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29 novembre 2024
Diaspora
MANSOUR FAYE DÉPOUILLÉ DE SA SÉCURITÉ
Le leader de Takku Wallu dénonce une stratégie orchestrée pour déstabiliser sa campagne. Face à cette situation, l'édile de Saint-louisien saisit la CENA et les autorités gouvernementales
L'inter-coalition Takku Wallu Sénégal/Samm Sa Kaddu s'inscrit contre les violences enregistrées lors des parades de sécurité à Saint-Louis. Mansour Faye, la tête de liste départementale, a été dépouillé de sa sécurité. L'élu a donc certainement peur et interpelle les ministres de l'Intérieur et de la Justice.
La tête de liste départementale de l'inter-coalition Takku Wallu Sénégal/Samm Sa Kaddu n'a plus de sécurité. Mansour Faye va devoir chercher d'autres appuis pour le reste de la campagne électorale. Face à la presse hier, l'édile de Saint-Louis n'y est pas allé avec le dos de la cuillère pour condamner ce qu'il est passé à voir dans la ville. "Nous avons vu des vidéos relatant des scènes d'une rare violence via les réseaux sociaux. Nous condamnons fermement l'attitude non responsable d'un parti en l'occurrence le Pastef voulant nous faire porter à leur parti dakal la tradition de manipulation et de calomnie, le Gatsa-Gatsa n'est pas une invention de notre coalition", a déclaré Mansour Faye face à la persistance de l'APR-aise à Ndiebene.
Pour lui, l'inter-coalition Takku Wallu Sénégal/Samm Sa Kaddu est venue pour la paix et la culture de la paix est un élément essentiel. A l'en croire, c'est un espoir de vivre ensemble et de la cohésion nationale. "Pour cela, nous position encore pour la paix et rien d'autre. Nous recommandons aux militants de préserver cet esprit de paix et de ne point tomber dans la stratégie d'intimidation et surtout de voter utile au soir du 17 novembre pour perpétuer les valeurs de paix et de concorde pour sous les candidats à l'hémicycle pour faire résumer la voix de la raison sans violence", a-t-il promis. Très en vertu, il termine le Pastef pour la violence au regard du comportement du Gatsa-Gatsa dans son terrain de prédilection. Ils ont librement orchestré ces scènes de vio-
lences pour jeter le discrédit sur l'inter-coalition Takku Wallu Sénégal/Samm Sa Kaddu. Cela montre qu'on est en pleine campagne électorale et que l'exercice ne serait pas un facteur défavorable pour eux. Nous dénonçons ces tentatives de sabotages et d'agression dont l'inter-coalition Takku Wallu Sénégal/Samm Sa Kaddu fait l'objet depuis le début de la campagne électorale", a déclaré Mansour Faye. Pour lui, cette violence est très loin jusqu'à l'Avenue Macky Sall, théâtre de ces scènes de violence, des militants du Pastef se réclamant marchands ambulants ont systématiquement la route à l'inter-coalition et se battre leur convoi par des jets de pierres au moment où paisiblement les leaders démarchaient dans ce secteur très stratégique.
Des véhicules ont été caillassés, des personnes blessées et agressées verbalement. L'intercoalition Takku Wallu Sénégal/Samm Sa Kaddu ne peut plus faire violence qu'elle va savoir continuer ce qu'elle condamne rigoureusement, a signalé ce membre de ladite inter-coalition qui a déploré la vague d'agressions, de militants et d'éléments de sécurité de l'inter-coalition. Les derniers événements deviennent très "difficiles pour Mansour Faye. Les suites demeurent toujours difficiles dans une campagne électorale. C'est pourquoi l'interpelle le ministère pour la République et la Commission Electorale nationale Autonome (CENA) face à cette situation très grave", a t-il averti.
lettre d'amérique, par rama yade
DONALD TRUMP ET L’AFRIQUE : QU’EN ATTENDRE ?
Face à un continent qui revendique sa souveraineté et multiplie les partenariats internationaux, la politique du 'America First' devra composer avec un nouveau paradigme
C’est officiel : Donald J. Trump est de retour à la Maison Blanche avec pour objectif clair de placer «l’Amérique d’abord» («America first !») au cœur de sa politique. Quel impact sur l’Afrique ?
Cela reste à voir, mais le mieux serait peut-être de ne rien attendre. De prendre les devants. Et privilégier «Africa first». De toutes les façons, l’Afrique a été complètement absente de la campagne présidentielle américaine, y compris côté démocrate.
On peut néanmoins anticiper quelques changements à partir des sources disponibles, à savoir le premier mandat de Donald Trump d’une part et, le projet 2025 d’autre part.
Le premier mandat de Trump
Si ‘on remonte à son premier mandat, la stratégie isolationniste du Président Trump l’avait conduit à plaider auprès du Congrès pour la réduction des programmes de développement dont beaucoup sont en Afrique. Seuls Mike Pompeo, son secrétaire d’Etat entre 2018 et 2021, s’est rendu au Sénégal et en Ethiopie, et son épouse Melania au Kenya. En quatre ans à la Maison Blanche, seuls deux chefs d’Etat africains ont été reçus : Muhammadu Buhari du Nigeria et Uhuru Kenyatta du Kenya. Washington n’avait pas non plus accueilli de Sommet Etats-Unis Afrique, quand Vladimir Poutine relançait spectaculairement les sommets Russie-Afrique à Sotchi en 2019.
Toutefois, on se souvient que le Président Trump a reconnu la souveraineté du Maroc sur le territoire du Sahara occidental en 2020, faisant de ce pays du Maghreb un acteur décisif des Accords d’Abraham.
L’Afrique vue sous l’angle de la compétition avec la Chine
Toutefois, l’influence croissante de la Chine en Afrique et le recul des positions américaines en Afrique avaient amené l’Administration Trump à s’inquiéter, expliquant la création d’une nouvelle agence de développement, Development Finance Corporation, mieux dotée financièrement que ses prédécesseurs. Prosper Africa a aussi été lancé avec pour objectif, selon John Bolton, alors conseiller à la Sécurité nationale, qui en avait fait l’annonce fin 2018, de «favoriser les investissements américains, stimuler la classe moyenne africaine et améliorer le climat des affaires dans la région». Que l’annonce ait été faite par le conseiller à la Sécurité nationale démontrait clairement que c’est la concurrence des Etats «prédateurs», Russie et Chine en tête, qui motivait la nouvelle initiative.
Depuis, la Russie a confirmé son statut de premier vendeur d’armes en Afrique et la Chine celui de premier partenaire commercial de l’Afrique, investissant cinq fois plus que les Etats-Unis sur le continent.
La survenue d’évènements majeurs depuis le départ de Trump de la Maison Blanche laisse également à penser que l’Afrique qu’il retrouvera n’est pas celle qu’il avait quittée en 2020. L’impact de la pandémie, la crise énergétique dans la foulée de la guerre en Ukraine, la série de coups d’Etat au Sahel et le retrait forcé de la France, la guerre civile au Soudan, la montée en puissance des pays du Golfe en Afrique, les initiatives sud-africaines dans la guerre à Gaza, comme le renforcement des Brics, ont profondément bouleversé le paysage africain.
Le Projet 2025
De fait, avec un tel contexte, il faut sans doute se tourner vers le Projet 2025 pour tenter d’imaginer comment une politique africaine sous un second mandat Trump pourrait évoluer. Conçu par Heritage, un cercle de réflexion très conservateur de Washington, le Projet 2025, document d’un millier de pages, prévoit de remplacer 4000 fonctionnaires dès l’entrée en fonction de Donald Trump, par des alliés susceptibles de mettre en œuvre rapidement une transformation conservatrice de la société américaine. Bien que, durant la campagne, Donald Trump s’en soit distancé, bon nombre des inspirateurs de ce plan sont des proches, notamment Tom Homan à qui il vient de confier la mise en œuvre de sa politique migratoire.
Dans la courte section du Projet 2025 consacrée à l’Afrique, on trouve l’affirmation de deux principes. D’abord, la volonté de privilégier le commerce plutôt que l’assistance ; ensuite, le refus d’intégrer les «valeurs culturelles», notamment les droits des Lgbtq+ (homosexuels, trans…) dans la politique étrangère américaine. Il est indéniable que ces deux principes resonneront positivement en Afrique.
Le business d’abord ?
Concernant le premier, il est de nature à favoriser une approche transactionnelle. S’il a lieu, le renouvellement de l’accord commercial Usa-Afrique (Agoa) et Dfc en 2025, puis d’Exim Bank en 2026, permettra de donner un aperçu de l’orientation que Donald Trump souhaite donner à sa stratégie commerciale vis-à-vis de l’Afrique. Le sort réservé à certains projets d’ampleur comme le Lobito Corridor - héritage majeur de Joe Biden en Afrique - devra aussi être surveillé, tout comme la réforme des institutions de Bretton Woods dont on ignore si elle va être confirmée par la nouvelle équipe. A cet égard, l’Afrique, qui paie pour un réchauffement climatique dont elle n’est pas responsable, a besoin de financements : il faudra voir comment cet impératif se conjugue avec l’approche climato-sceptique du nouveau pouvoir américain, que d’aucuns soupçonnent de vouloir sortir des engagements de Paris.
Aux côtés de Donald Trump, la présence de Elon Musk, désireux de conquérir les marchés africains, notamment avec Starlink, peut cependant offrir des perspectives nouvelles pour réduire la fracture énergétique. On l’avait aperçu à New York, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies de septembre dernier, rencontrer le Président sud-africain, Cyril Ramaphosa, le président namibien, Nangolo Mbumba, et le Premier ministre du Lesotho, Sam Matekane.
Des gagnants et des perdants ?
Concernant le second, des pays comme l’Ouganda -précédemment exclus de l’Agoa en raison de préoccupations concernant les droits des homosexuels- pourraient retrouver une oreille plus bienveillante de la part des Etats-Unis de Donald Trump.
A l’inverse, des pays comme l’Afrique du Sud, qui entretiennent des relations désormais complexes avec les Etats-Unis, pourraient perdre cet accès. Le Maroc devrait rester un partenaire-clé au regard du grand jeu moyen-oriental qui s’ouvre.
Enfin, ces dernières années, quelques républicains ont déployé des efforts pour la reconnaissance du Somaliland, afin de renforcer l’influence des Etats-Unis sur la très disputée Mer Rouge.
Africa first
Au-delà du président Trump, c’est du côté de son équipe - secrétaire d’Etat, secrétaire en charge du Commerce, secrétaire en charge de l’Afrique, directeur Afrique de la Maison Blanche, dirigeants des agences de développement, nouveaux ambassadeurs dont celui des Nations unies - qu’il faudra regarder : les profils choisis diront beaucoup des intentions du nouveau locataire de la Maison Blanche. De Marco Rubio à Elise Stefanik, les premières désignations laissent entrevoir une diplomatie offensive face à la Chine et l’Iran.
En attendant, de l’Egypte à l’Ethiopie, en passant par le Sénégal et la Côte d’Ivoire, de nombreux présidents africains l’ont félicité pour sa «victoire» et ont espéré, à l’instar de Bola Tinubu au Nigeria, de pouvoir renforcer leur «coopération économique» avec les Etats-Unis. Si les dirigeants du Moyen-Orient ont bien accueilli le retour de Donald Trump, à l’inverse des dirigeants européens inquiets des droits de douane et du sort réservé à l’Ukraine, l’Afrique pourrait se montrer plus attentiste, entre la méconnaissance du fonctionnement de Washington par ses dirigeants et la pression de son opinion de plus en plus afro-souverainiste et plus vocale que jamais. Les nations africaines ont un atout dans leur manche : une centralité retrouvée qui en fait des partenaires très courtisés par le monde entier. L’Afrique a désormais des options. La balle est donc du côté de Washington. Sinon, à l’Amérique d’abord, de nombreux Africains seraient tentés d’opposer «l’Afrique d’abord».
Rama Yade est Directrice Afrique Atlantic Council.
PAR Oumou Wane
OÙ VOULONS-NOUS ALLER ?
EXCLUSIF SENEPLUS - Pourquoi cette brutalité de la campagne ? Pourquoi cette atmosphère de violence, cette remise en cause de l’ordre social ? Serait-ce par absence d’arguments ou de programmes ?
Mais de quoi l’opposition a-t-elle peur dans notre pays pour perpétrer des actes de violence aussi inqualifiables qu’inacceptables ? Peut-être de la rupture majeure qui s’annonce et a déjà imprégné les esprits depuis la dernière élection présidentielle.
Les attaques de la nuit dernière contre des militants du Pastef à Saint-Louis sont terribles et abîment notre démocratie. Le Premier ministre Ousmane Sonko qui est également tête de liste du parti Pastef, a fait état sur ses réseaux sociaux, dans la nuit de lundi à mardi, d’attaques ayant ciblé son camp à Dakar, Saint-Louis, et Koungueul, qu’il impute à des sympathisants de Barthélémy Dias, maire de Dakar et leader d’une coalition concurrente. Choqué visiblement par ces images d’une rare violence, Ousmane Sonko, hors de lui, réclame des sanctions fortes après ces attaques contre ses militants. D’ici-là, il se chargera lui-même de rétablir l’équilibre de la terreur en appelant ses partisans à se rendre devant chez Barthélémy Dias…
Déjà, le convoi du Premier ministre, en campagne pour les élections législatives, avait été attaqué la semaine dernière à Koungheul, dans le centre du pays. Cette agression sur un élu s’inscrit dans un climat de violence exacerbé qui réclame une condamnation unanime de la classe politique.
Alors pourquoi cette brutalité de la campagne ? Pourquoi cette atmosphère de violence, cette remise en cause de l’ordre social ? Serait-ce par absence d’arguments ou de programmes ? Comme le dit très justement Aminata Touré « La violence est l’arme des perdants qui n’ont aucun autre argument à faire valoir ».
Je veux citer aussi Mamadou Diop Decroix, qui dans son article « Pourquoi faut-il voter la liste Pastef ? », met le doigt sur le courage politique d’Ousmane Sonko, en nous rappelant que « pour la première fois depuis 1960, un parti au pouvoir va à une campagne électorale en s’interdisant l’utilisation des moyens de l’État ».
C’est cela aussi le prix de la rupture ou le piège de la rupture théorisé par Mame Birame Wathie ? Quoi qu’il en soit, depuis très longtemps les enjeux d'une élection n'avaient pas été aussi importants au Sénégal. Quasi historiques !
Et c’est bien cela qui souffle un vent d’espoir dans la population et un vent de panique dans l’opposition. On ne peut jamais prédire à l’avance les résultats d’une élection mais l’on devine bien ici que la victoire est déjà acquise pour le parti au pouvoir. La victoire et avec elle le changement de société et de gouvernance, la rupture tant attendue par la majorité et si redoutée par ses détracteurs.
Souvenons-nous, le 12 septembre dernier à 20 heures, dans une allocution à la télévision nationale, notre nouveau président Bassirou Diomaye Faye annonçait dans une allocution : « Je dissous l’Assemblée nationale pour demander au peuple souverain les moyens institutionnels qui me permettront de donner corps à la transformation systémique que je leur ai promise ».
Rien de bien surprenant donc à ce que le président Bassirou Diomaye Faye, élu en mars, ait annoncé la tenue d’élections législatives anticipées le 17 novembre prochain. Le Parlement actuel restant jusqu’ici dominé par les fidèles de l’ancien président Macky Sall.
Les candidats de 41 listes de coalitions et partis politiques ont jusqu’à dimanche pour convaincre les électeurs : 165 sièges au Parlement sont en jeu pour des législatives cruciales pour le parti au pouvoir, le Pastef. Pour le camp présidentiel, après sa victoire haut la main à la présidentielle avec 54% des voix, le principal enjeu des législatives est de décrocher 99 députés sur les 165 pour pouvoir avoir la majorité qui permettrait la mise en place de la haute cour de justice. C’est peut-être là la source du désespoir et des angoisses qui provoque toute cette violence.
Aujourd’hui, le programme économique des nouvelles autorités, baptisé « Sénégal 2050 », multiplie les objectifs chiffrés, dont une croissance soutenue pour les prochaines années.
Alors, Macky Sall, depuis son bastion retranché, peut bien critiquer le duo Diomaye-Sonko en pointant du doigt son immaturité dans une missive au peuple sénégalais. Même si la rupture ne fait pas une politique ! C’est sans compter sur le renouveau et le brio de l’offre du Pastef et du programme de notre président et de son premier ministre, pour « faire du Sénégal, un pays souverain, prospère et juste ».
Oumou Wane est présidente de Citizen Média Group-africa7
PAR Aoua Bocar LY-Tall
HOMMAGE À CHEIKH IBRAHIMA NIANG
EXCLUSIF SENEPLUS - Héritier spirituel de Cheikh Anta Diop, il a consacré sa vie à la recherche et à l'enseignement, tout en gardant une humilité exemplaire. J’ai eu le privilège de le connaître et le don de Dieu de faire partie de ses proches et ami-e-s
Un éminent Cheikh Anta'iste, Professeur Cheikh Ibrahima Niang a pris son envol pour l'éternité en ce 9 novembre 2024.
Connaître certaines personnes est un privilège.
Faire partie de leurs ami-e-s, de leurs proches est un don de Dieu (mayyu Yallah ou Dokke Allaah). Al hamdoulilahi ! Ce fut mon cas avec Cheikh Niang (comme l'appelaient les ami-e-s). J’ai eu le privilège de le connaître et le don de Dieu de faire partie de ses proches et ami-e-s. Quand affichant un large sourire, les yeux pétillants d’affection, Cheikh me disait : ‟HAoua”, appuyant sur le H, j'avais l'impression qu'il chantait mon nom. En fait, comme à l'égard de beaucoup de gens pour ne pas dire de tout un chacun, il transmettait ainsi sa bonté.
C'est dire que Cheikh Ibrahima Niang fut un frère, un grand ami, un camarade de classe et un compagnon de lutte politique dans le RND. Nous avons étudié ensemble au Département de Philosophie de l’Université Cheikh Anta Diop (Ch.A.D), puis, à l'Institut des Sciences de l'Environnement (ISE) créé par la Belgique au Sénégal et basé à la Faculté des Sciences de l’Université Ch.A.D.
Cheikh Niang et moi avions tellement évoqué le nom de Cheikh Anta Diop dans nos cours que tout le corps professoral de l'ISE décida de nous suivre pour aller le rencontrer. Il nous fit une présentation détaillée du Laboratoire Carbone 14. Tout un cours multidisciplinaire !
Les professeurs belges furent épatés par l’étendue de son savoir et aussi, étonnés de découvrir un scientifique de sa stature tout prêt de leur Institut sans avoir jamais avoir entendu parler de lui. Quand nous sortîmes de l’ISE, l'un d'eux me serra dans ses bras en me disant : "Merci Aoua et toi aussi Cheikh de nous avoir fait découvrir ce savant hors pair. Nous n'aurions jamais pu imaginer son existence au Sénégal et celui d’un Laboratoire Carbone 14."
Cheikh Niang fut un militant engagé du Mouvement étudiant au Rassemblement National (RND), parti fondé par le Professeur Cheikh Anta Diop en 1976. C’est un éminent Cheikh Anta'iste.
Même s'il n'avait pas pu y assister pour des raisons de santé, il avait donné son accord pour participer au Symposium de la célébration citoyenne du CENTENAIRE de Cheikh Anta Diop.
Il était membre du Comité scientifique. Aussi, il était prêt à produire un texte pour les Actes du Symposium. Dieu en a décidé autrement, mais l'intention vaut l'action.
Cheikh Niang était un homme pétri de valeurs humaines (humilité, bonté, gentillesse, générosité, etc.). D'une subtile gentillesse et d'une grande générosité matérielle et scientifique, à l'image de notre maître à penser, Cheikh Anta Diop, Cheikh Ibrahima Niang, c'était "l'Humilité dans la Grandeur". Malgré sa simplicité, il imposait la respectabilité.
Il fascinait aussi par son savoir et par sa capacité de le transmettre. Socio-anthropologue, il fut un brillant intellectuel, un enseignant-chercheur hors pair. Par ses recherches et leur diffusion, il a entre autres contribué à la compréhension des impacts sociaux et culturels de l’épidémie du VIH/SIDA et de la pandémie de la Covid-19 ainsi que de leur prévention en Afrique surtout de l’Ouest. Il fut aussi un expert conseil pour des organisations internationales telles l’OMS, l’ONU SIDA, la Banque mondiale, le PNUD et le BIT.
En ce 9 novembre 2024, de Dakar Cheikh a pris le chemin de retour à son Kolda natal sur la terre du Fouladou qu’il a tant aimée. Il rejoint ainsi au sein du ventre de la Terre-Mère sa mère Seynabou Carvalho et son père Cheikh Sidiya Niang, des parents qui ont fait de lui un homme ouvert aux autres, un Sénégalais de marque plurielle. C'est certainement celle-ci qui l'a fait passer de la philosophie à l'environnement, science par essence multidisciplinaire.
Cheikh Niang laisse en deuil sa famille, surtout sa sœur, Fatou, le monde scientifique et universitaire, ses étudiant-e-s ainsi que ses camarades du Mouvement étudiant et du RND.
Sa mémoire restera gravée dans le cœur de tous ceux qui l’ont connu ou rencontré simplement.
SVP, priez pour Cheikh Ibrahima Niang afin que sa belle Âme repose éternellement en paix.
De ta sœur, amie et camarade de toujours,
Dre Aoua Bocar LY-Tall, Sociologue/Environnementaliste.
par l'éditorialiste de seneplus, Amadou Elimane Kane
L'IMAGINAIRE EST L’ARCHITECTURE TISSEE DE NOTRE RECIT
EXCLUSIF SENEPLUS - Dans le contexte africain, l'imaginaire se révèle être plus qu'un refuge. C'est un outil de résistance et de reconstruction identitaire. Cette force vitale ancrée dans des traditions séculaires ouvre la voie à la renaissance
Amadou Elimane Kane de SenePlus |
Publication 11/11/2024
Si l’on considère la définition du mot imaginaire, celui-ci a évidemment plusieurs sens. En tant qu’adjectif, c’est ce qui est créé par l’imagination et qui n’a d’existence que dans l’imagination. Mais en tant que substantif, c’est une œuvre, un domaine ou un monde de l’imagination.
Si l’on va un peu plus loin car la notion d’imaginaire embrasse plusieurs champs disciplinaires. Dans le domaine philosophique et selon la théorie de Jean-Paul Sartre, c’est le domaine de l’imagination, posé comme intentionnalité de la conscience : Nous sommes à même, à présent, de comprendre le sens et la valeur de l'imaginaire. Tout imaginaire paraît « sur fond de monde », mais réciproquement toute appréhension du réel comme monde implique un dépassement caché vers l'imaginaire.
Dans le domaine de la psychanalyse et selon Lacan, c’est un registre essentiel (avec le réel et le symbolique) du champ psychanalytique, caractérisé par la prévalence de la relation à l’image du semblable.[1]
L’historien roumain Lucian Boia, quant à lui, retient huit structures archétypales qui sont autant de constantes des cultures : 1/ la conscience d’une réalité transcendante, qui recoupe le sacré ; 2/ le double, la mort et l’au-delà ; 3/ l’altérité, ouvrant sur l’animal et le divin ; 4/ la quête de l’unité (androgyne) ; 5/ l’actualisation des origines ; 6/ le déchiffrement de l’avenir ; 7/ l’évasion hors de la condition humaine (âge d’or, utopies) ; 8/ la lutte et la complémentarité des contraires.[2]
Ainsi, on voit bien que le caractère de l’imaginaire est multiple et façonné par plusieurs symboliques nécessaires à la condition humaine d’une communauté spécifique.
Dans le domaine de la littérature, l’imaginaire est au premier plan de l'œuvre créatrice car il s’appuie sur un ensemble articulé autour de l’histoire, des croyances, des mythes, des valeurs et des images d’un peuple ou d’une culture.
Ainsi, on peut se demander comment l’imaginaire s’articule au récit que nous bâtissons ? Car, selon moi, l’imaginaire est au cœur de notre narration collective. L’imaginaire est une construction culturelle qui s’associe à l'identité profonde, tout en se métamorphosant aux conjonctures du temps. Quand cette société, en communion unitaire, est constituée solidement, par l’histoire, par l’éducation, par la langue, par le social et par le culturel, elle demeure libre. Ainsi l’imaginaire, sûr de lui-même, peut voguer sur toutes les mers qui s'offrent au regard, il peut résister, s’échapper parfois, il peut même se soustraire pour vivre d’autres horizons, mais toujours pour mieux revenir sur les terres fondatrices. L’imaginaire, quand il est stable, peut être pluriel car il se construit avec d’autres empreintes culturelles qui viennent s'incruster et forment un diamant pur. Pourtant, celui-ci n’est ni figé ni travestissement et il est en quête d’unité tout en convoitant le singulier.
Toutefois, l’idéologie peut parfois cultiver les imaginaires, les détourner de leur essence première et les éloigner de la réalité des symboles constitutifs d’une culture. C’est souvent le cas des territoires colonisés par une civilisation extérieure. Dans le même temps, les racines identitaires sont des alliées puissantes pour résister à l’écrasement et à l’asservissement. C’est par l’imaginaire culturel que le cerveau et le corps se défendent. C’est par l’imaginaire et la connaissance de soi que la continuité culturelle s’organise et s’affirme.
Pour parler du récit africain, notre imaginaire culturel n’est pas né avec l’esclavage et la colonisation, loin de là. Il est bien antérieur et enraciné dans notre histoire, dans nos paysages, dans nos rites, dans notre culture, dans la cosmogonie et dans les rondes sociales que nous formons. Notre histoire et nos imaginaires sont multiformes et ils nous appartiennent amplement à la fois dans les fondations du sacré et l’ouverture d’un nouveau monde, autrement dit d’une renaissance.
Une terre africaine épanouie, abondante et concordante n’est pas une utopie. Elle est seulement le fruit d’un assemblage unitaire autour de nos valeurs, de notre culture féconde, de notre histoire réhabilitée, de la défense de notre patrimoine ancestral, de nos langues revitalisées par la transmission, d’une conduite politique citoyenne et responsable, en harmonie avec nos désirs d’avenir. C’est l’architecture de nos récits et de notre imaginaire que nous devons, ensemble, défendre pour faire vivre tous les soleils de nos libertés et voir fleurir tous les flamboyants de notre renaissance.
Amadou Elimane Kane est enseignant, poète écrivain et chercheur en sciences cognitives.
En moins de 24 heures, des dizaines de milliers d'Américains ont cherché comment quitter leur pays. Le Canada, l'Australie et la Nouvelle-Zélande sont les destinations privilégiées par ceux en quête d'exil afin d'échapper à la gouvernance du Républicain
(SenePlus) - La perspective d'un second mandat de Donald Trump semble provoquer une onde de choc chez de nombreux Américains, comme en témoignent les données de Google analysées par Reuters. Dans les 24 heures suivant la fermeture des bureaux de vote sur la côte Est, les recherches pour "déménager au Canada" ont bondi de 1.270%, tandis que celles concernant la Nouvelle-Zélande et l'Australie ont grimpé respectivement de 2.000% et 820%.
Le phénomène prend une ampleur inédite : le site de l'Immigration néo-zélandaise a enregistré 25.000 connexions d'utilisateurs américains le 7 novembre, contre seulement 1.500 à la même date l'année précédente.
Les professionnels de l'immigration sont submergés de demandes. "Nous recevons une nouvelle demande par email toutes les demi-heures", confie à Reuters Evan Green, associé gérant du plus ancien cabinet d'avocats spécialisé en immigration du Canada, Green and Spiegel.
Cette vague rappelle celle observée après la victoire de Trump en 2016, mais le contexte apparaît plus tendu. Selon les sondages de sortie des urnes d'Edison Research, près des trois quarts des électeurs américains estiment que la démocratie américaine est menacée.
"Trump est évidemment le déclencheur, mais c'est aussi sociétal", analyse Evan Green. "La majorité des Américains a voté pour lui et certaines personnes ne se sentent plus à l'aise de vivre dans ce type de société. Les gens ont peur de perdre leurs libertés."
Sur Reddit, le groupe "r/AmerExit" devient un forum d'échange actif où les Américains partagent conseils et destinations potentielles. Cependant, comme le souligne Heather Bell, consultante en immigration au cabinet vancouvérois Bell Alliance, peu de ces projets se concrétisent : "Immigrer au Canada n'est pas facile, particulièrement maintenant que le gouvernement réduit le nombre de migrants temporaires et permanents."
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SIX ÉGALITÉS POUR UN SÉNÉGAL
Vu Égal-e Vu Égalité propose une transformation radicale de la société : de la nationalisation des secteurs stratégiques à la révolution écologique, du rééquilibrage régional à l'égalité hommes-femmes, dans une perspective progressiste et panafricaine
SEEN ÉGAL-E SEEN ÉGALITÉ Projet de société de la PPP - Plateforme Progressiste Panafricaine Section Sénégal
Législatives 2024 : Infléchir les décisions vers le progrès social panafricain
See égal-e Seen égalité et sa plateforme progressiste panafricaine, demeure fidèle à sa position initiale lors des présidentielles. Nous l'avions offerte aux partis, coalitions de gauche et à toutes les bonnes volontés progressistes qui pourraient se l'approprier ou infléchir leurs programmes ou conception. Ainsi, 7 partis dont 6 candidats à la présidentielle avaient endossé sa plateforme et s'étaient engagés à s'en inspirer pour leur programme.
Seen Égal-e Seen Égalité ne présentera pas de liste aux législatives mais, soucieux de l'intérêt général et de rompre avec l'ère néo-coloniale, recommande à toutes et tous nos compatriotes de consulter son projet de société et de réclamer ces options aux 41 coalitions et aux candidat-es à la députation. Nous enjoignons les sénégalaises et sénégalais de s'en inspirer pour l'avènement d'une troisième république et un développement autocentré progressiste panafricain, écologiste et féministe.
Seen Égal-e Seen Égalité escompte la reviviscence de l'espoir révolutionnaire, encore fort ou diffus dans plusieurs tranches de notre population. Cette convergence fait aussi écho aux espérances de nos masses défavorisées, de voir résolues leurs aspirations essentielles et fondamentales et l'avènement d'une ère harmonieuse et prospère.
Le projet Seen Égal-e, Seen Égalité, pour rompre avec les structures néocoloniales, prône une assemblée constituante pour l'avènement d'une troisième république. Cette assemblée est le moyen le plus démocratique de transformation de notre société pour affronter les défis du 21e siècle et surmonter nos dysfonctionnements et déséquilibres institutionnels. Seenegal-e endosse les fondements institutionnels des Assises nationales du Sénégal, et la Charte de Gouvernance Démocratique. Cependant une nouvelle constitution améliorerait celle de 2001, et sera davantage en phase avec les aspirations populaires en intégrant, entre autres, le droit à l'eau, les droits économiques, sociaux et culturels et des modes de régulations traditionnels pour le vivre ensemble et contre le despotisme.
Cette assemblée constituante accélérera l'unification politique panafricaine, mettra fin à l'hyperprésidentialisme et permettra l'avènement d'une démocratie parlementaire résolument africaine, avec une séparation patente des pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif républicains. Le parlement ne doit être constitué que de député-es, sans cumul d'autres fonctions. 10 % des député-es peuvent même être issue-es d'un tirage au sort national. Quiconque, dès sa majorité, devrait pouvoir être conseiller-e municipal-e ou député-e et apprendre le décorum de l'Assemblée. Nous pourrions y introduire des mécanismes délibératifs et décisionnels et diverses catégories juridiques issus de nos traditions et coutumes, tout en sauvegardant le caractère laïc de la République. Il faudrait aussi amender la loi organique de 1992, qui énonce les compétences du Conseil constitutionnel, et s'assurer que l'indépendance de ses membres relève exclusivement de prérogatives hors de l'exécutif qui ne pourra nullement s'immiscer dans leur désignation et leurs décisions.
Cette gouvernementalité originale doit garantir la séparation des pouvoirs et la protection des droits et libertés des citoyen-nes. Ce mode de gouvernement est au service d'un développement national et populaire de rupture avec le dispositif néo-colonial. Il nous faudra rompre aussi avec l'adoption aveugle du principe de compétition électorale capitaliste qui impose un consensus tronqué, excluant l'imaginaire d'une autre société, fondée sur l'altruisme, l'égalité et la solidarité.
Soyons conscient-es, lucides et responsables face aux promesses incantatoires. Poursuivons la transition de rupture, en revendiquant les enjeux fondamentaux d'égalité contenus dans notre option. Ils sont préalables à tout changement qualitatif de notre développement durable.
Notre projet de société repositionnera notre pays dans une Afrique plus souveraine et contribuera audacieusement à son unité.
À DAKAR, LE VÉLO S'IMPOSE MALGRÉ LE CHAOS URBAIN
Malgré la pollution et le danger, les cyclistes gagnent du terrain dans la capitale sénégalaise. Mais le manque d'infrastructures et l'indiscipline routière freinent encore cet élan vers une mobilité plus durable
(SenePlus) - À 58 ans, le docteur Philip Moreira brave quotidiennement les embouteillages et le smog de Dakar sur son vélo électrique pour se rendre à l'hôpital. "Entre les voitures qui vous coupent la route et celles qui klaxonnent sans relâche, ça peut être très difficile", confie-t-il à Reuters, évoquant une récente frayeur avec un bus.
Cette détermination illustre l'émergence d'une nouvelle culture cycliste dans la capitale sénégalaise, rapporte l'agence de presse. Le club "Vélo Passion" de Moreira a vu ses adhésions doubler en cinq ans, dépassant aujourd'hui les 500 membres.
Pourtant, selon Reuters, la majorité des cyclistes dakarois ne s'aventurent dans les rues que le week-end, quand la circulation est plus fluide, craignant le manque d'infrastructures et la conduite imprudente.
Alors que les dirigeants africains réclament plus de financements pour le climat avant la COP29, les militants sénégalais voient dans le vélo une solution économique pour atteindre les objectifs d'émissions. "On ne pourra peut-être pas convaincre les gens habitués à la climatisation de leurs SUV", déclare à Reuters le militant Baye Cheikh Sow, "mais on peut cibler la nouvelle génération."
L'agence Reuters souligne qu'un rapport 2022 du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) place l'Afrique en tête de la mobilité douce mondiale, avec 56 minutes de marche et de vélo par personne et par jour, contre une moyenne mondiale de 43,9 minutes.
Face à cette demande croissante, l'agence de transport urbain de Dakar (CETUD) projette la construction d'un réseau de 175 kilomètres de pistes cyclables d'ici 2035. Mais Reuters note que l'ouverture du premier tronçon de 12 kilomètres accumule les retards, alimentant le scepticisme de la communauté cycliste.
Le CETUD a reconnu par email à Reuters l'insuffisance des infrastructures actuelles et l'absence de politique gouvernementale encourageant le vélo urbain. Une situation qui freine des cyclistes comme Guisse Mohammed, pharmacien de 39 ans : "J'ai pensé à acheter un vélo de ville", confie-t-il à Reuters. "Avoir plus de pistes cyclables pourrait être une motivation."
CHANGEMENT SYSTÉMIQUE ET ÉMIGRATION
Empêcher les jeunes de voyager ne devrait pas être une priorité de développement pour le Sénégal. Il faudrait l'encourager jusqu'à ce l'on puisse créer les conditions favorables pour que les jeunes puissent vivre et travailler dans la dignité chez eux
Le changement systémique n'est pas la continuation du présent ni la prolongation du passé. Le changement systémique implique une transformation profonde des manières de penser, des attitudes et des comportements. Dans ce cadre il est du devoir des intellectuels Sénégalais et Africains de repenser la question de l'émigration. Je vous dis d'emblée que l'émigration des jeunes vers l'Europe ou l'Amérique n'est pas le problème des États africains.
Empêcher les jeunes de voyager ne devrait pas être une priorité de développement pour le Sénégal. Au contraire, il faudrait l'encourager jusqu'à ce l'on puisse créer les conditions favorables pour que les jeunes puissent vivre et travailler dans la dignité dans leur propre pays. Leur demander de rester dans un pays sans emplois décents et sans revenus est une façon de les asphyxier.
Je suis pour l'émigration des jeunes à la recherche de meilleures conditions de vie. Si nous interrogeons l'histoire, les européens et les américains sont venus dans nos pays à la recherche de nouvelles richesses qu'ils ont trouvées, exploitées et continuent de le faire. Ils étaient venus avec des armes pour s'imposer. Si les Européens et les américains veulent se barricader, c'est leur problème et pas le nôtre. Nos enfants veulent seulement circuler librement et découvrir d'autres territoires du monde. N'est-ce pas noble ? Ils veulent jouir de leur dignité et de leurs droits humains.
Nos États devraient plutôt travailler avec les États Européens et Américains pour qu'ils cessent de faire chavirer les pirogues des jeunes provenant de nos pays. Ou alors lorsque les pirogues chavirent, que les secours soient rapides et efficaces. Il semble que les marines européennes peuvent créer des vagues pour décourager la traversée avec comme conséquences dramatiques le chavirement des pirogues et les nombreuses morts. Le Frontex est une réponse policière pour empêcher les jeunes de partir. Au lieu de cela il faudrait utiliser l'argent du Frontex pour délocaliser des usines et des technologies pouvant employer les jeunes sur place avec les mêmes avantages.
Avec 12,8 milliards d'euros de budget, le Frontex passe son temps à armer nos marines pour retenir nos jeunes dans la précarité. Comme dans tous les autres domaines de coopération, les européens décaissent de l'argent pour acheter des biens que seules leurs entreprises peuvent fabriquer. Les armes et encore les armes. L'argent reste donc chez eux, nous en avons quelques miettes qui paient la solde des agents de sécurité pour violenter nos propres jeunes. Cet argent est énorme et pourrait servir à la construction d'usines et aux transferts de technologies. Les jeunes resteront s'ils trouvent leur intérêt à rester et non si on les force. C'est cela qui serait une transformation systémique.
Continuer à interdire les jeunes de voyager est un non-sens sans issue car ils continueront de partir. Les chinois encouragent leurs jeunes à émigrer en leur soutenant. Les Allemands font de même en créant des fonds pour que leurs jeunes puissent entreprendre dans les pays en voie de développement. Pour réduire la pression liée à la démographie, au chômage, beaucoup de pays européens encouragent leurs gens à partir. Pourquoi devons-nous continuer à empêcher nos jeunes de tenter leurs chances ailleurs ?
Chers jeunes désirant émigrer, partez mais ne mourrez pas dans la mer. Si vous voyagez dans des conditions quasi certaines que vous allez mourir avant d'arriver à votre destination, alors vous aurez raté votre trajectoire de vie et votre ambition. Préparez-vous mieux sérieusement et ne partez pas à l'emporte-pièce. Aux piroguiers et capitaines, assurez-vous que vos embarcations sont solides et capables d'arriver à destination. Vous devez aussi être plus responsables et plus méticuleux dans la préparation des voyages.
Vous transportez des êtres humains qui représentent l'espoir de toute une communauté. Vous-mêmes, capitaines, vous avez un savoir-faire acquis sur de nombreuses années de durs labeurs. Préservez votre savoir-faire et vos vies. Encore une fois l'émigration n'est pas notre problème. C'est le problème de ceux qui veulent s'enfermer. Pourquoi devons-nous continuer à penser exactement comme le veulent les Européens et les Américains ?
Nous devons faire notre propre analyse des situations présentes et à venir, conceptualiser nos propres approches, les défendre et les mettre en œuvre sans complexe. L'émigration vers des territoires plus développés est bien pour nos jeunes et pour notre économie. Les montants annuels des transferts d'argents de nos expatriés sont supérieurs aux montants de l'aide au développement. Si toutes les frontières du monde étaient ouvertes comme Dieu l'a dessiné et voulu, les êtres humains seraient plus heureux, plus libres et plus épanouis. Eh oui Dieu a créé le monde ouvert sans barrières ni frontières.
Petit Gueye est auteur, consultant et coach de leadership transformationnel, ancien maire de Sokone.
PAR Boubacar Boris Diop
DE POUSSIÈRE ET D'ÉTERNITÉ : POUR OUZIN ET CHACUN
EXCLUSIF SENEPLUS - Nés à quelques maisons d'écart, Babacar Mbow et Ousseynou Bèye ont partagé bien plus qu'une enfance. De leur bibliothèque de quartier aux luttes politiques, ils ont tracé un profond sillon dans la conscience nationale
Ceux qui ont connu séparément ces deux êtres d'exception pourraient s'étonner de les voir associés dans un seul et même hommage. Rien n'est pourtant plus naturel car "Chacun" et "Ouzin", nés à quelques maisons l'un de l'autre, ont été façonnés dans le même moule. Et ce moule, c'est tout simplement notre enfance médinoise placée sous le signe d'une saine insolence et d'une curiosité intellectuelle précoce. Il est dès lors aisé de comprendre pourquoi je conçois avant tout cet exercice - dont l'impérieuse nécessité n'a jamais fait l'ombre d'un doute dans mon esprit - comme un amical devoir de mémoire.
C'est avec émotion que l'espace culturel "Kër Maam Sàmba" de Ngor a accueilli le 18 octobre 2024 une cérémonie du souvenir dédiée à Serigne Babacar Mbow. Le choix a été ainsi fait de marquer non pas l'anniversaire de sa disparition mais plutôt celui de sa naissance et l'événement a été un hymne à une vie où l'action a constamment été, pour parler comme le poète, "la sœur du rêve". Pape Samba Kane avait du reste donné le ton en rappelant dans un bel article les années libertaires de "Chacun", celles où, cheminant avec nonchalance parmi les gars de la marge, il s'était soudain mis à prendre plus au sérieux la solidarité avec les déclassés que la lutte des classes qui l'avait pourtant hanté pendant les décennies précédentes. En cette fin de journée à "Kër Maam Sàmba" il a certes été question du bâtisseur de Mbàkke-Kajoor mais aussi, bien évidemment, de celui que j'appelle "Ponkalum Ndeem-Maysa" dans Doomi Golo, autrement dit le géant de Ndem-Meissa, également glorifié par Seydina Insa Wade qui lui fut très proche. Et comme bien souvent, la phrase si inspirée de Mao Wane a été reprise en écho : "Nous avons tous fait un seul et même rêve et "Chacun" a réalisé ce rêve."
Le très turbulent camarade Mao ne croyait pas si bien dire et je m'en vais expliquer ce que j'entends par là.
Autour de leur seizième année, des gamins de la rue 5 X Blaise Diagne et environs sont tombés amoureux d'un coin de terre dans un village de la Petite-Côte dénommé Samgedj - orthographe hélas non garantie - au point de vouloir faire de ces quelques hectares en friche une somptueuse latifundia. Pendant des nuits et des journées entières notre imagination quelque peu déréglée a fait s'élancer vers les cieux des milliers de plants d'orangers, de manguiers et même d'arbres fruitiers exotiques et nous avons discuté tout feu tout flamme de la meilleure manière de prendre soin de notre chimérique bétail et de rentabiliser la volaille qui ne l'était pas moins. C'était complètement fou car autant que je me souvienne nous ne nous sommes rendus sur place que deux fois. Qui étaient donc ces adolescents pas vraiment tranquilles ? Ouzin et son jumeau Assane alias "Grand Laze" étaient de l'aventure, de même que "Ben" Diogaye Bèye ou le regretté Makhtar Mbaye-Doyen ; votre humble serviteur était lui aussi dans le coup tout comme, bien entendu, "Chacun" ainsi que le plus sauvage anarchiste jamais enfanté par la Medinaa, feu Assane Preira Bèye qui avait d'ailleurs trouvé un nom assez conquérant pour notre juvénile utopie : "Ëllëg Samgedj !". Dans cette affaire, c'est Preira qui avait été à la manœuvre du début à la fin tandis que, chose intéressante, le futur Maître de Ndem restait plutôt en retrait. On peut même se demander si Babacar Mbow y a seulement repensé au moment où Sokhna Aïssa et lui faisaient d'un somnolent village du Bawol un formidable lieu de vie et d'initiatives sociales aussi originales les unes que les autres. C'est que le bien curieux épisode de Samgedj est probablement sorti de toutes les mémoires et il ne m'est revenu à l'esprit que ces jours-ci, lorsque ces adieux à deux amis très chers m'ont obligé à me replonger dans mes plus lointains souvenirs. Mais, même évanescent, ce moment reste capital en ce qu'il permet de mieux comprendre les fantastiques réalisations ultérieures du disciple de Cheikh Ibra Fall de même que le parcours militant exemplaire d'Ouzin.
Et nous n'en étions pas à une extravagance près : à une époque où la mode était aux "Assoc's" et où l'on ne pouvait presque draguer aucune fille si on ne se faisait pas appeler Bebel, Johnny ou Elvis, nous avons créé, bien avant les actuelles ASC, le "Culture et Loisirs Club". Les deux principaux animateurs du CLC étaient déjà "Chacun" et Ouzin. On aura peut-être du mal à le croire mais ce club d'enfants éditait un journal culturel - ronéoté, cela va de soi - qui affichait sur la couverture de chaque numéro la même phrase de David Diop, qui sonnait déjà comme le cri de ralliement de prétentieux artistes en herbe : "La littérature est l'expression d'une réalité en mouvement, elle part de la réalité, la capte, saisit ce qui n’est que bourgeon et l'aide à mûrir." On devinera sans peine pourquoi ce magazine s'appelait "Le bourgeon"... Peut-être s'en trouve-t-il encore deux ou trois exemplaires dans les archives de l'IFAN où, sérieux comme ce n'était pas permis, nous allions parfois le déposer.
Le CLC avait également monté une bibliothèque au domicile des Bèye et les samedis après-midi nous y organisions dans la cour des séances de lecture collective à haute voix. Nous choisissions de préférence de courts récits comme L'étranger de Camus ou Sous l'orage de Seydou Badian Kouyaté afin de nous réserver le temps d'en discuter un peu avant de clore la session. Je me souviens que La métamorphose de Kafka nous avait vivement impressionnés et que Tchen, le héros de La condition humaine fascinait tout particulièrement Ouzin. Je ne serai nullement surpris de l'entendre des années plus tard reprendre au détour d'une discussion philosophique la phrase que Malraux met dans la bouche de son jeune révolutionnaire tourmenté et impatient que l'on a d'ailleurs dit inspiré par Chou-En-Laï : "Heureusement, on peut agir..." Sacré camarade Ouzin ! Je peux témoigner que jusqu'aux dernières heures de ta vie, le 21 juillet 2024, tu ne t'es jamais réveillé un seul matin sans te demander ce que tu pourrais bien faire ce jour-là pour aider les personnes de ton entourage ou rendre meilleure la société sénégalaise.
Notre bibliothèque était cependant bien pauvre comparée à celle de la "Maison des Jeunes et de la Culture" - sise alors à l'actuel emplacement de la mosquée omarienne. Nous y avions pratiquement élu domicile. Ravis de notre assiduité, Médoune Diop, son directeur, membre actif de l'UPS que nous traitions de réactionnaire sans savoir exactement ce que cela voulait dire, nous avait autorisés à y monter un ciné-club. Si j'ai bonne mémoire, Et la neige n'était plus d'Ababacar Samb Makharam et Hiroshima, mon amour d'Alain Resnais furent les deux films les plus fréquemment mis en discussion lors de ces soirées ouvertes au public. C'est là que nous avons vu le maladroit Sarzan de Momar Thiam - d'après le conte éponyme de Birago Diop - et À bout de souffle de Godard. C'était quelque chose, sa séquence finale, cette fuite éperdue, apparemment vers nulle part, de Belmondo... Tant de romans et de films, objets de nos vives querelles, ont en grande partie contribué à faire de Ben Diogaye Bèye un cinéaste, de Serigne Babacar Mbow un essayiste et de moi-même un romancier.
C'était la grande époque du PAI clandestin et le fait que des gamins d'un quartier populaire aussi emblématique que la Medina aient un tel penchant pour les débats d'idées ne pouvait pas échapper à l'attention de ses chasseurs de têtes. C'était d'autant plus évident que Magatte Thiam, une des éminentes figures de ce parti marxiste-léniniste, était apparenté à la famille Bèye tout comme d'ailleurs un autre de ses camarades, le futur avocat Charles Guissé. Ils venaient nous initier patiemment aux splendeurs du matérialisme dialectique et dans la foulée un cercle de discussion plus politique et social que littéraire fut mis en place. En plus des visites régulières de Magatte Thiam et Charles Guissé, nous y reçûmes plusieurs fois un aîné comme Amady Ali Dieng et en une occasion au moins un certain Abdoulaye Wade. Aucun de nous n'a jamais milité au PAI mais c'est bien cette formation politique qui a envoyé notre ami Assane Preira, jeune scientifique surdoué, faire ses études d'ingénieur dans la petite ville de Lauchhammer en Allemagne communiste. Il lui avait fallu transiter par le Mali de Modibo Keita et je me souviens comme si c'était hier de nos adieux sur le quai de la gare de Dakar, une scène que j'ai du reste fidèlement rapportée dans Le Temps de Tamango.
Il est normal avec un tel départ dans la vie de se retrouver très vite pris dans le tourbillon de la politique et s'il est un moment de notre jeunesse où les destinées de "Chacun" et Ouzin se sont confondues au point de n'en faire qu'une, c'est bien celui-là. Tous deux ne croyaient qu'en l'action directe et n'ont jamais hésité à pousser ce désir de résultat concret et immédiat jusqu'à ses conséquences extrêmes. Le temps viendra où les énormes risques pris par Babacar Mbow pourront être racontés et - il est bon de le savoir - le frêle Ouzin a tenu tête des jours durant à des tortionnaires bien décidés à le faire passer à table. Ce qui différenciait ces deux-là, c'est que "Chacun" y allait toujours avec le cœur et une secrète conviction de la vanité de l'existence humaine alors que le "camarade Ouzin" était un pur cérébral, raisonneur en diable. Peu bavard mais trop humain pour être hautain, n'élevant jamais la voix, il n'en était pas moins animé en toutes circonstances par une viscérale envie de convaincre. Sa façon d'analyser avec une froide rigueur les phénomènes sociaux et les événements politiques, d'anticiper les probables contre-arguments de son interlocuteur pour les anéantir l'un après l'autre, forçait l'écoute de tous et sa capacité à emporter l'adhésion des uns et des autres en faisait rapidement un leader naturel dans les nombreux groupes dont il était toujours l'un des membres les plus déterminés. Lui et moi n'avons pas toujours été d'accord sur tout - loin s'en fallait - mais jusqu'à la fin j'ai accepté sans le moindre problème son autorité intellectuelle. Bien des fois il m'a dissuadé d'exprimer publiquement mes vues pas vraiment consensuelles sur tel ou tel sujet et a posteriori ses conseils, que j'ai toujours suivis sans rechigner, se sont avérés salvateurs. Merci, Maître, d'avoir si souvent su me retenir au moment où j'allais lâcher de grosses conneries. De n'être plus en mesure de me bagarrer avec toi sur telle ou telle question nationale m'amène parfois à douter, le temps d'un éclair, de la réalité de ta disparition. Cela cause une petite souffrance, fugace mais vive, qui donne presque envie de sourire de la bonne blague que pourrait bien être, à la fin des fins, notre présence sur cette terre.
Au milieu des années soixante, chaque fois qu'il y avait des troubles à l'université de Dakar, des réunions supposées clandestines se tenaient dans la vaste concession des Bèye dont une entrée donnait sur la rue 3 et l'autre sur la rue 5. J'ai le très net souvenir d'Abdoulaye Bathily, leader estudiantin en vue de l'époque, venant présider l'une d'elles. Les relations entre Ouzin et Bathily se sont prolongées bien au-delà de cette période, dans le feu des luttes syndicales, et l'ancien Secrétaire général de la LD a été l'un des premiers à m'appeler le matin même de la disparition d'Ouzin. Notre ami commun René Lake venait de l'informer de mes liens particuliers avec le défunt et il avait réussi par mon entremise à présenter directement ses condoléances à la famille, ce à quoi il tenait tout particulièrement. Les textes d'adieu de Bathily et Mansour Aw, écrits pour toute une génération, ont su dire avec force l'abnégation d'un citoyen à l'engagement sincère que chaque frère d'armes pouvait si aisément prendre pour un confident ou même pour un quasi frère de sang.
Quant à Serigne Babacar Mbow, il faut remonter aux toutes premières années de sa vie pour avoir une idée claire de son singulier destin. Je crois bien que c'est un de nos "grands" de la Médina du nom de Lamine Gaye qui, le voyant passer avec une jeune fille, lui a lancé sur un ton moqueur : "Ah ! C'est chacun avec sa chacune !" Cette innocente taquinerie allait être l'acte de naissance d'un surnom de légende. Ceux qui s'émerveillent aujourd'hui de son exceptionnel parcours doivent savoir que dès sa plus tendre enfance tout a réussi à "Chacun". En voilà un qui était vraiment né sous une bonne étoile ! Son père, l'austère et grave Omar Ndoya Mbow, était un entrepreneur prospère - je crois me rappeler qu'il avait construit entre autres le cinéma Al Akbar - et puisque nos parents à nous peinaient à joindre les deux bouts, nous n'étions pas loin de le considérer comme l'homme le plus riche du monde. Il y avait de quoi : alors que nous devions nous contenter de nos anangoo délavés et de nos culottes courtes, "Chacun" se pavanait déjà en costard et cravate dans les rues du quartier. En ce temps-là on croisait d'illustres basketteurs, footballeurs ou athlètes à chaque coin de la Medinaa - Ouzin et Grand Laze ont du reste été des internationaux de volley-ball et notre ami Djiby Diop passe aujourd'hui encore pour le plus grand handballeur sénégalais, voire africain, de tous les temps. Si je rappelle cette réputation de vivier de sportifs de la Medinaa, c'est pour montrer qu'il suffisait à "Chacun", ailier au pied gauche magique, de le vouloir pour devenir une des légendes du football sénégalais. Lamine Diack l'avait bien compris, qui s'arrangeait pour l'emmener lui-même tous les jours à l'entraînement du Foyer France Sénégal, revenant avec lui à "Niangène" après chaque séance. Mais Babacar Mbow, qui n'était pas du genre à laisser qui que ce soit décider de son itinéraire de vie, a très vite dévié de la voie ainsi tracée pour lui. Faire une carrière de footballeur ne l'intéressait juste pas et par la suite il a complètement cessé d'y penser. En voici une preuve parmi d'autres : alors que la passion du foot accompagne la plupart des fils de la Medinaa pendant toute leur existence, lui le plus doué d'entre tous ne savait sans doute plus distinguer à la fin de sa vie entre le grand Barça et l'Olympique de Ngor. Ce n'était cependant pas par arrogance car il ne se serait jamais permis de mépriser les choix des autres. Il était tout simplement passé à une autre dimension du réel, non pas supérieure - il n'y a aucune hiérarchie en matière de passions humaines - mais radicalement différente. Au plan politique aussi, Serigne Babacar avait complètement cessé d'être de notre bas monde. Ce n'est pas lui qu'on aurait pu intéresser aux querelles politiciennes qui nous excitent bien plus que nous ne voulons l'admettre. Je m'en suis bien rendu compte à l'occasion d'un séjour à Mbàkke-Kajoor en compagnie de Ndiack Seck, Pape Samba Kane et Ouzin. Au cours d'un petit aparté, il m'avait annoncé la visite d'une personnalité politique vouée aux gémonies - à tort ou à raison - par la rumeur publique. J'ai essayé de l'inviter à la prudence mais c'était peine perdue car il n'avait jamais entendu parler de ce monsieur dont le nom avait pourtant été sur toutes les lèvres au cours des mois précédents !
Dans notre génération, les choix partisans définitifs ont été souvent précédés ou accompagnés par la mise en place de clubs culturels très politisés, "Lat-Dior" chez Ouzin à la Medinaa, "Africa" chez Ousmane William Mbaye à Jëppël et "Frantz Fanon", sans aucun doute le plus important et le mieux organisé, à notre maison familiale des HLM1. Babacar Mbow résidait toujours à la Medinaa et était donc théoriquement membre de "Lat-Dior". Mais il refusait déjà de se laisser brider et circulait librement d'un club à l'autre. Il était accueilli partout à bras ouverts et se comportait non pas comme le copain de tout le monde mais bien comme le meilleur copain de chacun, soit dit sans jeu de mots. Il faut savoir que le "Chacun" de ce temps-là respirait la joie de vivre avec ses moqueries, sa tendance à foutre le bordel et ses formidables éclats de rire. Il n'en était pas moins fasciné par des forces secrètes soupçonnées d'on ne sait quelles sombres manigances pour infléchir nos choix de vie. Quand donc avait-il pris la décision de ne jamais se laisser impressionner par personne ? Cette force de caractère se traduisait par un goût prononcé pour les défis plus ou moins absurdes. C'est ainsi qu'au cours de "vacances révolutionnaires" dans un village du Saalum, voyant un charmeur de serpents à l'œuvre, il fendit la foule et sous le regard ahuri du magicien, s'empara du reptile et se mit à l'enrouler autour de son cou. La légende s'en est un peu mêlée puisqu'on a affirmé par la suite que le charmeur de serpents est mystérieusement décédé au cours de la même nuit ! Ce qu'il faut surtout retenir de cette histoire, c'est la force mentale de "Chacun" qui lui a permis, dans les moments cruciaux de son existence, d'imposer sa volonté aux êtres et aux événements. En tant qu'écrivain, je peux bien avouer aujourd'hui que je n'ai pas eu à aller chercher bien loin les personnages les plus désaxés - au sens le plus strict, et pas forcément péjoratif, du terme - de mes romans. J'avais pour ainsi dire "Chacun" à portée de plume. Ou Assane Preira. Ou "Ben". Et la Léna de mon premier livre de fiction s'inspire d'une militante à la beauté quasi surréelle avec son éternelle coiffure afro, une pasionara en quelque sorte, dont nous étions tous follement amoureux. Eh bien, "Chacun" en était plus follement amoureux que nous tous au point de la surnommer dans ses moments de rêverie poétique "La femme sans chair".
Un autre souvenir de ces années tout à fait spéciales.
En 72 ou 73, "Chacun" est venu passer près d'un mois à la maison que Souleymane Ndiaye "Jules" et moi-même avions louée sur la rue de France à Saint-Louis. La police était sur ses traces à l'époque et il devait poursuivre sa route vers la Mauritanie où il comptait se faire oublier. Tout s'est bien passé et à vrai dire Jules et moi n'étions de dangereux agitateurs qu'entre les murs de nos salles de classe du lycée Charles de Gaulle. L'histoire aurait toutefois pu se terminer par un désastre puisque, via un cousin inspecteur au commissariat de la Pointe-Nord que nous hébergions, notre domicile était très fréquenté par des policiers et l'un d'eux, devenu un copain, ne nous quittait presque jamais, campant littéralement chez nous de l'aube à minuit. Eh bien, j'apprendrai quelque trente ans plus tard, en lisant un article de Mamadou Oumar Ndiaye, que le bonhomme était accusé d'avoir battu à mort Omar Blondin Diop à la prison de Gorée et que les potentiels commanditaires de son crime l'avaient affecté à Saint Louis pour qu'il s'y fasse oublier ! Cela faisait éprouver un sentiment étrange de se rappeler après plusieurs décennies à quel point "Chacun" - qui de toute façon ne nourrissait jamais de préjugés envers un être humain - appréciait ce policier. Je tiens à ajouter pour être juste que ce dernier, décédé lui aussi il y a quelque temps, a toujours nié les accusations formulées contre lui.
Si Babacar Mbow a su enfanter des mondes, c'est parce qu'il était fondamentalement un poète. Parmi les vers qu'il aimait marteler avec une force inouïe, pour son propre plaisir ou celui de son entourage, ceux-ci sont restés gravés dans ma mémoire : "Affaires en foule/Remue-ménage et phénomènes/Le jour s'en va peu à peu déclinant/J'aime la patrie de Lénine au bord de la Volga/J'aime la patrie de Lénine militante et combattante." Que pouvait bien signifier ce bout de texte si délicieusement rythmé ? Selon "Chacun", il provenait d'un poème de Maïakovski mais je ne le croyais qu'à moitié. Il y avait sûrement un peu de lui là-dedans. Quoi qu'il en soit, j'ai toujours trouvé une si mystérieuse beauté à ces vers que j'ai profité du premier prétexte narratif pour les glisser tels quels dans Le Cavalier et son ombre.
Tout cela montre pourquoi l'idée d'un colloque sur Serigne Babacar Mbow, soulevée à "Kër Maam Sàmba", fait si pleinement sens. Il avait réussi sans se forcer à faire de sa vie réelle une œuvre d'art tout en transformant ses cogitations parfois délirantes en œuvres concrètes, d'une remarquable utilité publique.
Il paraît que quand Ouzin nous a quittés, Djiby Diop - l'ex-champion de handball mentionné plus haut - a interpellé les compagnons d'enfance présents : "Qui d'entre nous a jamais entendu Ousseynou Bèye sortir une insulte de sa bouche ?" (Kan ci nun moo mas a dégg Uséynu Béey mu saaga ?) C'était une question à la fois simple et extrêmement brillante, du genre de celles qui vous imposent un temps d'arrêt pour faire défiler dans votre esprit les scènes de la vie d'un être humain et dans ce cas précis finir par admettre que eh bien, aussi incroyable que cela puisse paraître, personne n'a jamais vu Ouzin s'emporter ou encore moins se laisser aller à proférer des obscénités. Cela s'appelle avoir de la classe. J'ajouterai simplement que c'était tout aussi inconcevable pour "Chacun" et ce, longtemps avant qu'il ne devienne Serigne Babacar Mbow. Bien que fermement attaché à ses certitudes, il jugeait indigne de lui de se montrer agressif et on pouvait même parler à son propos d'une certaine douceur. S'il a très tôt considéré Assane Preira Bèye comme son frère jumeau - par l'âge et par un goût partagé pour les dérapages métaphysiques - "Chacun" avait le plus grand respect pour la puissance intellectuelle et la force de conviction d'Ouzin.
Quelques semaines après la disparition de Serigne Babacar, Codou, Ndiack et moi-même avons rendu visite à Ouzin et Penda à Kër-Masaar. Ils nous ont alors appris que "Chacun" et Sokhna Aïssa étaient venus y passer une journée avec eux. À l'évocation de ce qui avait été de toute évidence une pudique cérémonie des adieux, le regard d'Ouzin a brillé d'un singulier éclat - je ne l'oublierai jamais - et nous avons tous reparlé ce dimanche-là de "Harlem", de Ndeem-Maysa et de Mbàkke-Kajoor, c'est-à-dire de l'essentiel. De ce qui, en triomphant du temps et de la mort, donne paradoxalement à toute vie humaine du sens et un parfum d'éternité.