Les Français fondent la ville de Saint-Louis à l’embouchure du fleuve Sénégal.
XVIIe, XVIIIe siècles
Plus d’un million et demi d’Africains sont déportés aux Antilles par les Français (traite négrière).
1792
4 avril. Les habitants de Gorée sont dotés de la citoyenneté française.
1794
4 février. La Ire République abolit l’esclavage dans les colonies françaises. Il sera rétabli par Napoléon.
1841
25 avril. Le commandant Pierre Passot, missionné par Louis-Philippe, achète l’île de Mayotte au sultan Andrian Souli.
1848
27 avril. La IIe République abolit l’esclavage. Les autochtones des colonies du Sénégal obtiennent le droit de vote. Pour la première fois, le Sénégal est représenté à l’Assemblée nationale, par le négociant Barthélemy Valantin Durand. Un esclave noir affranchi, Louisy Mathieu, est élu député de la Guadeloupe.
1852
Début de la conquête du Sénégal et du Soudan occidental sous la houlette du général Louis Faidherbe. Il crée Dakar en 1857.
1862
11 mars. Le sultanat de Tadjourah (actuel Djibouti) cède à la France le port d’Obock en mer Rouge.
1872
10 août. Saint-Louis, Gorée, Rufisque et Dakar sont dotées du statut de communes françaises (loi dite « des Quatre Communes ») avec citoyenneté partielle.
1884-1885
Lors de la conférence de Berlin, les principaux pays européens se partagent le territoire de l’Afrique.
1885
30 juillet. À la tribune de la Chambre des députés à Paris, le radical Georges Clemenceau condamne les expéditions coloniales et dénonce le fait de « revêtir la violence du nom hypocrite de civilisation ! ». Il obtient la chute du gouvernement.
1887
Le code de l’indigénat s’étend à l’Afrique subsaharienne. Il soumet les « sujets » coloniaux à un régime administratif discrétionnaire. Il sera aboli en 1946
1890
18 août. Création du Soudan français (actuel Mali).
1895
16 juin. Naissance de l’Afrique-Occidentale française (AOF), avec Saint-Louis comme chef-lieu (puis Dakar en 1902).
1896
20 mai. Constitution de la colonie de la Côte française des Somalis, dont Djibouti est la capitale. Elle deviendra en 1967 le Territoire français des Afars et des Issas (TFAI).
1898
Juillet-novembre. Crise de Fachoda (Soudan) : le Royaume-Uni supplante la France pour le contrôle du bassin du Nil.
29 septembre. Les troupes françaises capturent Samory Touré, dont la rébellion résistait depuis seize ans à la colonisation.
1910
15 janvier. Création de l’Afrique-Équatoriale française (AEF) : actuels Gabon, Congo-Brazzaville, Centrafrique et Tchad.
1914
Le Sénégalais Blaise Diagne est le premier Africain élu à la Chambre des députés française.
1916
4 mars. La France et le Royaume-Uni se partagent le Cameroun. L’accord est entériné par la Société des nations (SDN) en 1922.
1940
2 décembre. Le colonel Philippe de Hauteclocque (dit « Leclerc ») forme, au Tchad, une colonne blindée de 350 hommes — essentiellement africains — pour reprendre la Libye aux Italiens et participer à la France libre.
1944
30 janvier. Lors de la conférence de Brazzaville, le général de Gaulle évoque la possibilité pour les Africains de « participer chez eux à la gestion de leurs propres affaires ».
1er décembre. Dans le camp de Thiaroye (Dakar), l’armée française tue des dizaines de tirailleurs sénégalais qui réclamaient leur solde.
1945
26 décembre. Création du franc CFA (« franc des colonies françaises d’Afrique », rebaptisé « franc de la communauté financière africaine » après les indépendances).
1947
29 mars. À Madagascar, début de la répression d’un soulèvement par les troupes coloniales ; elle fera cent mille morts.
1956
La loi-cadre proposée par Gaston Defferre accorde aux colonies une semi-autonomie.
1957
25 mars. À la demande de Paris, le traité de Rome fondant la Communauté économique européenne (CEE) associe les territoires français d’outre-mer, essentiellement africains, au Marché commun et crée le Fonds européen de développement (FED). Cette association préfigure les accords de coopération CEE-Afrique (accords de Yaoundé puis convention de Lomé).
1958
28 septembre. Par référendum, la Guinée rejette la « communauté » franco-africaine voulue par le général de Gaulle. Ahmed Sékou Touré proclame l’indépendance le 2 octobre.
1960
Les colonies françaises d’Afrique noire et Madagascar deviennent indépendantes. L’île Maurice, les Seychelles et Djibouti le seront respectivement en 1967, 1976 et 1977.
Février. Jacques Foccart est nommé secrétaire général de l’Élysée aux affaires africaines et malgaches. Il occupera le poste de « M. Afrique » jusqu’en 1974.
3 novembre. L’indépendantiste camerounais Félix Moumié est assassiné par les services secrets français à Genève.
1963
Décembre. Naissance de la société française Entreprise de recherches et d’activités pétrolières (ERAP), renommée Elf en 1967.
1967
27 novembre. Au décès du président Léon Mba, Paris installe le vice-président Albert-Bernard (futur Omar) Bongo à la tête du Gabon.
1970
20 mars. À l’initiative des présidents Hamani Diori (Niger), Léopold Sédar Senghor (Sénégal), Habib Bourguiba (Tunisie) et du prince Norodom Sihanouk (Cambodge), la conférence de Niamey crée l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT), qui regroupe vingt et un pays dont la France. Elle est remplacée en 1998 par l’Agence intergouvernementale de la francophonie (AIF).
1976
4 décembre. Parvenu au pouvoir en décembre 1965, grâce à un coup d’État, Jean Bédel Bokassa se fait sacrer empereur de Centrafrique sous le regard bienveillant de la France.
1977
25 juin. Indépendance du TFAI, qui prend le nom de République de Djibouti. La France y maintient une importante base militaire.
1977-1978
Interventions françaises au Zaïre (actuelle République démocratique du Congo, RDC), pour appuyer le maréchal Mobutu Sese Seko contre le Front national de libération du Congo (FLNC), soutenu par l’Angola.
1978
Mai. Au Zaïre, un commando de la Légion étrangère française libère des otages européens qui étaient retenus dans la ville minière de Kolwezi par des rebelles katangais.
1979
20 septembre. Bokassa Ier est renversé par un commando de l’armée française.
1982
7 juin. M. Hissène Habré, soutenu par Paris et Washington, renverse le président tchadien Goukouni Oueddeï.
1986
23 septembre Les parachutistes français sauvent le président togolais Gnassingbé Eyadéma d’un coup d’État.
1987
15 octobre. Assassinat du président burkinabé Thomas Sankara lors du putsch mené par M. Blaise Compaoré, ami de Paris.
1989
24 mai. Lors du 3e Sommet de la francophonie, à Dakar (Sénégal), Paris renonce aux 16 milliards de francs de dette publique dus par trente-cinq pays africains.
1990
Mai-juillet. Officiellement destinée à évacuer les ressortissants français, l’opération militaire « Requin » permet à Paris de mettre fin aux émeutes de Libreville (Gabon).
20 juin. Lors du 16e sommet Afrique-France, à La Baule, le président François Mitterrand annonce que la France ne soutiendra plus les pays qui ne respectent pas la démocratie.
4 octobre. La France dépêche au Rwanda une centaine de « conseillers » militaires pour aider le président hutu Juvénal Habyarimana, confronté aux rebelles tutsis du Front patriotique rwandais (FPR).
1er décembre. Avec l’appui de la France et du Soudan, M. Idriss Déby Itno renverse M. Habré au Tchad.
1994
12 janvier. Le gouvernement français d’Édouard Balladur impose la dévaluation de 50 % du franc CFA. Le pouvoir d’achat chute brutalement dans les quatorze pays de la zone.
6 avril. Début du génocide des Tutsis du Rwanda. La France, qui lance l’opération humanitaire « Turquoise » en juin, sera mise en cause pour sa passivité, et accusée de complicité.
Juillet. La Commission des opérations de bourse découvre la douteuse participation financière d’Elf à l’achat de l’entreprise Cluett Peabody par le groupe français Bidermann. C’est le début de l’affaire Elf, qui se terminera en 2003 par la condamnation de plusieurs dirigeants de l’entreprise pétrolière.
1997
15 octobre. Au Congo-Brazzaville, M. Denis Sassou Nguesso s’impose militairement à la tête de l’État. Il se proclame président le 25 avec le soutien de Paris.
2002
22 septembre. La France déclenche l’opération « Licorne » pour rapatrier ses ressortissants en Côte d’Ivoire, alors qu’une rébellion armée marche sur Abidjan. L’opération s’élargit à l’interposition entre les belligérants.
2003
24 janvier. Les accords de Marcoussis (Paris) imposent un partage du pouvoir en Côte d’Ivoire.
2004
6 novembre. Après le bombardement de la base française de Bouaké (neuf Français tués), la France détruit la flotte aérienne ivoirienne. Le lendemain, à Abidjan, les forces françaises ouvrent le feu sur des manifestants, faisant des dizaines de morts.
2006
1er janvier. L’Organisation internationale de la francophonie (OIF) succède à l’AIF.
24 novembre. Le Rwanda rompt ses relations diplomatiques avec la France pour protester contre une procédure judiciaire entamée à Paris contre le président Paul Kagamé. Elles seront rétablies en 2009.
2007
26 juillet. Le discours du président français Nicolas Sarkozy à l’université de Dakar provoque une vive polémique.
2009
3 septembre. Élection controversée de M. Ali Bongo Ondimba, fils d’Omar Bongo, mort en juin. Émeutes contre les intérêts français.
2010
Novembre-décembre. Une crise éclate à l’issue du second tour de l’élection présidentielle ivoirienne, qui oppose MM. Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara. Les combats feront trois mille morts.
2011
11 avril. L’armée française et l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci) déposent M. Gbagbo.
2013
11 janvier. Début de l’opération « Serval », décidée par Paris avec mandat des Nations unies pour repousser les djihadistes du nord du Mali. Elle s’achève l’année suivante.
5 décembre. La France met en place l’opération « Sangaris » pour faire cesser les affrontements qui ensanglantent la Centrafrique. « Sangaris » prend fin en 2016.
2014
1er août. Lancement de l’opération « Barkhane », destinée à stabiliser la bande saharo-sahélienne, en coordination avec le Mali, le Tchad, le Burkina Faso et le Niger.
2016
28 janvier. Ouverture à La Haye du procès de M. Gbagbo, accusé par la Cour pénale internationale de crimes contre l’humanité. Il sera acquitté trois ans plus tard.
2017
14 septembre. Selon l’organisation sud-africaine Open Secrets, la France aurait vendu des armes à Pretoria malgré l’embargo qui frappait le régime d’apartheid, en Afrique du Sud, entre 1977 et 1994.
2018
10 janvier. La population de Bamako manifeste contre la présence militaire française au Mali.
2019
4 février. La chasse française bombarde un convoi de rebelles dans le nord du Tchad.
3 avril. Le médecin militaire Marc Laycuras est le vingt-quatrième soldat français tué au Mali depuis 2013.
par l'éditorialiste de seneplus, pierre sané
LETTRE OUVERTE AUX MILITANTS ANTI CFA
EXCLUSIF SENEPLUS - L’Eco français est une diversion - Le Cfa ne peut pas être réformé, il doit disparaître et la tutelle française avec - Vous imaginez l’administration française décidant de dévaluer le naira ?
En finir définitivement avec le CFA/ECO : Une feuille de route
L’année 2020 marquera le 60e anniversaire de l’accès à l’indépendance des colonies françaises d’Afrique. Beaucoup de commémorations et de réjouissances à venir !
Stay tuned !
Sauf que tout au long de l’année, l’incongruité de la permanence du franc colonial (rebaptisé Éco) continuera à susciter des controverses et des exigences visant à mettre fin au statut quo. Nous avons en 2020 l’opportunité d’écrire une nouvelle page de notre histoire contemporaine de la décolonisation. Ou de rester bloqués sur notre ligne de départ de 1960 ou pire de prendre un faux départ avec l’Éco français (qui peut littéralement être qualifié de non événement).
Battre une monnaie est un droit régalien qui relève de la compétence exclusive du Parlement, c’est-à-dire du peuple souverain. Le Cfa, même dans la version “Éco” que se “seraient appropriée” certains chefs d’États africains, n’en serait pas moins une violation continuelle de nos constitutions (1).
Il faudrait donc commencer par se “réapproprier” notre droit souverain de battre notre propre monnaie au cas où il aurait été délégué par une convention quelconque. La souveraineté ne se délègue pas. A la limite, elle se partage dans un schéma d’intégration régionale (monnaie unique ou commune d’abord, forces de défense, commerce extérieur, etc.). Apres tout, près de 150 pays ont leur propre monnaie nationale.
Le subterfuge de l’Éco français
Le subterfuge de l’Éco a été rapidement débusqué pour ce qu’il représente : un leurre. La garantie accordée par la France lui donne un droit de regard sur les transactions internationales des pays de la zone Cfa/Éco et sur une dévaluation éventuelle, l’arrimage exclusif à l’Euro continuera à alimenter les transferts libres de capitaux et l’évasion fiscale et à plomber la compétitivité de nos économies, l’arrêt du compte d’opérations n’empêchera pas le “libre” dépôt des réserves ou de l’or auprès de la Banque de France ou de la Banque européenne (même si comme l’a souligné le président français, cela ne devient plus... “obligatoire “). Quant au retrait des administrateurs français, cela ne réduit en rien la capacité à exercer la tutelle cette fois-ci, par “le biais de relations plus informelles“, dixit le président Macron dans son discours d’Abidjan. C’est la définition même du néocolonialisme : Indirect rule ! On connaît.
Mais l’élément le plus nocif, c’est que la “garantie” de la France lui ouvre la possibilité d’influer sur les étapes suivantes dans la construction d’un espace monétaire commun en Afrique de l’Ouest et de le dérailler durablement. Ainsi, le président Macron dans son discours d’Abidjan du 21 décembre 2019 (disponible sur YouTube) fait-il appel au Ghana à la Guinée à la Gambie à la Sierra Leone pour qu’ils se joignent à l’initiative française/UEMOA et ne mentionne pas une seule fois le Nigeria ! Pas une seule fois ! Tout est dit.
Mais cela dit, dans ce débat, je pense que deux perspectives manquent à l’appel :
Mettre fin au franc CFA-ECO : Un débat de “nous dans nous”.
La discussion avec les chefs d’État africains des ex-colonies françaises ou avec les responsables de l’Etat français ne doit pas absorber toute notre énergie. Ils nous entendent mais ils n’écoutent pas.
Alors je le redis haut et fort : Le fait qu’une monnaie française (2) continue de circuler dans l’ancien espace colonial africain 60 ans après les indépendances est tout simplement une aberration politique sociale et économique. Tout simplement ...et le débat devrait être clos.
Cela a assez duré, l’immobilisme (pardon, la ”stabilité" !)n’est pas consistant avec les besoins du développement et de l’éradication de la pauvreté. Parité fixe alors que tout bouge autour de nous ? Après 60 ans, on devrait savoir. Non ?
Les arguments d’un Ouattara portant sur la stabilité, la garantie et l’inflation maîtrisée n’invalident en aucune manière la mise en place d’une alternative qui intègre ces critères (si tel est notre choix) tout en nous permettant d’exercer pleinement les attributs de notre souveraineté économique et monétaire indispensables à toute entreprise sérieuse de développement. Que ce soit au niveau national ou régional.
M. Ouattara, on connaît son parcours. Après avoir dirigé la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest et porté un titre ronflant au FMI, il a été littéralement porté au pouvoir par les chars de l’armée française diligentés par l’État français et alliés à des gangs de rebelles surgis du Burkina Faso. (Ce que Guillaume Soro a récemment confirmé). L’allégeance d’Alassane Dramane Ouattara à la Françafrique est indiscutable. Il n’est donc pas crédible. Qui d’ailleurs en Afrique l’écoute ?
L’État français quant à lui n’a jamais été respectueux et encore moins généreux avec ses ex-colonies, nonobstant la soit disant aide au développement. L’Etat français n’a jamais été “l’ami” des peuples africains. Jamais. Il suffit de relire les ouvrages d’histoire : déportations massives de nos ancêtres pour ravitailler les marchés d’esclaves outre-atlantique, conquêtes coloniales d’une violence inouïe, expropriations arbitraires, travail forcé, balkanisation, pacte colonial....(5) Ce n’est pas pour rien que le colonialisme a été qualifié de crime contre l’humanité par les Nations Unies.
Vous avez dit “amis” ?
Quant au Cfa, l’administration française à quand même réussi la prouesse de rendre la BCEAO indépendante des États africains tout en maintenant sa tutelle à travers différénts mécanismes administratifs et bureaucratiques. Prouesse d’autant plus remarquable que cette tutelle s’exerce hors de tout contrôle parlementaire français bien qu’il s’agisse d’une monnaie éminemment française. In fine, le CFA est sous la seule tutelle du ministre français des finances libre par ailleurs de toute supervision démocratique et qui à travers la zone franc, contrôle l‘économie de tout un groupe de pays. Chapeau, la France ! Et l’Éco n’y changera rien.
Soyons clairs : si l’Etat français continue d’imposer la circulation de sa monnaie dans son ancien espace colonial, c’est tout simplement parce qu’il y trouve son intérêt et ce, à notre détriment. Sinon, il y a longtemps qu’il y aurait mis fin .Sans état d’âme. Comme lors de sa décision unilatérale de dévaluer le CFA en 1994 (3). Sans compter celle qui pourrait advenir ....par surprise (?) (4).
Amplifier la campagne contre le Cfa-Éco français
Donc le débat n’est pas avec eux. Ou du moins, ce n’est pas le plus important. Ce que nous devons établir maintenant, c’est un rapport de force en portant le débat au sein de l’opinion publique et des organisations populaires. La question est la suivante : En quoi et à quelles conditions le remplacement du Cfa-Éco par une monnaie nationale, puis régionale sera-t-il bénéfique aux pêcheurs, aux éleveurs, aux producteurs d’arachides, de cacao, aux femmes associées dans des groupements de production, aux PMEs et aux acteurs du secteur dit informel ..? Le problème est donc politique. Et il relève des Parlements nationaux et sociétés civiles de notre région.
Pour chaque secteur, il faudrait en fait entreprendre de sérieuses recherches d’impacts futurs, développer les argumentaires et donner des réponses objectives car il s’agit de la vie des gens et il faut cesser de prendre des décisions à leur place. C’est eux qu’il faut convaincre car c’est à eux qu’il appartiendra de mener le combat (s’ils sont convaincus qu’il y va de leur intérêt) et de déclencher un processus de ruptures véritables visant in fine à mettre fin au pacte colonial, décoloniser le pays, l’Etat et les mentalités. On entame la décolonisation par quelque bout que l’on peut saisir. L’effondrement du système s’accélérant au fur et à mesure de sa déconstruction.
Mais au delà des abstractions et autres théories macroéconomiques, il faut travailler sur des scénarios et des études de cas concrets. C’est ce qui est attendu des économistes. Qu’ils aillent parler aux commerçants de Sandaga et Treichville, futurs industriels potentiels de nos pays et plancher sur des alternatives crédibles. Tout en faisant émerger le premier député déterminé à soumettre à ses collègues, une proposition de loi annonçant la fin du Cfa. Faire bouger les lignes. Tout le temps.
Quant aux ONGs et partis politiques progressistes, ils doivent impérativement articuler leur mobilisation avec leurs alter egos français et européens pour plus d’efficacité.
Je pense notamment aux organisations italiennes et allemandes qui ont une capacité d’influence auprès de leurs gouvernements respectifs, gouvernements qui sont déjà sensibilisés sur ce sujet. Si le Cfa/Éco est un piètre pendant tropicalisé de l’Euro, les européens devraient avoir leur mot à dire et se solidariser avec les peuples africains pris en otage par une Françafrique prédatrice qui bafoue les valeurs européennes. Mais commençons par exclure l’État français de la conversation.
Par quoi on remplace le Cfa ?
L’Eco français est une diversion. Notre futur partagé, c’est la monnaie CEDEAO en passant éventuellement par nos monnaies nationales respectives. A ce titre, la dénomination Éco adopté par les chefs d’État de la CEDEAO bien avant l’intervention intempestive de M. Macron devrait être laissé au Cfa nouveau et on devrait engager un concours pour trouver une nouvelle dénomination. Le Cfa ne peut pas être réformé, il doit disparaître et la tutelle française avec, et être remplacé par les diverses monnaies nationales indépendantes puis on s’attèlera sereinement à la mise en place de la monnaie régionale tout en demeurant vigilants face aux futures tentatives de sabotage.
La CEDEAO a, sur papier du moins, changé de paradigme et remplacé l’approche institutionnelle de l’intégration régionale par une nouvelle approche dite de “l’intégration des peuples par les peuples et pour les peuples”. Néanmoins, la diplomatie des sommets continue avec des sommets des chefs d’Etats précédés par des conseils de ministres qui examinent des propositions et recommandations venant d’experts de la région et de consultants de la Banque mondiale et de la Commission Européenne porteurs du néolibéralisme ambiant. D’où le mimétisme observé dans l’évolution de la CEDEAO. On copie l’Union Européenne et on continue à faire une intégration sans les peuples.
Une approche de l’intégration par les peuples voudrait que l’on parte des populations plutôt que des États. D’où ma question. En 2018 sur les 350 millions d’habitants de la CEDEAO, 196 millions utilisent le Naira (monnaie du Nigeria). Qu’est-ce qui empêche qu’on en étende l’utilisation au reste de la population de notre région ? Le Cfa-Éco en Afrique de l’Ouest est utilisé par 120 millions de ressortissants des 8 ex-colonies françaises. Pourquoi une monnaie française, minoritaire de surcroît devrait-elle servir de référant même sous sa nouvelle appellation ? Pourquoi le Nigeria ou le Ghana devraient-ils choisir de s’assujettir à cette “servitude volontaire“ ? Non. Qu’on aille autour de la table chacun avec son drapeau et avec sa propre monnaie pour bâtir ensemble quelque chose de nouveau. Ensemble et sans tutelle.
Maintenant, nous savons tous que la référence pour l’Euro lors de sa mise en œuvre était le Deutsche Mark adossé à l’économie la plus puissante d’Europe. Et que le dollar américain, monnaie de référence mondiale est adossé à l’économe la plus puissante de la planète. Le Nigeria est la première puissance économique africaine. Son PIB s’élevait en 2018 à 398 milliards de dollars américains sur 614 milliards pour l’ensemble de la CEDEAO (15 pays) et 291 milliards pour les 8 pays de l’Uemoa pris ensemble. Ne serait-il pas logique que le naira soit une option sur la table lors des discussions sur le remplacement du Cfa ?
Et nous savons aussi que le naira est indubitablement géré de manière souveraine par la Banque du Nigeria. Une nouvelle Banque Centrale de la CEDEAO pourra bénéficier du panafricanisme sourcilleux de nos compatriotes du Nigeria, Ghana, Gambie, Guinée…pour faire du naira nouveau un outil de développement dégagé de toute tutelle coloniale. Vous imaginez l’administration française décidant de dévaluer le naira ?
Et nous avons assez d’or dans cette région pour constituer des réserves majestueuses pour notre nouvelle monnaie. Réserves qui pourraient être centralisées en attendant l’unité monétaire.
Qui a peur du Nigeria ?
Ceci étant, il est de notoriété publique que le Nigeria souffre d’une gouvernance que nul ne saurait qualifier de performante. Mais si la monnaie devient régionale par la volonté des Parlements nationaux et sans interférence extérieure, elle sera nécessairement gouvernée par un nouveau dispositif régional à mettre en place y compris par une nouvelle Banque Centrale qui relèvera de l’autorité des 15 États partenaires se fixant comme priorités enfin, le développement et l’accélération de l’intégration politique, éléments qui sont exclus des fameux critères de convergence, autre vulgate du dogme néolibéral s’il en est.
N’ayons pas peur du Nigeria ! Ce sont nos voisins et nos frères. Nous sommes dans le même camp. Nous partageons les mêmes ambitions et faisons face aux mêmes défis, contrairement à l’ancienne puissance coloniale qui nous enserre dans une dépendance structurelle mortifère.
Rappelons nous que l’ambition de l’État français depuis les années 60s a toujours été de fragiliser et si possible démembrer le Nigeria qu’il considérait (et considère toujours) comme un rival en Afrique de l’Ouest. Il a fourni armes, mercenaires et soutiens logistiques aux rebelles du Biafra tout en instrumentalisant le soutien politique de Houphouet Boigny et Omar Bongo. Une guerre (1967-1970) qui a causé plus de 2 millions de morts et 4.500.000 déplacés et qui a plombé les ambitions de développement du Nigeria pendant des décennies. Délibérément.
Quel camp choisissons-nous ? L’UEMOA porte-voix de la France ou la CEDEAO avec le Nigeria et nos voisins ?
Sortir du pré carré
Car la vraie question est de savoir si nous avons confiance en nous et entre nous et si nous sommes après 60 ans d’indépendance, nous sommes prêts à prendre en mains ensemble les leviers de notre destinée commune ? Sans tuteur. Comme 40 autres pays africains ayant une monnaie indépendante dont certaines sont bien gérées et d’autres pas.
Pourquoi une rupture de tutelle devrait-elle d’ailleurs plonger la BCEAO dans une mauvaise gestion de notre future monnaie ? Au contraire, cela donnerait la latitude aux chefs d’États de déterminer la vision et les stratégies qui permettront à la Banque Centrale de jouer le rôle historique que les populations sont en droit d’attendre d’elles, à savoir rendre possible le développement et l’intégration régionale.
Les élites françaises informées vous confirmeront sans ambages que l’Afrique c’est l’avenir de la France. Elles le répètent à l’envie. Il convient donc pour elles de maintenir les liens coloniaux quitte à les “faire évoluer” (sic).
Les élites africaines conscientes vous diront spontanément que la France, c’est le passé de l’Afrique et que le passé ça suffit, le futur nous appartient. Décoloniser le futur passe par la récupération de notre autonomie intellectuelle et culturelle. Sans quoi nous ne serons jamais en mesure de nous défendre dans cette guerre économique mondiale qu’on appelle globalisation.
Nous serons tout au plus des auxiliaires et tirailleurs d’un camp ou de l’autre.
Sounds familiar ?
1. L’article 67 de la constitution sénégalaise stipule qu’il relève de la prérogative de l’Assemblée nationale de déterminer “le régime d’émission de la monnaie“.
2. Le Cfa a été créé par décret de l’État français le 26 décembre 1945, il est géré par une Banque Centrale établie par la France et dont le siège n’a déménagé de Paris qu’en 1979. Le taux de change de la monnaie est décidé par le ministre français des finances de même que le montant de la masse monétaire et donc du crédit disponible. Sans parler de sa fabrication. Le Cfa est une monnaie française utilisée par le pré carré. La France en demeure le propriétaire légal.
3. Pour mémoire, ce sont les chefs d’État africains qui ont décidé ! Un fusil sur la tempe ! Comme au bon vieux temps !
4. Il se dit que ce serait une exigence du FMI avant le passage à l’Éco mais que les entreprises françaises en Afrique française feraient de la résistance.
FCFA, LE NUMÉRO DE PRESTIDIGITATION DU 21 DÉCEMBRE
On se demande au vu des annonces d'Abidjan comment le compte d'opérations disparaît, alors qu'en même temps la France continue d'être garante en dernier ressort des Etats de la zone CFA XOF
La Tribune Afrique |
Tido Adokou |
Publication 05/01/2020
L'enjeu principal de la question monétaire au sein de la zone CFA est la récupération complète des manettes permettant de définir et conduire une politique monétaire en accord avec les défis de la zone. Il n'en sera rien avec les annonces du 21 décembre qui, hélas, s'apparentent plutôt à un ravalement de façade destiné à calmer le puissant sentiment anti-français installé au sein de l'opinion publique africaine. Les annonces du 21 décembre font surtout apparaître au grand jour la summa divisio qui structure les adversaires du franc CFA entre « symbolistes » qui applaudissent les mesures cosmétiques du 21 décembre et « systémistes » partisans d'une réforme en profondeur de cette monnaie prioritairement à un changement de ses aspects symboliques.
Des annonces qui ne changent rien
Regardons les changements annoncés par les présidents ivoirien et français. Tout d'abord, la fin de la centralisation d'une partie des réserves de la BCEAO au trésor français. L'opinion publique africaine ne comprenait pas l'obligation faite aux états africains de laisser une partie de leurs avoirs chez l'ancienne puissance coloniale. Il s'agit de contrepartie à la convertibilité illimitée accordée par l'Etat français aux autres Etats de la zone franc. La raison d'être de ce dispositif tient à la structure essentiellement exportatrice des pays africains ayant le franc CFA en partage. Lorsque les recettes d'exportation se portent bien, il n'existe pas de difficulté pour les Etats africains à financer leurs importations et diverses autres opérations. En revanche, lorsque ces recettes baissent, les pays africains de la zone franc sont couverts par la garantie française de convertibilité illimitée. La centralisation d'une partie des réserves au trésor français va donc de pair avec la garantie française. On se demande alors au vu des annonces du 21 décembre comment le compte d'opérations disparaît, alors qu'en même temps la France continue d'être garante en dernier ressort des Etats de la zone CFA XOF. La France aurait-elle accepté de donner désormais sa garantie sans aucune contrepartie ? Mystère et boule de gomme... Le compte d'opérations basé au trésor français disparaît de Paris, mais où réapparaîtra-t-il ? Car de toute façon il faudra bien loger les réserves quelque part contre garantie de convertibilité. Quand c'est flou...
Le deuxième changement annoncé est celui du retrait de la France des instances de gouvernance de l'UEMOA à savoir la commission bancaire, le comité de politique monétaire et le Conseil d'administration de la BCEAO. En raison de sa garantie accordée, la France a un droit de regard sur la gestion monétaire qu'elle cautionne contre le dépôt d'une partie des réserves. La suppression du compte d'opérations étant actée, la disparition de la France des instances de décision est assez logique, même si subsiste étrangement en dernier recours la garantie française.
La troisième et dernière modification concerne le changement de nom. Exit le CFA pour désormais l'appellation Eco. La charge émotionnelle drainée par l'appellation CFA (Colonies françaises d'Afrique) est ainsi liquidée pour l'Eco, du nom de la monnaie commune de la CEDEAO en gestation accélérée depuis le sommet de Niamey de juin dernier. La zone CFA XOF est appelée à rejoindre les autres Etats de la CEDEAO dans cette nouvelle monnaie commune pour laquelle le Nigéria avait publiquement appelé les pays de l'UEMOA à rompre leurs liens avec le trésor français. La suppression du compte d'opérations malgré la survivance de la garantie en dernier ressort de la France satisfera elle les exigences du géant nigérian ? Cette garantie en dernier ressort disparaitra elle définitivement lorsque les conditions effectives du démarrage de l'Eco CEDEAO seront remplies pour tous les pays concernés ? Tant de questions sans réponses...
Pour récapituler, la situation post 21 décembre est la suivante. Le compte d'opérations tant critiqué qui servait de contrepartie à la garantie illimitée disparaît, mais ladite garantie française demeure en dernier ressort, à des conditions inconnues à ce jour. Le lien n'est donc rompu que de façade. Le symbole colonial qui persistait à travers l'intitulé CFA disparaît avec l'avènement du nom Eco. La France disparaît des instances de gouvernance de la nouvelle monnaie qu'elle continue pourtant de garantir. Les deux présidents ont d'ailleurs précisé lors de la conférence de presse du 21 décembre que l'activation de la garantie française en cas de crise pourrait permettre le retour son retour au sein des structures de décision de la nouvelle monnaie. Quid de l'objectif d'inflation calqué sur celui de la BCE à 2%, de la libre transférabilité des capitaux à l'intérieur de la zone franc, et de la parité fixe avec le seul euro ? Ces aspects, pourtant les plus importants du fonctionnement monétaire demeurent inchangés.
Une observation attentive des critiques adressées au franc CFA laissait poindre deux catégories de reproches. D'un côté, le rejet de tous les aspects qui renvoyaient aux origines éminemment coloniales de cette monnaie, fussent-ils symboliques. De l'autre côté, la critique du système de fonctionnement de cette monnaie qui condamne la zone CFA à la rigidité et à la poursuite d'objectifs monétaires calqués sur sa grande sœur européenne à laquelle est fixement arrimée. Cette ligne de fracture entre « symbolistes » et « systémistes » est apparue au grand jour après les annonces du 21 décembre, les premiers s'en réjouissant et les seconds alertant sur le caractère essentiellement cosmétique des changements annoncés.
Quelle réforme du franc CFA serait effectivement systémique ?
D'abord l'introduction d'un régime de change flexible dans un couloir de fluctuation. Le franc CFA gagnerait ainsi en souplesse pour s'adapter aux évolutions de la conjoncture mondiale qui influe directement sur ses recettes. Cette flexibilisation s'accompagnerait de la création d'un panier de devises avec les monnaies des divers partenaires commerciaux de la zone CFA à travers le monde. Le régime de change fixe actuel avec arrimage au seul euro fige le franc CFA dans une valeur factice qui ne représente pas sa vraie valeur et fait d'elle une monnaie domestique cachée sous l'euro qui est son paravent officiel. Sans l'introduction d'une telle réforme, nous ne récupérerons pas notre souveraineté monétaire. Nous serons toujours obligés de nous calquer sur la politique monétaire de la BCE, alors que nous n'avons pas les mêmes défis à relever que la zone euro.
Ensuite, une modification de l'ADN essentiellement exportateur des économies de la zone CFA. Majoritairement dépendantes de l'extérieur pour ses recettes, elles auront toujours besoin d'une garantie pour survivre aux périodes de tensions sur le front des matières premières. Il s'agirait donc de réduire l'exposition aux cours mondiaux des matières premières afin de moins subir les hauts et les bas.
Ces deux réformes en profondeur sont les seules au terme desquelles l'on peut réellement applaudir des changements dans le fonctionnement du franc CFA. Elles sont les seules qui rendront les manettes de la politique monétaire aux Etats de la zone CFA. Les annonces du 21 décembre sont donc clairement insuffisantes et s'en féliciter est une erreur dramatique dont nous nous rendrons compte quand il sera déjà trop tard.
FRANC CFA-ECO, OÙ EN SONT LES PAYS DE L'UEMOA AU NIVEAU DES CRITÈRES DE CONVERGENCE ?
L'exercice n'est toujours pas aisé après plus de 70 ans de pratique d'une monnaie en commun au niveau de la zone monétaire
SikaFinance.com |
Jean Mermoz Konandi |
Publication 05/01/2020
Alors que les pays de l'UEMOA ont adopté en " avant-première " l'ECO, il ne reste plus, pour les Etats de la région, qu'à se conformer aux critères de convergences qui constituent l'exigence absolue pour hisser la nouvelle monnaie au rang de moyen de paiement unique pour l'ensemble des pays de la CEDEAO. En attendant, au niveau des pays de l'UEMOA, l'exercice n'est toujours pas aisé après plus de 70 ans de pratique d'une monnaie en commun.
Dans un rapport publié début décembre, la commission de l'UEMOA a fait le point sur le respect des critères de convergence au titre de l'année 2019. Un document qui montre quelques insuffisances.
Rappelons utilement que les critères de convergence, au nombre de 5, sont regroupés en deux catégories. Il y a d'une part les critères de premier rang avec comme repères au sein de l'UEMOA :
(i) le ratio du solde budgétaire (dons compris, rapporté au PIB nominal) qui doit être supérieur ou égal à -3%,
(ii) le taux d'inflation annuel moyen de 3% maximum par an et (iii) le ratio d'endettement (Dette/PIB nominal) qui doit respecter la limite maximale de 70% .
D'autre part, nous avons les critères de second rang qui portent sur
(i) le ratio masse salariale sur recettes fiscales avec une norme inférieure ou égale à 35% et
(ii) le taux de pression fiscale (recette fiscale/PIB nominale) qui doit être supérieur ou égal à 20%.
Critères de premier rang
Sur les critères de premier rang, l'on note qu'à l'exception de la Guinée Bissau et du Sénégal, les pays de la zone ont un déficit budgétaire (solde budgétaire négatif) rapporté au PIB nominal inférieur à 3% comme exigé. Le Bénin et le Togo sont ici les deux meilleurs élèves avec chacun un ratio de -2,
Au niveau de l'inflation, tous les pays, aidés en cela par la politique monétaire accommodante de la BCEAO, se sont conformés à l'exigence d'un taux inférieur à 3%, avec même des taux négatifs au Burkina (-3,1%) et au Niger (-2,4%) notamment.
Il en est de même pour le taux d'endettement qui est respecté par l'ensemble des Etats. Le rapport montre que le Togo reste, en terme relatif, le pays le plus endetté de la région avec un taux d'endettement, à fin 2019, de 69% du PIB, suivi du Sénégal (52,5%), de la Côte d'Ivoire (47,9%), de la Guinée Bissau (46,7%),du Burkina (43,1%), du Bénin (40,5%), du Mali (36,7%) et enfin du Niger (35,8%). Selon le rapport, ces Etats devraient à nouveau respecter ces critères en 2020.
Critères de second rang
Au niveau du ratio de la masse salariale rapportée aux recettes fiscales qui doit être inférieur ou égal à 35%, seuls trois Etats respectent ce critère ; le Niger, le Sénégal et le Togo consacrent en effet respectivement 34,1%, 30,5% et 31,6% de leurs recettes fiscales au traitement salarial de leurs fonctionnaires. Les mauvais élèves ici sont le Burkina et la Guinée - Bissau qui dépensent un peu plus de 55% des revenus fiscaux pour sous forme de salaires pour les agents publics.
En matière fiscale, alors que la norme voudrait que les recettes fiscales représentent au moins 20% du PIB, la région continue bien d'enregistrer des taux de pression fiscale (qui traduit la capacité des Etats à mobiliser des ressources en interne) parmi les moins élevés au monde, une situation dénoncée notamment par le FMI et la Banque mondiale. Seul le Togo a un taux légèrement supérieur à 20%. La Côte d'Ivoire et le Sénégal enregistrent respectivement 16,6% et 17,9%, contre 11% au Bénin et 10,8% au Niger.
L'on remarquera ici qu'en 2019, seul le Togo respecte l'ensemble des 5 critères de convergence définis au niveau de l'UEMOA.
Concernant la zone CEDEAO, la conférence des chefs d'Etat et de gouvernements qui s'est réunie le 21 décembre dernier à Abuja, au Nigéria, avait relevé que seuls 7 pays sur 14 respectaient les 4 critères de convergence de premiers rang définis pour la région, alors que 6 pays étaient parvenus à se conformer à 3 des 4 critères de second rang retenus pour la mise en place de l'ECO.
LA CHRONIQUE HEBDO DE Paap Seen
LES JEUNES GENS QUI SE BATTENT
EXCLUSIF SENEPLUS - La hausse du prix de l’électricité est une attaque contre les classes sociales inférieures - On ne peut pas servir l'argument de la sacralité des institutions pour fracasser à chaque fois les intérêts populaires - NOTES DE TERRAIN
Mardi 31 décembre 2019. 17 h 40. Je me suis affalé dans le fauteuil depuis 30 minutes. Je discute avec un ami sur WhatsApp. Nous nous remémorons les instants joyeux passés ensemble, quelques années en arrière, lors des fêtes de fin d’année. Alors que nous rions, enchantés et heureux de refaire le passé, je reçois un appel de mon frère.
- Il y avait une manifestation, des activistes ont été interpellés. Rass en fait partie.
Ma première réaction, à ce coup de fil, a été de répondre que c’était impossible, car j’étais en compagnie de ce dernier un peu plus tôt. Mon frère me dit que c’est Rass, lui-même, qui l’a appelé. Il était dans le fourgon de police, qui partait pour le commissariat de Grand-Yoff. Il faisait partie d’un petit groupe qui a décidé d’organiser un sit-in devant le Camp pénal pour demander la libération de Guy Marius Sagna et des autres activistes, toujours en prison.
Rass, c’est notre petit-frère. Je l’ai vu il y a moins de deux heures. J’ai quitté très tôt mon bureau, à 15 heures 30, et je suis passé dans l’entreprise où il travaille. J’étais même étonné de l’y trouver, alors qu’une manifestation était organisée à la Place de l'Indépendance, contre la hausse du prix de l’électricité et pour la libération des activistes. Il est, en effet, de tous les cortèges, qu'ils soient interdits ou autorisés.
J'avais discuté avec lui. Il était prévu qu’il rentre à Rufisque pour la Saint-Sylvestre, et qu'il aille à un concert au stade Ngalandou Diouf. Il m’avait aussi dit qu’un autre plan lui trottait dans la tête : passer la soirée à Ngor dans un restaurant tenu par un de ses amis. Je l’avais chahuté pour son indécision. Et lui promettait de lui remettre de l’argent avant vendredi, pour une connaissance commune, qui a vue sa facture d’électricité exploser le mois dernier. Elle n’avait pas les moyens de payer. Elle élève, seule, ses enfants. Rass avait suggéré que nous nous cotisions pour l’aider.
Ma soirée était déjà planifiée. Un ami m’avait invité chez lui, pour regarder à la télévision l’allocution du chef de l’Etat, puis nous devions manger et passer le réveillon du jour de l’An avec sa famille. Finalement, j’avais trouvé cette proposition plus séduisante que mon envie d’aller voir le concert d’Anthony B à la Place du Souvenir. Après le coup de fil de mon frère, je me suis précipité pour me changer et je me suis engouffré dans un taxi, direction le commissariat de Grand-Yoff.
Avec ses embouteillages monstres, Dakar est un fracas absolu, surtout pendant les jours de fêtes. Son effervescence semble indécente. Elle devient éclectique et possessive. Elle agit comme un tourbillon qui secoue les choses et les êtres pour les traîner dans son épicentre infernal. L’atmosphère poussiéreuse, les corps culbutés dans le désordre, la musique étouffante, les voitures élancées dans l'encombrement, l’incohérence et la démesure des immeubles, le mélange bouillonnant des couleurs, le remue-ménage des souks, les petites et grandes odeurs. C’est un engrenage abusé. Quelle est l’unité de cette énergie fiévreuse ? Son bassin-versant ? D’où vont se perdre ces ombres tapageuses, ce condensé de vie, cette vigueur décharnée ? Toutes les fertilités de ce mouvement délirant ?
Le taxi arrive devant la mosquée en construction de Liberté VI, lorsque mon frère m’appelle pour me dire que Rass et les autres jeunes arrêtés ont été transférés au commissariat central de Dakar. Je négocie à 2500 F CFA, le prix supplémentaire, pour que nous continuions jusqu’au Plateau. Au total, j’ai payé 4500 F CFA. Arrivé au poste de police, je trouve une dizaine d’activistes qui venaient témoigner leur solidarité à leurs camarades. Je remarque que la moitié, au moins, de ces personnes, sont des femmes. L’une d’elles est arrivée de Thiès, tard dans la soirée. Elles me diront plus tard - nous avons passé trois jours ensemble, entre le commissariat de police et le tribunal de Dakar à organiser les repas surtout -, qu’elles m'épiaient le premier soir. J’avais l’air d’un flic, selon eux ; ils savent qu’ils sont infiltrés. Et comme mon frère est un électron libre, ils se méfient. Je sens ce groupe, en majorité constitué de membres de "Nittu Dëgg/Valeurs" et "Frapp/France dégage", totalement généreux et désintéressé. Déterminé, aussi. Une minorité ne se revendique d'aucun mouvement constitué. J’observe, aussi, qu’ils ne sont pas issus de la classe sociale supérieure.
L'un de ces individus m'a particulièrement marqué. Fallou porte en permanence un ensemble patchwork, chemise courte, pantalon bouffant. Ses pieds immenses se découvrent au bout de ses sandales en cuir élimées. Sa figure ronde lui donne un aspect sérieux. Il vend des téléphones dans un marché de Dakar. Il habite en banlieue, à Keur Mbaye Fall. Il insiste pour me faire comprendre qu'il a sa propre boutique, qu'il l’a fermée pour soutenir ses camarades. Il philosophe sur la société sénégalaise. Il me parle de démission des jeunes qui préfèrent la tentation de la fuite et l'oisiveté, au lieu de de se battre, chez eux, et s'il le faut d'y mourir. Il dit qu'il y a trop de lâchetés et d'hypocrisie dans la société sénégalaise. Une démission injustifiée. Je l'écoute profondément. Il est marié. Sa mère est souffrante, des problèmes cardiaques. Il me dit qu'il va à toutes les manifestations, parce qu'il voit des choses insensées autour de lui, que le pays va mal. Il redoute d'être un jour arrêté, et que sa mère en perde la vie, d'une crise cardiaque. J'admire son panache et la simplicité de son caractère.
Après renseignements, j’apprends que neuf activistes, au total, sont détenus. Un avocat a déjà été commis et ils sont entendus par un inspecteur de police. Les activistes arrêtés travaillent, tous, hormis les deux étudiants du groupe. Pourquoi ces jeunes personnes ont décidé de profaner cette soirée de gaieté et de bonheur partagé ? D’arrêter leur travail, pour former un équipage, voué peut-être à l’échec, et risquer leur liberté ? Ne comprennent-ils pas l’importance du réveillon de la Saint-Sylvestre comme les jeunes gens de leur âge ? Sont-ils simplement inconscients et sans aucun sens de la responsabilité ?
En vérité, ils se battent pour vivre dans un pays habitable. Ils ont décidé de ne pas fuir le Sénégal, de dire par leur mécontentement, que ce pays résonne absolument en eux, qu’ils doivent vivre et souffrir. Ici. Qu’ils ont l’obligation de veiller à ce que le président et son gouvernement respectent les tâches qui leurs sont confiées. Ils réaffirment dans la fougue de leur jeunesse et l’élan de leur esprit indépendant que la liberté n’a pas de prix. Que cette liberté fait vivre la démocratie et maintient la République. Que les lois limitant la liberté ne sont pas nécessaires. Et que la liberté devrait être l’enthousiasme premier d’une jeunesse, dans un pays normal. Ils passeront les deux premiers jours de 2020 en prison. Pour avoir exercé un droit constitutionnel et décrié le sort d’autres citoyens, dont les droits sont confisqués.
La hausse du prix de l’électricité est une attaque contre les classes sociales inférieures. La justification de cette augmentation par l’équité territoriale n'est pas sérieuse. La cause de cette décision ne leurre personne : les difficultés financières du gouvernement, consécutives à une année d’élection. L'Etat du Sénégal dépense beaucoup d’argent pour des projets foireux, des institutions sans aucune utilité, des équipements coûteux et superflus. Il entretient beaucoup d'oisifs pour une affaire de politique, de mauvaise politique. La morale élémentaire voudrait que le président de la République trouve des solutions à la faible gouvernance avant de demander aux populations, qui joignent difficilement les deux bouts, de participer à l’effort de renflouement des caisses communes, utilisées parfois à des fins politiques.
L’hostilité à cette mesure est saine. Elle doit pouvoir se manifester dans chaque coin de ce pays. Nous sommes censés vivre dans une République démocratique. Cela veut dire qu’aucun lieu public n'est affecté, en tant que propriété, à une noblesse. Aucun espace de cette terre ne doit constituer un périmètre barricadé, délimité pour les élites, où l'on ne pourrait se sentir entièrement sénégalais. Y crier sa colère ou y déverser l'euphorie de ses joies. L’occuper. On ne peut pas servir l'argument de la sacralité des institutions pour fracasser à chaque fois les intérêts populaires, ou astreindre les citoyens à surseoir à leurs droits. Les institutions, bien entendu, méritent le respect mais elles n'ont rien de sacré, surtout dans un pays où elles ne font marcher ni l'économie, ni l'épanouissement humain. Elles sont vides et impuissantes, car trop partiales, complètement chargées de pression politique. Elles ont rompu le dialogue constructif, la vertu de l'équité et de la transparence.
Les institutions participent beaucoup au délitement de la décence commune. Il n'y a pas plus ou moins de démocratie. Il y a la démocratie, tout simplement. Les décisions prises ne sont fondées sur la légalité que lorsqu'elles tiennent compte de l’aspiration des citoyens. La fragilité institutionnelle s'observe aussi dans le fait de confirmer un arrêté illégitime, contraire à la Constitution et aux droits naturels des citoyens, en invoquant l’ordre public. Au Sénégal, la tranquillité et la sécurité peuvent largement être assurées par un service d’ordre, lors des manifestations. Sinon, c’est l’aveu de capacités administratives limitées et de carence de l'autorité publique.
L’espoir vaincu.La violence de l’Etat, face à des manifestants, qui ne présentent aucun risque de danger, est excessive. Totalement injustifiée. Ceux qui s’en servent délibérément le font en dépit du bon sens. Peut-être qu’ils sont dénués de cette forme élevée d’élégance morale, qui fait que les forts sont sages : la magnanimité. Les jeunes qui manifestent, et qui sont jaloux de leur liberté, devraient être les alliés de chaque pouvoir qui prétend défendre la justice sociale. Leurs réquisitoires et manifestes sont utiles. Ils ne mènent pas la vie bohème d’une bourgeoisie désensibilisée des problèmes réels du pays, vautrée dans une illusion permanente, sans boussole, laquais de tous les pouvoirs religieux comme politique, et qui veut construire New York à Dakar, avec KFC, champagnes grands crus les soirs de Noël, franglais ridicule sur internet et dans les incubateurs de startups. Cette caste présomptueuse, confuse dans toutes ses prétentions, ne fera pas décoller le Sénégal. Elle n’a jamais eu conscience de son rôle.
Guy Marius Sagna et les autres n’ont pas leur place en prison. Il faut aider ces insurgés - leur tort est de refuser l’immobilisme - à garder un espoir intrépide pour le Sénégal. Car la jeunesse sénégalaise, majoritairement, meurt d’ennui, se ronge les pouces, en rêvant de s’exiler dans un paradis occidental chimérique. Même s’il faut crever dans le désert ou affronter les vagues gigantesques de l’Atlantique. Avoir un attachement fondamental à un pays, que 75 % de jeunes veulent quitter, est, en quelque sorte, un choix héroïque.
L’enfer est ici. Les jeunes gens qui se battent ont le désir de construire une utopie heureuse chez eux, malgré tous les indicateurs structurels négatifs. Ce n’est pas banal. Ils sont l’esprit d’un futur non hypothétique. Ce sont eux qui écriront l’histoire d’un avenir meilleur. Ils sont dans l’action émancipatrice qui mène les nations vers l’âge de liberté, puis de responsabilité, et enfin d’abondance. Le comportement des autorités, à leur égard, est révélateur de l’orientation d’un pays. De ses tendances d’autorité, de justice, de morale. Il nous édifie sur les agrégats et les pratiques qui créent la misère.
Retrouvez désormais sur SenePlus, "Notes de terrain", la chronique de notre éditorialiste Paap Seen tous les dimanches.
Hamidou Anne regrette qu’on ait intégré dans la tête des Sénégalais, l’hypothèse du troisième mandat, ajoutant que le président de la République n’a pas lui-même tranché la question
e-media |
Aliou Diouf & Pape D. Diallo |
Publication 05/01/2020
Le débat sur la question du troisième mandat est loin de s’estomper. Politiste et essayiste, Hamidou Anne s’est prononcé sur la question. Invité de l’émission Jury du dimanche, il a relevé, pour le regretter, qu’on ait intégré l’hypothèse du 3e mandat dans la tête des Sénégalais. Ce qu’il trouve dommage. Mais, à son avis, si le débat a atteint ce niveau aujourd’hui, c’est que le président de la République n’a pas lui-même tranché la question.
« Dans sa conférence de presse du 31 décembre 2019, on a parlé de tout sauf de la Constitution qui définit les mandats et comment cela doit se passer. Ce face à face a fait abstraction de la constitution et on a posé le président de la République une question sur son souhait. Et, le "ni oui ni non", ça n’existe pas en démocratie. Les textes sont suffisamment clairs », a expliqué M. Anne, alertant qu’on est en train d’avoir les germes de ce qui s’est passé au Sénégal en 2012.
« C’est qu’une partie de l’opinion considérant que Me Wade avait le droit de se présenter pour un troisième mandat et qu’une autre partie considère qu’il n’en avait pas le droit. Et ce débat avait été tranché par le Conseil constitutionnel », détaille-t-il. Pour le politiste, quelque chose a été raté lors de ce grand entretien sur la question du mandat. « C’est dommage, pour le Sénégal qui est une grande démocratie dans la sous-région et en Afrique, qu’on en arrive encore à ces histoires de mandat », regrette-t-il.
La question du dialogue national pas essentielle
Par ailleurs, Hamidou Anne a dit être très dubitatif sur la question du dialogue national. Il considère que dans un pays, qui n’est pas en crise institutionnelle, où il n’y a pas eu de coup d’état, où on ne sort pas d’une guerre civile, la question du dialogue n’est pas essentielle. « L’élection présidentielle de 2019 a tranché. Le peuple a renouvelé à nouveau sa confiance au président de la République. Donc il faut clore ce cycle électoral pour dire que le peuple Sénégalais dans la diversité de ses expressions mais aussi dans sa souveraineté a tranché. Et dans une démocratie la majorité gouverne, l’opposition s’oppose », a souligné M. Anne.
En outre, il croit qu’une autre alternance démocratique est possible en 2024. « En 2000, beaucoup ne croyaient pas à la défaite de Abdou Diouf. En 2012, Wade avait les moyens de l’Etat et malgré tout il a été battu. L’alternative dans une démocratie ouverte comme la nôtre est possible. Le peuple Sénégalais est très rationnel dans son choix. Une alternance autre est possible. Tous les schémas sont possibles », prévient-il.
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DIANO BI AVEC MOMAR SAMB
L'invité fait le tour de l'actualité au micro de Maodo Faye, dans l'émission dominicale en Wolof
Mohamed Dia, consultant est au micro de Baye Omar Gueye de (Sud Fm) dans l'émission Objection.
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60 ANS APRÈS LES INDÉPENDANCES, OÙ EN EST LA DÉCOLONISATION DES SAVOIRS ?
Nadia Yala Kisukidi, philosophe et commissaire de la 2è Biennale d'art contemporain de Kinshasa revient sur les rapports entre art et philosophie, sur la décolonisation alors que 17 pays du continent célèbreront les 60 ans d'indépendance en 2020
Nadia Yala Kisukidi, philosophe et commissaire de la 2è Biennale d'art contemporain de Kinshasa revient sur les rapports entre art et philosophie, sur la décolonisation alors que 17 pays du continent célèbreront les 60 ans d'indépendance en 2020.
PAR Gisèle Doh
NATION NÈGRES ET CULTURES, BIBLE DE L'HISTOIRE AFRICAINE
Cheikh Anta Diop prônait une Afrique unie, après s’être forgée une identité forte qui servirait de fondation solide. Des années plus tard, comment contribuons-nous à la propagation de son héritage colossal ?
À cette époque, le racisme scientifique, porté par d’éminentes figures, était enraciné dans la société occidentale, et avait attribué au blanc l’être cartésien par excellence, la paternité de toutes les civilisations, et défini le noir, comme un être primitif, émotif, incapable de la moindre logique.
Les Égyptiens de l’antiquité étaient noirs
C’est dans ce torrent de certitudes racistes, que Cheikh Anta Diop, jeune homme de 27 ans, va prendre l’idéologie dominante à contre-pied, en affirmant que les Égyptiens de l’antiquité, précurseurs de la civilisation et des sciences étaient des noirs. Il ne fait pas que l’affirmer, il le prouve.
Cette thèse fit l’effet d’un séisme, et comme elle dérangeait, il fallait le faire taire.
On ne peut cacher le soleil avec la main dit le proverbe africain. Même si l’université de la Sorbonne rejette sa thèse en 1951, Présence africaine éditera le livre en 1954.
Nonobstant les preuves qui ne manquent pas dans son livre, des scientifiques pétris de préjugés essaieront par tous les moyens, de jeter le discrédit sur son travail.
Jugées trop révolutionnaires, certains intellectuels africains avaient du mal à adhérer aux idées véhiculées dans le livre. Aimé Césaire fut l’un des rares à le soutenir. Dans « discours sur le colonialisme », il qualifiera le livre de Cheikh Anta Diop de « livre le plus audacieux qu’un nègre n’ait jamais écrit »
Il a fallu attendre le colloque de l’Unesco en 1974, pour que la plus grande partie de ses thèses soient finalement reconnues « dans sa façon d’écrire, sa culture et sa façon de penser, l’Egypte était africaine » telles furent les conclusions de ce sommet.
Les preuves de la négritude de l’Egypte antique
Le combat fut de longue haleine, et pourtant, bien avant lui, la paternité de la civilisation Égyptienne avait été attribué à la race noire.
Dans les témoignages de savants grecs comme Hérodote, Aristote, qui étaient des témoins oculaires, la peau noire et les cheveux crépus des Égyptiens étaient mentionnés.
Aristote disait d’eux qu’ils étaient « agan malane » pour décrire leur peau ce qui signifiait excessivement noir.
Au 18e s, le comte de Volney, historien français, devant les évidences accablantes, tira les mêmes conclusions :
« Les Coptes sont donc proprement les représentants des Egyptiens et il est un fait singulier qui rend cette acception encore plus probable. En considérant le visage de beaucoup d’individus de cette race, je lui ai trouvé un caractère particulier qui a fixé mon attention : tous ont un ton de peau jaunâtre et fumeux, qui n’est ni grec, ni arabe ; tous ont le visage bouffi, l’œil gonflé, le nez écrasé, la lèvre grosse ; en un mot, une vraie figure de Mulâtre.
J’étais tenté de l’attribuer au climat, lorsqu’ayant visité le Sphinx, son aspect me donna le mot de l’énigme. En voyant cette tête caractérisée de nègre dans tous ses traits, je me rappelais ce passage remarquable d’Hérodote, où il dit « Pour moi, j’estime que les Colches sont une colonie des Egyptiens, parce que, comme eux, ils ont la peau noire et les cheveux crépus », c’est à dire que les anciens Egyptiens étaient de vrais nègres de l’espèce de tous les naturels de l’Afrique.»
Une des autres preuves irréfutables du caractère nègre des anciens Égyptiens, étaient la couleur de leurs dieux. Osiris et Thot pour ne citer qu’eux étaient noirs.
Les représentations foncées des pharaons et les coiffures qu’ils arboraient, étayent aussi la négritude de l’Égypte antique. ( voir les représentations de MENTOUHOTEP 1er et NÉFERTARI)
L’analogie va au-delà des traits physiques et capillaires.
Des valeurs propres à l’Égypte antique, comme le totémisme sont encore présentes en Afrique noire.
Une étude comparée linguistique, souligne des similitudes entre l’Égyptien et les langues africaines comme le Valaf et le Serere(liste non exhaustive).
Au vue de ces arguments, la conclusion est sans appel : L’invention de l’écriture, des sciences nous la devons à des noirs. La culture grecque qui a inspiré la culture romaine, tire ses sources de l’Afrique nègre. « Pythagore est resté en Egypte pendant 22 ans, de 558 à 536 av. J-C. Platon y est resté de 399 à 387 av. J.-C… C’est par conséquent là-bas, aux pieds des prêtres Égyptiens, qu’ils ont puisé le savoir qui a fait leur gloire. L’Egypte pharaonique qui a été leur institutrice pendant si longtemps fait partie du patrimoine du Monde Noir. Elle est elle-même fille de l’Ethiopie. Et « dans sa façon d’écrire, sa culture et sa façon de penser, l’Egypte était africaine ».
Donner à l’homme noir la place qui lui revient dans l’histoire de l’humanité
Le fait que ce pan de l’histoire de l’humanité, ait été balayé du revers de la main, était lié au besoin de justifier la colonisation. On invente alors le nègre barbare, à qui on apporte la culture.
Cette propagande avait du mal à accepter, que la société africaine était structurée, et avancée, avant l’arrivée des colons. Que l’émancipation des femmes n’était pas un problème. La société africaine étant matriarcale, les femmes occupaient des postes de responsabilité, bien avant que ce fut le cas en Europe.
Le but de Cheikh Anta Diop en restituant cette vérité, était de redonner au continent oublié ses lettres de noblesse. Il ne s’agissait pas d’éveiller des relents sous-jacents de complexe de supériorité, pouvant déboucher sur des formes nazisme.
[…] la civilisation dont il [le Nègre] se réclame eût pu être créée par n’importe quelle autre race humaine – pour autant que l’on puisse parler d’une race – qui eût été placée dans un berceau aussi favorable, aussi unique” [Cheikh Anta Diop, Nations nègres et Culture].
Loin d’être un raciste comme voulait le décrire ses détracteurs, Cheikh Anta Diop était un grand humaniste, qui a été reconnu comme tel.
Son travail a consisté à combattre le racisme scientifique, et à prouver que l’intelligence n’est nullement liée à la couleur de peau. Il a remis en cause la conception de la race dominante, ce qu’on peut considérer comme un apport non négligeable à l’histoire de l’humanité.
L’héritage de Cheikh Anta Diop
Des années plus tard, comment contribuons-nous à la propagation de l’héritage colossal de Cheikh Anta Diop ? Il prônait une Afrique unie, rassemblée, après s’être forgée une identité forte qui servirait de fondation solide. Où en sommes-nous avec le panafricanisme ?Avec l’adaptation de nos langues aux réalités et aux sciences comme il en a fait l’expérience avec le Valaf dans le livre ? Avec la décolonisation des mentalités ?
Force est de constater que ces sujets restent d’actualité. La tâche qui nous incombe aujourd’hui, est de contribuer tous à l’émergence de notre continent qui sera d’abord culturelle. Dans le domaine scolaire, nous devons implémenter des manuels adapter à nos réalités. Adaptons nos langues aux réalités modernes. Il ne s’agit pas de bannir les langues coloniales acquises, mais revaloriser les nôtres et les adapter aux sciences modernes.C’est les pieds solidement ancrés dans ses racines, libre de toute aliénation, détachée du joug du colonial, et de l’aliénation du colonisé, que l’Afrique connaîtra sa vraie valeur, et qu’elle pourra prendre sa place sur l’échiquier mondial. Cette refondation qui ne doit pas se faire dans une démarche belliqueuse, engendrera des africains fiers de leurs origines, qui prendront leur destinée en main.
Gisèle Doh est fondatrice de l’Association les racines du baobab, créatrice du blog boldhormones.com