l’action et le discours du président de la République du Sénégal. Alors que le pays tout entier réclame cohérence et certitude dans la gouvernance électorale du pays, en particulier sur l’impossibilité qu’il se représente pour un 3e mandat en 2024, le chef de l’Etat se réfugie avec un grand courage dans un galimatias de considérations crypto-personnelles qui ne font pas l’honneur de sa fonction ni celui de sa propre personne.
Les spécialistes de la science politique ne manquent jamais de rappeler combien le respect de règles du jeu communément acceptées par les acteurs et placées sous protection de la loi et du règlement demeure une exigence fondamentale pour la crédibilité de toute démocratie pluraliste libérée des écueils du paternalisme. En effet, c’est en fonction des dynamiques positives portées par les uns et les autres dans le champ politique que se concrétise cet idéal démocratique grâce auquel les contentieux électoraux deviennent marginaux et donc gérables. Mais on peine à s’y faire.
Les propos sibyllins («ni oui ni non») tenus en fin d’année par le président Sall concernant sa candidature éventuelle à la présidentielle de 2024 ne vont pas dans le sens d’une démythification du pouvoir et de ses enjeux dans notre pays. Que dit le chef de l’Etat pour justifier cette posture incompréhensible ? Entre autres : «L’année dernière, je me suis prononcé sur cette question. Et si j’en parle encore, personne ne se mettra au travail dans mon parti…» Dans tous les pays démocratiques normaux, les calendriers électoraux sont connus à l’avance sauf si des circonstances exceptionnelles et/ou des contraintes objectives obligent à les réaménager. Le Sénégal n’est ni dans un cas ni dans l’autre, fort heureusement. Il est un pays stable dans une sous-région gravement perturbée par un accès de violences et de désordres pour lesquels des Etats incompétents, faibles et privatisés au profit de groupes d’intérêts portent de grandes responsabilités.
Esprit de patrimonialisation du pouvoir
Ce qui est en cause, c’est la patrimonialisation permanente du pouvoir au cours de son exercice, sa mise au service de clans politiciens et affairistes dont le pays ne profite d’aucuns des «investissements», s’ils en font. L’administration verticale du parti qui devient un instrument monolithique au service de son chef unique, la préposition de frères, sœurs, cousins, cousines et alliés à des postes-clefs de l’appareil d’Etat et leur protection garantie contre toutes poursuites judiciaires légitimes traduisent en réel la confusion entre le parti et l’Etat. C’est peut-être cela le casse-tête de Macky Sall : pour plusieurs raisons qu’il ne partagera pas avec les Sénégalais, il craindrait des lendemains tumultueux hors du pouvoir auxquels il ne pourrait imprimer sa marque ou sa direction. Les soubresauts de la traversée du désert des Wade et de leurs amis d’hier ne lui ont pas échappé.
C’est au regard de ces éléments là que la posture du «ni oui ni non» proclamée par le chef de l’Etat est totalement inexcusable pour celui qui est censé incarner la droiture et le respect de la parole donnée. Cette façon de prendre en otage la démocratie pour neutraliser les incertitudes liées à son agenda personnel pour la période post 2024 est un sous produit de la mégalomanie à laquelle se convertissent les assoiffés de pouvoir. Elle peut être comprise, avec raison, comme une tentative de répéter le coup du mandat précédent. A cette occasion, on a pu voir la capacité du président de la République à modéliser la mauvaise foi autour d’ambiguïtés qui n’avaient de sens que pour lui et que pour les juges qui l’avaient aidé à violer son serment. Mais à force de pousser le bouchon trop loin, on finit par être éclaboussé, d’une manière ou d’une autre…
Dans son discours du 31 décembre, le président Sall a dit ceci : «La violence qui secoue le monde doit constamment nous rappeler la chance que nous avons de vivre en paix, et la responsabilité qui nous incombe de la préserver. Nous en sommes à la fois les héritiers et les gardiens ; parce que cette paix est un legs que nous ont laissé les générations passées ; un legs qu’il nous faut entretenir et transmettre aux générations futures.»
Ce discours est d’une pertinence implacable, mais dans les pratiques en vigueur depuis une dizaine d’années, c’est un homme formaté aux violences symboliques et institutionnelles qui agit pour ses propres causes, sourd aux appels à la raison, sûr de la force que lui procure le Pouvoir. Une méthode de gouvernance assimilable à un terrorisme démocratique qui, malheureusement, échappe aux sanctions de la loi. Nous en sommes là et le pire est peut-être à l’horizon…
par Nioxor Tine
ADRESSE À LA NATION OU MONOLOGUE PRÉSIDENTIEL ?
En donnant l’impression que la question du troisième mandat est encore ouverte, on subordonne les intérêts supérieurs de la Nation à ceux politiciens et étroits de BBY, rendue très vulnérable par la faiblesse de sa cohésion programmatique
La nuit de la Saint-Sylvestre, d'il y a trois jours, a confirmé ce recul démocratique réfuté par certains alliés du président, dont la finalité ultime semble être d’instaurer, dans notre pays, le règne de la pensée unique.
En effet, après le traditionnel discours présidentiel, on a eu droit, sur la quasi-totalité des médias audiovisuels, à un show médiatique et politicien, aux allures de monologue ne souffrant d’aucune contestation, qui a éclipsé les habituels débats contradictoires de la classe politique.
Mais cette façon cavalière de procéder n’étonne plus personne. Depuis 2012, date de son accession à la magistrature suprême, le président de l’APR n’a eu de cesse de domestiquer les institutions législative et judiciaire. Il semble maintenant de plus en plus évident, que même le quatrième pouvoir qu’est la presse n’a pu échapper aux serres de l’hyper-présidentialisme apériste. En témoigne la énième violation des libertés publiques que constitue la suspension des émissions de la SENTV.
Certes, la dépigmentation artificielle ou xeesal est un problème majeur de santé publique, un fléau qui est en train de faire des ravages au sein de la population sénégalaise. Aucune personne, avertie et douée de raison, ne saurait donc cautionner le fait de faire la promotion de produits aussi nocifs pour la santé de nos populations.
Néanmoins, la manière, dont la suspension des programmes de la SENTV a eu lieu, révèle des menaces plus graves encore qui pèsent sur la vie institutionnelle et démocratique de notre pays. La légèreté, avec laquelle, le CNRA semble vouloir prendre des mesures aussi extrêmes n’est pas acceptable, surtout au regard du contexte tyrannique, dans lequel baigne notre pays depuis le début de la deuxième alternance.
Nous n’insisterons pas sur l’incongruité ayant consisté à confier l’organe de régulation que constitue le CNRA, à des personnages qui, dans le passé, ont joué le rôle peu glorieux de propagandistes zélés des régimes socialiste et libéral au lieu de gérer, de manière impartiale, les médias publics, notamment la RTS.
Dans tous les cas, il est de moins en moins tolérable que la rigueur de lois taillées sur mesure ne puisse s’appliquer qu’à certains citoyens, presque toujours des opposants.
Alors que l’opinion n’a pas fini de s’émouvoir du cas de Guy Marius Sagna, qui croupit en prison pour avoir simplement usé de son droit citoyen à la marche pacifique, c’est au tour de la SENTV d’être victime d’une sanction aussi précipitée que disproportionnée.
Ce châtiment sélectif, si on considère que des médias nationaux comme la RTS et le Soleil sont au service exclusif de la coalition au pouvoir, viole allègrement le droit à une expression libre et équitable des citoyens.
Cette situation est d’autant plus dramatique, que la presse privée qui, dans le passé, a joué le rôle de sentinelle vigilante et de contre-pouvoir, ayant beaucoup contribué à la survenue de nos deux alternances semble baisser la garde.
Car, quoiqu’on puisse dire les responsables du groupe DMEDIA n’auront bénéficié, de la part de leurs confrères, que d’un soutien purement symbolique. C’était pourtant une occasion en or de mettre sous embargo médiatique les activités politiciennes du camp présidentiel recouvertes du manteau trompeur la République.
Au lieu de cela, des professionnels de la presse, parmi les plus illustres, se sont bousculé au palais présidentiel pour servir de caution morale à un navrant soliloque, dont l’animateur nous a servi les sempiternelles litanies sur ses pseudo-réalisations, usé d’effets d’annonce habituels et délibérément refusé de répondre à certaines questions très embarrassantes.
Parmi celles-ci, la question du troisième mandat, qui ne devrait même pas se poser, car déjà réglée par l’esprit et la lettre des réformes constitutionnelles adoptées lors du dernier référendum du 20 mars 2016.
En donnant l’impression que la question est encore ouverte, on subordonne les intérêts supérieurs de la Nation à ceux politiciens et étroits de Benno Bokk Yakaar, rendue très vulnérable par la faiblesse de sa cohésion programmatique, sans oublier l’absence de structuration de ses principales composantes, dont principalement l’APR.
Le président pose donc un acte très préoccupant qui secoue les fondements de notre République, à l’image des forfaitures et/ou reniements des présidents béninois, guinéen et ivoirien, qui semblent s’inscrire dans le cadre d’un reflux démocratique en Afrique de l’Ouest.
Pour le reste, le peuple sénégalais a pu constater cette ferme volonté présidentielle de continuer à garantir l’impunité aux thuriféraires du pouvoir apériste, en adoptant une posture de déni ou par un jeu de yoyo entre des institutions domestiquées (OFNAC, pouvoir judiciaire, parlement) qui se renvoient la balle.
Plus grave est le refus de nos autorités de rompre avec les paradigmes néocoloniaux, aussi bien pour les questions monétaires (garantie de la France, parité fixe), que celles sécuritaires, malgré le jeu trouble des puissances occidentales et leurs rapports équivoques avec les groupes terroristes.
C’est bien pourquoi, le dialogue national apparaît de plus en plus comme une gigantesque entreprise de diversion d’un pouvoir, qui refuse de poser des actes forts allant dans le sens d’une véritable décrispation et de l’amélioration véritable des conditions de vie des masses populaires.
Quant à l’opposition, elle gagnerait à se retrouver autour d’une plateforme commune, dans le sens d’une véritable alternative nationale, civile, démocratique et populaire.
La jeunesse populaire, en obligeant l’impérialisme français à opérer un recul tactique sur la question du franc CFA montre que des victoires sont bel et bien à portée de main.
par Oumou Wane
MESDAMES, LA RÉPUBLIQUE VOUS PROTÈGE !
Je crois en nous, en notre avenir et en notre président. Il doit gouverner dans la transparence et la clarté, tel est l’enjeu. Rien ne doit être caché des difficultés auxquelles nous sommes confrontés
Parce qu'il faut en finir avec les violences faites aux femmes et à l’enfance, aujourd’hui, je suis fière d’être Sénégalaise. Lors de son discours de vœux à la nation, le président Macky Sall s’est félicité de l’adoption ce lundi 30 décembre du projet de loi qu’il avait lui-même soumis à l’Assemblée nationale, qui criminalise désormais les actes de viol et de pédophilie. Pour le chef de l’État : « la protection de la condition féminine et de l’enfance reste un défi de notre temps » et il a raison. Dire stop aux violences faites aux femmes et à l’enfance, c’est contribuer à éradiquer ce fléau qui court partout dans le monde et continue de sévir ici en Afrique et au Sénégal.
Souvenons-nous, encore en mai dernier, le corps de Bineta Camara, 23 ans, retrouvé à son domicile de Tambacounda. La jeune femme avait péri lors d’une tentative de viol.
« Les femmes, les filles, sont nos mères, nos épouses, nos enfants. Elles constituent l’autre moitié sans laquelle notre tissu social est incomplet et méconnaissable. Dès lors, violenter une femme, violenter un enfant, c’est froisser et abîmer notre tissu social », déclarait Macky Sall dans son discours de vœux à la Nation. C’est pourquoi, a-t-il dit, "les peines applicables à ces actes ont été considérablement alourdies, sans possibilité de sursis".
Jusqu'ici, le viol était considéré au Sénégal comme un simple délit, passible de cinq à dix ans de prison. Désormais, avec la loi votée à l'Assemblée nationale, les auteurs de ces crimes peuvent écoper de peines allant jusqu'à la perpétuité.
Fière d’être Sénégalaise, quand j’entend également Macky Sall réaffirmer son ambition de faire de l’éradication du « Fléau des Enfants-Talibés » une cause nationale : « je suis tout autant déterminé à poursuivre la lutte contre le phénomène des enfants de la rue et leur maltraitance », a t-il souligné lors de son adresse à la nation.
Un discours globalement placé sous le signe du dialogue, de la paix et de la protection des populations. Le chef de l’Etat a renouvelé mardi soir les "sentiments fraternels de solidarité et de compassion" du peuple sénégalais aux pays de la sous-région durement éprouvés par les attaques terroristes meurtrières. Selon le chef de l’Etat, "la violence qui secoue le monde doit constamment nous rappeler la chance que nous avons de vivre en paix, et la responsabilité qui nous incombe de la préserver".
Sans oublier personne, présentant à chacun ses vœux de paix, de bonne santé, de bien-être et de réussite, Macky Sall a réitéré son engagement à nous servir, sans manquer d’énoncer les résultats de l’effort de transformation du pays pour le rendre plus fort et plus juste.
Il ne s’agit pas ici de rendre justice au meilleur des présidents possibles dans le meilleur des mondes possibles, non, il convient d’être juste et cohérent avec notre président.
Oui, je crois en nous, en notre avenir et en notre président. Il doit gouverner dans la transparence et la clarté, tel est l’enjeu. Rien ne doit être caché des difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Ne pas éluder les problèmes. Laisser libre court aux louanges et aux critiques de la presse, des opposants ou des observateurs.
Voilà ce en quoi je crois. Une campagne d’adhésion de la population à l’effort de la nation pour la réussite du projet « émergence 2035 ».
Pour cela, nous ne pouvons plus compter que sur les seuls politiques, nous devons compter sur nous-mêmes, citoyens et société civile. Remontons nos manches pour redresser le pays. Mobilisation générale, y-compris de la diaspora pour trouver les voies et des partenariats qui permettront de retrouver des marges de manœuvre et d’assurer le redressement.
Les femmes, mieux protégées et soutenues par la République prendront toute leur place dans ce dessein. Je souhaite que la jeunesse, majoritaire dans notre pays, joue aussi tout son rôle dans la décennie qui s’ouvre à nous.
« Nous sommes les hommes de la danse, dont les pieds reprennent vigueur en frappant le sol » - Léopold Sédar Senghor.
THOMAS SANKARA, LE PATRIOTE
Le capitaine burkinabè a promu le pouvoir populaire et la démocratie directe. Une révolution qui a entraîné certaines dérives, aujourd’hui oubliées
Le Monde Afrique |
Pierre Lepidi |
Publication 03/01/2020
« Comment voulez-vous être fier de votre pays quand vos puits sont creusés par l’Agence française de développement, vos forages faits par des Italiens, que vos téléphones viennent de Chine et vos mosquées sont financées par des Saoudiens ?, s’interroge Serge Bayala, membre du Balai citoyen, un acteur de la société civile devenu incontournable au Burkina Faso. Nous regrettons l’époque de Sankara, car il avait fait prendre conscience aux Burkinabés qu’ils avaient leur destin en main. »
Lorsqu’il prend le pouvoir le 4 août 1983, à l’âge de 33 ans, en compagnie de Blaise Compaoré, son meilleur ami, Henri Zongo et Jean-Baptise Lingani, Thomas Sankara explique que « la raison fondamentale et l’objectif du Conseil national de la révolution, c’est la défense des intérêts du peuple voltaïque [le pays s’appelle alors la Haute-Volta], la réalisation de ses profondes aspirations à la liberté et à l’indépendance véritable ». Il conclut sa proclamation par le fameux « La patrie ou la mort, nous vaincrons », qui deviendra un an plus tard la devise du pays. Thomas Sankara s’appuie sur le patriotisme pour créer une rupture avec ce qu’il estime « un héritage de vingt-trois années de colonisation. » Dès le lendemain de son coup d’Etat, tout s’enchaîne très vite.
Le capitaine, d’influence marxiste, veut expérimenter un pouvoir populaire et une démocratie directe. « Tout ce qui est bon pour le peuple, faites-le ! », dit-il aux Comités de défense de la révolution (CDR), des institutions locales chargées d’une forme de souveraineté. Sur le plan politique, des actions multiples sont lancées pendant ces quatre années de pouvoir. Dans de nombreux domaines, c’est un succès comme la défense de l’environnement, l’émancipation des femmes, l’autosuffisance alimentaire, la réduction du train de vie de l’Etat ou la lutte contre la corruption.
Le pays gagne sa dignité
Lorsqu’il prend le pouvoir en Haute-Volta, son pays est parmi les pays les plus pauvres du monde. Le taux de mortalité infantile est estimé à 180 pour 1 000, l’espérance de vie ne dépasse pas 40 ans, le taux d’analphabétisme monte à 98 %. Il impose alors des mesures radicales comme les opérations de vaccination « commandos » qui permettront, en quelques semaines, de vacciner 2,5 millions d’enfants contre la méningite, la fièvre jaune et la rougeole. Il recevra les compliments de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Pour lutter contre l’analphabétisme, il prévoit que chaque personne lettrée puisse apprendre à lire et à écrire à d’autres et il fait passer le taux de scolarisation de 6 % à 24 %. De quoi lui donner envie le 4 octobre 1984 d’ouvrir son discours à l’ONU par : « Je viens vous apporter le salut fraternel d’un pays de 274 000 km², où sept millions d’enfants, de femmes et d’hommes, refusent désormais de mourir d’ignorance, de faim et de soif. »
Le Burkina Faso reste pauvre mais il gagne sa dignité. « Nous n’étions pas de vulgaires gamins mais des pionniers de la révolution, se souvient avec fierté Eric Kinda, porte-parole du Balai citoyen. A l’école, on recevait une formation de base idéologique et citoyenne axée sur l’amour de la patrie, le don de soi, l’honneur, le travail, l’intégrité… On devait défendre ses valeurs et nous en étions fiers. On ne voyait pas Sankara comme notre président mais comme notre père. »
Le capitaine charismatique est sur tous les fronts. Comme il estime qu’il faut « produire ce que l’on consomme et consommer ce que l’on produit », il impose à tous les fonctionnaires et à tous les membres de son gouvernement lors des cérémonies officielles de porter le Faso Dan Fani, l’habit traditionnel fait de bandes de coton tissées de façon artisanale. Dans la cour de leur maison, de nombreuses femmes se mettent à l’ouvrage pour gagner leur indépendance financière.
Les excès d’autorité se multiplient
« Comme un peuple malade ne peut pas faire avancer un pays, il a imposé le sport pour tout le monde, deux fois par semaine, le mardi et le jeudi en fin d’après-midi, explique Serge Bayala. Afin de développer les valeurs de l’effort et du collectif, il a fait construire des dizaines de terrains de sport. » Quant à la sécurité du pays, elle doit être assurée par les militaires appuyés par les citoyens. « Un civil est un militaire en permission. Un militaire est un civil en mission », dit-il avec son sens de la formule.
Thomas Sankara voit grand, estimant que « tout ce qui est imaginable par l’homme est réalisable par l’homme ». Après avoir essuyé un refus du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale – les bailleurs de fonds traditionnels de l’Afrique – pour financer le prolongement du chemin de fer vers le nord du pays, il se tourne vers Fidel Castro pour lancer « la bataille du rail » et mobiliser la population pour venir poser, souvent à mains nues, une voie de chemin de fer.
« Les trains ont pu aller jusqu’à la ville de Kaya pour faciliter l’acheminement du manganèse, du nickel et d’autres produits vers la Côte d’Ivoire, explique Bernard Sanou, colonel à la retraite. Un jour, Thomas m’a dit qu’il réfléchissait à la construction d’un canal vers le Ghana. Quand je lui ai demandé s’il était sérieux, il m’a rappelé que les Egyptiens avaient construit celui de Suez il y a un siècle… Pour lui, chaque problème pouvait être résolu à condition d’y réfléchir et d’agir. » Il lance aussi de vastes campagnes de reboisement, d’arrachages de mauvaises herbes, de nettoyage des caniveaux…
Car le « camarade président » veut agir vite. Au quotidien, les CDR surveillent la population mais aussi les ministères, les fonctionnaires. Au fil des semaines, les excès d’autorité et les dérives se multiplient. En juin 1984, dans un procès rendu public, sept personnes accusées d’avoir fomenté un complot sont condamnées à être fusillées, quatre autres à des peines de vingt années de prison. « De très graves erreurs et même des assassinats ont été commis, comme celui du commandant Amadou Sadawogo, regrette Boukary Kaboré, commandant du Bataillon d’intervention aéroporté. Thomas était le premier à dénoncer ces excès et les insuffisances des CDR. »
La révolution se cherche un second souffle
Des opposants sont arrêtés et une répression s’abat aussi sur les syndicats.« Dès que les militants n’étaient plus en odeur de sainteté, ils étaient arrêtés, explique Philippe Ouédraogo, ancien ministre de Thomas Sankara pendant la première année de la révolution. Certains ont subi des simulacres d’exécution, d’autres des tortures physiques. » « J’ai vu à proximité d’un CDR des hommes pendus par les bras au-dessus d’un feu », se souvient Francis Simonis, maître de conférences « Histoire de l’Afrique » à l’université d’Aix-Marseille et professeur de lycée à Bobo-Dioulasso pendant l’époque sankariste.
Durant les élections, plus d’isoloirs. « Thomas voulait que les élections soient ouvertes pour plus de transparence. Il disait que l’appareil électoral ne signifiait pas l’existence d’un processus démocratique et que tous les citoyens devaient avoir leur chance de se présenter », se souvientFidèle Toé. « Ceux qui organisent des élections de temps à autre et ne se préoccupent du peuple qu’avant chaque acte électoral n’ont pas un système réellement démocratique », assurait le capitaine, dont tous les ministres étaient nommés pour un an. Dans la petite bourgeoisie et les fonctionnaires, dont les salaires sont ponctionnés de 5 à 12 % dans le cadre d’un Effort populaire d’investissement (EPI), la lassitude finit par gagner vers 1985. Le gouvernement réagit en ordonnant la gratuité des loyers, mais la révolution se cherche un second souffle.
Les dissensions entre le président et Blaise Compaoré, qui va lui succéder pendant vingt-sept années après son assassinat dont il est le principal suspect, se traduisent par la formation de deux clans qui vont rendre la tension palpable au sein de l’armée et « créer une atmosphère malsaine et crapoteuse dans les rues comme dans les ministères », se souvient Bernard Sanou.
« On retient de Thomas Sankara qu’il a rendu leur fierté et leur dignité aux Burkinabés et c’est vrai, analyse Francis Simonis. Avec lui, il y avait l’idée d’une grande nation, d’un panafricanisme et même d’un âge d’or qui s’est effondré après sa disparition. Les aspects plus sombres de sa révolution ont disparu avec le temps. »
QUI EST WILFRID LAURIANO DO REGO, COORDONNATEUR DU CPA D'EMMANUEL MACRON ?
Ce Franco-Béninois de 58 ans est le nouveau coordonnateur du Conseil présidentiel pour l’Afrique, créé par Emmanuel Macron. Sa mission : revitaliser les relations entre la France et le continent
Jeune Afrique |
Benjamin Roger |
Publication 03/01/2020
Après l’avoir rencontré par le biais d’amis communs, Jules-Armand Aniambossou, tout juste nommé ambassadeur de France en Ouganda, a suggéré son nom à Emmanuel Macron, qui lui cherchait un successeur à la tête du Conseil présidentiel pour l’Afrique (CPA). Au début de 2019, il l’a convié à des événements organisés par le CPA puis, en mai, lui a présenté Franck Paris, le conseiller Afrique du chef de l’État français.
2. KPMG
Do Rego a fait toute sa carrière au sein de KPMG, où il est entré en 1988. Aujourd’hui membre du conseil de surveillance de ce cabinet d’audit, il y fait du conseil en fusion-acquisition dans le secteur de l’énergie et a mené à bien des opérations dans plusieurs pays africains. En 2002, il est devenu le premier associé noir de KPMG, qui comptait alors environ 300 membres. « C’est l’une de mes fiertés », explique-t-il.
3. Polyglotte et golfeur
De par ses origines et son parcours, il parle plusieurs langues africaines : wolof, fon, yorouba, mina. Il aime par ailleurs jouer au golf. En région parisienne, le week-end, et sur la Côte d’Azur ou à Lomé (son épouse est togolaise), pendant ses congés.
4. Enfance au pays
Comme Aniambossou, son prédécesseur, il est franco-béninois. Il est né au Bénin, où il a passé son enfance, et retourne plusieurs fois par an à Cotonou pour voir sa famille.
5. Dakarois d’adoption
Peu après l’arrivée au pouvoir de Mathieu Kérékou, en 1975, il quitte le Bénin pour le Sénégal. Scolarisé au collège Sacré-Cœur et au lycée Saint-Michel, à Dakar, il obtient ensuite une maîtrise de sciences économiques à l’université Cheikh-Anta-Diop. Il dit qu’il a passé ses « meilleures années » dans la capitale sénégalaise et que ses amis sénégalais sont devenus ses « frères ».
6. Club XXIe siècle
En sa qualité de membre du Club XXIe siècle, il a rencontré deux fois Emmanuel Macron avant que celui-ci accède à l’Élysée, en particulier à l’occasion d’un dîner, durant sa campagne électorale. Depuis qu’il est à la tête du CPA, il voit le chef de l’État français environ une fois par trimestre. Il l’accompagnera à l’occasion de ses prochains déplacements en Afrique.
7. Échanges
Il dirige un CPA remanié, dont l’un des objectifs est de faire des diasporas africaines de France un vecteur des échanges avec le continent. En 2020, le CPA participera à l’organisation du sommet Afrique-France, prévu au début de juin à Bordeaux, et à celle de la Saison des cultures africaines.
8. Solaire
Spécialisé dans le domaine des énergies renouvelables depuis plus de quinze ans, il est vice-président de la fondation Terrawatt Initiative, qui promeut la fourniture d’énergie solaire à bas coût dans les pays en développement.
9. Franc CFA
Avec le CPA, il souhaite organiser une série de conférences-débats sur la réforme du franc CFA. Le premier rendez-vous a eu lieu le 14 octobre à Sciences Po Paris, en présence de Kako Nubukpo, de Lionel Zinsou et de Rebecca Enonchong. D’autres pourraient avoir lieu prochainement dans des capitales africaines.
10. Discret
Contrairement à son prédécesseur, diplomate affable et très à l’aise avec les médias, il est plus discret et moins habitué à échanger avec les journalistes.
L'HUMEUR DU DOYEN, PAR ALYMANA BATHILY
LA RÉFORME MACRON-OUATTARA DU FCFA APRÈS LA LOI CADRE
EXCLUSIF SENEPLUS - L’objectif recherché par la France en 1956 comme aujourd’hui est le même : contrecarrer l’unité de l’Afrique, quitte à déléguer ses pouvoirs à des élites locales avec qui elle a partie liée depuis toujours
Alymana Bathily de SenePlus |
Publication 03/01/2020
Cette réforme tout en entérinant le changement d’appellation de la monnaie de « Franc CFA » en « ECO », interdit désormais à la France de siéger dans les organes de décisions et annule l’obligation de dépôt de 50% des réserves de change des Etats membres de l’OEMOA auprès de la Banque de France, mais maintient l’arrimage de la nouvelle monnaie à l’euro ainsi que sa garantie par la France
Le Professeur Abdoulaye Bathily historien, universitaire et homme politique fait le rapprochement entre cette réforme qu’on pourrait appeler « Réforme Macron-Ouattara » et la « Loi Gaston Deferre » ou « Loi Cadre » de 1956. Pour comprendre l’analogie, il convient de revenir sur cette Loi Cadre.
Adoptée le 20 juin 1956 par l’Assemblée Nationale Française et promulguée définitivement dès 4 Avril 1957, cette loi a été élaborée par M. Gaston Defferre, ministre de la France d'Outre-mer du gouvernement de M. Guy Mollet et par M. Félix Houphouët Boigny, ministre délégué.
C’était sous la IVème République Française et la France était alors dotée d’un régime parlementaire.
La loi Cadre a créé à travers les Assemblées territoriales des différentes colonies françaises d’Afrique, des Conseils de Gouvernement autonomes sur certains domaines par rapport à la métropole et qui nomment leurs membres.
La « loi Cadre » aménage aussi la fonction publique par « l’africanisation des cadres » afin de "permettre aux Africains d'accéder à tous les échelons de la hiérarchie administrative". Elle instaure par ailleurs, le suffrage universel en lieu et place d’un collège pour les Africains et d’un autre pour les citoyens français et assimilés.
La loi Cadre intervient dans un contexte d’une « l’Afrique française » organisée dans le cadre de l’Union Française (on disait jusqu’alors l’Empire Français) à travers deux grands ensembles : l’Afrique Occidentale Française (AOF) et l’Afrique Equatoriale Française (AEF) est en pleine effervescence politique et syndicale.
Le Rassemblement Démocratique Africain (RDA) crée en 1947 à Bamako, allié au Parti Communiste Français, a réussi à fédérer sous le leadership de Houphouët Boigny, malgré les tracasseries et une violente répression, les forces politiques et syndicales ainsi que les intellectuels de toute l’Afrique Occidentale et même de plusieurs pays de l’Afrique Equatoriale (Tchad, Congo, Cameroun et Gabon).
La Confédération Générale des Travailleurs (CGT) affiliée à la CGT française et au mouvement ouvrier communiste international assure le leadership syndicats des travailleurs dans toute la région et organise grèves et revendications sociales dans la fonction publique aussi bien que dans le secteur privé.
Ceci alors que la France vient de subir la cinglante défaite de Dien Bien Phu et que la guerre de libération nationale engagée en 1954 par le Front National de Libération de l’Algérie fait rage.
Au Cameroun un vaste mouvement de protestation qui a éclaté en 1955, se développe contre l’administration coloniale que la France a mise en place alors que le pays est juridiquement sous la tutelle des Nations Unies. Le mouvement pour l’indépendance du Ghana sous la conduite de Kwame Nkrumah a le vent en poupe.
La jeunesse africaine et notamment les étudiants africains en France, à travers la Fédération des Etudiants Africains en France (FEANF) créée dès 1951 sont critique des options assimilationnistes des élus et revendiquent déjà l’indépendance totale de l’Afrique par « la « voie révolutionnaire » et dans l’unité ».
L’Union Démocratique Sénégalaise se démarque du BDS (Bloc Démocratique Sénégalais de Léopold Senghor) en 1956 et œuvre déjà à la création du PAI (Parti Africain de l’Indépendance) qui interviendra en 1957, qui se définira d’emblée «comme panafricaniste et marxiste-léniniste ».
Aussi, la « Loi Cadre » a-t-elle pour objectif, face à ces événements, de contenir le mouvement d’indépendance des Africains dans des « territoires nationaux », de « balkaniser » l’Afrique, selon l’expression de Senghor, pour contrôler son évolution
Gaston Defferre dira ainsi : "le gouvernement, conscient de la nécessité de ne pas se laisser devancer et dominer par les événements, a soumis à l'approbation de la Chambre des députés et du Sénat un projet de loi tendant à faire participer étroitement les originaires des pays d'Outre-mer à la gestion de leurs propres affaires… »
Il faut dire que l’adoption de la « Loi Cadre » a été précédée par une violente répression qui a abouti au démantèlement du RDA et de la CGT, leur désaffiliation du Parti Communiste Français et le retournement spectaculaire de Félix Houphouët Boigny qui est désormais ministre du gouvernement français.
La similitude entre la réforme Macron/Ouattara du FCFA et la « Loi Cadre » Deferre/Houphouët Boigny est effectivement frappante.
Non seulement parce que dans l’un et l’autre cas c’est un leader de la Côte d’Ivoire qui s’associe à la France mais aussi parce que l’objectif recherché par la France en 1956 comme aujourd’hui est le même : contrecarrer l’unité de l’Afrique, quitte pour cela à renoncer à tout rôle de premier plan et à déléguer ses pouvoirs à des élites locales avec qui elle a partie liée depuis toujours.
De même que la Loi Cadre a été la matrice qui a permis de mettre en place la Françafrique, la réforme Macron/Ouattara devra mettre en place un new deal monétaire capable de sauvegarder pour l’essentiel le leadership de la France sur ses anciennes colonies d’Afrique face aux enjeux du 21eme siècle.
Retrouvez chaque semaine sur SenePlus, le billet de notre éditorialiste, Alymana Bathily