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30 novembre 2024
Diaspora
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LA FRACTURE INVISIBLE
Alioune Tine dénonce une dangereuse "ligne de partage" qui s'installe dans le pays. Son diagnostic est sans appel : le nouveau pouvoir s'isole, laissant une grande partie de la population sur le bord de la route
Ce dimanche 25 août 2024, lors de l'émission "Grand Jury" sur TFM, Alioune Tine, fondateur d'Africajom Center et figure respectée de la société civile, a dressé un tableau préoccupant de la situation politique du pays.
Au cœur de son analyse, l'émergence d'une inquiétante "ligne de partage" au sein de la société sénégalaise. "Il y a une espèce de ligne de partage, une espèce de discrimination dont souffrent beaucoup de Sénégalais", alerte-t-il. Cette fracture, selon lui, découle directement de l'attitude du nouveau pouvoir.
"Nous sommes à la croisée des chemins", insiste Alioune Tine, appelant à un "dialogue rénové" et à une gouvernance plus inclusive. Il exhorte le pouvoir à "mettre en mouvement la société" plutôt que de se replier sur ses partisans.
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L'OUEST AFRICAIN À LA DÉRIVE
Ibrahima Kane met en garde contre les risques d'une désintégration de la CEDEAO et appelle à une refonte en profondeur de la gouvernance. Il indique que l'heure n'est plus aux demi-mesures mais à une action décisive pour sauver l'unité
Ce dimanche 25 août 2024, l'émission "Objection" de Sud FM a reçu Ibrahima Kane, éminent spécialiste des relations internationales. Dans une intervention percutante, il a dressé un tableau sans concession de la situation actuelle en Afrique de l'Ouest.
"La CEDEAO est en train de payer le prix de ses erreurs", a déclaré Kane, pointant du doigt les sanctions drastiques imposées au Niger sans dialogue préalable. Cette approche, selon lui, a exacerbé les tensions régionales et poussé trois pays - Mali, Burkina Faso et Niger - vers la sortie.
Kane n'a pas mâché ses mots concernant les défis structurels de la région : "Nous sommes face à une pauvreté endémique, une insécurité grandissante et une gouvernance défaillante. Il est temps de repenser notre modèle de développement."
L'expert a également abordé la situation politique au Sénégal, soulignant les défis auxquels fait face le nouveau gouvernement. Il a insisté sur l'urgence de réformer le système judiciaire, proposant une implication accrue des citoyens dans son fonctionnement.
"L'Afrique doit s'unir ou disparaître", conclut Kane, appelant à une plus grande solidarité régionale face aux crises mondiales.
Nioxor Tine
LES FOSSOYEURS
Malgré quelques signaux encourageants, les citoyens ont l’impression que les vainqueurs de la présidentielle de mars 2024 feraient plus et mieux. Certaines décisions censées acter la mort du parti-Etat traduisent une certaine naïveté politique
Après la cuisante défaite de la coalition Benno Bokk Yakaar et l’éclatante victoire de la coalition Diomaye Président, le peuple sénégalais reste sur sa faim. Certes, il comprend que le Pastef et ses alliés ne puissent pas faire de miracles, surtout au vu de la désastreuse situation économique dont ils ont hérité. Mais malgré quelques signaux encourageants qu’ils ont eu à lancer, les citoyens sénégalais ont l’impression que les vainqueurs de l’élection présidentielle du 24 mars 2024 feraient plus et mieux, en faisant confiance aux couches populaires et en les responsabilisant davantage.
Bonne foi et candeur des nouvelles autorités
Les actes les plus significatifs, à mon sens, sont la lutte contre la prédation foncière, surtout celle du domaine privé maritime, la publication des rapports des organes de contrôle (Cour des comptes, OFNAC…) et le lancement d’audits dans certaines sociétés ou établissements publics. On peut également citer un effort de réduction du train de vie de l’Etat, par la rationalisation de la taille du gouvernement, la publication de la liste des navires pêchant dans les eaux sous juridiction sénégalaise, des mesures symboliques de baisse des prix des denrées de première nécessité…
Il y a aussi des mesures fortes tendant à inverser la dynamique outrancièrement pro-occidentale (et pro-impérialiste) des précédents régimes ayant présidé aux destinées de notre Nation, même si certains panafricanistes radicaux les trouvent encore insuffisantes.
Néanmoins, certaines autres décisions censées acter la mort du parti-Etat comme la démission du président Diomaye de son poste de secrétaire général du Pastef, l’interdiction de cumul de mandats, le fait de confier des ministères de souveraineté à des personnalités non membres de la mouvance Pastef, uniquement choisies en tenant compte de leurs profils et expériences traduisent une certaine naïveté politique. C’est cette même candeur, qui explique ces fameuses « Assises de la Justice », tenues sous la férule d’une magistrature, dont le moins qu’on puisse dire, est qu’elle n’a pas opposé une résistance farouche –sauf l’invalidation du putsch électoral du 3 février 2024 - aux dérives liberticides et autres procès truqués de nos gouvernants, ces dernières années.
Cette innocence nous change, bien sûr, du cynisme froid et calculateur auxquels nous avaient habitué les hommes politiques (socialistes et libéraux) de notre pays, qui explique la déliquescence de nos mœurs politiques, observée ces dernières décennies, accentuée après la dictature senghorienne, qui ne misait, elle, que sur la force brutale.
Dans le même ordre d’idées, les cris d’orfraie de certains néo-opposants en mal de repères, prétendument soucieux du respect scrupuleux de dispositions légales obsolètes et ayant prouvé leur inefficacité pour sauvegarder l’Etat de droit, depuis plusieurs décennies, ne font qu’ajouter à la confusion ambiante.
Il appartient aux nouvelles autorités, qui ont clamé haut et fort leur volonté de détruire le système néocolonial en vigueur et que les précédentes alternances ont préservé, de trancher dans le vif, c’est-à-dire de mettre en œuvre les gros moyens pour un changement véritable et irréversible.
Alternance ou alternative ? Réforme ou révolution ?
C’est connu ! Au cours de toutes les révolutions, il y a toujours eu des fossoyeurs ou des restaurateurs, nostalgiques de l’ordre ancien.
Dans le passé, au cours des révolutions, française de 1789 ou russe de 1917 et de plusieurs autres, on est allé jusqu’à les appeler « ennemis du peuple » et à les brimer, avec des excès regrettables. Pensons aux exécutions de figures révolutionnaires comme Danton en France et Béria en URSS, à tel point que c’est devenu classique de dire qu’une révolution dévore presque toujours ses enfants !
Par ailleurs, une des raisons à l’effondrement du camp socialiste, après la chute du mur de Berlin, a été l’hypertrophie incompréhensible, pour des Républiques censées être l’émanation de la volonté populaire, des services de police, en charge de la sécurité intérieure, ayant perdu tout sens du discernement et comme atteints de paranoïa d’Etat.
Une des leçons à en tirer est précisément ce devoir impérieux pour tout régime se réclamant des principes de transformation sociale au profit des couches populaires, de se donner les moyens politiques de sa noble ambition et de mettre en œuvre des mécanismes de démocratie participative, de mobilisation populaire et de co-construction citoyenne.
Cela impose de ne pas privilégier les procédés coercitifs injustifiés dans la gestion des affaires de la cité, même s’il est vrai que tout Etat est au service de classes ou couches sociales déterminées, qu’elles en soient conscientes ou non. En l’occurrence, la tâche de l’heure est d’évincer cette caste bureaucratique des arcanes de l’appareil d’Etat.
Une bourgeoisie bureaucratique à neutraliser
Depuis l’accession de notre pays à l’indépendance formelle, c’est la bourgeoisie bureaucratique, qui est aux affaires. Seydou Cissokho, dirigeant historique du PIT et membre fondateur du PAI-Sénégal disait d’elle, que tant qu’elle « sera au pouvoir, le développement de notre pays ne serait pas garanti ».
Force est de constater que cette bourgeoisie parasitaire, fondé de pouvoir de l’ancienne puissance coloniale, a surtout aidé la bourgeoisie française à perpétuer sa domination économique sur notre pays, en s’adaptant aux réalités du terrain et aux aléas de la géopolitique mondiale.
C’est ainsi qu’après le monopartisme en vigueur durant les toutes premières années de notre indépendance formelle, il a fallu s’exercer au multipartisme de façade et aux cirques électoraux, qui débouchaient le plus souvent, sur des alternances factices, ne mettant jamais en cause le funeste ordre néocolonial. Hormis la tentative avortée du président Mamadou DIA d’échapper aux serres de la pieuvre impérialiste, notre pays a vécu, jusqu’au 24 mars dernier, dans ce carcan néocolonial et les fruits de nos deux premières alternances n’ont pas tenu la promesse des fleurs exposées par les politiciens libéraux puis néolibéraux.
La principale raison pour cet état de fait est que la bourgeoisie bureaucratique a su s’adapter et se redéployer au niveau des nouveaux appareils politiques issus des alternances de 2000 et 2012, pour perpétuer la même vieille politique de clientélisme et de prédation.
Une fois, l’euphorie de la victoire électorale passée, il importe de réaliser que les nouvelles forces politiques ayant accédé au pouvoir présentent des caractéristiques sociologiques très similaires à celles qu’elles viennent de remplacer, même si elles ne partagent pas les mêmes convictions politiques.
Il est donc indispensable, qu’au-delà des quelques mesures symboliques et effets d’annonce laissant augurer de nouvelles pratiques politiques vertueuses, on pose de véritables actes de rupture, dont le premier serait de refonder, de fond en comble, par une nouvelle Constitution, cet Etat néocolonial failli.
Dans cet exercice, l’héritage réactualisé des Assises nationales sera d’un apport précieux.
Patrick Chamoiseau, héritier de Glissant et Césaire, invite à repenser le rapport au monde. Fini les cases et les frontières, place à la fluidité et à l'interconnexion. Et si l'identité était comme le vent, insaisissable et libre ?
(SenePlus) - Dans le paysage littéraire et philosophique antillais, une voix s'élève pour célébrer la complexité de l'identité et la richesse de la diversité culturelle. Patrick Chamoiseau, héritier spirituel d'Édouard Glissant et d'Aimé Césaire, nous invite à repenser notre rapport à l'identité, à la culture et au monde.
"Nul ne saurait être enfermé dans un monolithe identitaire, une culture, une langue, un territoire ou une nation...", déclare Chamoiseau, faisant écho à la pensée de Glissant sur la "Relation". Cette vision rejette l'idée d'une identité figée, unique et immuable. Au contraire, elle embrasse la multiplicité et la fluidité de nos racines et de nos appartenances.
Chamoiseau poursuit en utilisant une métaphore évocatrice : "Notre arbre relationnel individuel est un rhizome, une liane, un feuillage et un souffle du vent." Cette image illustre puissamment la nature interconnectée et dynamique de notre identité, toujours en mouvement, toujours en croissance.
Cette perspective fait écho à la pensée d'Édouard Glissant qui prônait "l'indépendance dans l'interdépendance". Glissant affirmait : "Je défends l'idée de l'indépendance de la pensée et de l'action dans une interdépendance qui est nécessaire." Cette approche nuancée reconnaît l'importance de l'autonomie tout en soulignant notre interconnexion inévitable dans le monde moderne.
La poésie d'Aimé Césaire vient compléter ce tableau, apportant une dimension viscérale et cosmique à cette réflexion. Ses vers évoquent "le sang ému par le cœur mâle du soleil" et "ceux dont la survie chemine en la germination de l'herbe", rappelant notre lien profond avec la nature et l'univers.
Chamoiseau conclut en citant Césaire : "La chose à espérer, c'est le vent." Cette métaphore capture parfaitement l'essence de cette philosophie : une identité en perpétuel mouvement, insaisissable, libre, capable de traverser les frontières et de mêler les cultures.
LE MAGAL, MIROIR D'UN SÉNÉGAL EN MUTATION
L'islam confrérique sénégalais, loin de s'effacer, se réinvente face aux défis du 21e siècle. Entre tradition séculaire et modernité assumée, c'est tout un pays qui cherche un nouvel équilibre
(SenePlus) - Dans les rues bondées de Touba, la ferveur du Grand Magal bat son plein. Chaque année, cette célébration transforme la ville sainte des mourides en épicentre spirituel du Sénégal. Mais au-delà de la dévotion religieuse, cet événement révèle les changements profonds qui s'opèrent dans les relations entre l'État sénégalais et l'islam confrérique.
Dans un entretien accordé au quotidien Le Monde, Cheikh Gueye, expert reconnu et auteur d'une thèse sur Touba, offre un éclairage précieux sur ces mutations. Secrétaire général du Cadre unitaire de l'islam, il observe de près les évolutions en cours et livre une analyse nuancée de la situation.
Contrairement à de nombreux pays africains où l'islam réformiste gagne le terrain, le Sénégal voit ses confréries maintenir leur influence. Cheikh Gueye explique ce phénomène par leur capacité d'adaptation remarquable : "Ce sont les confréries qui ont répandu l'islam dans le pays au XVIIe siècle. Elles sont historiquement les premiers acteurs islamiques du pays." Il ajoute : "Elles sont nées dans le monde rural et ont longtemps été actives dans la culture d'arachide. Mais elles ont su s'adapter en accompagnant l'urbanisation."
Cette adaptabilité s'est manifestée à travers une diversification des activités économiques et une présence accumulée dans les centres urbains. "Dès les années 1950, elles s'installent dans les villes moyennes, se lancent dans le commerce, les transports… avant de mettre un pied à Dakar, et dans des secteurs économiques comme l'import-export", précise l'expert.
Plus remarquable encore, les confréries ont su embrasser la révolution numérique. "Aujourd'hui, des acteurs confrériques s'essaient à l'économie numérique. En matière de prosélytisme, les confréries ont vite pris le virage du son et de l'image, puis d'Internet et des réseaux sociaux", souligne Cheikh Gueye. Cette agilité contraste avec d'autres pays où ces domaines ont été laissés au discours réformiste ou salafiste.
Le Grand Magal, qui commémore la déportation de Cheikh Ahmadou Bamba par les autorités coloniales françaises en 1895, prend une dimension nouvelle à l'heure où le débat sur le passé colonial s'intensifie. Cheikh Gueye observe : "Aujourd'hui, des intellectuels de gauche ou des étudiants panafricains considèrent Cheikh Ahmadou Bamba comme une figure de résistance à la colonisation."
Cette relecture de l'histoire témoigne d'un rapprochement inédit entre les sphères laïques et religieuses. "Cela dit quelque chose de ce mouvement de fond où les univers laïques et religieux sénégalais se rencontrent plus que par le passé", analyse-t-il.
L'arrivée au pouvoir d'Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye a marqué un tournant dans les relations entre l'État et les confréries. Malgré les accusations de « salafisme » portées contre Sonko par ses adversaires, le nouveau gouvernement s'est empressé de tisser des liens avec les autorités religieuses.
"À peine arrivés aux affaires, M. Sonko et ses camarades ont tout fait pour faire mentir l'idée d'un froid entre eux et les tariqa", note Cheikh Gueye. "Ils se sont pliés aux traditions du pouvoir sénégalais qui reposent aussi sur des échanges de bons procédés entre le politique et le spirituel."
L'expert évoque notamment le projet de création d'un ministère du Culte, porté par Sonko : "Il veut une formalisation et une institutionnalisation des relations entre l'État et les marabouts." L'objectif affiché est de rompre avec le clientélisme et le manque de transparence qui ont longtemps caractérisé ces rapports.
La modernisation de l'État sénégalais pose de nouveaux défis aux confréries. Les réformes fiscales et foncières envisagées par le nouveau gouvernement pourraient impacter les acteurs économiques liés aux confréries. Cheikh Gueye souligne : "Il y a un défi : assurer que les travailleurs actifs dans le secteur informel ou les entrepreneurs liés à des confréries acceptent de payer les impôts 'classiques', autant qu'ils soient prêts à financer les organisations religieuses."
La ville de Touba illustre ces mêmes mutations. L'abandon récent de la police des mœurs par le khalife des mourides témoigne d'une prise de conscience des limites du modèle traditionnel face à l'explosion démographique. "La police des mœurs de Touba, chargée de faire respecter l'interdiction de boire par exemple, ne suffisait plus. Les marabouts l'ont reconnu d'eux-mêmes. Ils veulent voir déployer des services de l'État", indique l'expert.
Cette évolution s'accompagne d'une modernisation de la ville. "Touba dispose depuis deux ans d'une université, islamique certes, mais tout à fait moderne, qui collabore avec des pays européens, propose des cursus en langues ou en agronomie", explique Cheikh Gueye. "La cité tâche de conserver son rôle de ville sainte tout en perdant son caractère presque 'extraterritorial'."
Ces changements structurels de l'islam sénégalais se manifestent jusque dans l'éducation. Cheikh Gueye souligne le succès croissant des écoles hybrides : « C'est le succès, dans les quartiers modernes de Dakar comme à Touba, de nouvelles écoles élémentaires hybrides qui proposent aux enfants de suivre à la fois l'enseignement 'en français', classique , et l'enseignement dit 'arabisant' et islamique."
Cependant, l'intervenant rappelle qu'une partie importante de la société sénégalaise ne vit pas à l'heure des prescriptions islamiques. Il plaide donc pour un débat ouvert : "Le Sénégal est un pays de compromis, notamment entre l'islam et d'autres affluents idéologiques, religieux et culturels. Le débat entre la société civile, la puissance publique, les intellectuels laïques et islamiques est seul à même de satisfaire toutes les parties.
Comme le résumé Cheikh Gueye : "Entre la laïcité mimée sur la France à l'indépendance et le pouvoir des religieux, il y a un éventail de possibles." L'avenir dira quelle voie le Sénégal choisira d'emprunter.
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AMATH DANSOKHO, UNE VIE À GAUCHE
Retour sur la trajectoire de cette figure marquante de la politique sénégalaise et africaine morte en 2019, à travers de nombreux témoignages d'ex-camarades de lutte et autres collaborateurs
Retour sur la trajectoire de cette figure marquante de la politique sénégalaise et africaine morte en 2019, à travers de nombreux témoignages d'ex-camarades de lutte et autres collaborateurs. Cette vidéo commémorative a été diffusée le 30 janvier 2020 au siège du PCF.
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LA MÉTAMORPHOSE DE TOUBA
La ville est devenue le nouveau moteur économique du Sénégal. Entre supermarchés géants et zones industrielles, la cité du grand Magal se réinvente. Mais ce boom économique soulève aussi de nouveaux défis pour cette cité en pleine mutation
Au cœur du Sénégal, Touba se transforme en un véritable phénomène économique. Cette cité religieuse, autrefois connue uniquement pour son pèlerinage annuel, le grand Magal, devient aujourd'hui un pôle d'attraction pour les investisseurs audacieux.
L'ouverture récente d'un supermarché géant de 4000 m² symbolise cette métamorphose. Avec 70 % de produits locaux, ce temple de la consommation incarne la renaissance économique de la région. Un investissement colossal de 4 milliards de francs CFA qui parie sur l'avenir.
Mais Touba ne s'arrête pas là. La ville, devenue le département le plus peuplé du Sénégal, rêve grand. Une autoroute la relie désormais à Dakar, et une zone économique spéciale promet de faire d'elle le nouveau centre industriel du pays.
Cependant, ce boom économique ne va pas sans défis. Assainissement, accès à l'eau : la ville sacrée doit urgemment moderniser ses infrastructures pour soutenir sa croissance fulgurante.
Le Grand Magal, loin d'être un simple événement religieux, devient ainsi le catalyseur d'une transformation profonde. Touba, à la croisée de la tradition et de la modernité, s'affirme comme le nouveau visage d'un Sénégal en pleine mutation.
TOUBA, CAPITALE D'UN JOUR DU SÉNÉGAL
Malgré les intempéries, les pèlerins affluent nombreux pour prier et se recueillir. Cette 130ème édition s'annonce encore riche en émotions et en enseignements sous le thème de l'éducation
Des dizaines de milliers de fidèles convergent depuis vendredi tôt le matin vers la grande mosquée de Touba pour prier et se recueillir à l’occasion de la célébration la 130e édition du grand Magal, en souvenir du départ en exil au Gabon de Cheikh Ahmadou Bamba (1853-1927), le fondateur du mouridisme, l’une des principales confréries musulmanes du Sénégal.
L’évènement religieux se tient cette année encore en plein hivernage, ce qui a rendu difficiles les déplacements dans la cité religieuse en proie à des inondations en dépit de l’important dispositif de pompage des eaux mis en place par les autorités.
La Police a déployé 4 331 agents et 144 véhicules pour assurer la sécurité des personnes.
Le ministère de la Santé et de l’Action sociale a mis en place un ”important dispositif” de surveillance épidémiologique de la variole du singe, assure le directeur régional de la santé de Diourbel.
Conformément à la tradition, le président de la République, Bassirou Diomaye Faye, élu le 24 mars 2024, était à Touba, lundi, pour sa visite de courtoisie au Khalife général des mourides. Le chef de l’État s’est entretenu avec le guide religieux Serigne Mountakha Bassirou Mbacké.
Bassirou Diomaye Faye lui a réitéré sa volonté de régler les problèmes liés à l’approvisionnement en eau potable et l’assainissement à Touba.
‘’Mon premier projet pour les cinq ans à venir sera de régler les problèmes liés à l’approvisionnement en eau potable et l’assainissement de la cité religieuse de Touba”, a-t-il déclaré.
Le Premier ministre Ousmane Sonko a lui aussi rendu, mardi, une visite de courtoisie auprès du Khalife général.
Les conférences et plateaux inscrits au menu de la 130ème édition du grand Magal de Touba portent sur le thème général ‘’L’éducation à l’ère de la mondialisation”, a indiqué le président de la Commission culture et communication du comité d’organisation, Cheikh Abdou Lahat Mbacké Gaïndé Fatma.
”Le Magal n’a jamais de thème. Mais chaque année, il y en a un qui est choisi pour les conférences et plateaux où on peut impacter sur le vécu des fidèles. Et pour cette année, c’est +l’éducation à l’ère de la mondialisation+, qui est retenu comme thème ”, a-t-il déclaré lors d’un entretien avec des journalistes de l’APS en déplacement à Touba en perspective de l’évènement religieux.
Ce thème sera développé lors des différents plateaux et conférences organisés le jour-J par d’éminents savants et cheikhs soufis du Sénégal et de la quinzaine de pays invités, a précisé Cheikh Abdou Lahat Mbacké Gaïndé Fatma.
‘’On recevra 15 nationalités à Touba, cette année, pour le Magal […] et à peu près une quarantaine de personnalités”, a dit Cheikh Abdoul Ahad Mbacké Gaïndé Fatma.
Une quinzaine de pays dont l’Égypte, le Maroc, l’Algérie, le Burkina Faso, le Nigéria, le Ghana, la Guinée-Bissau, les Etats-Unis, la France, les Émirats arabes unis seront présents avec des délégations composées pratiquement que de ‘’soufis’’, un critère important pour le comité d’organisation.
De plus, ‘’une centaine de délégations religieuses avec plus de 400 personnalités vont assister au Magal’’, a-t-il indiqué.
‘’Beaucoup sont des universitaires, des personnes qui ont une certaine crédibilité, qui sont bien connues dans leur pays’’ et au retour elles ‘’vont faire un peu la promotion de l’islam tel qu’il est vécu au Sénégal’’, a-t-il avancé.
Selon lui, de nombreux pays arabes notamment ne connaissent pas l’islam confrérique tel que pratiqué au Sénégal.
Le Grand Magal de Touba, organisé sous sa forme actuelle depuis 1928, est un évènement religieux annuel commémorant le départ en exil au Gabon (1895-1902) de Cheikh Ahmadou Bamba, le fondateur du mouridisme, l’une des principales confréries musulmanes du Sénégal.
Né vers 1854, Cheikh Ahmadou Bamba s’est attribué le titre de Khadimou Rassoul, “serviteur du prophète”.
Il est le fils de Mouhamad Ibn Abiballah, plus connu sous le nom de Mor Anta Saly, un serviteur de l’aristocratie princière, juriste-conseiller, un imam très respecté des musulmans et des rois. La mère de Bamba, Mame Diarra Bousso, surnommée “Diarratoullahi” ou “proche d’Allah”, était reconnue pour sa piété.
Ahmadou Bamba qui préféra rester loin des palais dira : “si mon défaut est la renonciation aux vanités des princes, c’est là un précieux vice qui ne me déshonore point”.
Il assimila le Coran et certaines sciences religieuses telles que la théologie, la prière et le droit musulman etc. Jusqu’en 1882, Ahmadou Bamba s’occupa de l’enseignement de son père tout en écrivant des ouvrages dans le domaine de la jurisprudence, de la théologie et le perfectionnement.
Après la mort de son père, Ahmadou Bamba devient un guide et fonda la voie mouride dans un contexte de domination coloniale française. Ce qui était d’ailleurs vu d’un très mauvais œil par l’administration coloniale.
Le colon français, craignant que les enseignements de Cheikh Ahmadou Bamba, résistant anti-colonial, ne suscitent un soulèvement populaire, décide de l’exiler au Gabon entre 1895 et 1902.
‘’Le motif de mon départ en exil est la volonté que Dieu a eue d’élever mon rang jusqu’auprès de Lui, de faire de moi l’intercesseur des miens et le serviteur du Prophète Mohamed (PSL)’’, avait, selon la tradition, indiqué Cheikh Ahmadou Bamba.
Khadimou Rassoul (serviteur du prophète Mohamed) est resté sept ans au Gabon, sur l’île inhospitalière de Mayombé, bravant toute sorte de dangers.
Il y a supporté plusieurs brimades de la part du colonisateur français engagé dans une croisade contre l’islam au Sénégal. Des années de surveillance, de privation, de solitude et de persécutions, relatent des historiens.
Ahmadou Bamba est mort en 1927 à Diourbel. Mais son héritage est perpétué par ses fils : Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké (1927-1945), El Hadj Falilou Mbacké (1945-1968), Serigne Abdoul Lahat Mbacké (1968-1989), Serigne Abdou Khadr Mbacké (1989-1990), Serigne Saliou Mbacké (1990-2007).
La disparition en 2007 de Serigne Saliou Mbacké a ouvert l’accession des petits-fils au khalifat : Serigne Mouhamadou Bara Mbacké (2007-2010), Serigne Sidy Moctar Mbacké (2010-2018) et Serigne Mountakha Bassirou Mbacké, qui est le Khalife général des mourides depuis 2018.
Le Magal, terme wolof voulant dire rendre hommage, célébrer, magnifier, est commémoré en souvenir de cet exil qui marque le début d’une somme d’épreuves supportées en conscience par le Cheikh, suivant un pacte contracté avec son créateur.
Chaque année, des dizaines de milliers de pèlerins prennent d’assaut la ville de Touba pour se recueillir et prier à l’occasion du Magal, qui est également un moment de convivialité et d’hospitalité à travers les ‘’berndé’’, ces copieux repas servis aux pèlerins.
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FADEL BARRO SONNE LE TOCSIN POUR DIOMAYE FAYE
"Un début poussif", voilà comment l'ancien coordonnateur de "Y'en a marre" qualifie les premiers mois de la présidence de Diomaye. Il déplore la lenteur des réformes promises et s'inquiète de voir ressurgir les fantômes du népotisme
Dans une interview accordée à TV5 Monde, Fadel Barro, figure emblématique du mouvement citoyen "Y'en a marre", dresse un bilan sans concession des premiers mois du président Bassirou Diomaye Faye. L'ancien coordonnateur, aujourd'hui à la tête de l'organisation "Jammi Gox Yi", ne mâche pas ses mots.
"Un début poussif", c'est ainsi que Barro qualifie les actions du nouveau gouvernement. Il pointe du doigt des promesses non tenues, notamment en matière d'indépendance de la justice et de lutte contre l'impunité. Le militant s'inquiète particulièrement de la persistance du népotisme dans les nominations aux postes clés, une pratique qu'il assimile à celle du régime précédent.
Barro fustige également l'amnistie votée pour les événements ayant conduit à la mort de nombreux jeunes manifestants, et voyant un "complot sur le dos du peuple". Il appelle les Sénégalais à maintenir la pression sur leurs dirigeants, estimant que le changement ne peut venir que d'une exigence citoyenne.
L'activiste reste néanmoins prudent, reconnaissant qu'il est encore tôt pour un jugement définitif. Il lance un appel au président Faye et à son Premier ministre, Ousmane Sonko, les exhortant à intégrer le changement dans leurs pratiques quotidiennes.
LES RACINES NOIRES OUBLIÉES DE L'ANGLETERRE
Dans une enquête fouillée, Mediapart révèle les racines noires méconnues de l'Angleterre. Un récit qui remet en question des siècles d'amnésie collective et interroge l'identité même du Royaume-Uni
(SenePlus) - Dans une enquête approfondie publiée le 22 août 2024, Mediapart lève le voile sur un pan méconnu de l'histoire : la présence ancienne et significative de personnes noires en Angleterre, bien avant l'immigration d'après-guerre.
Contrairement à l'idée reçue, l'Angleterre n'a pas attendu le XXe siècle pour voir arriver sa population noire. Dès 1509, John Blanke, trompettiste noir, jouait à la cour d'Henri VIII. Ce n'était pas un cas isolé : à l'époque des Tudor, des Africains libres réussissaient déjà en Angleterre, s'intégrant dans une société qui les jugeait davantage sur leur religion et leur classe sociale que sur leur couleur de peau.
Mediapart révèle qu'au XVIIIe siècle, Londres comptait entre 15 000 et 30 000 habitants noirs. Parmi eux, des figures marquantes comme Ignatius Sancho, né sur un navire négrier, devenu le premier homme noir à voter en 1774 et militant contre l'esclavage.
L'article de Mediapart met en lumière le travail d'historiens comme Gretchen Gerzina, auteure de "Black England". Son livre, initialement ignoré en 1995, connaît un regain d'intérêt depuis le mouvement Black Lives Matter, soulignant l'évolution de la société dans sa perception de cette histoire longtemps occultée.
Cette redécouverte des racines noires de l'Angleterre, rapportée par Mediapart, ne se contente pas de corriger le récit historique. Elle invite à repenser l'identité britannique contemporaine, révélant une histoire plus riche et diverse que celle longtemps enseignée. Elle questionne les notions de britannité et d'appartenance nationale, offrant un nouveau prisme pour comprendre le Royaume-Uni d'aujourd'hui.