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26 novembre 2024
Diaspora
PAR Boubacar Boris Diop
DE POUSSIÈRE ET D'ÉTERNITÉ : POUR OUZIN ET CHACUN
EXCLUSIF SENEPLUS - Nés à quelques maisons d'écart, Babacar Mbow et Ousseynou Bèye ont partagé bien plus qu'une enfance. De leur bibliothèque de quartier aux luttes politiques, ils ont tracé un profond sillon dans la conscience nationale
Ceux qui ont connu séparément ces deux êtres d'exception pourraient s'étonner de les voir associés dans un seul et même hommage. Rien n'est pourtant plus naturel car "Chacun" et "Ouzin", nés à quelques maisons l'un de l'autre, ont été façonnés dans le même moule. Et ce moule, c'est tout simplement notre enfance médinoise placée sous le signe d'une saine insolence et d'une curiosité intellectuelle précoce. Il est dès lors aisé de comprendre pourquoi je conçois avant tout cet exercice - dont l'impérieuse nécessité n'a jamais fait l'ombre d'un doute dans mon esprit - comme un amical devoir de mémoire.
C'est avec émotion que l'espace culturel "Kër Maam Sàmba" de Ngor a accueilli le 18 octobre 2024 une cérémonie du souvenir dédiée à Serigne Babacar Mbow. Le choix a été ainsi fait de marquer non pas l'anniversaire de sa disparition mais plutôt celui de sa naissance et l'événement a été un hymne à une vie où l'action a constamment été, pour parler comme le poète, "la sœur du rêve". Pape Samba Kane avait du reste donné le ton en rappelant dans un bel article les années libertaires de "Chacun", celles où, cheminant avec nonchalance parmi les gars de la marge, il s'était soudain mis à prendre plus au sérieux la solidarité avec les déclassés que la lutte des classes qui l'avait pourtant hanté pendant les décennies précédentes. En cette fin de journée à "Kër Maam Sàmba" il a certes été question du bâtisseur de Mbàkke-Kajoor mais aussi, bien évidemment, de celui que j'appelle "Ponkalum Ndeem-Maysa" dans Doomi Golo, autrement dit le géant de Ndem-Meissa, également glorifié par Seydina Insa Wade qui lui fut très proche. Et comme bien souvent, la phrase si inspirée de Mao Wane a été reprise en écho : "Nous avons tous fait un seul et même rêve et "Chacun" a réalisé ce rêve."
Le très turbulent camarade Mao ne croyait pas si bien dire et je m'en vais expliquer ce que j'entends par là.
Autour de leur seizième année, des gamins de la rue 5 X Blaise Diagne et environs sont tombés amoureux d'un coin de terre dans un village de la Petite-Côte dénommé Samgedj - orthographe hélas non garantie - au point de vouloir faire de ces quelques hectares en friche une somptueuse latifundia. Pendant des nuits et des journées entières notre imagination quelque peu déréglée a fait s'élancer vers les cieux des milliers de plants d'orangers, de manguiers et même d'arbres fruitiers exotiques et nous avons discuté tout feu tout flamme de la meilleure manière de prendre soin de notre chimérique bétail et de rentabiliser la volaille qui ne l'était pas moins. C'était complètement fou car autant que je me souvienne nous ne nous sommes rendus sur place que deux fois. Qui étaient donc ces adolescents pas vraiment tranquilles ? Ouzin et son jumeau Assane alias "Grand Laze" étaient de l'aventure, de même que "Ben" Diogaye Bèye ou le regretté Makhtar Mbaye-Doyen ; votre humble serviteur était lui aussi dans le coup tout comme, bien entendu, "Chacun" ainsi que le plus sauvage anarchiste jamais enfanté par la Medinaa, feu Assane Preira Bèye qui avait d'ailleurs trouvé un nom assez conquérant pour notre juvénile utopie : "Ëllëg Samgedj !". Dans cette affaire, c'est Preira qui avait été à la manœuvre du début à la fin tandis que, chose intéressante, le futur Maître de Ndem restait plutôt en retrait. On peut même se demander si Babacar Mbow y a seulement repensé au moment où Sokhna Aïssa et lui faisaient d'un somnolent village du Bawol un formidable lieu de vie et d'initiatives sociales aussi originales les unes que les autres. C'est que le bien curieux épisode de Samgedj est probablement sorti de toutes les mémoires et il ne m'est revenu à l'esprit que ces jours-ci, lorsque ces adieux à deux amis très chers m'ont obligé à me replonger dans mes plus lointains souvenirs. Mais, même évanescent, ce moment reste capital en ce qu'il permet de mieux comprendre les fantastiques réalisations ultérieures du disciple de Cheikh Ibra Fall de même que le parcours militant exemplaire d'Ouzin.
Et nous n'en étions pas à une extravagance près : à une époque où la mode était aux "Assoc's" et où l'on ne pouvait presque draguer aucune fille si on ne se faisait pas appeler Bebel, Johnny ou Elvis, nous avons créé, bien avant les actuelles ASC, le "Culture et Loisirs Club". Les deux principaux animateurs du CLC étaient déjà "Chacun" et Ouzin. On aura peut-être du mal à le croire mais ce club d'enfants éditait un journal culturel - ronéoté, cela va de soi - qui affichait sur la couverture de chaque numéro la même phrase de David Diop, qui sonnait déjà comme le cri de ralliement de prétentieux artistes en herbe : "La littérature est l'expression d'une réalité en mouvement, elle part de la réalité, la capte, saisit ce qui n’est que bourgeon et l'aide à mûrir." On devinera sans peine pourquoi ce magazine s'appelait "Le bourgeon"... Peut-être s'en trouve-t-il encore deux ou trois exemplaires dans les archives de l'IFAN où, sérieux comme ce n'était pas permis, nous allions parfois le déposer.
Le CLC avait également monté une bibliothèque au domicile des Bèye et les samedis après-midi nous y organisions dans la cour des séances de lecture collective à haute voix. Nous choisissions de préférence de courts récits comme L'étranger de Camus ou Sous l'orage de Seydou Badian Kouyaté afin de nous réserver le temps d'en discuter un peu avant de clore la session. Je me souviens que La métamorphose de Kafka nous avait vivement impressionnés et que Tchen, le héros de La condition humaine fascinait tout particulièrement Ouzin. Je ne serai nullement surpris de l'entendre des années plus tard reprendre au détour d'une discussion philosophique la phrase que Malraux met dans la bouche de son jeune révolutionnaire tourmenté et impatient que l'on a d'ailleurs dit inspiré par Chou-En-Laï : "Heureusement, on peut agir..." Sacré camarade Ouzin ! Je peux témoigner que jusqu'aux dernières heures de ta vie, le 21 juillet 2024, tu ne t'es jamais réveillé un seul matin sans te demander ce que tu pourrais bien faire ce jour-là pour aider les personnes de ton entourage ou rendre meilleure la société sénégalaise.
Notre bibliothèque était cependant bien pauvre comparée à celle de la "Maison des Jeunes et de la Culture" - sise alors à l'actuel emplacement de la mosquée omarienne. Nous y avions pratiquement élu domicile. Ravis de notre assiduité, Médoune Diop, son directeur, membre actif de l'UPS que nous traitions de réactionnaire sans savoir exactement ce que cela voulait dire, nous avait autorisés à y monter un ciné-club. Si j'ai bonne mémoire, Et la neige n'était plus d'Ababacar Samb Makharam et Hiroshima, mon amour d'Alain Resnais furent les deux films les plus fréquemment mis en discussion lors de ces soirées ouvertes au public. C'est là que nous avons vu le maladroit Sarzan de Momar Thiam - d'après le conte éponyme de Birago Diop - et À bout de souffle de Godard. C'était quelque chose, sa séquence finale, cette fuite éperdue, apparemment vers nulle part, de Belmondo... Tant de romans et de films, objets de nos vives querelles, ont en grande partie contribué à faire de Ben Diogaye Bèye un cinéaste, de Serigne Babacar Mbow un essayiste et de moi-même un romancier.
C'était la grande époque du PAI clandestin et le fait que des gamins d'un quartier populaire aussi emblématique que la Medina aient un tel penchant pour les débats d'idées ne pouvait pas échapper à l'attention de ses chasseurs de têtes. C'était d'autant plus évident que Magatte Thiam, une des éminentes figures de ce parti marxiste-léniniste, était apparenté à la famille Bèye tout comme d'ailleurs un autre de ses camarades, le futur avocat Charles Guissé. Ils venaient nous initier patiemment aux splendeurs du matérialisme dialectique et dans la foulée un cercle de discussion plus politique et social que littéraire fut mis en place. En plus des visites régulières de Magatte Thiam et Charles Guissé, nous y reçûmes plusieurs fois un aîné comme Amady Ali Dieng et en une occasion au moins un certain Abdoulaye Wade. Aucun de nous n'a jamais milité au PAI mais c'est bien cette formation politique qui a envoyé notre ami Assane Preira, jeune scientifique surdoué, faire ses études d'ingénieur dans la petite ville de Lauchhammer en Allemagne communiste. Il lui avait fallu transiter par le Mali de Modibo Keita et je me souviens comme si c'était hier de nos adieux sur le quai de la gare de Dakar, une scène que j'ai du reste fidèlement rapportée dans Le Temps de Tamango.
Il est normal avec un tel départ dans la vie de se retrouver très vite pris dans le tourbillon de la politique et s'il est un moment de notre jeunesse où les destinées de "Chacun" et Ouzin se sont confondues au point de n'en faire qu'une, c'est bien celui-là. Tous deux ne croyaient qu'en l'action directe et n'ont jamais hésité à pousser ce désir de résultat concret et immédiat jusqu'à ses conséquences extrêmes. Le temps viendra où les énormes risques pris par Babacar Mbow pourront être racontés et - il est bon de le savoir - le frêle Ouzin a tenu tête des jours durant à des tortionnaires bien décidés à le faire passer à table. Ce qui différenciait ces deux-là, c'est que "Chacun" y allait toujours avec le cœur et une secrète conviction de la vanité de l'existence humaine alors que le "camarade Ouzin" était un pur cérébral, raisonneur en diable. Peu bavard mais trop humain pour être hautain, n'élevant jamais la voix, il n'en était pas moins animé en toutes circonstances par une viscérale envie de convaincre. Sa façon d'analyser avec une froide rigueur les phénomènes sociaux et les événements politiques, d'anticiper les probables contre-arguments de son interlocuteur pour les anéantir l'un après l'autre, forçait l'écoute de tous et sa capacité à emporter l'adhésion des uns et des autres en faisait rapidement un leader naturel dans les nombreux groupes dont il était toujours l'un des membres les plus déterminés. Lui et moi n'avons pas toujours été d'accord sur tout - loin s'en fallait - mais jusqu'à la fin j'ai accepté sans le moindre problème son autorité intellectuelle. Bien des fois il m'a dissuadé d'exprimer publiquement mes vues pas vraiment consensuelles sur tel ou tel sujet et a posteriori ses conseils, que j'ai toujours suivis sans rechigner, se sont avérés salvateurs. Merci, Maître, d'avoir si souvent su me retenir au moment où j'allais lâcher de grosses conneries. De n'être plus en mesure de me bagarrer avec toi sur telle ou telle question nationale m'amène parfois à douter, le temps d'un éclair, de la réalité de ta disparition. Cela cause une petite souffrance, fugace mais vive, qui donne presque envie de sourire de la bonne blague que pourrait bien être, à la fin des fins, notre présence sur cette terre.
Au milieu des années soixante, chaque fois qu'il y avait des troubles à l'université de Dakar, des réunions supposées clandestines se tenaient dans la vaste concession des Bèye dont une entrée donnait sur la rue 3 et l'autre sur la rue 5. J'ai le très net souvenir d'Abdoulaye Bathily, leader estudiantin en vue de l'époque, venant présider l'une d'elles. Les relations entre Ouzin et Bathily se sont prolongées bien au-delà de cette période, dans le feu des luttes syndicales, et l'ancien Secrétaire général de la LD a été l'un des premiers à m'appeler le matin même de la disparition d'Ouzin. Notre ami commun René Lake venait de l'informer de mes liens particuliers avec le défunt et il avait réussi par mon entremise à présenter directement ses condoléances à la famille, ce à quoi il tenait tout particulièrement. Les textes d'adieu de Bathily et Mansour Aw, écrits pour toute une génération, ont su dire avec force l'abnégation d'un citoyen à l'engagement sincère que chaque frère d'armes pouvait si aisément prendre pour un confident ou même pour un quasi frère de sang.
Quant à Serigne Babacar Mbow, il faut remonter aux toutes premières années de sa vie pour avoir une idée claire de son singulier destin. Je crois bien que c'est un de nos "grands" de la Médina du nom de Lamine Gaye qui, le voyant passer avec une jeune fille, lui a lancé sur un ton moqueur : "Ah ! C'est chacun avec sa chacune !" Cette innocente taquinerie allait être l'acte de naissance d'un surnom de légende. Ceux qui s'émerveillent aujourd'hui de son exceptionnel parcours doivent savoir que dès sa plus tendre enfance tout a réussi à "Chacun". En voilà un qui était vraiment né sous une bonne étoile ! Son père, l'austère et grave Omar Ndoya Mbow, était un entrepreneur prospère - je crois me rappeler qu'il avait construit entre autres le cinéma Al Akbar - et puisque nos parents à nous peinaient à joindre les deux bouts, nous n'étions pas loin de le considérer comme l'homme le plus riche du monde. Il y avait de quoi : alors que nous devions nous contenter de nos anangoo délavés et de nos culottes courtes, "Chacun" se pavanait déjà en costard et cravate dans les rues du quartier. En ce temps-là on croisait d'illustres basketteurs, footballeurs ou athlètes à chaque coin de la Medinaa - Ouzin et Grand Laze ont du reste été des internationaux de volley-ball et notre ami Djiby Diop passe aujourd'hui encore pour le plus grand handballeur sénégalais, voire africain, de tous les temps. Si je rappelle cette réputation de vivier de sportifs de la Medinaa, c'est pour montrer qu'il suffisait à "Chacun", ailier au pied gauche magique, de le vouloir pour devenir une des légendes du football sénégalais. Lamine Diack l'avait bien compris, qui s'arrangeait pour l'emmener lui-même tous les jours à l'entraînement du Foyer France Sénégal, revenant avec lui à "Niangène" après chaque séance. Mais Babacar Mbow, qui n'était pas du genre à laisser qui que ce soit décider de son itinéraire de vie, a très vite dévié de la voie ainsi tracée pour lui. Faire une carrière de footballeur ne l'intéressait juste pas et par la suite il a complètement cessé d'y penser. En voici une preuve parmi d'autres : alors que la passion du foot accompagne la plupart des fils de la Medinaa pendant toute leur existence, lui le plus doué d'entre tous ne savait sans doute plus distinguer à la fin de sa vie entre le grand Barça et l'Olympique de Ngor. Ce n'était cependant pas par arrogance car il ne se serait jamais permis de mépriser les choix des autres. Il était tout simplement passé à une autre dimension du réel, non pas supérieure - il n'y a aucune hiérarchie en matière de passions humaines - mais radicalement différente. Au plan politique aussi, Serigne Babacar avait complètement cessé d'être de notre bas monde. Ce n'est pas lui qu'on aurait pu intéresser aux querelles politiciennes qui nous excitent bien plus que nous ne voulons l'admettre. Je m'en suis bien rendu compte à l'occasion d'un séjour à Mbàkke-Kajoor en compagnie de Ndiack Seck, Pape Samba Kane et Ouzin. Au cours d'un petit aparté, il m'avait annoncé la visite d'une personnalité politique vouée aux gémonies - à tort ou à raison - par la rumeur publique. J'ai essayé de l'inviter à la prudence mais c'était peine perdue car il n'avait jamais entendu parler de ce monsieur dont le nom avait pourtant été sur toutes les lèvres au cours des mois précédents !
Dans notre génération, les choix partisans définitifs ont été souvent précédés ou accompagnés par la mise en place de clubs culturels très politisés, "Lat-Dior" chez Ouzin à la Medinaa, "Africa" chez Ousmane William Mbaye à Jëppël et "Frantz Fanon", sans aucun doute le plus important et le mieux organisé, à notre maison familiale des HLM1. Babacar Mbow résidait toujours à la Medinaa et était donc théoriquement membre de "Lat-Dior". Mais il refusait déjà de se laisser brider et circulait librement d'un club à l'autre. Il était accueilli partout à bras ouverts et se comportait non pas comme le copain de tout le monde mais bien comme le meilleur copain de chacun, soit dit sans jeu de mots. Il faut savoir que le "Chacun" de ce temps-là respirait la joie de vivre avec ses moqueries, sa tendance à foutre le bordel et ses formidables éclats de rire. Il n'en était pas moins fasciné par des forces secrètes soupçonnées d'on ne sait quelles sombres manigances pour infléchir nos choix de vie. Quand donc avait-il pris la décision de ne jamais se laisser impressionner par personne ? Cette force de caractère se traduisait par un goût prononcé pour les défis plus ou moins absurdes. C'est ainsi qu'au cours de "vacances révolutionnaires" dans un village du Saalum, voyant un charmeur de serpents à l'œuvre, il fendit la foule et sous le regard ahuri du magicien, s'empara du reptile et se mit à l'enrouler autour de son cou. La légende s'en est un peu mêlée puisqu'on a affirmé par la suite que le charmeur de serpents est mystérieusement décédé au cours de la même nuit ! Ce qu'il faut surtout retenir de cette histoire, c'est la force mentale de "Chacun" qui lui a permis, dans les moments cruciaux de son existence, d'imposer sa volonté aux êtres et aux événements. En tant qu'écrivain, je peux bien avouer aujourd'hui que je n'ai pas eu à aller chercher bien loin les personnages les plus désaxés - au sens le plus strict, et pas forcément péjoratif, du terme - de mes romans. J'avais pour ainsi dire "Chacun" à portée de plume. Ou Assane Preira. Ou "Ben". Et la Léna de mon premier livre de fiction s'inspire d'une militante à la beauté quasi surréelle avec son éternelle coiffure afro, une pasionara en quelque sorte, dont nous étions tous follement amoureux. Eh bien, "Chacun" en était plus follement amoureux que nous tous au point de la surnommer dans ses moments de rêverie poétique "La femme sans chair".
Un autre souvenir de ces années tout à fait spéciales.
En 72 ou 73, "Chacun" est venu passer près d'un mois à la maison que Souleymane Ndiaye "Jules" et moi-même avions louée sur la rue de France à Saint-Louis. La police était sur ses traces à l'époque et il devait poursuivre sa route vers la Mauritanie où il comptait se faire oublier. Tout s'est bien passé et à vrai dire Jules et moi n'étions de dangereux agitateurs qu'entre les murs de nos salles de classe du lycée Charles de Gaulle. L'histoire aurait toutefois pu se terminer par un désastre puisque, via un cousin inspecteur au commissariat de la Pointe-Nord que nous hébergions, notre domicile était très fréquenté par des policiers et l'un d'eux, devenu un copain, ne nous quittait presque jamais, campant littéralement chez nous de l'aube à minuit. Eh bien, j'apprendrai quelque trente ans plus tard, en lisant un article de Mamadou Oumar Ndiaye, que le bonhomme était accusé d'avoir battu à mort Omar Blondin Diop à la prison de Gorée et que les potentiels commanditaires de son crime l'avaient affecté à Saint Louis pour qu'il s'y fasse oublier ! Cela faisait éprouver un sentiment étrange de se rappeler après plusieurs décennies à quel point "Chacun" - qui de toute façon ne nourrissait jamais de préjugés envers un être humain - appréciait ce policier. Je tiens à ajouter pour être juste que ce dernier, décédé lui aussi il y a quelque temps, a toujours nié les accusations formulées contre lui.
Si Babacar Mbow a su enfanter des mondes, c'est parce qu'il était fondamentalement un poète. Parmi les vers qu'il aimait marteler avec une force inouïe, pour son propre plaisir ou celui de son entourage, ceux-ci sont restés gravés dans ma mémoire : "Affaires en foule/Remue-ménage et phénomènes/Le jour s'en va peu à peu déclinant/J'aime la patrie de Lénine au bord de la Volga/J'aime la patrie de Lénine militante et combattante." Que pouvait bien signifier ce bout de texte si délicieusement rythmé ? Selon "Chacun", il provenait d'un poème de Maïakovski mais je ne le croyais qu'à moitié. Il y avait sûrement un peu de lui là-dedans. Quoi qu'il en soit, j'ai toujours trouvé une si mystérieuse beauté à ces vers que j'ai profité du premier prétexte narratif pour les glisser tels quels dans Le Cavalier et son ombre.
Tout cela montre pourquoi l'idée d'un colloque sur Serigne Babacar Mbow, soulevée à "Kër Maam Sàmba", fait si pleinement sens. Il avait réussi sans se forcer à faire de sa vie réelle une œuvre d'art tout en transformant ses cogitations parfois délirantes en œuvres concrètes, d'une remarquable utilité publique.
Il paraît que quand Ouzin nous a quittés, Djiby Diop - l'ex-champion de handball mentionné plus haut - a interpellé les compagnons d'enfance présents : "Qui d'entre nous a jamais entendu Ousseynou Bèye sortir une insulte de sa bouche ?" (Kan ci nun moo mas a dégg Uséynu Béey mu saaga ?) C'était une question à la fois simple et extrêmement brillante, du genre de celles qui vous imposent un temps d'arrêt pour faire défiler dans votre esprit les scènes de la vie d'un être humain et dans ce cas précis finir par admettre que eh bien, aussi incroyable que cela puisse paraître, personne n'a jamais vu Ouzin s'emporter ou encore moins se laisser aller à proférer des obscénités. Cela s'appelle avoir de la classe. J'ajouterai simplement que c'était tout aussi inconcevable pour "Chacun" et ce, longtemps avant qu'il ne devienne Serigne Babacar Mbow. Bien que fermement attaché à ses certitudes, il jugeait indigne de lui de se montrer agressif et on pouvait même parler à son propos d'une certaine douceur. S'il a très tôt considéré Assane Preira Bèye comme son frère jumeau - par l'âge et par un goût partagé pour les dérapages métaphysiques - "Chacun" avait le plus grand respect pour la puissance intellectuelle et la force de conviction d'Ouzin.
Quelques semaines après la disparition de Serigne Babacar, Codou, Ndiack et moi-même avons rendu visite à Ouzin et Penda à Kër-Masaar. Ils nous ont alors appris que "Chacun" et Sokhna Aïssa étaient venus y passer une journée avec eux. À l'évocation de ce qui avait été de toute évidence une pudique cérémonie des adieux, le regard d'Ouzin a brillé d'un singulier éclat - je ne l'oublierai jamais - et nous avons tous reparlé ce dimanche-là de "Harlem", de Ndeem-Maysa et de Mbàkke-Kajoor, c'est-à-dire de l'essentiel. De ce qui, en triomphant du temps et de la mort, donne paradoxalement à toute vie humaine du sens et un parfum d'éternité.
LE GRAND FLOU DE L’AVENIR MILITAIRE FRANÇAIS AU SENEGAL
Si Sonko juge leur présence "incompatible avec la souveraineté", Diomaye adopte une approche plus pragmatique. Jean-Marie Bockel, émissaire d'Emmanuel Macron, attend le verdict des législatives pour engager les discussions
(SenePlus) - Dans un entretien accordé à RFI cette semaine, Jean-Marie Bockel, ancien secrétaire d'État et Envoyé personnel du président Emmanuel Macron pour la reconfiguration du dispositif militaire français en Afrique, dévoile les contours de sa mission diplomatique, notamment concernant l'avenir de la présence militaire française au Sénégal.
La question sénégalaise apparaît particulièrement délicate dans ce dossier. Alors que plusieurs pays comme le Tchad, le Gabon et la Côte d'Ivoire ont déjà fait l'objet de discussions avancées, le Sénégal reste en attente. "Il y a eu ces déclarations qui ne nous ont pas échappé", reconnaît Jean-Marie Bockel, faisant référence aux propos du Premier ministre Ousmane Sonko sur l'incompatibilité entre souveraineté nationale et présence de bases militaires étrangères.
Toutefois, la position sénégalaise semble plus nuancée qu'il n'y paraît. Lors de sa visite à Paris le 20 juin, le président Diomaye Faye a tempéré cette approche. "Il a eu l'occasion de dire au président Macron, qui évoquait la possibilité de partir, que non, qu'il fallait simplement nous laisser le temps d'établir une position claire sur le devenir de la base militaire", rapporte l'envoyé spécial.
Cette transformation s'inscrit dans une refonte plus large du dispositif militaire français en Afrique. M. Bockel précise : "Nous devons garder un dispositif socle qui permette, au niveau de l'accès, de la logistique, de la capacité, de remonter en puissance [...] chaque fois que c'est nécessaire, à la demande du partenaire."
La France semble privilégier une approche qualitative plutôt que quantitative, comme le souligne une citation rapportée par M. Bockel d'un président africain : "Ce qui compte, ce n'est pas le nombre de soldats français demain dans ma base, c'est ce qu'on va pouvoir faire encore mieux ensemble."
Pour le Sénégal, les discussions concrètes devraient s'engager après les élections législatives de novembre. "Au lendemain de l'élection du mois de novembre, il y aura un moment important où les responsables sénégalais pourront dire aux responsables français 'voilà ce que nous souhaitons, le moment est venu pour en parler'", indique Jean-Marie Bockel.
L'ancien secrétaire d'État distingue clairement "ce qui peut être dit dans une période de changement" et "ce qui pourra se faire au lendemain d'une élection", suggérant que la position finale du Sénégal pourrait être plus pragmatique que les déclarations initiales ne le laissaient présager.
par Fatoumata Hane
DE LA CENSURE DE LA RECHERCHE ACADÉMIQUE EN DÉMOCRATIE
EXCLUSIF SENEPLUS - Le livre de Séverine Awenengo Dalberto, que j’ai lu, est loin d’être le brûlot que l’on décrit. Cette censure contribue au particularisme de la Casamance, nourrissant les imaginaires que ce livre s’attache à déconstruire
Le livre de Séverine Awenengo Dalberto, que j’ai pris le temps de lire, est bien loin d’être le brûlot que l’on veut nous présenter ! Ces dernières années, le « pluriversalisme décolonial » a conduit de nombreux chercheurs, africains comme européens, à interroger la fabrique des savoirs et la production des connaissances sans avoir à se justifier ou risquer d’apparaître comme des imposteurs.
S’appuyer sur des théories complotistes ou des arguments misogynes et racistes est la posture la plus simple pour imposer une position, influencer l’opinion ou promouvoir une censure inconcevable dans une démocratie qui se revendique ouverte et majeure. Cette censure contribue au particularisme de la Casamance, nourrissant les « imaginaires » que ce livre s’attache à déconstruire. Elle participe également de la servitude intellectuelle à laquelle la politique cherche à nous contraindre. Cette menace pèse non seulement sur le métier d’historien, mais sur l’ensemble des sciences humaines et sociales, marquant un déclassement de la production intellectuelle.
Instrumentaliser un objet de recherche revient à construire un récit biaisé, bien plus dangereux que de simplement interdire la commercialisation d’un livre – qui, paradoxalement, bénéficie d’une promotion accrue – dans un pays où peu de gens lisent et dans un contexte où les plateformes numériques facilitent la diffusion des publications. Au point que certains témoins ayant participé à l’ouvrage hésitent aujourd’hui, invoquant une temporalité mal adaptée au contexte actuel du Sénégal. Je reprends à mon compte ce que dit Mbougar Sarr sur le temps: il n’y a pas de moment idéal pour publier. Le temps politique n’est pas celui de la science, pas plus que le temps qui rythme la société. Cette recherche a débuté en 2000, et certains aspects ont déjà fait l’objet de publications par la même autrice ainsi que par d’autres collègues chercheurs.
Va-t-on reprocher à Armelle Mabon son livre sur le massacre de Thiaroye ? Assurément, non ! Les enjeux sont ailleurs : le Sénégal devrait, sur cette question, exiger la déclassification des rapports militaires afin que cette histoire soit connue et que la France s’acquitte de ses dettes matérielles et morales.
Pour en revenir à mon propos, ce livre dont je ne ferai pas une note de lecture, interroge l’historicité de l’idée d’autonomie de la Casamance dans les imaginaires coloniaux. Les sources utilisées (archives offrant diverses interprétations) contribuent à façonner et figer l’unité territoriale du Sénégal. L’idée d’autonomie, soutenue dans une perspective utilitariste et économique par les colons, nourrit en retour les imaginaires de la « différence casamançaise » qu’elle consolide. Le refus de l’autonomie est sans cesse réaffirmé, car elle ne servait que des ambitions personnelles, politiques et économiques. L’autonomie reste donc une hypothèse théorique ; les politiques actuelles rappellent à bien des égards les dispositifs mis en place pour consacrer l’unité territoriale et l’ancrage de la Casamance au Sénégal.
On observe une concordance entre les politiques de désenclavement et la valorisation du potentiel économique, ayant valu à la région le premier plan quadriennal du Sénégal en 1959 et, plus récemment, les importants programmes d’investissement au cours de ces vingt dernières années. Les politiques successives de décentralisation se basent sur cette autonomie des territoires qui en font des possibles territoriaux. L’Acte III de la décentralisation le consacre à travers trois de ces principes que sont la subsidiarité, la péréquation et l’autonomie de chacune des collectivités territoriales. Il y a une différence, plus que conceptuelle, entre autonomie et indépendance. Je passe sur la contribution des élus de la Casamance aux manifestations politiques : leur vote pour le « Oui » à l’indépendance du Sénégal révèle l’unicité de notre histoire politique et sociale. Qu’est-ce qui fait peur dans l’interprétation des archives et des sources historiques : la réactivation des imaginaires sur le rattachement de la Casamance au Sine-Saloum, ou l’effort de construction d’un récit et de production d’une histoire qui nous libèrent de toutes sortes de mystifications ?
Professeure Fatoumata Hane est Socio-anthropologue, Uasz.
Par Fadel DIA
TRUMP: LE TRIOMPHE DE LA BOUFFONNERIE !
Comment expliquer que dans le pays où on est le mieux informé du monde, plus de 70 millions de citoyens aient, aussi inconsidérément, accordé leurs votes à un homme au discours décousu et au ras des pâquerettes, truffé d’âneries et de non-sens ?
C’était l’évènement médiatique - et pas seulement- du moment, scruté par des centaines de millions de personnes dans le monde, dont certaines avaient la boule au ventre, et voilà qu’il s’achève par la victoire de Donald Trump ! Il a donc gagné, plus vite et plus largement que prévu par les instituts de sondage, et son retour ne nous rassure guère, ne serait-ce que parce que le premier à s’en réjouir est Benyamin Netanyahou qui est comme lui, sous le coup de poursuites judiciaires, si enthousiaste qu’il affirme que c’est « le plus grand retour de l’histoire ».
La victoire de Trump nous surprend et nous laisse sur notre faim, et avec des questions dont nous n’avons pas les réponses. Comment expliquer que dans le pays où on est le mieux informé du monde, plus de 70 millions de citoyens aient, aussi inconsidérément, accordé leurs votes à un homme qui n’est pas seulement le plus vieux président élu à la tête de leur pays, mais un homme au discours décousu et au ras des pâquerettes, truffé d’âneries et de non-sens ? Même si Trump a fait ses meilleurs scores chez ses concitoyens les moins instruits, tous ceux qui ont voté pour lui ont fait ce choix en connaissance de cause. Ils l’avaient vu à l’œuvre pendant quatre ans s’amuser à ébranler les fondements de leur démocratie et à saper leur cohésion, à renier tous les engagements souscrits par leur pays et à donner des cauchemars au climat et à la science.
Comment comprendre que Trump ait été porté au pouvoir par un vote populaire et recueilli l’adhésion des jeunes et celle, comme jamais avant lui, des minorités afro-américaine et hispanique ? Pourtant ce milliardaire, né avec une cuillère en argent dans la bouche, ne s’intéresse qu’à lui-même et est incapable d’appréhender la détresse des plus démunis et il a martelé des diatribes contre les immigrés traités « d’animaux qui souillent le sang des Américains » et les a menacés d’expulsions massives, quitte à enfreindre la loi et les règles humanitaires !
Comment comprendre que le jeu électoral se soit autant dégradé aux Etats-Unis, au point de se transformer en foire d’empoigne et en bataille de chiffonniers ? Tout au long de la campagne électorale, longue et ennuyeuse, rien pratiquement n’a été dit sur la nécessité de préserver la paix dans le monde et de mettre fin aux injustices quand on est la première puissance du monde, sur la jeunesse ou sur la culture, sur les menaces qui pèsent sur notre environnement, alors que nous vivons les plus grandes catastrophes naturelles de ces dernières années. Elle n’a pas été l’occasion d’un débat d’idées, d’une confrontation de projets comme il sied à une démocratie mais, du moins de la part de Trump, celle de déverser des injures, des insanités ou des arguments phalliques, par la parole et les gestes, des mensonges grossiers et des accusations sans fondement. Le plus étonnant c’est que Trump n’a pas pâti de ses excès de langages, sans doute parce qu’il est, avec Netanyahu, le seul homme politique dont les outrances passent comme lettres à la poste. Il a en tout cas fait la preuve qu’en politique, du moins avec lui aux Etats-Unis, les c......., ça marche ! A ce jeu-là, Kamala Harris ne pouvait que perdre, elle, partie si tard avec le triple handicap d’être femme, noire et fille d’immigrés !
Comment comprendre ce dévoiement de la démocratie qui fait que de plus en plus aux Etats-Unis, ce n’est pas celui qui a le meilleur programme, le plus honnête ou le plus compétent, qui a des chances d’être élu, mais qu’il faut d’abord être riche à millions ? Plus de 17 milliards de dollars (soit plus d’une fois et demi le budget du Sénégal ) ont été dilapidés pendant la campagne électorale, dont un tiers dans la publicité, 1 milliard pour la bataille électorale dans le « swing state » le plus disputé, la Pennsylvanie ! La victoire de Trump c’est le résultat de la coalition de deux milliardaires : l’homme le plus riche du monde, l’ancien immigré irrégulier Elon Musk, n’est pas seulement l’homme qui murmure à l’oreille de Trump, il a mis à son service son réseau X et ses 200.000 followers, il a injecté à lui seul 200 millions de dollars dans sa campagne qu’il a tenté de transformer en jeu de course hippique.
Comment comprendre, enfin, qu’au moins depuis l’intrusion de Donald Trump sur la scène politique, que ce soit la démocratie américaine tout entière qui se décrédibilise au point que ses citoyens ont l’impression de vivre dans une vulgaire république bananière ? La campagne électorale comme le vote, se sont déroulés dans la violence et le déni dans un pays qui compte autant d’armes que de citoyens, marqués de tentatives d’assassinat, de paranoïa de la fraude électorale, de querelles d’avocats, d’infox et de fake news, avec caméras de surveillance, snipers sur les toits et déploiement du FBI... Il y a quatre ans les Etats-Unis n’ont pas pu faire ce que le Cap-Vert ou Maurice font depuis leur indépendance, ce que le Botswana a fait il y a quelques jours : une transition courtoise, un passage de pouvoirs respectueux des règles de la démocratie.
Donald Trump avait promis que s’il était réélu, il se ferait « dictateur » pendant un jour, et force est de lui reconnaitre qu’il fait souvent ce qu’il avait dit qu’il ferait. Mais ça, c’était avant. C’était avant qu’il ne se retrouve à la Maison Blanche avec une majorité populaire alors qu’il se préparait à contester les résultats, et qu’il a l’assurance d’avoir à sa botte le Sénat, la Chambre des Représentants et la Cour Suprême, cela peut donner des idées quand on a un ego comme le sien. Alors si Wall Street jubile, après avoir retenu son souffle, nous n’avons pour notre part, nous le reste du monde, mais aussi les femmes américaines et les étrangers installés aux Etats-Unis, et de manière générale tous ceux qui sont épris de paix, de liberté et de justice, aucune raison de sauter de joie…
A moins qu’un grand miracle ne se produise : Donald Trump est fondamentalement un homme imprévisible, il est capable du pire et il l’a prouvé, et s’il faisait son Thomas Beckett et devenait capable du meilleur ?
UN BALLON D'OR AU COUTEAU
Quarante et un points, c'est l'infime marge qui sépare Rodri de Vinicius Jr.. Le milieu de terrain de Manchester City s'impose avec 1 170 points sur 1 485 possibles, devant le Brésilien du Real Madrid (1 129 points)
(SenePlus) - France Football et L'Équipe révèlent ce samedi les détails du vote du Ballon d'Or 2024, marqué par un duel haletant entre Rodri et Vinicius Jr.
Le verdict est tombé avec une marge infime : seulement 41 points séparent le lauréat espagnol Rodri (1 170 points) de son dauphin brésilien Vinicius Jr. (1 129 points), sur un total possible de 1 485 points. Cette faible différence témoigne de l'intensité de la bataille pour le prestigieux trophée.
Le podium est complété par Jude Bellingham (917 points), autre pensionnaire du Real Madrid, qui devance largement son coéquipier Dani Carvajal (550 points). Le Real Madrid place d'ailleurs quatre joueurs dans le top 10, avec également Toni Kroos en neuvième position.
La surprise vient peut-être de Kylian Mbappé, sixième avec 420 points, qui recule de trois places par rapport à l'édition précédente, tout comme Erling Haaland, cinquième avec 432 points. L'écart est saisissant entre le trio de tête et le reste des nommés : plus de 620 points séparent Rodri du quatrième, Carvajal.
L'Espagne, championne d'Europe, domine le classement avec cinq joueurs dans le top 15 : Rodri, Carvajal, le prodige Lamine Yamal (8e), Dani Olmo (13e) et Nico Williams (15e). L'Angleterre suit avec trois représentants : Bellingham, Kane (10e) et Foden (11e).
Fait notable, deux des trente nommés n'ont reçu aucun point : Artem Dovbik, pourtant meilleur buteur de Liga avec Gérone, et Mats Hummels, finaliste de la Ligue des champions avec Dortmund. L'autre Français de la liste, William Saliba, termine 24e avec 8 points.
Le classement reflète une saison marquée par les performances exceptionnelles de Manchester City et du Real Madrid, avec une domination espagnole qui s'explique notamment par le sacre de la Roja à l'Euro 2024. La mince différence de points entre Rodri et Vinicius Jr. restera comme l'une des plus serrées de l'histoire du trophée.
AMADOU BA, L'ÉMANCIPATION D'UN EX-PREMIER MINISTRE
Les législatives du 17 novembre sont devenues son terrain de reconquête politique, loin de l'ombre de son ancien mentor Macky Sall. Face aux escarmouches d'Ousmane Sonko, l'ancien Premier ministre révèle une combativité insoupçonnée
(SenePlus) - L'ancien chef du gouvernement tente de s'imposer comme le véritable leader de l'opposition. Les élections législatives anticipées du 17 novembre pourraient marquer sa rupture définitive avec l'ombre tutélaire de Macky Sall.
Le ton est donné dès le 21 octobre, quand Ousmane Sonko lance un défi inattendu à son prédécesseur à la primature : un débat public contradictoire. Contre toute attente, Amadou Ba accepte, non sans ironie : "Manifestement, j'ai vu juste en affirmant que M. Ousmane Sonko éprouve une nostalgie sans doute légitime de ma modeste personne."
Bien que le débat n'ait finalement pas eu lieu - le CNRA y ayant mis son veto - cette séquence révèle, comme le rapprorte Jeune Afrique (JA), une nouvelle facette d'Amadou Ba. L'homme réputé discret et mesuré montre désormais les crocs. Quand Sonko le traite de "voleur", il réplique en le qualifiant "d'éternel opposant lent et incompétent, ne faisant que du bavardage."
"Nous sommes en train de découvrir un autre Amadou Ba, qui est plus libre et se met de plus en plus dans la peau du leader de l'opposition", se réjouit Oumar Sow, ancien conseiller présidentiel devenu cadre de la coalition Jamm Ak Njariñ, cité par JA.
Cette métamorphose s'explique par une rupture majeure : Amadou Ba a quitté l'Alliance pour la République (APR) et la coalition Benno Bokk Yakaar (BBY), emmenant avec lui le Parti socialiste et l'Alliance des forces de progrès. Mi-septembre, il lance son propre mouvement, "Nouvelle responsabilité", destiné à devenir un parti politique.
"C'est quelqu'un qui n'a plus de contraintes. Il n'a plus les mains liées et peut maintenant tracer sa voie", confie À Jeune Afrique, un ancien collaborateur à la primature. Un autre allié renchérit : "C'est un mal pour un bien qu'il ait échoué à la présidentielle. Cela lui a donné l'occasion de prendre davantage son destin en main."
Toutefois, cette émancipation n'est pas sans obstacles. Selon le magazine panafricain, les investitures pour les législatives ont créé des frustrations, notamment chez Oumar Sow, relégué à la 27e place sur la liste nationale : "Je fais partie des rares personnes qui ont soutenu Amadou Ba et je me sens trahi", confite-t-il à JA.
À en croire Jeune Afrique, l'enjeu de ces législatives dépasse la simple confrontation avec Sonko. "Ce que veulent Amadou Ba et ses nouveaux alliés, ce n'est pas de battre Ousmane Sonko. C'est arriver devant Macky Sall", analyse un observateur. Une affirmation que réfute Oumar Sow, toujours dans les colonnes de JA : "Nous n'avons que faire des leaders qui sont hors du pays et s'adressent aux Sénégalais depuis WhatsApp. Nous, nous sommes sur le terrain et notre objectif, c'est d'être les premiers."
Pour l'ancien Premier ministre, qui avait obtenu 35% des suffrages à la présidentielle, ces législatives représentent une opportunité de renaissance politique. Reste à voir si cette stratégie d'émancipation portera ses fruits dans les urnes.
par Dié Maty Fall
ÊTRE DEPUTÉ POUR MOI
Après 37 ans dévoués aux belles pages de la presse de noblesse, je souhaiterais à présent ouvrir le prochain chapitre de mon parcours en me faisant la voix consciencieuse et véridique des préoccupations des Sénégalais et Sénégalaises au sein du parlement
En tant que citoyenne majeure et indépendante, chef de famille monoparentale, j’emploie des jeunes filles et femmes comme aides pour le ménage uniquement. Tout n’est pas toujours rose dans ce partenariat de travail, mais j’essaie cependant de me placer comme aînée, sœur, tante ou mère d’adoption pour mes employées de maison. À ce titre, j’ai, en fonction des cas, payé la poursuite d’études, ou participé à la création de micro-entreprises ou été médiatrice pour un appui plus conséquent. Être journaliste, intellectuelle ou avoir des fonctions de responsabilité ne vous épargne pas d’avoir à gérer les vicissitudes du ménage. Combien de fois ai-je dû me résoudre à arriver en retard ou à reporter un rendez-vous parce que les tâches ménagères se sont imposées à moi. Beaucoup de Sénégalaises, de mères, d’épouses, de sœurs, de femmes, de filles me comprendront.
A part certains cas de mères de famille matures qui subviennent volontairement aux besoins de leur foyer (mari absent, chômeur ou en incapacité) par l’emploi salarié de ménagère, la majorité des employées de maison sont des jeunes filles ou femmes sans formation et sans qualification. La plupart viennent du prolétariat rural et urbain, vivier de main-d’œuvre pour les classes moyennes et supérieures de notre société. En dehors de se caser avec un époux ou d’un miracle, il n’existe, à court ou moyen terme, aucune sorte de revalorisation professionnelle ni d’amélioration de leur condition humaine et socio-économique. Se marier et avoir des enfants est souhaitable et bénéfique pour notre société, mais cela n’assure pas toujours un épanouissement entier à la femme ni ne garantit son autonomie financière. Une épouse et mère autonome assure au foyer et à la progéniture un accès à la nourriture, aux soins et à l’école. Une mère respire par ses enfants, il n’y a pas de bonheur pour son instinct maternel en dehors de la protection de ses enfants. Sauf dans les cas pathologiques de femmes handicapées de l’instinct maternel…
Ce qui est le plus révoltant dans ce prolétariat féminin dans les villes est que la plupart de ces jeunes filles ont abandonné leur scolarité, même en cours d’année, à la demande de leur famille. Pour l’une, la mort de la mère l’a obligée à arrêter de fréquenter son collège de Mbafaye (Sine) parce que quelqu’un devait subvenir aux besoins de ses petites sœurs de jeune âge, laissées à la tutelle de la grand-mère maternelle.
Pour l’autre, c’est tout bonnement l’absence du frère pourvoyeur de bien-être et momentanément indisponible…Alors sa mère a décidé que la petite sœur devait quitter sa classe de Terminale au lycée de Niakhar (Sine) pour travailler et combler l’absence de revenus. Dans le Baol aussi, les jeunes filles sont données en petites employées à des patronnes, tellement jeunes qu’elles ne sont presque jamais allées à l’école. Ainsi, alors que nos filles, nos sœurs, nos mères, constituent la condition d’un développement national durable, leur épanouissement et leur citoyenneté se heurtent aux structures économiques, politiques, culturelles et religieuses.
La domination des croyances sexistes et patriarcales, la violence et la misogynie font que beaucoup de nos filles et nos sœurs ont intériorisé ces tares, succombent aux critères infériorisants (t’es qu’une femme !) ou valorisants (sois belle et claire-xessal) et s’opposent même à l’amélioration de leur condition. Jusques et y compris dans les associations féminines, supposées soutenir résolument les victimes de toute forme de discrimination et de violence fondée sur le genre. Hélas, trois fois hélas, dans mon cas personnel, j’ai plutôt bénéficié de la pleine et entière solidarité et du soutien constant et habituel du défenseur des droits de l’homme Alioune Tine de Afrikajom Center, de ses successeurs à la RADDHO Sadikh Niasse et Alassane Seck, du fondateur d’Africtivistes Cheikh Fall, et de tout ce que le Sénégal compte de défenseurs masculins des droits humains. Mais d’associations féminines, pourtant bien sollicitées et informées, nenni, point de soutien ni de solidarité. Peut-être une timidité due à l’intériorisation des critères de dévalorisation ou au syndrome de Stockholm. Une dirigeante féminine d’association de presse, supposée protéger la démocratie, les droits humains et les journalistes, m’a même conseillé « d’arrêter de faire du bruit car cela me dévaloriserait ». Quel sort imaginer pour les autres victimes féminines de menaces psychologiques et physiques, et qui n’ont pas la même chance que moi de pouvoir se défendre toute seule ? Le changement drastique ne doit pas seulement s’effectuer dans les mentalités masculines, mais aussi surtout féminines. Si les associations féminines disposaient du droit de se porter partie civile dans tout cas de discrimination, elles seraient sans doute plus efficaces et moins timorées.
Je crois, avec la plateforme SEEN-ÉGALITÉ du professeur Aziz Salmone Fall, que les hommes et les femmes sont certes différents, mais égaux en droits et devoirs. Je crois, avec la plateforme SEEN-ÉGALITÉ, que l'éducation et la mise en place d'institutions donnant un égal accès démocratique aux savoirs, savoir-faire, savoir-être, savoir critique et au travail, permettra d’atteindre et de garantir l’égalité des droits et devoirs des hommes et des femmes. Au demeurant, des savoirs et savoir-être endogènes peuvent être historiquement convoqués pour légitimer cette égalité des droits et devoirs. Je crois, avec la plateforme SEEN-ÉGALITÉ, qu’il n’y aura pas de changement structurel dans le développement du Sénégal ni celui de l’Afrique sans le changement positif de la condition féminine, car la dimension féministe est transversale. Waaw Goor, waaw Kumba, disaient nos parents.
Je suis, avec la plateforme SEEN-ÉGALITÉ, clairement pour l’égalité des droits, des opportunités et des chances pour nos filles, nos sœurs et nos mères. Le progrès et la justice sociale dépendent de leur épanouissement et leur capacité de sortir de leur sujétion, et de participer pleinement aux décisions et à la direction du pays. Un changement du modèle démocratique et des mentalités permettra aux femmes de participer pleinement aux mécanismes de décision et d'exécution, et surtout d’obtenir la même place que les hommes dans les instances de décision, de délibération et d’exécution des politiques. En cas de violence basée sur le genre, la sanction prévue par la loi doit être exemplaire et dissuasive. Aucune impunité contre les violations des droits de nos filles, sœurs, et mères n’est acceptable. Cela commence par combattre le vocabulaire et les comportements sexistes dans la sphère domestique, à l’école et au travail, comme dans tout le reste de la société. L’image de la femme dans les médias et les ouvrages scolaires doit être digne et à la hauteur des changements préconisés.
Avec internet, les jeunes sont plus exposés à la pornographie. Il est nécessaire de mieux les éduquer, pour leur permettre d’appréhender positivement la sexualité et de respecter les femmes. Pour cela, un plaidoyer progressiste et un débat social inclusif autour des sujets encore tabous - l’avortement, le mariage forcé, la polygamie, l’excision, l’éducation sexuelle, les critères dégradants de beauté, etc - touchant à la féminité et à leurs droits permettrait d’informer les jeunes filles et garçons, et de les affranchir de l’ignorance. Cela implique de même l’information des femmes les plus vulnérables sur leurs droits et la formation des filles à l’éducation professionnelle et technique. L’information sur le droit de la famille doit être mieux vulgarisée, la loi appliquée strictement et l’accessibilité des femmes aux ressources légales facilitée. C’est le sens de la proposition de loi de Renforcement et de Protection des Droits des Femmes en matière de Code de la Famille et de parité faite par la coalition Jàmm Ak Njariñ. Les femmes divorcées et leurs enfants, ainsi que les mères monoparentales doivent être davantage protégées au niveau du partage du patrimoine. Elles ne doivent pas assumer seules les désavantages économiques de s’occuper d’enfants communs.
Lors de la crise du Covid, l’autonomisation révolutionnaire des femmes leur a permis de dépasser les disparités qui les confinent dans la sphère subalterne.
Le caractère indispensable du travail des femmes nécessite cependant des transformations radicales aux niveaux culturel, économique, démographique, politique et social.
En augmentant les chances économiques des femmes, les travailleuses et travailleurs partageraient les bénéfices de leur travail, à travers des emplois décents qui régénèrent l’environnement naturel au lieu de le dégrader. Dans notre pays, les femmes assurent 80% du travail agricole. L’accent doit être mis sur l’accès à la propriété foncière et au crédit, l’encadrement pour la productivité et contre la pénibilité des tâches, et l’agro-écologie en faveur des femmes. Pour faire accéder les PME féminines aux réseaux, financements et compétences, il faut également ici réduire les obstacles réglementaires et socio-culturels.
À cet effet, Jàmm Ak Njariñ propose la Loi pour l'Accès des Femmes au Foncier Rural, aux Logements Sociaux et pour une Stratégie d'Inclusion Territoriale.
La priorité doit être donnée au relèvement de la condition de la femme rurale et celle des milieux informels précaires. Le salaire moyen de 7000 F CFA dans le secteur informel est intenable, face à une hausse des prix à la consommation de plus 11% et de ceux des denrées de base de l’ordre de 8%. L’enquête de l’ER-Esi (Enquête régionale sur l’emploi et le secteur informel, réalisée par Afristat) estimait en 2017 que le secteur informel non-agricole comptait 1.689.506 chefs de production informelle, employant 809. 606 personnes, soit 2. 499.219 emplois. Plus globalement, c’est plus de 60% de l’emploi au Sénégal qui se situe dans le secteur informel. On voit bien comment l’organisation efficiente de ce secteur, la réduction des pénibilités, la santé et sécurité du travail et l’amélioration des conditions globales permettront d’en maximiser la productivité et aussi la contribution au secteur fiscal.
Au préalable, la protection sociale du secteur informel, sa régularisation, en ciblant les femmes au bas de l’échelle du marché du travail, permettra de relever le niveau de vie.
C’est aussi une proposition de loi pour le statut du travailleur du secteur informel de Jàmm Ak Njariñ. Les conjoint-es des personnes travaillant dans le secteur informel et dans les zones rurales devront être considéré-es comme des travailleurs et travailleuses et non comme sans-profession. L’égalité de rémunération entre hommes et femmes doit être garantie. Le travail domestique doit être reconnu comme un vrai travail et en soulager la pénibilité et le temps gaspillé. Les travailleuses exploitées dans les manufactures et dans la sphère domestique doivent être protégées et la justice sévir sévèrement contre la violation de leurs droits. À cet effet, la syndicalisation des emplois occupés majoritairement par des femmes doit être encouragée.
Je crois, avec la plateforme SEEN-ÉGALITÉ que le protocole de Maputo du 11 juillet 2003, doit être appliqué et qu’il faut même aller au-delà. Ce protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de l’Union africaine est relatif aux droits des femmes en Afrique. Le Sénégal a ratifié, le 27 décembre 2004, ce protocole international. Ce protocole dit que États prennent toutes les mesures appropriées pour « protéger les droits reproductifs des femmes, particulièrement en autorisant l'avortement médicalisé, en cas d'agression sexuelle, de viol, d'inceste et lorsque la grossesse met en danger la santé mentale et physique de la mère ou la vie de la mère ou du fœtus ». Où sont les mesures appropriées prises par l’Etat du Sénégal lorsque, de façon répétitive, angoissante et lancinante, des jeunes filles sont dans cet état et qu’elles commettent l’irréparable en assassinant leur fœtus ou bébé ?
Rien, sinon l’emprisonnement de la fille enceinte, sa marginalisation de l’école et de la société tandis que le père du fœtus ou bébé suit impunément le cours de sa vie…
Je ne saurais terminer sans lancer un appel à l’unité et à la paix, face aux défis que nous devons relever ensemble, dans notre diversité, pour la croissance et la prospérité de notre Nation.
Je vous appelle à rejoindre notre dynamique de changement pour un Sénégal de paix, géré dans la transparence, la compétence, la démocratie et la bonne gouvernance, au sein d’une Assemblée nationale représentative du meilleur de nous-mêmes.
Après 37 ans dévoués aux belles pages de la presse de noblesse, je souhaiterais à présent ouvrir le prochain chapitre de mon parcours en me faisant la voix consciencieuse et véridique des préoccupations des Sénégalais et Sénégalaises au sein de l’hémicycle.
Je vous invite toutes et tous à voter massivement pour les candidats de la liste départementale de Dakar de notre coalition Jàmm Ak Njariñ, le 17 novembre 2024.
Dié Maty Fall est candidate socialiste, liste départementale de Dakar, Coalition Jàmm Ak Njariñ.
TRUMP RÉITÈRE SON PROJET DE DÉPORTATION MASSIVE QUEL QU'EN SOIT LE PRIX
Le président élu des États-Unis confirme sa volonté de procéder à des expulsions d'ampleur d'immigrants en situation irrégulière. Une opération titanesque dont il refuse même d'évoquer le coût, la jugeant 'nécessaire'
(SenePlus) - Dans un entretien exclusif accordé jeudi à NBC News, Donald Trump, le nouveau président élu des États-Unis, a dévoilé ses premières priorités après sa victoire face à la vice-présidente Kamala Harris, mettant l'accent sur une politique migratoire drastique.
"Nous n'avons pas le choix", a-t-il déclaré concernant son projet de mener "la plus grande opération de déportation de l'histoire américaine". Le républicain balaie d'emblée la question du coût de cette initiative : "Ce n'est pas une question d'étiquette de prix. Quand des gens ont tué et assassiné, quand des barons de la drogue ont détruit des pays, ils doivent retourner chez eux car ils ne resteront pas ici."
La mise en œuvre d'un tel programme soulève pourtant des défis considérables. Patrick J. Lechleitner, directeur par intérim de l'ICE (Immigration and Customs Enforcement), a souligné auprès de NBC News les obstacles logistiques et financiers majeurs d'une telle opération. D'anciens responsables de l'administration Trump précisent qu'une coordination entre plusieurs agences fédérales, notamment le département de la Justice et le Pentagone, serait nécessaire.
Trump articule sa vision autour d'une "frontière forte et puissante", tout en nuançant son propos : "Nous voulons que les gens viennent dans notre pays. Je ne suis pas quelqu'un qui dit 'Non, vous ne pouvez pas entrer'.", précisant : "Ils doivent venir avec amour pour le pays. Ils doivent venir légalement."
Fait notable, cette rhétorique n'a pas empêché le 47 e président des États-Unis de réaliser des scores historiques auprès de l'électorat latino, traditionnellement acquis aux démocrates. Le prochain locataire de la Maison Blanche y voit une validation de sa ligne politique : "J'ai commencé à voir qu'un réalignement était possible car les démocrates ne sont pas en phase avec la pensée du pays." Il souligne également ses progrès auprès des jeunes électeurs, des femmes et des Américains d'origine asiatique par rapport à 2020.
par Oumar El Foutiyou Ba
ABDOU DIOUF, CET ILLUSTRE MAL-AIMÉ DONT NOUS GAGNERIONS TANT À NOUS INSPIRER
EXCLUSIF SENEPLUS - Entre héritage complexe de Senghor et tempêtes économiques, il a su tenir la barre avec une maestria méconnue. Son parcours, fait de résilience et d'intelligence stratégique, mérite aujourd'hui un regard neuf, loin des préjugés tenaces
Dans l’imaginaire populaire sénégalais, Abdou Diouf, le deuxième président de la République du Sénégal, est celui qui revêt le costume de cet être mal-aimé dont on a fait le mouton noir de la famille. Pourtant, l’homme, dont l’exemple peut inspirer nos décideurs, au vu de son parcours semé d’embuches, a été le plus méritant de nos dirigeants.
Un parcours singulier aux côtés d’un mentor jaloux de son pouvoir
Contrairement à ce que l’on pense, ce fils d’un virtuose du jeu de dames, métissé de cultures Wolof, Sérère et Pulaar, n’a pas connu le destin aussi lisse qu’on lui prête. En vérité, rien n’a été donné à Diouf qui a su tirer parti de situations adverses, grâce à des capacités humaines et des aptitudes professionnelles hors norme. Des atouts qu’aurait pu lui disputer l’entourage de Leopold Sédar Senghor surpassé par sa clairvoyance, son sens élevé du devoir et son expertise.
L’homme a tiré le meilleur de de son prédécesseur, un être rusé qui a utilisé Mamadou Dia, le président du Conseil de gouvernement, véritable exécutif, qui l’a toujours gêné aux entournures et dont il s’est vite débarrassé pour gouverner seul. Homme entier, Dia a, par fidélité à l’amitié, été le paravent de Senghor qui trompa sa bonne foi à l’effet de neutraliser ses amis révolutionnaires (Modibo Keita, Valdiodio Ndiaye, Majmouth Diop…) comme en attestent, récemment encore, les œuvres d’Aminata Ndiaye Leclerc et d’Ousmane William Mbaye.
Grace à une souplesse, somme toute administrative, Diouf échappe à ce sort funeste auprès de Senghor, père de l’Etat nation au Sénégal, en se montrant plus fin que cet homme de culture ambivalent et à l’intelligence redoutable. En vérité, le premier chef de l’Etat sénégalais est un être tourmenté, constamment soucieux d’étouffer ses propres contradictions reflétées, dans ses écrits, par la lutte tumultueuse que se livrent ses amours gréco-latines et son ressenti négro-africain.
Senghor, ancré dans ses humanités classiques, trompe son monde en domestiquant un pays, dont il a épousé les rites et croyances, qu’il présente, à l’extérieur, comme un ilot de démocratie dans un océan de dictatures alors qu’il réprime, au quotidien, une opposition dont il n’accepte qu’un rôle d’alibi.
Parangon de l’organisation et de la méthode, à l’origine du bureau éponyme, ce joueur d’échec, qui place ses coups longtemps à l’avance, s’est adjoint, par pur intérêt, la compagnie de Diouf, un homme tout de mesure, à l’esprit vif, dont il ignorait la virtuosité aux jeux de dames. En effet, Abdou Diouf fut le seul gouverneur qui, lors des évènements de décembre 1962, ne renia pas Mamadou Dia, embastillé ; ce qui lui donne un préjugé favorable auprès du chef de l’Etat qui sait à quel point il importe, pour œuvrer en toute tranquillité, d’avoir un homme loyal à ses côtés.
Armé d’une patience et d’une modestie rares, Diouf, gagna la confiance de son mentor, apprenant le métier aux côtés de Jean Collin sur qui le chef de l’Etat ne pouvait totalement se reposer en raison de ses racines métropolitaines. La montée en puissance de Diouf, contrairement à une opinion commune, ne fut guère chose facile puisque ses contemporains, aussi bien formés que lui, disposaient des mêmes opportunités. L’homme n’est pas seulement arrivé au sommet. Il a su s’y maintenir grâce à ses propres qualités.
Aux côtés de Collin, Diouf développa ses atouts managériaux et engrangea une expérience de l’Etat dans ses postes respectifs de Secrétaire général de Ministère, de Secrétaire général de la Présidence puis de Premier ministre. Son énorme capacité de travail, associée à son attitude pleine d’humilité, rassura Senghor qui lui céda le pouvoir.
Toujours est-il que Diouf dessilla les yeux du président-poète, juste après la passation de pouvoir, sur l’idée qu’il s’était fait de la République, dans un geste fort, comme pour mettre en lumière ce génie qu’il laissait hiberner pour ne jamais éveiller l’inquiétude de ce mentor si jaloux de son pouvoir. En procédant à la désignation au poste de Premier Ministre de son ami Habib Thiam que Senghor n’appréciait guère, il signifiait clairement à celui-ci en quoi il était vain de s’imaginer agir sur la destinée de la nation après une démission probablement due à des considérations aussi ontologiques qu’économiques.
Une gouvernance fragilisée, servie par une connaissance avérée de l’Etat
Diouf hérita d’un pays fragilisé, écartelé, au plan politique, entre une opposition interne (Babacar Ba, Moustapha Niasse, Djibo Ka…) désireuse de prendre les rênes du parti et une opposition externe (un Wade virulent et rusé, la gauche pugnace…) soucieuse de l’avènement du Grand Soir.
En fin administratif qui savait sur quels déterminants s’appuyer, Diouf, en plus de compter sur son fidèle Premier ministre, s’assura de bien pouvoir gouverner l’Etat en verrouillant la présidence de la République, le siège du pouvoir, d’abord, avec le discret Jean Collin et, par la suite, avec le manœuvrier Ousmane Tanor Dieng qu’il promut à l’effet d’écarter les velléitaires.
Sa parade se retourna contre lui lorsque Dieng se constitua progressivement un pouvoir personnel et qu’il fut, plus tard, obligé de travailler avec Wade, l’opposant nuancé jusqu’à la rouerie, un champion de la négociation, et les Gauchistes impressionnants de persévérance et de tempérance dans leur combat pour l’assise d’un Etat de Droit dans le plein sens du terme.
Abdou Diouf fit donc acte de volonté en procédant, non sans calculs, à l’ouverture intégrale du paysage politique et en réparant l’injustice coloniale faite au Professeur Cheikh Anta Diop, une sommité intellectuelle peu appréciée de son prédécesseur, à qui il permit de dispenser des cours à l’université de Dakar.
Au plan économique, l’héritage senghorien fut un lest pour Diouf qui navigua constamment dans des flots impétueux. Le Sénégal, exsangue après deux crises pétrolières, une crise de la dette et la détérioration des termes de l’échange, avait besoin d’un remède de cheval qui ne lui épargna pas la dévaluation.
Ainsi, durant plus de quinze ans, Diouf fit concomitamment face à un contexte complexe qui l’obligea à se battre pour conforter un pouvoir vacillant, déploya beaucoup d’énergie pour éliminer une tenace adversité politique tout en restaurant les fondamentaux de l’Etat.
Le divorce d’avec les populations date de ces années où le pays ne retient plus que les Plans d’ajustement structurel, la privatisation, les programmes de départ volontaire à la retraite et l’ajustement monétaire qui érodèrent son image. Ce mal aimé, à l’image d’un docteur administrant une potion amère au patient, récolta pourtant des résultats flatteurs mais sous-estimés qui auraient pu constituer un patrimoine immatériel pour le Sénégal s’ils n’avaient été sabotés, à partir de 2000, par son successeur.
Des résultats à fort coefficient pour le pays
Avec Diouf, au niveau institutionnel, le Sénégal enregistra la confortation de l’Etat nation, la vivification de l’Etat de Droit, l’avènement d’un Etat fort et plus juste avec des hommes compétents dotés du sens du sacerdoce, un cadre de gouvernance prometteur avec un Code électoral consensuel et une entité dotée d’autonomie dans ce domaine, des stratégies de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption innovantes, soit autant de choses inspirant une confiance plus affirmée des citoyens et des partenaires dans les institutions de l’Etat.
Ces éléments n’occultent pas le volet économique avec un l’adoption d’un nouveau système de planification, la revalorisation des politiques sectorielles et un financement de l’économie reposant sur l’utilisation prudente des ressources locales et une dynamisation des ressources de la coopération tirées par la belle réputation qu’il sut donner du pays. Ces efforts aboutirent à la restauration des fondamentaux macroéconomiques documentée par l’ouvrage de Mamadou Lamine Loum, son dernier Premier Ministre, confirmé par Idrissa Seck, un de ses successeurs à ce poste, qui a évoqué, dans des circonstances malheureuses, l’embellie due à Diouf dans les années 2000.
Au plan géopolitique, l’aura du Sénégal n’a jamais été plus brillant que lorsque Diouf fut président de l’Organisation de l’unité africaine, s’érigea en portevoix de la cause palestinienne et de la lutte contre l’apartheid avec une visite des pays de la ligne de front à ses risques et périls, organisa le sommet de l’Organisation pour la Conférence islamique et contribua aux multiples initiatives des Nations unies. L’homme se démultiplia tellement que son leadership poussa les Américains à agiter son nom pour la succession du Péruvien Javier Pérès de Cuellar au poste de Secrétaire général des Nations unies.
Les initiatives géopolitique et diplomatique de Diouf valurent un regain de confiance au Sénégal qui développa une coopération multiforme avec plusieurs partenaires, fut associé à de nombreuses initiatives de sécurité mondiale et devint l’ami aussi bien des pays de gouvernance conservatrice que révolutionnaire, un fait quasi unique au monde.
Une personnalité à la fois complexe et séduisante
Abdou Diouf aurait sans doute pu être encore plus valorisé par ses compatriotes s’il n’avait pas hérité d’un pays exsangue, ce qui est à l’origine du reproche qu’on lui fait souvent d’avoir plus été un gestionnaire qu’autre chose. Pourtant, à observer l’action de celui qui devint, plus tard, Secrétaire général de la Francophonie, une organisation dont il changea l’orientation, l’on se rend compte qu’il sut faire preuve de sens managérial élevé en réussissant le tour de force de renforcer la qualité de service de l’Administration, dont les principes s’appariaient avec les valeurs qui étaient les siennes, lui qui servit très tôt l’Etat à une époque où le sens du devoir et le respect des procédures faisaient sens.
Le moule administratif raffermit sans doute cette courtoisie qu’on lui prête, à raison, une caractéristique de sa personnalité qui a marqué ses interlocuteurs séduits par sa culture étendue et son élégance qui l’obligea toujours à les accueillir debout et à les raccompagner jusqu’au pas de la porte.
Son rapport à l’Administration, en particulier, et à l’Etat, en général, fut tel que sa foi au Conseil stratégique, avec la valorisation du Bureau Organisation et Méthodes (BOM), des Affaires étrangères ou de l’Armée, entre autres, et son sens du leadership lui permirent de réagir promptement mais de manière optimale, sur nombre dossiers sensibles. Parmi ceux-ci, soulignons le rétablissement de l’ordre constitutionnel en Gambie à la suite du coup d’Etat de Kukoy Samba Sanhya et la gestion du cas Khadaffi dont la frénésie révolutionnaire aurait pu ne pas épargner le Sénégal en proie à la crise casamançaise.
La personnalité tranquille de Diouf, faite de discrétion et de convivialité, qui se rapproche, sur ce point, plus de celles de Macky Sall et de Bassirou Diomaye Faye, n’a rien à voir avec la flamboyance du prestidigitateur Wade, un homme plein de bagout qui peut transformer la plus petite babiole en trésor ou l’érudition de Senghor qui séduit le monde en évoquant la parenté de l’Arabe au Français, apprivoise son geôlier en lui parlant de Goethe ou émeut les Portugais en évoquant Joal et ses racines ibères.
Fondée sur une écoute des services de l’Etat, le tempérament de Diouf évita, au Sénégal, bien des écueils lors des crispations sénégalo mauritaniennes de 1989 et, aussi, de subir les contrecoups des brutales ruptures constitutionnelles que connurent tous nos voisins, excepté l’exemplaire Cap vert.
Diouf fut donc un leader charismatique à l’échelle universelle qui illustra pendant longtemps l’adage disant que l’on n’est jamais prophète chez soi. Les Sénégalais ne découvrirent sa verve et son humour que lors des campagnes électorales où sa fibre ndiambour ndiambour avec son phrasé rap tassu séduisirent. C’est, d’ailleurs, cette sensibilité qui explique avec sa proximité avec feue Adja Arame Diène ou El Hadji Mansour Mbaye.
Au final, Diouf a su gérer l’Etat à l’image de l’empire qu’il a eu sur lui-même, c’est-à-dire, en évitant la démesure et sans surfer sur les particularismes tout en tenant fermement le cap. Il lui a surtout manqué une communication plus directe, plus détendue avec les siens, qu’il n’a pu développer en raison du contexte d’adversité, et cette ouverture de l’Etat à des profils autres que ceux administratifs pour élargir le champ des futurs possibles pour le Sénégal.
Un retrait élogieux, un héritage à valoriser
La personnalité forte, la lucidité et les valeurs d’Abdou Diouf expliquent, qu’en dépit des errements de son parti et des remous liés au déni d’alternance dans le Continent noir, lui choisit de partir avec élégance. Si l’on juge à l’échelle de tout ce qui peut influencer l’homme de pouvoir en Afrique, l’objectivité oblige à dire que Diouf n’a pensé qu’au Sénégal et a fait montre d’un sens élevé de l’honneur et de l’histoire en décidant de quitter la direction du pays, à la suite d’une défaite électorale.
Abdou Diouf n’est pas que ce que l’on vient d’évoquer mais son action à la tête de l’Etat sénégalais appelle un jugement dépassionné. En dépit du contexte contraignant, l’homme, a su allier souplesse et fermeté à l’effet de préserver le pays de nombreux errements, et ce, sans tambours ni trompettes car l’époque n’était pas au marketing politique des années 2000 à partir desquelles la plus petite réalisation est immensément grossie.
Diouf se retira des affaires, comme il y arriva. Dans la discrétion sans, une seule fois, avoir essayé d’influencer son successeur qui, des années plus tard, lors des présidentielles de 2024, faillit le faire trébucher sur une lettre publique signée à quatre mains qu’il s’empressa, dès le lendemain, de rectifier afin de rester du bon côté de l’histoire.
Tous ces éléments nous donnent à penser que, de tous les dirigeants sénégalais, Diouf semble être celui qui a le plus fait au regard de son contexte d’évolution et des moyens dont il a disposé. L’homme, dont la bonne éducation a été confondue à de la timidité, promis à ne jamais devoir prendre son envol, s’est déployé, tel un albatros, dans toute sa mesure, illustrant à souhait la vérité selon laquelle il n’y a point besoin de crier lorsque l’on a raison.
Etat fait du bois dont on fait les bonnes flèches de la gouvernance d’un Etat normal, Diouf, imbu des valeurs cardinales de ce bras séculier de l’Etat que constitue l’administration, a mis en avant la tenue et la retenue nécessaires pour servir un pays qui gagnerait à en faire un de ses symboles marquants et un de ses inspirateurs.
Si Senghor a essayé de construire l’Etat nation au Sénégal, Diouf a, quant à lui, non seulement consolidé, à travers le viatique du dialogue, le commun vouloir de vivre ensemble de ses compatriotes mais aussi laissé, aux générations futures, l’Etat de Droit qui nous vaut encore de rester debout en dépit de toutes les vicissitudes et tiraillements d’acteurs politiques qui font tanguer le navire Sénégal.
Il n’y a pas de doute que Sunugaal, s’il s’appuie sur cet héritage de son deuxième président, qui n’a eu de cesse de parler de l’exception sénégalaise, et sur le génie de ses hommes et femmes, naviguera parfois sur des flots impétueux mais jamais ne coulera.
par l'éditorialiste de seneplus, Amadou Elimane Kane
QUAND LA SCIENCE NE RELÈVE PAS DE PROCÉDÉS IDÉOLOGIQUES
EXCLUSIF SENEPLUS - Les histoires sont véhiculées par des narrateurs, même s’ils se déclarent détachés et objectifs, ils sont le plus souvent les témoins de la fondation d’un champ scientifique et surtout culturel
Amadou Elimane Kane de SenePlus |
Publication 08/11/2024
Ainsi, le discours de la science n’est jamais neutre et à tout moment, il peut être orienté par une idéologie. C’est à ce carrefour que nous devons rester en alerte. En effet, certains historiens, écrivains ou scientifiques peuvent surgir, de nulle part d’ailleurs, pour nous vendre, au nom de la science, des procédés idéologiques, qui nous installent dans le détournement de la vérité historique, pouvant mener à la falsification et à l’aliénation.
Quand on parle des sciences, on présuppose être dans la posture « de ne pas savoir », à la lumière des véritables scientifiques qui remettent en cause en permanence les théories. Cette disposition à tordre un concept scientifique pour en faire émerger un autre est à la base de tout travail épistémologique.
Pourtant, la science prend aussi sa véracité par le récit que l’on en fait. La profondeur réflexive et humaine joue un rôle incontestable dans toutes les théories de l’observation scientifique. Au préalable, il faut préciser que chaque expérience, chaque connaissance est induite par un récit et chacune possède une forme narrative. Or, la question du récit est plus subjective que celle de la rationalité des sciences.
Les théories sont mises à l’épreuve par une série de vérifications et les histoires sont jugées en fonction de leur vraisemblance, ce qui est possible et vérifiable, ce qui relève au fond de la « vraie » science. La science a recours aux hypothèses, mais celles-ci sont falsifiables, sans pour autant que la théorie se modifie. Ainsi on peut considérer que les grandes théories scientifiques sont plus proches des « histoires » qu’il n’y paraît.
La science est le produit d’agents humains qui sont caractérisés par des désirs, des croyances, des savoirs, des intentions, des engagements qui forment en quelque sorte des situations inattendues comme dans les récits.
Les histoires sont véhiculées par des narrateurs, même s’ils se déclarent détachés et objectifs, ils sont le plus souvent les témoins de la fondation d’un champ scientifique et surtout culturel.
La pensée occidentale, depuis les Grecs, défend l’idée d’un monde rationnel où tout est susceptible d’être expliqué. Mais les théories scientifiques dépendent aussi des données spéculatives, des contextes culturels, des histoires, des fables, des mythes, des métaphores qui permettent de valider les hypothèses.
Ainsi, le discours de la science n’est jamais neutre et à tout moment, il peut être orienté par une idéologie. C’est à ce carrefour que nous devons rester en alerte. En effet, certains historiens, écrivains ou scientifiques peuvent surgir, de nulle part d’ailleurs, pour nous vendre, au nom de la science, des procédés idéologiques, qui nous installent dans le détournement de la vérité historique, pouvant mener à la falsification et à l’aliénation.
C'est encore malheureusement le cas quand il s’agit du récit africain et des apports scientifiques qu’il est en mesure d’apporter, s’agissant de son expérience et d’un environnement culturel donné.
Les idéologues, soi-disant scientifiques, oublient, de manière systémique, la vérité historique pour faire entendre un discours qui procède de l'illusion et de la manipulation. Il en va de même en ce qui concerne l’espace de l’information. Trop souvent, on assiste au détournement de la vérité au profit d’une idéologie qui consiste à faire croire à un récit inventé de toute pièce, afin de prolonger la domination à l'œuvre. Or, sur le terrain de la pensée historique, tout est contestable et tout est mouvement.
Ces récits organisés vont à l’encontre de notre vivre ensemble encore trop fragile et ces procédés continuent de déstabiliser le continent africain.
Lorsqu’on entend un historien dire “ce que je dis est strictement historique”, on peut questionner les documents sur lesquels il s'appuie, exhumer les archives qui ont été utilisées, tout en se demandant qui les a façonnées, à quel moment et dans quel contexte.
Nous armer de science jusqu’aux dents, préconisait le professeur Cheikh Anta Diop et cette affirmation est celle que nous devons porter en bandoulière, sans nous laisser enfermer dans des soleils trompeurs qui viennent d’une sphère qui n’est pas notre réalité.
C’est à nous de donner du sens à ce que nous avons, à ce que nous savons, à ce que nous sommes pour sortir de l’instrumentalisation qui nous détruit et fait de nous de simples consommateurs, sans histoire et sans référents socio-culturels.
Voici le préalable à toute théorie scientifique ou informationnelle. Il s’agit de questionner en permanence les paramètres, les méthodes employées, qui relèvent encore des opinions et des règles idéologiques, en nous assurant que les thèses du récit africain sont les nôtres. Ces théories que nous pouvons faire émerger en augmentant notre matériel de recherche, qui se doit de rétablir des critères objectifs, sont la source de notre propre narration. Dans ces conditions et seulement celles-ci, nous serons en mesure d’opérer des ruptures épistémologiques et de construire notre propre récit scientifique.
Amadou Elimane Kane est enseignant, poète écrivain et chercheur en sciences cognitives.