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24 avril 2025
Développement
LE MARIAGE DE CHEIKH YERIM SECK, UNE LÉGITIMATION DE LA CULTURE DU VIOL
Baol Baol, militante pour les droits des femmes, membre fondatrice du Collectif des Féministes du Sénégal, Awa Seck a jeté un pavé dans la mare par un tweet sur le récent mariage de Cheikh Yérim Seck - ENTRETIEN
Baol Baol, militante pour les droits des femmes, membre fondatrice du Collectif des Féministes du Sénégal, Awa Seck a jeté un pavé dans la mare par un tweet sur le récent mariage de Cheikh Yérim Seck et Astou Dione. Connue par son pseudo “La Moussoreuse”, elle assume sa prise de position et la clarifie pour Seneweb. Entretien.
En commentant sur Twitter le mariage de Cheikh Yérim Seck et Astou Dione, vous n’avez pas mâché vos mots : “réhabilitation de violeurs”, “conséquence de la culture du viol”, “prédateurs adulés”. Pourquoi avoir senti le besoin de porter une prise de position aussi forte et controversée ?
Ma prise de position n’est pas controversée, elle est très claire et s’inscrit dans notre lutte contre les violences sexuelles et sexistes au Sénégal.
Dans notre société, le viol est toujours banalisé. Les violeurs vaquent tranquillement à leurs occupations sans aucune vergogne ni sentiment de honte alors que les personnes violées disparaissent de l’espace public et sont donc doublement victimes. On ne peut pas continuer à détruire les femmes sans conséquence pénale ou sociale. Les violeurs doivent faire profil bas.
Les agressions à caractère sexuel constituent les formes les plus répandues de violences. Elles se déroulent dans la sphère publique ou dans le cadre familial et causent des conséquences néfastes aux victimes.
Selon l’Association des Juristes du Sénégal (AJS), le viol et la pédophilie occupent la première place de ces violences, et les chiffres enregistrés pour l’année 2020-2021 dans les huit (8) boutiques de droit le confirment avec plus de 260 cas signalés, sur des victimes dont la tranche d'âge varie entre 03 et 48 ans. A noter que la majorité de ces dossiers sont en instruction et jusqu’à ce jour aucune décision n’a été rendue.
Nous vivons dans un pays où un homme peut refaire sa vie peu importe le crime qu’il a commis s’il est influent, riche ou fait partie d’un cercle de privilégiés, ce qui est le cas de Yérim Seck. La culture du viol au Sénégal persiste grâce à notre environnement social et médiatique dans lequel les violences sexuelles sont toujours justifiées, excusées, banalisées voire acceptées.
C’est un environnement qui culpabilise les femmes et jeunes filles en faisant peser sur elles la responsabilité du crime. N’oublions pas de rappeler que le viol est un crime. Malgré la loi 2020- 05 criminalisant le viol et la pédocriminalité modifiant la loi n° 65-60 du 21 Juillet 1960 portant code pénal visant à durcir la répression du Viol et de la Pédophilie avec des sanctions pouvant aller jusqu’à la réclusion criminelle à perpétuité a été adoptée et promulguée le 13 janvier 2020, l’impunité règne toujours.
Dans un pays où très peu de viols sont déclarés, dénoncés et poursuivis, la parole de la victime est fragile face aux accusations.
Mais quel rapport entre ce que vous venez de décrire, et le mariage qui a été célébré le week-end dernier ?
Ce mariage symbolise tout ce que ce pays pense de ce crime.
N’oublions pas qu’à sa sortie de prison, Yérim a été récompensé avec une émission de télé et qualifié du plus grand analyste politique du pays. Un pays qui a tellement d’hommes intelligents et jeunes, comment peut-on faire de lui un rôle modèle ? Non seulement il est réhabilité mais adulé.
De plus en plus de victimes seront réticentes à dénoncer leurs agresseurs parce que la société sénégalaise excuse les violeurs comme Yérim, symbole de l’impunité.
Certains vous reprochent une forme d’acharnement sur Cheikh Yérim Seck. Vous donnez l’impression de vouloir sa “mort” professionnelle et sociale. N'a-t-il pas droit à une seconde chance ?
Soyons clair, la vie professionnelle de Yérim ne m’intéresse pas, socialement il doit se faire discret. Dans un pays normal, les violeurs font profil bas, nous luttons contre l’impunité des agresseurs sexuels comme lui.
Il est important de rappeler qu’il n’a pas été gracié, il bénéficie d’une liberté conditionnelle à laquelle il n’a pas droit, ce qui n’est pas normal. Des jeunes croupissent en prison pour des faits beaucoup moins graves. Yérim a reconnu les faits de viol, condamné en première et deuxième instance par la justice sénégalaise en septembre 2012, sa peine réduite il est sorti en janvier 2013. L’AJS et d’autres organisations des droits de l’homme ont contesté à l’époque cette libération. Ils ont exigé que l’Etat rectifie le tir et que la tolérance zéro soit la règle en cas de viol.
Parmi les motifs de grâce, le viol n’en fait pas partie.
Les citoyens sont d’égale dignité et doivent être punis à hauteur de leur crime. Ce n’est pas un acharnement sur la personne de Cheikh Yérim Seck, l’acte qu’il a commis est un acte grave qui a porté atteinte à la dignité d’une jeune fille. En continuant à se pavaner partout, il contribue à banaliser le viol et ceci nous ne pouvons l’accepter.
À Diourbel, un conducteur de Jakarta a été condamné à 15 ans de prison pour tentative de viol. On voit clairement le traitement « coumba am ndeye ak coumba amul ndeye ». Une société juste ne devrait pas être indifférente face à un tel double standard.
Yérim ne s’est jamais excusé, n’a jamais regretté ce qu’il a fait.
Nous continuerons, je continuerais à dénoncer la culture du viol tant qu’il ne paiera pas sa dette. D’ailleurs à sa libération, Moustapha Fall, président du réseau des journalistes contre le viol (oui ça existe), disait que : « les auteurs de viols sont des poisons pour la société. Ils doivent être mis hors d’état de nuire, on doit les castrer, les piquer…qu’ils soient journalistes, ministres, députés ou directeurs de sociétés, ils doivent tous croupir en prison ».
Nous avons tous été témoins, ces dernières semaines, de comment la société sénégalaise traite injustement des femmes qui n’ont commis aucun crime, leur reprochant leur divorce, remariage, leur courage de vouloir vivre heureuse. On les accuse de ne pas être de bons exemples pour les femmes. De l’autre côté, ces mêmes personnes félicitent Yérim, personne ne dit qu’il est un mauvais exemple pour les garçons et hommes de ce pays.
Je n’ai pas le temps de m’acharner sur Yérim, je parle de lui parce qu’il continue à faire un doigt d’honneur aux femmes, aux victimes et aux survivantes de violences sexuelles. En effet en juin 2021 le collectif des féministes du Sénégal a organisé un sit-in suite à l’agression sexuelle d’une fille mineure de 15 ans par le fils de Yerim Seck qui a tout filmé et publié la vidéo. Son père a voulu étouffer l’affaire. C’est suite à notre mobilisation que le jeune homme a été cueilli par la justice et encore une fois libéré (#JusticePourLouise).
On entend toujours, “ quel exemple, quel message envoie-t-on aux garçons et hommes de ce pays ?” Et les victimes dans tout ça ?
Dans cette affaire, d’autres vous reprochent aussi votre critique implicite du choix de vie de Astou Dione, accusée de participer à la “réhabilitation” d’un “violeur”. Par son mariage, trahit-elle réellement la cause des femmes ?
Comme tout le monde j’étais contente à l’annonce de son mariage dans ses stories. Elle n’avait pas encore donné l’identité de l’heureux élu. Lorsqu’elle l’a publié et je ne suis pas la seule, ce fut un choc de découvrir l’identité du marié : un violeur en liberté conditionnelle.
Les féministes sont pro-choix, nous luttons pour que chaque femme ait la liberté de décider de sa vie personnelle, professionnelle, sociale sans risquer d’être en danger.
Nous soutenons toujours les femmes parce qu’elles sont des victimes du système. Mais les femmes sont malheureusement les plus fidèles alliées du patriarcat. Les choix de vie de Astou Dione ne nous concernent pas mais quand ils contribuent à faire revenir un prédateur sexuel sur la scène, on s’octroie le droit d’en parler.
En tant que militante contre les violences faites aux femmes, son choix amène beaucoup de questions. Surtout pour les victimes qui voyaient en elle une défenseure de par ses positions sur le viol, la loi criminalisant le viol, qui selon elle manque de rigueur dans son application.
Si la loi justice sénégalaise était rigoureuse avec Yerim Seck il n’aurait pas la réhabilitation qu’il a eu aujourd’hui parce que les peines étaient de cinq à dix ans à l’époque.
On ne peut pas demander aux citoyens de rester neutre face à son choix, celui d’un violeur condamné et en liberté conditionnelle. En tant que militante et pour ce qu’elle représente, c’est assez troublant.
Vous avez tantôt parlé de double standard. Ne peut-on pas vous faire le même reproche : forte contre Yérim Seck et faible contre Ousmane Sonko dans l’affaire Adji Sarr ?
Je suis très contente que vous posiez cette question, je trouve très dommage que nos détracteurs, ces hommes et certaines femmes qui ne s’engagent que selon leur appartenance politique nous attribuent des combats de circonstances. Qu’attendent-ils pour agir pour leurs sœur, mère, épouse, tante, fille, comme c’est la seule condition pour qu’une femme mérite d’être traité avec dignité dans ce pays.
Le collectif féministe dont je fais partie a toujours soutenu Adji Sarr, nous soutenons toute femme qui dit être sexuellement abusée sans conditions. D’ailleurs lors de notre sit-in, on lui a montré tout notre soutien, on continue de le faire, elle est aussi assistée par des femmes incroyables mais tout n’est pas sur internet .
L’affaire Adji Sarr est encore une conséquence de comment on traite la parole des femmes et des hommes puissants dans ce pays : les femmes sont considérées comme des citoyennes de seconde zones, les hommes hyper protégés.
Personnellement il suffit d’aller sur ma page facebook et taper Adji Sarr vous verrez tous mes posts de soutien. J’ai toujours dénoncé l’inégalité de traitement entre Sonko et Adji Sarr depuis que l’affaire a éclaté. Sa vie a été fouillée, sa réputation salie, des enquêtes sur elle.
Adji est une fille sénégalaise lambda victime de la culture du viol qui culpabilise une fille célibataire qui a essayé de gagner sa vie comme elle peut, personne n’a le droit de porter atteinte à son intégrité. Un homme polygame a laissé femmes et enfants pour aller dans un institut de beauté en plein couvre feu, c’est lui qu’on croit pas une pauvre fille.
Sonko est un homme puissant, privilégié qui utilise son pouvoir et ses gens dans une société sénégalaise où les femmes qui brisent le silence sont brisées. Nous sommes dans un environnement social qui culpabilise les femmes quant à leurs tenues et apparences pour faire reposer sur elles la responsabilité de l’agissement d’un homme adulte souvent beaucoup plus âgé, deux fois son âge pour elle.
Il appartient aux hommes adultes de se contrôler, respecter leurs familles, femmes, d’avoir une certaine moralité, éthique quand ils ont pour ambition de diriger ce pays, être journalistes comme Yérim ou d’être des modèles pour cette jeunesse.
Pourquoi n' a pas appliquée la même démarche sur la vie privée de Sonko ? Non, une victime doit être irréprochable, et son agresseur « non sa vie privée ne nous intéresse pas » disent ses partisans. Adji Sarr sache que nous te soutenons quelle que soit l’issue.
En dehors des affaires médiatisées, tous les jours on accompagne des femmes broyées par un système qui protège les hommes et fait tout reposer sur les femmes et jeunes filles.
Chacune de nous a un travail, une famille, des occupations et nous ne sommes pas payées pour notre militantisme. Nous combattons le patriarcat, les oppressions des hommes, sur les femmes par principe.
Nous disons “victime je te crois” pour permettre aux personnes vulnérables de briser le silence dans une société où elles sont stigmatisées.
Pour ceux qui ne prennent pas la peine de savoir c’est quoi le féminisme : le féminisme est politique donc pluriel il y’a autant de féminismes donc de modes d’actions. L’essentiel est que nous avons un objectif commun : lutter pour avoir une société juste où les hommes et femmes sont égaux en droit pour éradiquer les violences.
Nous militons contre les violences sexuelles, économiques, l’accès à l’éducation des filles, les mariages forcés, l’accès à la santé des femmes. Cela fait des mois que beaucoup de femmes perdent la vie en donnant la vie, dans notre collectif il y a des femmes spécialisées selon les domaines.
Je suis très sensible à la mortalité maternelle et infantile. En effet, j’ai perdu ma mère quand j’avais 8 ans à cause d’une mauvaise prise en charge, elle était enceinte de 9 mois. Cela fait 35 ans que les femmes décèdent toujours en donnant la vie. Lutter contre les violences obstétricales fait aussi partie de nos combats.
Ce que nous défendons est un principe de droit humain, de respect de la dignité et de l’intégrité physique des femmes, ce n’est pas notre combat, cela doit être le combat de chaque citoyen sénégalais sans conditions.
Arrêtez de demander où sont les féministes ? Ne nous attendez plus, on est tous concernés !
Dans cette polémique, vous prenez aussi des coups souvent sexistes d’ailleurs, les attaques classiques contre les défenseurs des droits des femmes : “frustrée”, “jalouse”, “aigrie”, “mal baisée”. Comment vivez-vous avec ça et qu’est ce que cela traduit du climat de notre pays ?
Je suis féministe radicale, femme, entrepreneure, épouse, mère, épanouie, malheureusement on a l’habitude des attaques, insultes. Cela m’encourage encore plus dans mon militantisme. J’ai été élevée à Diourbel par un père (que Dieu ait pitié de son âme) qui s’est toujours battu pour que ses filles choisissent leur vie. Donc ce ne sont pas des hommes fragiles qui vont m’empêcher de parler, d’agir pour ce qui est juste. On a vraiment reculé parce que mon père, délégué syndical et compagnon de Cheikh Anta Diop, était plus déconstruit que nos harceleurs.
Ces hommes qui nous traitent de frustrées, mal baisées sont sexistes et misogynes. Jamais ils ne parlent de cette façon des militants comme Guy Marius Sagna ou Assane Diouf, Clédor Sène. Et puis aigrie n’est pas une insulte parce les féministes non-mariées préfèrent rester seules qu’être avec un homme qui abusent d’elle. Seuybadeh du ngoreu. Ce que nos mères ont accepté elles nous ont éduquées pour avoir ce qu’elles n’ont pas eu.
Des femmes font aussi partie de ces harceleurs, nous ne leur en voulons pas, à la fin de la journée tout droit acquis, tout combat gagné profite à toutes les femmes. Il est très difficile de faire ce qu’on fait dans une société comme la nôtre, il faut beaucoup de courage pour aller à contre-courant de ce que les hommes qui bénéficient du patriarcat qui nous oppressent, attendent des femmes. C’est aussi une stratégie de protection pour ces femmes. En effet, les femmes qui osent bouger de leurs places sont sévèrement punies.
Nos ancêtres Mariama Bâ, Caroline Faye, toutes les femmes qui nous ont permis aujourd’hui d’accéder à l’éducation étaient aussi attaquées, mais elles ont tenu. Nous avons un héritage de femmes battantes, qui défendent une société plus juste où toutes les femmes vivent en sécurité sans craindre pour leur intégrité physique ou leur vie.
Les féministes sont des régulatrices, nous savons qui nous sommes, d’où nous venons, décomplexées et décolonisées. La plupart des attaques c’est sur notre physique cela en dit plus sur eux que nous. Nous ne recherchons pas la validation des hommes pour savoir ce qui est bien pour nous et comment y arriver, c’est normal qu’ils aient peur.
Nous avons compris leurs stratégies pour faire taire, silencer toute femme qui dénonce les violences économiques, sexuelles, sexistes dont les femmes sénégalaises sont victimes.
Nous sommes la voix des sans voix, nous ne sommes pas nombreuses mais assez pour faire bouger les lignes. Soit on s’en sort ensemble soit on coule ensemble, aucune femme n’est en sécurité nulle part.
Le Sénégal est devenu un pays qui n’est plus sûr pour les femmes et je suis de plus en plus inquiète pour nos filles qui sont quotidiennement confrontées aux harcèlements de rue, violences dans les familles dont l’inceste etc.
Notre société est extrêmement violente envers les femmes et très conciliante avec les hommes violents. Ce constat devrait alarmer tout sénégalais.
EN GUINÉE, PLUS DUR EST LE DÉSENCHANTEMENT
Le coup d’État du colonel Doumbouya avait été salué, y compris dans le camp de certains démocrates. Un an après, la déception est à la hauteur des espoirs soulevés
Le Point Afrique |
Sabine Cessou |
Publication 10/09/2022
C'est peu de dire que le contraste est saisissant entre les images des rues de Conakry dans les heures qui ont suivi le putsch du 5 septembre 2021 et celles illustrant l'atmosphère de la fin juillet 2022 dans la capitale guinéenne. En effet, les militaires qui ont renversé Alpha Condé, fort d'un troisième mandat très contesté, ont d'abord été accueillis par une foule en liesse à Conakry. Neuf mois plus tard, ils en sont réduits à interdire les manifestations sur la voie publique. Celles des 28 et 29 juillet derniers ont été réprimées dans le sang, faisant au moins 5 morts. Et quelques jours plus tard, le 9 août, c'est rien moins qu'un décret d'interdiction pur et simple du Front national de défense de la Constitution (FNDC), vaste coalition de partis, syndicats et organisations de la société civile, qui est promulgué. Que s'est-il passé entretemps ? Petit à petit, les espoirs suscités par les putschistes ont été douchés. Après des mois d'incertitude sur le calendrier de la transition, la junte a annoncé, le 30 avril 2022, que celle-ci durera trois ans là où les partis politiques préconisaient un calendrier de dix-huit mois et la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cedeao) faisait pression pour un passage express de six mois de la junte au pouvoir. Vaine pression.
Malgré des gages de bonne volonté…
Le colonel-président Mamady Doumbouya, 43 ans, ancien sous-officier de la Légion étrangère en France, à la tête du Groupement des forces spéciales constitué par Alpha Condé, avait promis un autre « système » de gouvernance respectueux de la justice et axé sur la lutte contre la corruption. Par ailleurs, Doumbouya, qui appartient à l'ethnie malinké comme Alpha Condé, a libéré le 8 septembre 2021 quelque 79 opposants, principalement des Peuls, dans une tentative d'apaisement. L'ancien chef de l'État, Alpha Condé, a de son côté été placé en résidence surveillée, puis libéré le 22 avril 2022. Il s'est envolé pour la Turquie où il est suivi médicalement. Par ailleurs, une Cour de répression des infractions économiques et financières (Crief) a été instaurée. Un ancien Premier ministre d'Alpha Condé, Ibrahim Kassory Fofana, incarcéré en avril, doit ainsi répondre d'accusations de détournement, de blanchiment et de corruption portant sur 4,5 millions d'euros.
… des décisions qui défient la logique démocratique
Cela dit, parallèlement, le chef de la junte ne s'est pas gêné pour verrouiller son pouvoir, avec fermeté. « Chassez le naturel, il revient au galop », analyse Aliou Barry, spécialiste de l'armée et directeur d'un think tank à Conakry, le Centre d'analyse et d'études stratégiques (CAES). « La rupture espérée ne s'est pas produite parce que l'armée, qui s'est infiltrée dans les rouages du pouvoir sous la présidence de Lansana Conté, de 1984 à 2008, reste maîtresse de la situation. » L'homme fort et le cerveau du CNRD ne serait autre que le général Aboubacar Sidiki Camara, surnommé « Idi Amin », actuel ministre délégué à la présidence chargé de la Défense. « Alpha Condé s'en méfiait tellement qu'il l'a nommé ambassadeur à Cuba, rappelle Aliou Barry. C'est le parrain de Mamady Doumbouya, qu'il a présenté à Alpha Condé. On lui prête des ambitions hyper-présidentielles, et c'est l'homme incontournable. »
LES ABEILLES DES RUCHES ROYALES ONT AUSSI ÉTÉ INFORMÉES DE LA MORT D'ELIZABETH II
«On toque à chaque ruche et on dit : ‘‘La maîtresse est morte, mais ne partez pas. Ton maître sera un bon maître pour toi’’», décrit l'apiculteur royal au DailyMail
Il n’y a pas de raison que les 7,7 milliards d’humains soient les seuls abreuvés de royal family par les chaînes d’info en continu. Vendredi, au moment où les Britanniques pleuraient Elizabeth II et que le personnel de la royauté s’affairait pour remplir le strict et guindé protocole de succession, un certain John Chapple s’acquittait d’une mission bien particulière. Le retraité de 79 ans a passé sa journée, en sa qualité d’apiculteur royal, à informer les plusieurs centaines de milliers d’abeilles de la famille Windsor que la reine - leur patronne - était morte. «La personne qui est morte est la maîtresse des ruches, on ne pouvait donc pas faire plus important», glisse-t-il au DailyMail.
Car, aussi surprenant que cela puisse paraître, Chapple n’a pas agi par impulsion, sous le coup de la tristesse. Loin de là. L’apiculteur s’est rendu à Buckingham palace et à Clarence House - le lieu de résidence du nouveau roi Charles III et de sa femme, la reine consort Camilla - à la rencontre des hyménoptères, pour respecter une tradition ancestrale. Selon cette coutume respectée dans de nombreux pays européens, les abeilles doivent être tenues informées des événements importants de la vie de leurs propriétaires, comme les naissances ou les mariages. Et si les abeilles n’étaient pas mises au courant d’un décès, la croyance voudrait qu’elles le fassent payer à leurs maîtres en arrêtant la production de miel, en quittant la ruche ou en se laissant mourir.
AHMED AÏDARA BRIGUE LA PRÉSIDENCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Au moment où une déclaration du maire de Dakar, Barthélémy Dias, est attendue demain dimanche, le maire de Guédiawaye vient d’annoncer le maintien de sa candidature pour occuper le perchoir de la représentation nationale
Le fauteuil de président de l’Assemblée nationale aiguise les appétits. Au moment où une déclaration du maire de Dakar, Barthélémy Dias, est attendue demain dimanche, Ahmed Aïdara, loin de se désister, vient d’annoncer le maintien de sa candidature pour occuper le perchoir de la représentation nationale.
« Je rends grâce à Dieu et réaffirme ma détermination à œuvrer pour la concrétisation de notre contrat de mandataire pour une Assemblée Nationale de rupture résolument engagée pour la défense des intérêts exclusifs du peuple sénégalais. Après en avoir informé la conférence des leaders de la Coalition Yewwi Askan Wi le mardi 30 août 2022, j’ai pris la décision de me porter solennellement candidat à la présidence de notre auguste Assemblée nationale ce lundi 12 sept 2022 », lit-on dans son communiqué reçu à Emedia.
Rappeler qu’ils sont tous les deux députés et membres de la Coalition Yewwi Askan Wi (YAW). La bataille faisait rage entre eux pour monter au perchoir.
La nouvelle législature, 14e, issue des élections Législatives, va se réunir, pour la première fois après-demain lundi, 12 septembre, à partir de 10 heures. L’ordre du jour va porter sur l’installation des députés élus lors des élections législatives du 31 juillet 2022.
LE DÉFI DE LA PARITÉ
Le Sénégal fait franchir un nouveau palier à la représentation politique des femmes en Afrique de l'Ouest avec une proportion record de députées au Parlement récemment élu. Mais il reste du chemin à parcourir face aux attitudes et aux lois patriarcales
Le Sénégal fait franchir un nouveau palier à la représentation politique des femmes en Afrique de l'Ouest avec une proportion record de députées dans le Parlement récemment élu. Mais il reste du chemin à parcourir dans un pays où attitudes et lois patriarcales sont profondément enracinées.
Plus de 44% des sièges de l'Assemblée nationale élue en juillet seront occupés par des femmes, la proportion la plus haute dans un Parlement en Afrique de l'Ouest. Des progrès contre-balancés par les réalités du pouvoir et les forces d'inertie sociales.
Aminata Touré a été Première ministre pendant dix mois entre 2013 et 2014 et a occupé le poste de présidente du Conseil économique et social qui a fait d'elle l'un des plus hauts personnages de l'Etat. Elle entre au Parlement pour le parti présidentiel.
Même elle fait observer qu'en politique, les pionnières rencontrent toujours résistance et suspicion. "On vous a beaucoup plus à l’œil, ils ne vous pardonnent aucune erreur", dit-elle à l'AFP. "Je crois que toutes les femmes de pouvoir vous diraient la même chose".
Sur les 165 mandats parlementaires, 73 ont échu à des femmes. Le pays, volontiers considéré comme un Etat de droit et un îlot de stabilité dans une région agitée, se classe au quatrième rang en Afrique et au 18e rang mondial pour la parité hommes-femmes au Parlement, devant la Suisse, la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis, selon l'Union interparlementaire, une organisation basée à Genève.
En dehors du Sénégal, sur les 111 postes de parlementaires ou de ministres pourvus en Afrique de l'Ouest et au Sahel entre décembre 2021 et juin 2022, seuls 15 l'ont été par des femmes, indique un rapport récent de l'ONU. Au Sénégal, une loi de 2010 exige la "parité absolue" entre les sexes dans toutes les institutions électives, avec des listes de candidats alternant hommes et femmes.
Viol, avortement, mariage...
Comme les têtes de liste sont presque toujours des hommes et le nombre de candidats élus sur une même liste est souvent impair, la représentation féminine reste inférieure à 50%, explique une porte-parole de l'Assemblée nationale.
Au-delà de la représentation politique, le Sénégal arrive au 130e rang sur 189 dans un classement de l'ONU sur l'égalité des genres. La forte présence à l'Assemblée nationale "permet aux femmes d'avoir leur mot à dire", sur le budget et sur leurs préoccupations, dit l'ancienne cheffe de gouvernement Aminata Touré.
La part que le nouveau Parlement fera à ces préoccupations est incertaine. Le Sénégal n'a criminalisé le viol qu'en 2020. Le Protocole de Maputo, une initiative de l'Union africaine qui vise à élargir l'accès à l'avortement et que le Sénégal a ratifiée en 2005, attend toujours d'être pleinement retranscris dans la loi nationale.
L'avortement n'est autorisé au Sénégal que pour sauver la vie d'une femme enceinte. En 2020, un quart de la population carcérale féminine était emprisonné pour des faits liés à l'avortement, selon l'ONG Africa Check. L'âge légal du mariage est de 16 ans pour les filles, 18 pour les garçons.
"Tellement à faire"
"Il devrait être porté à 18 ans pour que les filles puissent continuer d'aller à l'école et qu'elles soient sur un pied d'égalité avec les garçons en termes de droits", dit Maimouna Yade, responsable de l'organisation de femmes JGEN. "Il y a tellement de choses à faire", dit Mame Diarra Fam, nouvelle parlementaire d'opposition. Elle évoque les violences faites aux femmes, l'éducation des filles et l'accès aux soins.
Les défenseurs des droits reconnaissent les avancées réalisées ces dernières années, comme la loi sur la parité ou la loi de 2013 permettant aux Sénégalaises mariées à des étrangers de transmettre leur nationalité à leurs enfants, un droit dont jouissaient déjà les Sénégalais.
La loi criminalisant le viol a "largement été poussée" par des femmes députées, dit la militante Maimouna Yade. Le président Macky Sall devrait nommer prochainement un Premier ministre et un nouveau gouvernement sera formé. Les avocats de la cause des femmes observeront attentivement la place faite à ces dernières.
Aminata Touré fait partie de ceux qui plaident pour que la parité soit appliquée au gouvernement et au secteur privé. La société civile fait campagne pour que, pour la première fois, le président de l'Assemblée nationale soit une présidente. "On espère qu'une femme sera à la tête du Parlement", dit Coumba Gueye, secrétaire exécutive de l'Association des avocates sénégalaises. "Avec une femme, beaucoup de choses peuvent changer".
par Jean-Baptiste Placca
ELIZABETH II, PLUTÔT DU BON CÔTÉ DE L'HISTOIRE
À quoi sert-il pour les dirigeants africains de magnifier les qualités de la défunte souveraine si, de par leurs propres pratiques, ils se situent aux antipodes des valeurs qu'incarnait la Reine d'Angleterre ?
A la quasi-unanimité, l’Afrique a salué, et de manière plutôt vibrante, la mémoire d’Elizabeth II, dont le pays était, de tous les empires coloniaux, celui qui comptait le plus grand nombre de possessions en Afrique. Toutes ont acquis l’indépendance après l’accession de la jeune reine au trône, en 1952. Comment expliquer, alors, ces critiques virulentes dirigées contre elle, alors que tous lui reconnaissent d’avoir travaillé sans relâche pour instaurer des rapports apaisés avec l’Afrique ?
De nombreux peuples africains ont, enfouies dans leur mémoire collective, des blessures de répressions et autres brutalités infligées par la colonisation, britannique ou autre. En dépit du temps, ce passé peut encore raviver des rancœurs, et lorsque surgit la rancœur, le sens de la nuance s'estompe.
Or, lorsque l’on aborde une vie comme celle d’Elizabeth II, toute analyse est faussée, dès lors que l’on s’entête à englober dans un tout indissociable la personnalité, sa vie et ses origines. Être née princesse, et même finir reine, ne rend pas, ipso facto, coupable de tous les crimes de la colonisation ou même de ses ancêtres.
Durant son très long règne, son sens moral l’a souvent poussée à se démarquer de l’exécutif, voire à contrarier un Premier ministre sur certaines questions majeures. Dans cette monarchie constitutionnelle, elle semble avoir toujours veillé à ne pas se situer du mauvais côté de l’Histoire. Ainsi, était-elle pour les sanctions contre l’Afrique du Sud raciste ; contre la confiscation du pouvoir par une arrogante minorité ségrégationniste en Rhodésie du Sud, et finalement pour l’indépendance du Zimbabwe. Elle a même refusé de mépriser un Kwame Nkrumah ostracisé par le gouvernement britannique.
Sa vie, plus que jamais, est un livre ouvert, que l’on feuillette en mondovision, et les Africains, plutôt que d’y rechercher d’improbables violences délibérées contre leurs peuples, seraient mieux inspirés de s’interroger sur la cohérence et la sincérité de l’admiration que semblent lui vouer nombre de leurs dirigeants.
Pourquoi donc ? Ces dirigeants n’auraient-ils pas le droit de l’admirer, eux aussi ?
Ils ont tous les droits. Mais, certains peuples peuvent être troublés d’entendre leurs dirigeants magnifier des vertus prêtées à la défunte reine, alors que dans leurs propres pratiques du pouvoir, ils sont aux antipodes desdites valeurs. Avant d’être aimée du monde, Elizabeth II a su se faire aimer de son peuple. Notamment par son dévouement, son souci des autres et sa capacité à rester dans les limites de ses prérogatives constitutionnelles. Car, il y a des limites, même au pouvoir d’une reine ! Et c’est sur l’observation scrupuleuse de ces limites que se fonde, de manière durable, la liberté et la démocratie.
Après une courte pause pluviométrique, de fortes précipitions sont attendus vendredi soir à Dakar et dans plusieurs localités du pays, poussant ainsi les autorités à lancer des appels à la prudence.
Le ministère de l’Intérieur et de la sécurité publique alerte. Reprenant les prévisions météorologiques de l’Agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie (Anacim), les services du ministre Antoine Félix Abdoulaye Diome informent que des orages et fortes pluies sont attendus au courant de la journée du vendredi 9 septembre 2022, notamment sur le Sénégal oriental, la Casamance et sur toute la façade ouest y compris Dakar et Diourbel.
Selon la même source, dans la nuit, les pluies vont intéresser le Nord du pays (Louga, Saint-Louis et Matam).
Une situation qui pousse les autorités gouvernementales à appeler les populations à la prudence, notamment sur l’utilisation de l’électricité dans les maisons. « Associées, l’eau et l’électricité représentent un réel danger pour le corps humain et peuvent donner lieu à des électrisations qui peuvent causer des lésions plus ou moins graves, voire des électrocutions fatales », prévient le Ministère en charge de la Sécurité publique. Il invite les usagers à faire les installations par « un électricien agréé et à surtout « couper l’électricité si votre maison est inondée notamment au rez-de-chaussée ».
Depuis le début de l’hivernage, pas moins de trois personnes sont mortes par électrocution çà Dakar et dans sa banlieue.
Plus de 7 millions de m3 d’eau évacués
Sur la situation opérationnelle du plan Orsec, déclenché le 5 aout dernier, par le chef de l’Etat, Macky Sall, le ministère de l’Intérieur informe, dans son communiqué n°10, qu’à ce jour, 239 sites inondés ont été recensés dont 121 traités et libérés, 118 en cours de traitement.
La note relève, en outre, que « de nombreux sites, du fait de la multiplication des précipitations et/ou de la remontée de la nappe phréatique, ont été libérés plusieurs fois ».
Il faut également souligner que le volume d’eau évacué dans la journée du jeudi 8 septembre est de 216.820m3. Et le cumul du volume d’eau évacué depuis le début des opérations est de 7.702.556 m3.
par Cheikh Omar Diallo
HONORABLES DÉPUTÉS, MISÉRABLES SUPPLÉANTS
EXCLUSIF SENEPLUS - Ministre aujourd’hui député demain ; ministre hier, député aujourd’hui. Le suppléant du député élu à l'Assemblée nationale au Sénégal est, en vérité, « un garde-place » et donc un faux suppléant
Dorénavant, tout député nommé ministre pourra retrouver automatiquement son siège à l’hémicycle, s’il n’exerce plus de charge ministérielle.
Sous le bénéfice de nouvelle loi, il faut noter que l’incompatibilité entre la fonction ministérielle et le mandat parlementaire entraînait ipso facto le remplacement définitif du député par son suppléant, qui, à son tour, conservait le siège jusqu’au terme du mandat. Fort de cette incompatibilité proclamée, le système politique sénégalais consacrait ainsi un dogme intangible de rang constitutionnel.
Mais aujourd’hui, face aux vicissitudes de la suppléance, le nouveau statut du député se traduit, désormais, par la possibilité à lui offerte de reprendre son siège après la cessation de sa fonction ministérielle, conformément aux articles 55 et 56 révisés de la Constitution du 22 janvier 2001. Ce fait juridique vient tempérer la reconnaissance du dogme « incompatibilités entre fonction gouvernementale et mandat parlementaire. ».
Dans le même ordre d’idées, en cas de vacance du siège de député pour cause d’empêchement [nomination ou maladie], le désigné suppléant exercera pleinement la fonction de député pendant la durée de l’empêchement.
En clair, on ne peut suppléer un titulaire que s’il y a incompatibilité entre le poste de député et la fonction occupée. Le suppléant pourra alors siéger mais quand le titulaire cessera ses fonctions ailleurs, le suppléant lui cèdera la place.
En octroyant un titre révocable et précaire au suppléant, l’intention du législateur est de consacrer le mérite électoral du député élu, devenu ministre.
Ministre aujourd’hui député demain ; ministre hier, député aujourd’hui.
C’est alors que le suppléant cesse d’être député suppléant ; tandis que le député suppléé redeviendra député de plein droit.
Faux suppléant et « vrai garde-place »
Passons rapidement sur la « tragédie sociale, familiale et personnelle » qu’est la déchéance politique du « simple suppléant » pour nous arrêter sur le principe de la séparation stricte des pouvoirs qui s’en trouvera fortement atténué. Ce qui incidemment consacrera, le caractère temporaire de la suppléance et par la même occasion, accentuera l’idée de suppléant « garde-place ».
Pour rappel, au lendemain de l’indépendance du Sénégal, la compatibilité entre la fonction ministérielle et le mandat parlementaire était une pratique constitutionnelle acceptée. En permettant ainsi aux parlementaires de devenir ministres, sans cesser de siéger à l’Assemblée nationale, les Mamadou Dia, Valdiodio Ndiaye, Alioune Badara Mbengue, Karim Gaye, Emile Badiane et Demba Diop, entre autres ont cumulativement été des ministres-parlementaires.
Une coutume législative inspirée des IIIe et IVe République en France.
Du reste, c’est l’avènement de la Ve République française voulue par le Général Charles de Gaulle qui fixe pour la première fois le régime des incompatibilités des députés dans la Constitution du 4 octobre 1958.
Par héritage mimétisme constitutionnel, depuis plus de cinquante ans, le législateur sénégalais l’avait inséré dans le corpus juridico-politique.
Au passage, il faut noter qu’au Royaume-Uni, le Premier ministre et ses ministres sont tous membres du parlement (chambre des communes). De ce fait, l’élu britannique n’a pas de suppléant. En cas de décès, de démission ou de destitution, il est procédé à une élection partielle appelée by-election.
Aujourd’hui, le suppléant est, en vérité, « un garde-place » et donc un faux suppléant.
Docteur Cheikh Omar Diallo est enseignant-chercheur en Science politique, fondateur de l’École d’Art Oratoire et de Leadership.
LE DÉNI DE L'EXISTENCE DU TERRORISME ALIMENTE L'INSÉCURITÉ
À Cotonou, une réunion sur la recherche d'une solution au terrorisme s'est achevée. Mais certains pays demeurent dans le déni de l'existence du djihadisme
Le dialogue de Cotonou, tout comme d'autres qui ont eu lieu dans le passé, est revenu sur les différentes raisons qui expliquent l’expansion du phénomène djihadiste
Certains facteurs sont mis en avant : la porosité des frontières mais aussi l'absence de l'Etat dans certaines régions qui laisse les populations sans services de base et en font donc des victimes faciles pour les terroristes.
Le déni de l'existence du terrorisme
Mais parmi toutes ces raisons qui renforcent le djihadisme dans ces pays, l'une d'entre elles, le déni de l'existence du djihadisme, est souvent passée sous silence.
A ce sujet, Adam Bona, un expert ghanéen des questions sécuritaires, affirme que ce phénomène est absent du Ghana et que son pays doit aussi se garder d'aider ses voisins à lutter contre les groupes armés.
"Pour le moment, je pourrais dire que le territoire national ghanéen ne connaît pas ce problème de djihadisme. Et si je devais donner conseil à notre Etat au sujet d'envoyer des troupes ghanéennes combattre les terroristes au Burkina Faso, je leur conseillerais de ne pas le faire, car cela nous mettrait en danger par la suite"
Pour Seidik Abba, journaliste et spécialiste du Sahel, si le djihadisme a pu s'étendre même jusqu'aux pays côtiers, c'est justement en grande partie à cause du déni de son existence par certains pays.
" Il faut que les pays du Golfe de Guinée tirent les leçons des échecs de ce qui s'est passé au Sahel, ajustent leurs stratégies en fonction de ce qui s'est passé au Sahel, pour qu'on ait une meilleure stratégie et qu’on puisse empêcher que la métastase, qui a quitté le Sahel pour gagner le Golfe de Guinée, continue de progresser. Comme vous le savez, après le Bénin et le Togo, le Ghana a subi sa première attaque, même si depuis, il n'y a pas eu une seconde attaque"
Le djihadisme dans la plupart des pays qu'il touche est souvent financé par la contrebande ou le trafic de drogue , des crimes dont les complicités remontent parfois jusqu’au sommet de certains Etats.
L'impuissance à éradiquer ce fléau pourrait donc être liée à ce type de soutien dont bénéficierait ce commerce illicite.
LE MALI DE GOÏTA EN PLEIN DÉNI
Maintenant que l’armée française s’est complètement retirée du pays, il va être difficile d’imputer à l’ancien colonisateur les revers des soldats de Bamako et l’avancée des groupes jihadistes
Jeune Afrique |
Marc-Antoine Pérouse de Montclos |
Publication 09/09/2022
Attachés à leur souveraineté, de nombreux Maliens ne semblent pourtant pas prendre la mesure de l’inefficacité de leur appareil militaire. Le décalage n’en est que plus saisissant avec la vision catastrophiste de la situation qui circule dans les capitales européennes, en l’occurrence sur la base d’un scénario d’effondrement à l’afghane.
Selon un sondage de la fondation allemande Friedrich-Ebert, plus de la moitié de la population malienne estime ainsi que le retrait de la force Barkhane va avoir un effet positif, les militaires français étant régulièrement accusés de complicité avec les groupes insurrectionnels. Dans le même ordre d’idées, 84 % des personnes interrogées pensent que le niveau d’insécurité a diminué dans leur région et que la situation générale du Mali s’est améliorée au cours de l’année passée. Dans les pays voisins, de nombreux Burkinabè et Nigériens ne cachent pas non plus leur admiration pour une junte qui a prétendument réussi à affirmer son indépendance en se débarrassant de la tutelle politique et militaire de l’ancienne puissance coloniale.
Les civils pris entre deux feux
Au Mali, le taux de satisfaction à l’égard des forces de défense et de sécurité est à l’avenant : jusqu’à 98 % si l’on en croit les résultats de l’enquête de la fondation Friedrich-Ebert. Sur le terrain, la réalité est pourtant moins plaisante à entendre. Gangrénée depuis plusieurs décennies par la corruption, l’indiscipline, le népotisme et l’impunité, l’armée malienne se révèle incapable de protéger les civils dans les zones rurales les plus reculées. Ces derniers doivent en conséquence négocier des ententes avec les jihadistes pour assurer leur survie. Pis encore, la soldatesque de Bamako nourrit le conflit en stigmatisant et en massacrant des Peuls qui, automatiquement suspectés de sympathies terroristes, vont rejoindre les rangs des insurgés pour essayer d’échapper aux exécutions extrajudiciaires ou à la torture en prison.