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21 avril 2025
Diaspora
par l'éditorialiste de seneplus, Arona Oumar Kane
SONKO DÉGAINE LE 49.3
EXCLUSIF SENEPLUS - La position de Meïssa Diakhate, qui justifie l'évitement du débat parlementaire sur la loi de finances 2025, semble cautionner une manœuvre politicienne arrangeante pour le gouvernement
Arona Oumar Kane de SenePlus |
Publication 28/12/2024
Un fait majeur, dans l’histoire politique sénégalaise, est en train de se dérouler à la fois sous nos yeux et, d’après les unes de la presse de ce samedi 28 décembre 2024, de manière totalement silencieuse. Le Premier ministre Ousmane Sonko a décidé d’engager la responsabilité de son gouvernement sur le vote de la loi de finances 2025.
Le président de l’Assemblée nationale a en effet publié, dans la foulée de la DPG, une convocation des députés ce samedi, avec l’ordre suivant :
10 h 00 : examen du projet de loi de finances pour l’année 2025, conformément aux dispositions de l’article 86, alinéa 6, de la Constitution
12 h 00 : élection des membres de la Haute Cour de Justice
On peut parier que ce qui aura surtout attiré l’attention, sur cet ordre du jour, c’est le deuxième point, qui n’a pourtant rien d’exceptionnel mais qui porte sur une forte attente de l’opinion. C’est assez pratique, car cela permet de reléguer au second plan ce fait majeur qu’est l’invocation de l’article 86.6 qui n’est rien d’autre qu’un copié/collé du fameux 49.3 français.
Ce dispositif de la Constitution permet de faire passer une loi sans vote et donc sans débat. Son invocation par le Premier ministre peut être suivie du dépôt d’une motion de censure, dans les 24 heures, qui, si elle est votée, provoque la chute de son gouvernement. Si cela vous rappelle quelque chose, alors vous avez certainement suivi les péripéties de l’éphémère gouvernement Barnier en France, dans un contexte totalement différent.
Ce qui ressemble fort à une manœuvre de diversion a si bien fonctionné que dans la presse écrite du jour, il est impossible de trouver un seul titre sur cet événement historique sans précédent dans notre pays.
Même si la députée Aissata Sall avait attiré l’attention sur l’éventualité de l’utilisation de ce dispositif et que la rumeur enflait depuis quelques semaines, Il faut se rabattre sur la presse en ligne de qualité pour voir enfin le sujet traité, qui plus est, par un spécialiste : le Professeur Meissa Diakhaté, Professeur de Droit et fondateur du CERACLE(Centre de Recherche, d’Expertise et de Formation sur les Institutions constitutionnelles, les Administrations publiques, la Gouvernance financière et la Légistique en Afrique).
Dans un article paru tard dans la nuit du vendredi sur SenePlus, intitulé Le Premier ministre et l’Exploit Constitutionnel, le Professeur Diakhaté, qui évoque le caractère historique de cet acte posé par le Premier ministre, en des termes très élogieux, se réjouit fort justement de l'opportunité à lui offerte de pouvoir donner à ses étudiants un cas pratique d’invocation d’un dispositif “dormant” de la Constitution. La satisfaction du professeur est tout à fait compréhensible de ce point de vue et pourrait s’apparenter à celle d’un professeur de médecine, ayant l’opportunité de présenter à ses étudiants un patient souffrant d’une maladie rare qu’ils ont étudiée en classe.
Au-delà de cette légitime satisfaction du praticien, cette contribution du Professeur Diakhaté pose toutefois problème, en ce sens qu’il semble apporter une caution académique à ce qui, de mon point de vue, relève plutôt de la manœuvre politicienne, une de plus de la part d’un stratège incontestable en la matière, dont l’effet immédiat est d’éviter un débat parlementaire de fond sur un projet de loi de finances conçu et adopté dans des conditions, pour le moins, peu orthodoxes.
Tout d’abord, je tiens à préciser modestement que n’étant pas juriste, le CERACLE est ma principale source d’information sur les questions de droit et, de ce point de vue, je considère M. Diakhaté, d’une certaine façon, comme mon professeur. De plus, il m’a fait l’honneur de publier un de mes articles sur le site et les réseaux sociaux de son centre de recherche. C’est dire mon inconfort dans cet exercice contradictoire, mais c’est aussi toute la beauté du débat d’idées dont notre pays peut se targuer.
L’article 86 alinéa 6 dispose que « Le Premier ministre peut, après délibération du Conseil des ministres, engager la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un projet de loi de finances. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l’alinéa précédent ».
Sur la constitutionnalité de l’utilisation de ce dispositif, M. Diakhaté indique que l’acte “ne souffre d’aucune zone d’ombre” et assure le Premier ministre qu’il a “la Constitution avec lui”, en précisant, comme pour conjurer une éventuelle contestation de la régularité de la procédure, que “Le texte délibéré en Conseil des ministres porte sur « un projet de loi de finances »”.
Un Conseil des ministres avait bien adopté le projet de loi de finances pour l’année 2025, le 3 décembre 2024, mais il n’y avait pas été explicitement mentionné le recours à l’article 86 alinéa 6. Ce qui rend l’élève quelque peu confus et mérite au moins un débat d’experts pour l’éclairer sur le sujet.
Quant à l’opportunité, sur le fond, d’une telle décision à savoir celle de faire passer une loi en force par un gouvernement qui pourtant dispose d’une large majorité à l’Assemblée nationale, la question de la date butoir du 31 décembre, fin de l’année financière, est évidemment celle qui viendrait à l’esprit. Le projet de loi ayant été adopté en Conseil des ministres le 3 décembre 2024, cela donne très peu de temps en effet pour un marathon budgétaire, surtout quand on a fait traîner la préparation, l’adoption et la transmission à l’Assemblée de la loi de finances concernée.
D’aucuns ont même signalé une violation de la LOLF qui a consisté à adopter le projet de loi de finances en conseil des ministres, après l’ouverture de la session ordinaire du Parlement, alors qu’il devait être transmis à l’Assemblée au plus tard le jour de l’ouverture de la session. D’ailleurs, cet argument de la date butoir est d’autant plus discutable qu’entre l’adoption en conseil des ministres du projet de loi et la fin de l’année, nous disposions d’un mois pour en débattre et le voter sans recourir à l’option nucléaire du 49.3 - pardon, du 86.6 - mais, on l’a vu, la priorité de l’Assemblée nationale au lendemain de son installation était ailleurs que sur le budget.
En tout état de cause, si l’on voulait vraiment prendre le temps d’examiner et de voter cette loi de finances dans le cadre d’un débat budgétaire normal, compte de la situation exceptionnelle issue de la dissolution, cela serait tout à fait possible et c’est prévu par les textes. La France qui est notre référence en la matière, on le rappelle, est exactement dans cette situation aujourd’hui. Tout comme le président français, le président Diomaye Faye dispose d’outils juridiques qui lui permettent de percevoir des ressources budgétaires et d’exécuter des dépenses pour assurer la continuité du fonctionnement régulier de l'État, jusqu’au vote du prochain budget, qui pourrait intervenir après le 31 décembre. Mais cette loi de finances pose beaucoup de problèmes sur lesquels nous reviendrons, et il est bien pratique pour le gouvernement de ne pas trop s’y attarder et de vite passer à autre chose.
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INSTALLATION DES MEMBRES DE LA HAUTE COUR DE JUSTICE
Cette juridiction exceptionnelle, composée de seize magistrats soigneusement sélectionnés, dispose désormais de tous les moyens pour accomplir sa mission de contrôle des plus hautes autorités de l'État. Un nouveau chapitre dans la lutte contre l'impunité
Les membres de la Haute Cour de Justice ont officiellement été installés, ce samedi 28 décembre 2024. Cette institution, chargée de juger les plus hautes autorités de l’État, est désormais pleinement opérationnelle.
La Haute Cour de Justice est constituée de 8 juges titulaires et 8 juges suppléants, qui ont prêté serment devant l’hémicycle après lecture des textes par le Président de l’Assemblée nationale, Malick Ndiaye.
Juges titulaires :
– Alioune Ndao
– Ramatoulaye Bodian
– Youngar Dione
– Amadou Ba numéro 2
– Rokhy Ndiaye
– Ayib Daffé
– Daba Wagnane
– Abdou Mbow
Juges suppléants :
– Samba Dang
– Oulimata Sidibé
– El Hadji Ababacar Tambedou
– Fatou Diop Cissé
– Kaba Diakité
– Mberry Hélène Ndoffene Diouf
– Mayébé Mbaye
– Fatou Sow
Régie par la Constitution sénégalaise et la loi organique n° 2002-10 du 22 février 2002, la Haute Cour de Justice est un pilier de la gouvernance démocratique.
Elle est composée de juges élus par l’Assemblée nationale et présidée par le Premier président de la Cour suprême, assisté par le président de la Chambre pénale de cette même cour. Le ministère public y est représenté par le Procureur général près la Cour suprême, épaulé par le Premier avocat général.
La Haute Cour de Justice a pour mission de juger le président de la République, le Premier ministre, les ministres ainsi que leurs complices en cas de haute trahison ou de complot contre la sûreté de l’État.
Cette institution vise à jouer un rôle dans la responsabilisation des plus hautes autorités de l’État et dans la consolidation de l’État de droit au Sénégal, renforçant ainsi la confiance dans le système judiciaire et dans les institutions publiques.
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LA GAUCHE EST MORTE, VIVE LA GAUCHE
La gauche a-t-elle survécu à la disparition de ses fondements ? À travers le regard de grands intellectuels contemporains, Le documentaire de Jérémy Forni explore la métamorphose d'une pensée politique confrontée à un monde en mutation
"Après la gauche" (2011) est un documentaire ambitieux qui s'attaque à une question fondamentale de notre époque : que signifie être de gauche au XXIe siècle ? Le réalisateur Jérémy Forni, accompagné de ses co-scénaristes Gaël Bizien et Geoffroy Fauquier, a choisi d'explorer cette interrogation à travers une série d'entretiens avec des intellectuels majeurs de la pensée contemporaine.
Le film embrasse deux décennies cruciales, de la chute de l'URSS à la crise financière de 2008, pour analyser les bouleversements profonds qui ont transformé la gauche. À travers les témoignages recueillis, il dresse un état des lieux sans concession de l'héritage progressiste, tout en examinant les nouvelles formes de luttes sociales qui émergent dans notre monde globalisé.
Le documentaire s'affirme comme un acte de résistance intellectuelle qui refuse la résignation. En donnant la parole à ceux qui continuent de penser l'utopie sociale, il explore les possibilités de réinvention d'une pensée de gauche adaptée aux défis contemporains.
LE LONG CHEMIN D'AND-JËF VERS LES GEÔLES DE DAKAR
Retour sur le 5 juillet 1975 lorsque Le Soleil révélait une vaste opération policière ayant conduit à l'arrestation de douze militants du mouvement clandestin, dont Eugénie Rokhaya Aw, Mamadou Diop Decroix, Ibrahima Wane entre autres
Le 5 juillet 1975, le journaliste Papa Amet Diop révèle dans les colonnes du "Soleil" les dessous d'une vaste opération policière ayant conduit à l'arrestation de douze militants du mouvement clandestin And Dieuf. Tout commence sur la route Kaolack-Mbour, où un simple contrôle routier permet l'interpellation d'Ibrahima Wane, porteur de documents compromettants. De fil en aiguille, les enquêteurs remontent jusqu'au cœur de l'organisation, dévoilant une structure sophistiquée dirigée par Landing Savané, un haut fonctionnaire des statistiques.
Au fil des perquisitions, la police découvre dans une baraque de Grand-Dakar le quartier général clandestin du mouvement, équipé de ronéos et de machines à écrire servant à imprimer "Xarébi", le journal du groupe, en français et en wolof. Parmi les personnalités arrêtées figurent une journaliste du "Soleil", Eugénie Rokhaya Aw, des fonctionnaires, un professeur et même un greffier de tribunal. Du 10 au 23 juin, ces douze militants aux profils variés prennent tour à tour le chemin du parquet, marquant ainsi la fin d'un mouvement qui rêvait de "démocratie nouvelle" au Sénégal.
L'article ci-dessous, lève le voile sur les rouages internes de cette organisation née en avril 1975, héritière du mouvement Réni-Rew, et sur son démantèlement progressif par les services de sécurité.
"Arresrations
Papa Amet Diop du « Soleil » le Samedi 5 Juillet 1975
« Plusieurs militants du mouvement clandestin « Xaré bi » ont été arrêtés. Ils appartenaient à un mouvement clandestin
Douze personnes sont sous les verrous pour appartenance à un mouvement subversif. Douze, très exactement. Dès qu'une affaire de cette nature éclate, «cancan» a tôt fait de s'en emparer et d'«il paraît que» et «es-tu au courant de» en «sais-tu que», les faits réels prennent une dimension qui n'est pas la leur.
Ainsi, pour cette affaire, que l'on peut appeler «affaire Xarébi», le bruit a couru sur l'arrestation de plusieurs personnes qui auraient, par la suite, été relaxées. Or, d'après nos informations, en dehors des personnes actuellement en détention, une personne, une seule, a été interpellée, interrogée et rendue aussitôt en liberté. Sa présence dans des locaux de la police n'aurait pas excédé en tout et pour tout, une heure. Il s'agit de Mme Landing Savané. Et l'on comprendra que la police ait éprouvé le besoin de l'entendre si l'on sait que son époux, M. Landing Savané, cadre statisticien actuellement en détention, est impliqué dans une précédente affaire considérée comme fortement liée à celle qui nous intéresse ici, pour ne pas dire qu'elle en est en fait l'origine.
Nous verrons pourquoi. En attendant, venons-en au processus même qui a amené les arrestations successives qui font qu'aujourd'hui douze jeunes sont à l'ombre. Douze jeunes qui sont:
- Ibrahima Wane, employé à l'ONCAD de Kaolack
- Ismaïla Diakhaté, ex-employé à la direction de la Statistique
- Abdourahmane Kounta, chef comptable à la SOSAP, trésorier du mouvement
- Amadou Top, programmeur à l'ONCAD de Dakar, secrétaire à l'organisation
- Mamadou Diop, dit «Decroix» ancien étudiant
- Mamadou Sow, dit Abdou, secrétaire d'administration au ministère de l'Intérieur
- Mme Sow, née Eugénie Rokhaya Aw, journaliste au «Soleil»
- Abdou El Mazid Ndiaye, ingénieur à BUD-Sénégal
- Joseph Diop, dit Jo, professeur au CNEPS de Thiès
- Moussé Guèye Seck, employé de régie des chemins de fer à Thiès
- Boubacar Keïta, assistant à la faculté des sciences
- Sadel Ndiaye, greffier au tribunal de Tambacounda
Le bon bout
C'est l'arrestation du premier nommé Ibrahima Wane, interpellé pendant qu'il était porteur d'un important lot de «Xarébi» qui, de fil en aiguille, ou, plus exactement d'interrogatoires en perquisitions, amènera l'arrestation de ses camarades. Cela s'est passé le 2 juin 1975, sur la route de Kaolack-Mbour. Au cours d'un contrôle de routine, Wane fut trouvé en possession de documents on ne peut plus compromettants.
Le paquet de tracts dont Wane était porteur va être dès lors à l'origine d'une patiente enquête riche en rebondissements. Il apparaîtra ainsi qu'Ibrahima Wane était un agent de liaison. Son interrogatoire débouchera sur l'arrestation de Ismaïla Diakhaté, sous le lit duquel il était allé prendre le paquet de tracts avant son départ de Dakar pour Kaolack.
L'interrogatoire de l'agent de liaison et de la «boîte aux lettres», amènera l'arrestation du secrétaire à l'organisation, Amadou Top. A partir de cet instant, les enquêteurs pouvaient considérer qu'ils tenaient le bon bout. Et il en sera effectivement ainsi. La confrontation des trois premiers est suivie de l'arrestation de Kounta, Trésorier qui va lui-même révéler que l'impression des tracts était le fait de Mamadou Sow et de Mazid Ndiaye. Une perquisition chez Sow dont on saura qu'en fait le domicile servait de siège au mouvement, qui en payait la location, fera découvrir une ronéo et de nombreuses rames de papier. Les précautions par l'organisation pour se servir d'un domicile anonyme comme couverture parfaite de son siège n'auront en définitive pas servi à grand chose. Pas plus celles prises en louant dans le populaire Grand-Dakar, une baraque qui abritait un important matériel de duplication.
Et à Grand-Dakar, ce sera la saisie de trois ronéos, de trois machines à écrire, encore d'importantes quantités de papier, des exemplaires du journal du mouvement «Xarébi», des exemplaires d'un «livre blanc» sur «l'opération Xarébi» intitulé «Nous sommes tous en liberté provisoire», et le procès verbal du congrès constitutif du mouvement dont le nom exact apparaît ainsi comme étant : « Organisation des ouvriers, paysans et intellectuels révolutionnaires de type nouveau.»
Ce procès-verbal, en date du 28 décembre 1974, atteste de la présence de délégués venus de toutes les régions du Sénégal ce qui laisse croire que si le mouvement n'a pas à vrai dire une véritable assise populaire, elle n'a pas manqué de partisans dispersés à travers le territoire national.
Une des caractéristiques essentielles de ce mouvement est le cloisonnement rigoureux qui a toujours été appliqué très strictement. D'ailleurs, chez eux, le secret était statutairement une obligation. Il semble avoir été si bien respecté, que certains membres ne savent qu'aujourd'hui avec nous, que Mamadou Diop, dit «Decroix», était chargé de traduire (avec une étonnante compétence, m'a-t-on dit) les textes destinés à l'édition en ouoloff arabisé (ouoloffal), des deux derniers numéros de «Xarébi»; qu'Eugénie Rokhaya Aw rédigeait des articles, aidait à la correction des épreuves et au tirage à la ronéo; que le trésorier Kounta n'était guère ménagé quant à ses propres deniers pour que fonctionne l'organisation, lui qui n'hésitait pas d'y aller de sa poche à chaque fois par exemple qu'il fallait de l'essence pour les déplacements d'un agent de liaison chargé d'aller, ici ou là, distribuer des paquets de tracts ou des journaux.
La baraque de Grand-Dakar
Cette même règle de secret fera que sur les documents ne figurait aucun nom écrit en entier. Il y avait toutefois des mentions de pseudonymes et des initiales. Ces secrets là furent vite percés par l'instruction. Ainsi, toujours au cours de cette riche perquisition de la baraque de Grand-Dakar, après qu'avec ce qui a déjà été mentionné, plus les statuts de «And Dieuf» (l'Unité dans l'action), des paquets de tracts prêts à l'envoi furent saisis, les initiales qui les distinguaient furent autant d'indices qui amenèrent les arrestations précitées. Et une organisation qui s'était donné beaucoup de mal était amputée de ses éléments les plus actifs.
Il semble que les services de sécurité savaient pas mal de choses; mais il leur manquait l'essentiel, c'est-à-dire les moyens de prouver l'appartenance de tel ou tel suspect à un mouvement subversif. Il serait d'ailleurs plus proche de la réalité de parler de mouvements au pluriel. En effet, c'est bien en face du regroupement de plusieurs petites organisations gauchissantes, se disant «démocratiques» ou «révolutionnaires», que l'on s'est trouvé.
Parmi elles, la seule qui ait été considérée comme suffisamment structurée est «Réni-Rew» dans lequel le rôle de Landing Savané est tenu pour prépondérant - ce qui justifie nos propos du début. Nous croyons savoir que c'est vers le mois d'avril 1975 qu'autour de «Réni-Rew», organisation mère, que vinrent se regrouper plusieurs mouvements contestataires pour créer «And Dieuf». Avant cette période, seul «Réni Rew» diffusait son organe, «Xarébi». Depuis la création de «And Dieuf», on en était arrivé à deux éditions l'une en français, l'autre en «ouoloffall».
Mais ce qui prouve que les services de police avaient bien quelque idée de la situation c'est qu'une première vague d'arrestations a atteint les militants de «And Dieuf», alors même que Landing Savané, qui est considéré comme leur chef de file, était à l'étranger. Lui-même, rentré au Sénégal le 18 mars, sera arrêté dès sa descente d'avion sur mandat délivré le 13 mars par le juge d'instruction de la Cour de Sûreté de l'Etat.
En effet, on avait saisi chez son frère Alassane Savané - jusqu'ici en fuite, les statuts d'un parti qui se dénommerait «Réni Rew». Toutefois, il convient de préciser ici que Landing, lui, a soutenu qu'il s'agissait de l'ébauche de statuts d'un parti qu'il reconnaît avoir eu l'idée de créer. Ce parti, selon lui, devait être socialiste, puisque lui-même ne nie pas ses convictions socialistes. Mais, si ce parti qui devait être un parti d'opposition, se voulait socialiste, il n'était pas question, toujours selon Landing Savané, qu'il soit marxiste-léniniste.
C'est l'ébauche des principes qui devaient guider l'action de ce parti que Landing dira avoir envoyé à son frère. Toujours est-il que pour la première affaire comme pour celle-ci l'on considère Landing Savané comme l'élément moteur. C'est lui qui aurait trouvé les financements nécessaires à l'achat du matériel saisi et c'est lui-même qui aurait acheté ce matériel à l'étranger. On soutient encore que ce serait dans le cadre de ces déplacements hors du Sénégal, (Landing Savané était un haut-fonctionnaire du service national de la Statistique, et à ce titre se déplaçait beaucoup).
Péchés mignons
Ses relations personnelles dans certains milieux auraient même joué un rôle non négligeable dans le financement des activités du mouvement. Ici, il est nécessaire de préciser qu'en ce qui concerne le regroupement connu sous le nom de «And Dieuf», il ne semble pas y avoir eu de collusion entre d'autres groupes et le fameux P.A.I auquel d'aucuns pensent dès qu'il s'agit d'affaires de ce genre.
Au sein de ce P.A.I., qui doit être le plus ancien des mouvements se voulant révolutionnaires il semble même que certains problèmes se sont fait jour. Il s'agirait en gros d'un conflit que l'on pourrait appeler de générations. Les plus jeunes acculent les «vieux» de passivité, d'apathie et de tout un tas de péchés mignons, tandis que les «vieux», à leur tour, reprochent aux jeunes leur fougue désordonnée. Enfin c'est bien entre eux...
Ce qu'il convient pour nous de retenir, c'est que les services de sécurité semblent connaître certains des éléments qui gravitent autour des milieux suspects. Cela cependant ne peut être considéré comme constitutif d'un délit. Il s'agirait d'anciens membres de Mouvements comme le M.E.P.A.I (Mouvement Etudiants du P.A.I.) qui avait des cellules dans chaque faculté, de l'A.G.E.S, ou d'éléments ayant appartenu à d'anciens partis politiques ou encore d'anciens syndicalistes qui, tous idéologiquement, gardent leurs distances vis-à-vis des partis reconnus.
Le mouvement auquel appartiennent l'ensemble des douze personnes arrêtées, a en tout cas, malgré l'obligation de se développer dans la clandestinité, eu ses statuts, son programme, ses structures... Le tout noir sur blanc, ce qui franchement d'ailleurs m'a étonné... L'article 1 de leurs statuts stipule que leur but est (...) «d'élever le niveau de conscience politique des masses populaires (ouvriers et paysans en particulier) afin de les amener à assumer leurs responsabilités historiques». L'article 4 précise que «l'opportunisme, l'individualisme, l'indolence, l'aventurisme, le subjectivisme, l'apathie politique, le suivisme, l'absentéisme et le découragement sont les principaux ennemis du membre». Nous n'épiloguerons guère sur une telle énumération...
Précisons plutôt que «And Dieuf» a voulu son congrès national, ses congrès régionaux et, à sa base, des comités dans les «quartiers, les usines, les villages, les écoles». C'est dans de tels milieux que des efforts devaient être faits pour diffuser le programme qui s'élève en général contre l'emprise - selon eux du néo-colonialisme sur notre pays, sur les plans économique, politique, culturel, et qui s'élève en outre contre les formes actuelles des systèmes d'éducation, de l'appareil répressif policier et de l'appareil militaire etc... «L'organisation révolutionnaire ''And Dieuf'', dit-on, se fixe pour tâche politique immédiate le renversement du régime néo-colonial et son remplacement par un régime de démocratie nouvelle».
En fait «And Dieuf» n'a pas caché qu'il visait au centralisme démocratique, à partir des paysans et des ouvriers surtout. Mais il s'est trouvé confronté au problème de l'analphabétisme de ceux qu'ils voulaient contacter. Ils ne pouvaient le faire que de la façon qui seule pour eux pouvait présenter quelque garantie de sécurité. C'est-à-dire à travers les tracts et leur publication. Or on sait ce qu'il en est. C'est là d'ailleurs qu'il faut voir l'origine de l'édition de «Xarébi» en «ouoloffal». Fait qui a nécessité des efforts qui méritaient vraiment un meilleur usage.
Mais notre rôle ici n'étant pas de commenter, disons pour finir qu'Ibrahima Wane a été déféré au parquet le 10 juin. Il sera suivi le 17 juin par Diakhaté, Kounta et Top tandis que Abou Sow et son épouse les rejoindront le 20 en compagnie de Keïta et de Decroix. Le 21 juin, ce sera le tour des deux Thiessois, Joseph Diop et Moussé Guèye Seck. Le dernier à passer par le parquet sera le greffier de Tambacounda, Sadel Ndiaye, qui va rejoindre ses camarades le 23 juin. L'affaire suit son cours et nous nous efforcerons de tenir nos lecteurs de tout développement éventuel»."
par Mamadou Adje
UNE DÉCONSTRUCTION DE L'HISTOIRE, À QUELLE FIN ?
EXCLUSIF SENEPLUS - Une armée est bâtie sur des traditions et sans la geste des tirailleurs ou irions-nous chercher le levain qui pousse nos Jambars au sacrifice suprême ? Le vent de la déconstruction souffle toujours vers le flambeau du négationnisme
Dans une sortie aussi verbeuse que bancale, et même haineuse par endroit, irrespectueuse envers la "Grande Muette", un proxy du négationnisme s'est plu à piétiner les traditions qui ont fait ce pays, aussi bien au plan politique que militaire et religieux. Et c'était à peine quelques jours après que le président de la République, toute la Nation, et son armée ont élevé, dans une parade impeccable, au rang d'événement national, le sacrifice des Tirailleurs à Thiaroye.
Quelle outrecuidance que de réduire cette tragédie en une vulgaire revendication pécuniaire. Quel pied de nez à une histoire sans laquelle nous sommes des "néants devant l'infini" et des nains au rendez-vous du donner et du recevoir. Ainsi, notre armée, admirée partout, sans socle, serait sortie de nulle part. Une armée est bâtie sur des traditions et sans la geste des tirailleurs ou iriont nous chercher le levain qui pousse nos Jambars au sacrifice suprême ? Bien sûr, nous ne sommes pas dupe, car le vent de la déconstruction souffle toujours vers le flambeau du négationnisme ; mais pourquoi faire, et à quelle fin ?
À Tombouctou, le mousolee "temple impie" des saints a été violé, à Bamya en Afghanistan, ces immenses statues de Bouddha, héritées de l'Histoire, ont été dynamitées, en Syrie Palmyre a subi la même loi, et au Rwanda on déconstruit le Génocide. Tout ceci a un objectif, car quand on déconstruit, on reconstruit aussi ; mais sur quoi ?
En tous cas, dans ce pays d'intellectuels, toute tentative de déconstruction de notre Histoire trouvera sur son chemin des hommes libres, engagés et prêts à remettre les billes à leurs places. Au demeurant, ce prêche, qui n'avait aucune raison d'être, sinon pour un paraître futile, a transpercé le cœur de ceux dont les grands pères ont débarqué en Provence, emprunté le Chemin des Dames, fait le coup de feu à Verdun et sont revenus bardés de médailles de "la traîtrise". Il faut vraiment avoir un grand père défaillant, pour vouloir s'attaquer à ceux qui dorment aujourd'hui du sommeil du juste et qui n'attendent de nous que prières et souvenirs. Vouloir utiliser l'Histoire dans cette indigne entreprise est une grande ignominie que les dignes descendants de ces preux chevaliers ne regarderaient pas sans réagir.
L'histoire des Tirailleurs n'est pas née à Thiaroye. Elle a été écrite dans le sang dans les Vosges, dans les Ardennes, sur le Chemin des Dames, à Douaumont, à Toulon, en Provence avec le débarquement, dans les Thalwegs, les lignes de changement de pente, les tranchées de la drôle de guerre, les lignes d'opération, les lignes de phases des États majors, les bases d'assaut, dans la neige adverse des champs de bataille. L'histoire des Tirailleurs n'est pas une cour de récréation où on joue au tir-pigeon. C'est la geste qui a accompagné les vers de Verlaine : « les sanglots longs des violons de l'automne, blessent mon cœur d'une langueur monotone...», qui retentissent pour donner le signale du Jour le plus long. Thiaroye fut un évènement, un lieu de mémoire, où la France a montré son véritable visage, après le blanchiment des troupes a l'approche de la parade dans Paris libérée. Or, quand on exploite l'Histoire à des fins inavouées, on fini par se tirer une balle dans le pied, à force de vouloir justifier l'injustifiable par excès de polarité qui mène toujours à l'altérité.
En effet, le Général Lee a dirigé les forces confédérées pendant la guerre de sécession (1860/1865). Cette guerre conclue de manière tragique par l'assassinat du président Lincoln n'a pas empêché les vainqueurs de recevoir la reddition de Lee avec les honneurs ; et aujourd'hui sa statue trône au Capitole. Ces hommes qui ont écrit le "code Lieber" et plus tard le "Posse Comitatis" étaient des hommes d'Etat qui savaient que l'enjeu c'était moins la victoire ou le déshonneur dans la "traîtrise" de Lee et des Sudistes, que d'assurer la réconciliation de la Nation américaine. Ce faisant, ils prenaient date avec l'Histoire pour hisser leur pays, moins d'un siècle plus tard au rang de puissance mondiale. Voilà des exemples à citér et non ceux des concubines des Allemands poursuivies par le petit peuple de Paris harassé. Aujourd'hui, nous citons Guderian, l'homme de la "Blitzkrieger" qui était allemand et Nazi de même que Rommel "le Renard du Désert" plus que Montgomery son vainqueur. L'empereur Hiro Hito a été maintenu comme socle de la Nation nipponne pour assurer la reconstruction du pays par le Général Mc Arthur, au grand dam de la Chine qui lui promettait un "Nuremberg asiatique" ainsi qu'à tous les Samouraïs. Mac Arthur et les vainqueurs avaient raison quand on regarde le Japon d'aujourd'hui.
Quid de de Gaulle et Pétain !
Contrairement aux "barbus", toujours dans les guerres totales, perdues d'avance, ces deux icônes se sont voués une admiration réciproque. C'est Pétain qui a fait de Gaulle en le recevant au 33eme Régiment d'infanterie d'Arras, et il le protégera durant toute sa carrière ! De Gaulle a eu au moins la décence de ne l'avoir pas jugé, car pour lui ce fut "un grand homme mort en 1940" et de commuer sa condamnation à mort en détention à perpétuité ! C'est ça l'histoire des grands hommes, faite de confrontation féroces, mais aussi de respect réciproque. On l'apprend dans les écoles où on enseigne "l'Histoire-batailles" et où on n'interprète pas les faits au profit d'une idéologie qui avance masquée.
Qui osera traiter aussi librement de mercenaires la Garde Papale ? Peut-être un jour, quelqu'un au Sénégal, où nous surfons aux limites de la liberté d'opinion pour masquer parfois un mal-être, une étroitesse du costume que l'histoire a taillé pour ceux qui ne sont pas faits pour diriger.
Qui osera relever le rôle des mercenaires dans l'indépendance de l'Uruguay ? En tous cas pas les Uruguayens qui ont fêté le Centenaire de leur indépendance en organisant la première Coupe du monde en 1930, et en la gagnant. C'est ça l'essentiel. Alors ne faisons de notre pays une terre de "traitres". Lat Dior qui a combattu à côté de Maba à Paoskoto serait un "traître", même quand il dort du sommeil du juste à Dekheulé. Senghor, qui a bati ce pays, cette nation, après avoir goûté aux geôles allemandes et chanté la saga des tirailleurs était un "traître".
Serigne Fallou Fall et Habib Sy, dignes fils de grandes familles religieuses, qui auraient pu emprunter le manteau de la défaillance étaient des "traîtres" dans la neige blanche de Salonique. Assane Seck, ministre des Affaires Étrangères, Amadou Makhtar Mbow, ministre de l'Éducation ayant dirigé avec brio l'Unesco seraient des "traîtres". Les Généraux Amadou Fall, Jean Alfred Diallo, Idrissa Fall, Claude Mademba Sy, Tavares, tous ayant combattu sous le drapeau tricolore, et ayant bâti notre outil de défense, qui fait pâlir d'envie nombre de pays, seraient tous des "traîtres". Alors que vivent les "traîtres", bâtisseurs, au détriment des "défaillants" destructeurs de la Nation. Nous sommes preneurs et nous briguerons en foule un si digne sort. On nous tue, on ne nous deshnore pas.
LES DESSOUS DE LA POSITION DU SÉNÉGAL SUR LE FRANC CFA
Dans un passage remarqué de son discours ce vendredi, Ousmane Sonko a ouvert la voie à une transformation du système du Franc CFA, appelant à une monnaie "plus en adéquation avec les besoins de l'économie régionale"
(SenePlus) - Dans sa Déclaration de politique générale ce vendredi 27 décembre 2024, le Premier ministre Ousmane Sonko a abordé avec prudence mais détermination la question sensible du Franc CFA, annonçant une évolution significative de la position du Sénégal sur sa monnaie.
Sans prôner une sortie brutale, le chef du gouvernement a clairement indiqué que son administration poursuivra "les discussions pour que la monnaie soit plus en adéquation avec les besoins de l'économie régionale". Cette formulation diplomatique marque néanmoins une inflexion notable dans la position traditionnelle du Sénégal.
L'annonce s'inscrit dans un ensemble plus large de mesures visant à restaurer la souveraineté économique et financière du pays. Le Premier ministre place ainsi la question monétaire au cœur d'une stratégie globale qui inclut également la réforme fiscale, la révision des contrats miniers et pétroliers, et la redéfinition des relations économiques internationales.
La position du gouvernement reflète une approche équilibrée : tout en reconnaissant la nécessité d'une évolution du système monétaire actuel, elle privilégie la voie de la concertation régionale plutôt qu'une démarche unilatérale. Cette prudence s'explique par l'interdépendance des économies au sein de l'Union Économique Monétaire Ouest Africaine (UEMOA).
Le pouvoir semble ainsi opter pour une stratégie progressive de transformation du système monétaire, en coordination avec les autres pays membres de l'UEMOA. Cette approche vise à préserver la stabilité économique tout en travaillant à une plus grande autonomie monétaire.
SONKO DÉCLARE LA GUERRE À L'ÉVASION FISCALE
Exonérations généreuses, conventions fiscales douteuses, taxation des appels entrants : tous les mécanismes qui ont fait perdre des centaines de milliards au Trésor public ces dernières années sont dans le viseur
(SenePlus) - En marge de sa Déclaration de politique générale ce vendredi 27 décembre 2024 devant les déoutés, le Premier ministre Ousmane Sonko a nnoncé une réforme fiscale d'ampleur, visant à restaurer la souveraineté financière du Sénégal.
Au cœur de cette offensive se trouve l'objectif d'atteindre et maintenir un taux de pression fiscale d'au moins 20%, conformément aux critères de convergence de l'UEMOA, contre moins de 18% actuellement. Cette augmentation représenterait des recettes additionnelles de plusieurs centaines de milliards de francs CFA par an pour l'État.
Le Premier ministre a particulièrement ciblé le système des exonérations fiscales, qualifié de "générosité sans contrôle de l'État". Les chiffres qu'il révèle sont édifiants : sur la période 2019-2022, ces dépenses fiscales ont atteint 2.232 milliards de FCFA, sans que leur efficacité économique n'ait été démontrée.
Parmi les mesures phares annoncées figure la rationalisation des exonérations dans plusieurs secteurs clés. Les cimenteries verront leur régime fiscal révisé, tandis que l'impôt sur le revenu fera l'objet d'une réactualisation de son barème progressif. Les exonérations sur les consommations d'eau et d'électricité seront recentrées sur les plus défavorisés.
Le gouvernement prévoit également une révision radicale des conventions fiscales internationales. Le Premier ministre a annoncé le retrait du Sénégal de toute convention bilatérale avec les paradis fiscaux et la renégociation des clauses défavorables des conventions de non double imposition avec certains pays.
Une mesure particulièrement symbolique concerne la réinstauration du dispositif de contrôle et de taxation des appels entrants, supprimé en 2012. Selon Sonko, cette suppression, qu'il qualifie de "cadeau fiscal bien généreux", a fait perdre au Trésor public des centaines de milliards depuis 2012.
La réforme prévoit également un renforcement significatif des capacités de l'administration fiscale, notamment dans la lutte contre l'évasion fiscale et les opérations transfrontalières complexes. Un nouveau Code général des Impôts sera élaboré, centralisant toutes les dispositions fiscales actuellement dispersées dans différents textes.
Pour assurer la transparence, le gouvernement s'engage à présenter une nouvelle matrice des mesures dérogatoires d'ici fin 2025. Sonko promet également de mettre fin aux "pratiques permissives" comme les remises gracieuses aux entreprises ou l'arbitrage fiscal ministériel.
Cette réforme fiscale ambitieuse s'inscrit dans une vision plus large de restauration de la souveraineté économique du Sénégal. Elle vise, selon le Premier ministre, à doter l'État des moyens nécessaires pour financer son développement tout en rétablissant l'équité fiscale entre tous les contribuables.
LE SÉNÉGAL VA IMPOSER LA RÉCIPROCITÉ DES VISAS
Sonko a annoncé ce vendredi une mesure qui pourrait bouleverser la politique migratoire du pays. Les États imposant des procédures complexes et coûteuses aux Sénégalais devront désormais s'attendre à la pareille
(SenePlus) - Dans sa Déclaration de politique générale devant l'Assemblée nationale ce vendredi 27 décembre 2024, le Premier ministre Ousmane Sonko a annoncé une réforme significative de la politique des visas du Sénégal, plaçant la réciprocité au cœur des relations diplomatiques.
Cette nouvelle politique vise particulièrement les pays qui exigent des visas aux ressortissants sénégalais. Le gouvernement entend ouvrir des discussions avec les pays des catégories B et C pour exiger en retour des visas gratuits pour les Sénégalais, appliquant strictement le principe de réciprocité.
Le Premier ministre a rappelé que la suppression de la procédure des visas biométriques payants, entrée en vigueur le 1er mai 2015, n'avait jamais été formellement actée dans les textes législatifs et réglementaires. Cette situation juridique particulière offre une base légale pour la mise en place de la nouvelle politique.
Le gouvernement prévoit également d'engager des discussions avec les pays dont les procédures de traitement des demandes de visa sont jugées préjudiciables aux Sénégalais. Ces négociations porteront sur plusieurs points sensibles : l'accès aux plateformes de prise de rendez-vous, la tarification des frais, les procédures de vérification d'authenticité et de transmission des documents d'état civil.
Toutefois, Sonko a souligné la nécessité d'une approche mesurée, tenant compte des leçons du passé. Le gouvernement évaluera attentivement les impacts potentiels sur le tourisme, anticipera les questions de lenteurs administratives et s'assurera de la disponibilité des moyens matériels et humains dans les aéroports et postes frontaliers terrestres avant toute mise en œuvre.
Cette mesure s'inscrit dans une politique plus large de protection des intérêts des Sénégalais à l'étranger, qui inclut également la nomination de magistrats de liaison dans certains postes diplomatiques et la création d'une Haute Autorité de la Diaspora rattachée à la Primature.
L'ÉTAT DES LIEUX QUI ACCUSE
Sonko a levé le voile ce vendredi sur l'ampleur des dérives qui mine l'État sénégalais. Des finances publiques en péril aux scandales fonciers, en passant par des recrutements massifs illégaux, le diagnostic dressé dessine un pays au bord du précipice
(SenePlus) - Dans sa Déclaration de politique générale ce vendredi 27 décembre 2024, le Premier ministre Ousmane Sonko a dressé un état des lieux de la situation du Sénégal, révélant l'ampleur des défis auxquels fait face le nouveau gouvernement.
L'audit des finances publiques réalisé sur la période du 1er mars 2019 au 31 mars 2024 a mis en lumière des dérives majeures du précédent régime. Le déficit budgétaire et la dette publique ont été minorés, entraînant la suspension des financements attendus en 2024 du FMI et de la Banque Mondiale, ainsi que le gel du programme économique et financier appuyé par le FMI.
Sur le plan administratif, le constat est tout aussi alarmant. Le ministère de la Fonction publique a recensé environ 29 000 contractuels recrutés en marge de la réglementation en vigueur. La gestion foncière a également été marquée par de graves scandales, notamment dans l'occupation du Domaine public maritime et l'accaparement de terres par des privés et des sociétés civiles immobilières écrans.
Les grands projets d'infrastructure n'ont pas été épargnés. Le Programme Décennal de Gestion des Inondations (PDGI) et le Programme d'Assainissement des Dix Villes ont englouti respectivement 285 milliards et 77 milliards de FCFA, "sans résultats tangibles". De nombreux chantiers, dont des hôpitaux, des écoles et des universités, demeurent inachevés malgré leur paiement.
Le secteur économique présente des indicateurs préoccupants. La croissance annuelle moyenne de 1960 à 2023 n'a été que de 3,1%, face à une population augmentant de 2,7% par an. Le déficit de la balance commerciale a atteint 3.300 milliards en 2023, soit près de 17% du PIB. Le modèle économique reste enfermé dans un schéma colonial d'exportation de matières premières et d'importation de produits finis.
Le Premier ministre a également pointé du doigt la fragilisation du modèle démocratique sénégalais, sauvé selon lui par la résilience des citoyens, en particulier de la jeunesse. Il a souligné la crise profonde du modèle social, marquée par un chômage endémique des jeunes et une perte de confiance dans les institutions judiciaires.
Cette situation héritée est qualifiée par Ousmane Sonko de "bateau à bout de carburant dans une mer agitée", nécessitant à la fois de "déconstruire les mauvais choix", de "redresser les manquements" et de "construire les fondations du nouveau Projet". Un diagnostic sans appel qui justifie, selon le Premier ministre, la nécessité d'une rupture systémique dans la gouvernance du pays.
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L'AMBITIEUX PARI DE SONKO
Le Premier ministre a exposé sa vision d'un Sénégal transformé et pleinement souverain à l'horizon 2050. Sept ruptures majeures, quatre axes stratégiques et des dizaines de réformes structurelles composent ce programme d'une ampleur inédite
(SenePlus) - Dans un discours de plus de deux heures devant l'Assemblée nationale ce vendredi 27 décembre 2024, le Premier ministre Ousmane Sonko a présenté sa Déclaration de politique générale (DPG), exposant une vision ambitieuse de transformation du Sénégal sur les 25 prochaines années.
Un état des lieux sans concession
Le chef du gouvernement a débuté par un diagnostic sans complaisance de la situation héritée du régime précédent. L'audit des finances publiques a révélé une minoration du déficit budgétaire et de la dette publique, entraînant la suspension des financements du FMI et de la Banque Mondiale. Le Premier ministre a également pointé du doigt la découverte de près de 29 000 contractuels recrutés en marge de la réglementation, et de graves scandales dans la gestion foncière.
Sept ruptures fondamentales
Pour redresser la situation, Ousmane Sonko a annoncé sept ruptures majeures. La première consiste à restaurer l'ambition nationale, en sortant du "complexe du colonisé" et en développant une "confiance paisible mais inébranlable" dans les compétences locales. La deuxième vise à abandonner la logique de "saupoudrag"e au profit d'une planification à long terme, avec un horizon fixé à 2050.
Les autres ruptures concernent le passage d'une logique de dépenses à une culture de résultats, d'une gestion partisane à une participation citoyenne, d'une administration centralisée à une gestion territorialisée, et l'instauration d'une véritable équité dans la gestion des ressources publiques.
Un agenda de transformation ambitieux
Le Premier ministre a détaillé un "Agenda national de Transformation" structuré autour de quatre axes. Sur le plan économique, le gouvernement ambitionne de tripler le revenu par habitant avec une croissance annuelle minimale de 6,5% sur 25 ans. Des réformes majeures sont prévues, notamment une refonte complète du système fiscal pour atteindre une pression fiscale d'au moins 20% du PIB.
Des mesures fortes de souveraineté ont été annoncées, comme le non-renouvellement des accords de pêche avec l'Union européenne, la fermeture des bases militaires françaises, et la révision des contrats dans les secteurs minier et pétro-gazier. Le gouvernement prévoit également de développer une industrie pharmaceutique nationale et d'atteindre 40% d'énergies renouvelables d'ici 2030.
Priorité au capital humain et à l'équité sociale
Dans le domaine social, le programme gouvernemental prévoit l'élimination totale des abris provisoires dans les écoles d'ici 2029, la généralisation de l'enseignement de l'anglais dès le primaire, et l'intégration complète des "Daara" dans le système éducatif. Un ambitieux "Plan Spécial Diomaye pour la Casamance" de 54 milliards FCFA a été annoncé pour le retour des déplacés.
Des réformes institutionnelles majeures
Sur le plan institutionnel, le Premier ministre a annoncé une série de réformes importantes, dont une loi d'accès à l'information publique, le renforcement de l'indépendance de la justice, et la création d'une Agence nationale des Domaines et du Foncier. Les corps de contrôle seront autonomisés et dotés d'un pouvoir de saisine directe du procureur.
Une nouvelle politique africaine
En matière de politique étrangère, Ousmane Sonko a annoncé un renforcement de l'engagement panafricain du Sénégal, avec notamment la ratification du Protocole de Malabo pour le Parlement panafricain. Pour la diaspora, une Haute Autorité sera créée et le principe de réciprocité sera appliqué pour la délivrance des visas.
Un dispositif de mise en œuvre rigoureux
Pour garantir l'exécution de ce programme, un dispositif de pilotage sera mis en place, comprenant un Conseil présidentiel et une Structure de Supervision à la Primature. Des contrats de performance formaliseront les engagements entre les différents acteurs.
En conclusion de son discours, le Premier ministre a appelé à la mobilisation de tous les Sénégalais pour réussir cette transformation systémique du pays, promettant "un gouvernement de rupture, qui sert au lieu de se servir". Il a particulièrement insisté sur la nécessité d'une action concertée mais déterminée, refusant tout compromis sur les principes fondamentaux de bonne gouvernance et de justice sociale.
Cette DPG, par son ampleur et son ambition, marque une rupture nette avec les précédentes et dessine les contours d'une transformation en profondeur de la société sénégalaise pour les 25 prochaines années.