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2 avril 2025
Opinions
Nioxor Tine
LES FOSSOYEURS
Malgré quelques signaux encourageants, les citoyens ont l’impression que les vainqueurs de la présidentielle de mars 2024 feraient plus et mieux. Certaines décisions censées acter la mort du parti-Etat traduisent une certaine naïveté politique
Après la cuisante défaite de la coalition Benno Bokk Yakaar et l’éclatante victoire de la coalition Diomaye Président, le peuple sénégalais reste sur sa faim. Certes, il comprend que le Pastef et ses alliés ne puissent pas faire de miracles, surtout au vu de la désastreuse situation économique dont ils ont hérité. Mais malgré quelques signaux encourageants qu’ils ont eu à lancer, les citoyens sénégalais ont l’impression que les vainqueurs de l’élection présidentielle du 24 mars 2024 feraient plus et mieux, en faisant confiance aux couches populaires et en les responsabilisant davantage.
Bonne foi et candeur des nouvelles autorités
Les actes les plus significatifs, à mon sens, sont la lutte contre la prédation foncière, surtout celle du domaine privé maritime, la publication des rapports des organes de contrôle (Cour des comptes, OFNAC…) et le lancement d’audits dans certaines sociétés ou établissements publics. On peut également citer un effort de réduction du train de vie de l’Etat, par la rationalisation de la taille du gouvernement, la publication de la liste des navires pêchant dans les eaux sous juridiction sénégalaise, des mesures symboliques de baisse des prix des denrées de première nécessité…
Il y a aussi des mesures fortes tendant à inverser la dynamique outrancièrement pro-occidentale (et pro-impérialiste) des précédents régimes ayant présidé aux destinées de notre Nation, même si certains panafricanistes radicaux les trouvent encore insuffisantes.
Néanmoins, certaines autres décisions censées acter la mort du parti-Etat comme la démission du président Diomaye de son poste de secrétaire général du Pastef, l’interdiction de cumul de mandats, le fait de confier des ministères de souveraineté à des personnalités non membres de la mouvance Pastef, uniquement choisies en tenant compte de leurs profils et expériences traduisent une certaine naïveté politique. C’est cette même candeur, qui explique ces fameuses « Assises de la Justice », tenues sous la férule d’une magistrature, dont le moins qu’on puisse dire, est qu’elle n’a pas opposé une résistance farouche –sauf l’invalidation du putsch électoral du 3 février 2024 - aux dérives liberticides et autres procès truqués de nos gouvernants, ces dernières années.
Cette innocence nous change, bien sûr, du cynisme froid et calculateur auxquels nous avaient habitué les hommes politiques (socialistes et libéraux) de notre pays, qui explique la déliquescence de nos mœurs politiques, observée ces dernières décennies, accentuée après la dictature senghorienne, qui ne misait, elle, que sur la force brutale.
Dans le même ordre d’idées, les cris d’orfraie de certains néo-opposants en mal de repères, prétendument soucieux du respect scrupuleux de dispositions légales obsolètes et ayant prouvé leur inefficacité pour sauvegarder l’Etat de droit, depuis plusieurs décennies, ne font qu’ajouter à la confusion ambiante.
Il appartient aux nouvelles autorités, qui ont clamé haut et fort leur volonté de détruire le système néocolonial en vigueur et que les précédentes alternances ont préservé, de trancher dans le vif, c’est-à-dire de mettre en œuvre les gros moyens pour un changement véritable et irréversible.
Alternance ou alternative ? Réforme ou révolution ?
C’est connu ! Au cours de toutes les révolutions, il y a toujours eu des fossoyeurs ou des restaurateurs, nostalgiques de l’ordre ancien.
Dans le passé, au cours des révolutions, française de 1789 ou russe de 1917 et de plusieurs autres, on est allé jusqu’à les appeler « ennemis du peuple » et à les brimer, avec des excès regrettables. Pensons aux exécutions de figures révolutionnaires comme Danton en France et Béria en URSS, à tel point que c’est devenu classique de dire qu’une révolution dévore presque toujours ses enfants !
Par ailleurs, une des raisons à l’effondrement du camp socialiste, après la chute du mur de Berlin, a été l’hypertrophie incompréhensible, pour des Républiques censées être l’émanation de la volonté populaire, des services de police, en charge de la sécurité intérieure, ayant perdu tout sens du discernement et comme atteints de paranoïa d’Etat.
Une des leçons à en tirer est précisément ce devoir impérieux pour tout régime se réclamant des principes de transformation sociale au profit des couches populaires, de se donner les moyens politiques de sa noble ambition et de mettre en œuvre des mécanismes de démocratie participative, de mobilisation populaire et de co-construction citoyenne.
Cela impose de ne pas privilégier les procédés coercitifs injustifiés dans la gestion des affaires de la cité, même s’il est vrai que tout Etat est au service de classes ou couches sociales déterminées, qu’elles en soient conscientes ou non. En l’occurrence, la tâche de l’heure est d’évincer cette caste bureaucratique des arcanes de l’appareil d’Etat.
Une bourgeoisie bureaucratique à neutraliser
Depuis l’accession de notre pays à l’indépendance formelle, c’est la bourgeoisie bureaucratique, qui est aux affaires. Seydou Cissokho, dirigeant historique du PIT et membre fondateur du PAI-Sénégal disait d’elle, que tant qu’elle « sera au pouvoir, le développement de notre pays ne serait pas garanti ».
Force est de constater que cette bourgeoisie parasitaire, fondé de pouvoir de l’ancienne puissance coloniale, a surtout aidé la bourgeoisie française à perpétuer sa domination économique sur notre pays, en s’adaptant aux réalités du terrain et aux aléas de la géopolitique mondiale.
C’est ainsi qu’après le monopartisme en vigueur durant les toutes premières années de notre indépendance formelle, il a fallu s’exercer au multipartisme de façade et aux cirques électoraux, qui débouchaient le plus souvent, sur des alternances factices, ne mettant jamais en cause le funeste ordre néocolonial. Hormis la tentative avortée du président Mamadou DIA d’échapper aux serres de la pieuvre impérialiste, notre pays a vécu, jusqu’au 24 mars dernier, dans ce carcan néocolonial et les fruits de nos deux premières alternances n’ont pas tenu la promesse des fleurs exposées par les politiciens libéraux puis néolibéraux.
La principale raison pour cet état de fait est que la bourgeoisie bureaucratique a su s’adapter et se redéployer au niveau des nouveaux appareils politiques issus des alternances de 2000 et 2012, pour perpétuer la même vieille politique de clientélisme et de prédation.
Une fois, l’euphorie de la victoire électorale passée, il importe de réaliser que les nouvelles forces politiques ayant accédé au pouvoir présentent des caractéristiques sociologiques très similaires à celles qu’elles viennent de remplacer, même si elles ne partagent pas les mêmes convictions politiques.
Il est donc indispensable, qu’au-delà des quelques mesures symboliques et effets d’annonce laissant augurer de nouvelles pratiques politiques vertueuses, on pose de véritables actes de rupture, dont le premier serait de refonder, de fond en comble, par une nouvelle Constitution, cet Etat néocolonial failli.
Dans cet exercice, l’héritage réactualisé des Assises nationales sera d’un apport précieux.
POURQUOI CENT JOURNÉES SANS PRESSE RISQUENT DE NE POINT PESER
EXCLUSIF SENEPLUS - Chers patrons de la presse, "gagner le cœur du public" reste plutôt la solution, la seule voie. C'est en ce moment-là d'ailleurs et seulement en ce moment que votre absence ou disparition lui ferait de la peine
Je crois qu'il est bon de préciser avant tout que je ne suis d'aucun parti. Cette réflexion reste juste l'opinion d'un professionnel qui évolue dans les secteurs du cinéma et de l'audiovisuel depuis plus d'une vingtaine d'années maintenant.
En évaluant la "journée sans presse" du mardi 13 août 2024, le patronat de la presse au Sénégal s'est beaucoup glorifié du fait que le mot d'ordre a été largement suivi. Soit ! Mais, il serait tout aussi intéressant, pertinent, de ne pas occulter l'impact de cette initiative chez les lecteurs, auditeurs, téléspectateurs ou internautes ? Ces derniers l'ont-ils vraiment ressentie ? Ont-ils applaudi ou accompagné significativement ce mouvement ? Des questions, à mon avis, qui méritent d'être posées pour mieux apprécier la réussite ou le succès de cette journée ?
Sans risque de me tromper et en attendant de voir un document scientifique me prouvant le contraire, je considère que les conséquences de cette initiative chez les populations demeurent très négligeables. Ce qui démontre et prouve à suffisance qu'il y a énormément de travail à faire encore. J'ai même envie de dire à ces patrons ou à la presse en général, que le véritable combat, en réalité celui qui mérite d'être gagné se situe ailleurs. Et le gagner vous affranchira éventuellement de vos déboires fiscaux et de toute dépendance financière.
Nous le savons et ne cesserons de le soutenir: ce qui est attendu d'abord et fondamentalement des médias, c'est essentiellement du (des) contenu(s) répondant aux besoins ou aspirations des populations et suivant la marche par essence dynamique de la société.
Or que remarque-t-on aujourd'hui dans nos presses écrite, parlée, télévisuelle et digitale ? C'est regrettable de le dire, mais le vide est total. On note une absence effarante de créativité, un manque sérieux d'imagination, d'inspiration. Survolons très brièvement ce qui se fait actuellement secteur par secteur :
- Au niveau des radios (aussi bien thématiques que généralistes), non seulement les soi-disant grilles sont identiques mais les programmes constitués de diffusion de musiques, d'infos, de pub et de communiqués restent les mêmes et passent généralement les mêmes jours aux mêmes heures.
- Idem au niveau des chaînes de TV où les programmes sont extrêmement dominés par du flux. Les contenus de stock sont quasi inexistants. Du matin au soir désormais les gens sont là autour d'une table ou dans un salon en train de palabrer comme à la radio. Soyons d'accord au moins sur ce plan, le propre de la télé est plus de proposer à voir, à découvrir. Ceci est d'autant plus vrai que quand on assiste aujourd'hui au développement de ce que certains nomment "radio vision" (émissions radio filmées dans des studios équipés de caméras), réinventer sa manière de faire de la télévision s'impose.
- Ces observations restent valables pour le secteur de la presse écrite. Parcourons les journaux chaque jour que Dieu fait. A quelques exceptions près, ils sont tous dans le même registre : "actualités et faits divers"! Tous parlent presque de la même manière, de la même chose qui tourne généralement et ..... malheureusement autour de la matière politique.
- Au niveau du Digital qui se développe de plus en plus, les concepts y perdent tout leur sens. On y voit du tout et du n'importe quoi. Certains par exemple, parce qu'ils manipulent de la vidéo, considèrent qu'ils font aussi de la télé en disant "WebTv" qui n'est en réalité que de "grand-places" filmées ou du "Waax sa xalat". Là je n'ai pas besoin de m'arrêter sur les aspects technico-artistiques, les profils des présentateurs ou pseudo chroniqueurs qui pullulent et sortent d'on ne sait où ?
Tout ceci m'amène à insister encore une fois sur le fait que le challenge, chers patrons de presse, va au-delà d'une simple imposition, réduite ou effacée, que vous continuerez de payer quel que soit alpha à toute époque. Il s'agit d'ores et déjà de se départir de cette fausse idée qui est de considérer que ce que vous faites du matin et soir, constitue une demande du public. "Li la sénégalais yi beug" entend-on en général.
Du respect quand même ! les Sénégalais, comme ils le sont du reste avec les politiques, ont une bonne longueur d'avance sur leur presse en général. Et là pour s'en rendre davantage compte, suffit juste d'analyser dans le champs audiovisuel comment Canal+ est entré dans les cœurs ou habitudes des populations, comment les choix des IPTV à Dakar ou des antennes paraboles dans les villages les plus lointains du pays se développent maintenant voire comment les ciels de nos quartiers sont couverts de "toiles d'araignée" avec les fils des câblodistributeurs (informels). En voilà des matières qui renseignent sur l'énormité du gap, ou plutôt du chantier.
Le constat est partagé. On note dans tous les secteurs de la presse aujourd'hui, peu ou pas de contenus portant sur l'Économie, la Culture (qu'elle résume à la musique), la Santé, la Technologie (qui est devenue partie intégrante de nos vies), l'environnement, la Société, l'Éducation......qui connaissent des mutations impressionnantes au Sénégal et dans le monde. Vu sous cet angle, on se rend compte qu'aujourd'hui donc, cette presse qui pourrait effectuer une "journée sans presse" très réussie serait celle-là justement qui se détachera du lot, celle-là qui prendrait le soin d'accompagner les populations, de marcher avec elles, les écouter, les comprendre en vue de mieux traduire ses préoccupations (qui ne se limitent naturellement pas qu'à la politique). D'ailleurs, pourquoi doit-on faire de la presse et ignorer tous ces secteurs névralgiques qui rythment la vie des citoyens, les domaines dans lesquels évoluent même la majorité de la population ?
Chers patrons de la presse, "gagner le cœur du public" reste plutôt la solution, la seule voie ! Celle qui pourrait d'ailleurs vous faire gagner en même temps beaucoup d'argent car existent ici et ailleurs des entités publiques comme privées crédibles qui n'attendent que des opportunités à travers vos propositions pour vous accompagner, nouer des partenariats juteux en vue d'atteindre leurs cibles. C'est clair, vous n'entreprenez point par philanthropie contrairement à ce que prétend l'un d'entre vous. Faire des bénéfices vous intéresse au plus haut point.
Or, c'est possible car la demande est bien là. L'exemple tout près de Canal+ dans le domaine télévisuel nous le prouve. Ce ne sont certes pas les mêmes histoires, les mêmes dimensions mais au moins on comprend à travers cela que le Sénégalais intelligent qu'il est, sait ce qu'il veut et où le trouver. Même s'il vous arrive de coder, crypter, élever vos prix, il peut être prêt à payer le coût qu'il faut tant que vous participez à la satisfaction de ses besoins en la matière. C'est en ce moment-là d'ailleurs et seulement en ce moment que votre absence ou disparition lui ferait de la peine.
Mamadou Ndiaye est Scénariste - Monteur - Réalisateur
Formateur - Prix meilleure série FESPACO 2011.
par Sidy Dieye
QUELLES REFORMES POUR SAUVER L’IPRES ET LA CSS ?
Un milliard ici, quelques millions là : les scandales financiers s'enchaînent dans ces structures, piliers de la sécurité sociale sénégalaise. Ces institutions, censées protéger les travailleurs, semblent devenues le terrain de jeu d'intérêts particuliers
Le récent scandale survenu à la Caisse de Sécurité Sociale (C.S.S.) portant sur 1,8 milliard de francs CFA (relayé par les sites seneweb.com le 6 juillet 2024, Dakaractu.com le 9 juillet 2024 et senego.com le 12 juillet 2024), doit provoquer un déclic pour le contrôle effectif de cette institution par l’Etat.
L’on se rappelle la révélation du site leral.net datée du 03 décembre 2021 sur un scandale de 6 milliards 500 millions FCFA pour l’achat d’un logiciel pour fusionner les deux entités (CSS et IPRES) afin d’avoir un système d’informatique unique et simplifié. A l’époque, le Secrétariat exécutif de l’UNSAS avait exigé « l’audit des deux institutions et un contrôle de la Cour des comptes afin de faire la lumière sur le financement du système d’information et les investissements dans l’immobilier. »
En 2018, les retraités avaient dénoncé un détournement de 572 millions de francs CFA au niveau de l’IPRES et demandé au Président de la République d’alors de protéger l’institution en prenant des mesures fortes (relayé par senenews le 08/10/2020).
Nous remarquons que malgré ces manquements récurrents et les alertes répétées des bénéficiaires et parties prenantes, l’administration de ces deux institutions reste préoccupante. La pression syndicale semble l’emporter, comme c’est malheureusement souvent le cas, quand il s’agit d’exigences de transparence et de reddition des comptes.
Les textes de la CSS et de l’IPRES
La CSS et l’IPRES sont régies par la loi N° 75-50 du 03 Avril 1975 relative aux institutions de prévoyance sociale.
En 1991, suite à l’adoption de la loi 91-33 du 26 Juin 1991, la Caisse de Sécurité Sociale change de statut et devient une institution de prévoyance sociale donc un organisme de droit privé chargé d'une mission de service public. Les statuts de la CSS ont été adoptés le 13 février 1992.
Les statuts de l’IPRES eux, ont été adoptés le 26 juillet 1977. A mon avis, ces textes sont complètement en déphasage avec les réalités actuelles en matière de bonne gouvernance, de pilotage des activités, de stratégie et d’instauration de critères de performance dans la gestion de ces institutions.
Il y a lieu de rappeler qu’un comité de pilotage chargé de formuler les orientations stratégiques et politiques du projet de réforme du cadre juridique de la sécurité sociale a été mis en place en 2015 par le ministère du Travail. Il s’agissait, entre autres, « d’innovations en matière de gouvernance des Institutions de Prévoyance sociale, de gestion technique et financière des branches et d’extension de la protection sociale aux travailleurs jusque-là non couverts ».
Les réformes attendues ne sont toujours pas réalisées.
La composition et le fonctionnement du Conseil d’Administration
L’IPRES est administrée par un Conseil d'Administration paritaire composé de vingt-deux (22) membres comprenant des représentants des membres participants et des représentants des membres adhérents.
Au niveau de la CSS, c’est la même configuration qui est retenue en termes de nombre (22) et de représentants.
Il faut noter que l’état employeur a quatre représentants au Conseil d’Administration de chaque institution au titre de la délégation des membres adhérents. Donc, les organisations syndicales ont un contrôle exclusif sur la gestion de ces institutions, notamment sur :
la nature des prestations ;
✓ les modifications du taux des cotisations ;
✓ la désignation des personnes chargées du fonctionnement de l'institution ;
✓ la gestion des ressources en matière d’investissements et de placement.
Le renouvellement des dirigeants, notamment du Président du Conseil d’Administration et des administrateurs n est pas systématique.
Pourtant, l’Etat, à travers la loi citée ci-dessus, notamment dans ses articles 21, 22 et 23, peut prendre des dispositions spécifiques pour garantir une gestion transparente et efficace de ces institutions afin d’éviter un risque systémique en cas de mauvaise gestion.
3. Les réformes
Les textes de ces institutions doivent évoluer pour permettre une bonne gouvernance avec la mise en place d’organes solides et de principes de transparence et d’éthique. Il s’agira de modifier le fonctionnement, la composition de l’Assemblée Générale et du Conseil d’Administration et de mettre en place des Comités spécialisés avec des compétences et expertises diversifiées, notamment :
Comité d’Ethique et de déontologie ;
❑ Comité d’Audit ;
❑ Comité de Sélection et de Rémunérations ;
❑ Comité d’Investissements.
En outre, un système d’évaluation des dirigeants et du Conseil d’Administration doit être mis en place et assuré par un organe indépendant.
Les réformes de ces institutions doivent toucher notamment :
✓ les conditions d’une protection sociale solide aux profits des travailleurs ;
✓ les modes d'admission et d'exclusion des membres ;
les obligations de toutes les parties prenantes ;
✓ le mode de constitution de l'assemblée générale et les conditions de vote ;
✓ la composition et le fonctionnement du conseil d'administration (mode de cooptation, renouvellement, durée, pouvoirs etc.) ;
✓ les pouvoirs de l’exécutif et le mode de sélection ;
✓ le mode de constitution et de calcul des prestations ;
✓ la constitution et l'emploi des ressources ;
✓ le mode de placement et de retrait des fonds ;
✓ les possibilités d’investissements ;
L’Etat pourrait prendre des dispositions appropriées et urgentes pour assainir et contrôler ces deux institutions avec les décisions majeures ci-après :
L’audit approfondi sur les cinq dernières années, avec un accent particulier sur les acquisitions immobilières, les placements, l’investissement dans les nouvelles technologies, la gestion des ressources humaines etc. ;
La suspension des organes délibérants ;
La mise en place d’une Administration Provisoire ;
La refonte des statuts et règlements intérieurs ;
La revue de la gouvernance : composition, fonctionnement et pouvoirs de l’Assemblée Générale et du Conseil d’Administration, mise en place de Comités spécialisés (Audit, Ethique et Déontologie, Sélection & Rémunérations, Investissements etc.)
Sidy Dieye est spécialiste en gouvernance et stratégie des organisations, Directeur Associé de Axley Bankers Afrique de l’Ouest, ancien Directeur Général de la Banque Islamique de Guinée, membre du MONCAP et Membre fondateur de l’Initiative 2FC.
L'instinct félin de Sonko finira par devenir une faim de félon. Le parrain auréolé de gloire est en apnée, grisé et en même temps frustré. Le compagnonnage est constitué d'activistes plus préoccupés au goût du festin qu'à l'ambition de forger le destin
Au soir du 25 mars 2024, nombreux étaient les Sénégalais surpris par la victoire sans appel, au premier tour de monsieur Bassirou D. Faye, parrainé par Ousmane Sonko, alors frappé par l'inéligibilité. Le scénario surréaliste ressemble aux légendes des héros du Moyen-Âge éprouvés, puis sauvés par les miracles divins.
En effet, de la prison au palais, la conquête de la présidence par la délinquance s'est réalisée à force d'intimidation et provocation, moins par la confrontation des idées et la persuasion. Nos champions gladiateurs dont le noviciat se le disputait à la témérité irrévérencieuse avaient rompu avec les civilités dans une société où le culte de la "kersa"- pudeur, la "sutura - la retenue", entre les "nawle"- citoyen étaient une sorte de code d'honneur non écrit mais intériorisé.
De l'appel à deux cents mille jeunes à rallier pour envahir le palais, aux cris du "gatsa-gatsa" à la substance cannibale, objectif : démembrement corporel du chef de l'Etat à la manière de Samuel Doe, une atmosphère de haine et violence était installée. Le "Mortel Combat" décrété et ses péripéties chaotiques ont entraîné un lot incommensurable de pertes en vies humaines et dégâts matériels que nul acteur politique lucide ne souhaitait voir se poursuivre. Le jeu pluraliste sénégalais n'avait jamais subi auparavant autant d'épreuves mettant en péril son existence. Dans le contexte d'entrée dans une ère pétrolière et gazière, les démons déguisés en sponsors s'adonnaient à la surenchère, instrumentalisant la société "ci-si-vile" et les partis dans le marché de la déstabilisation.
Les tickets d'accès à l'espace public et les primes pour l'agitation permanente étaient donnés aux plus zélés orateurs outranciers. La société entière, tétanisée par les vagues successives d'attaques à la vie des personnes et la destruction des biens se lassait, doutant ainsi de la capacité de l'Etat à assurer le rôle régalien de protection des citoyens. Les déclarations de reprise en main étaient à chaque fois rangées dans les tiroirs du "massalaha", renvoyées aux dialogues à format festif.
Les décisions de l'autorité de l'Etat visant à mettre fin à l'existence des milices privées et aux passe-droits illégalement octroyés à certains groupes religieux et politiques ne sont pas souvent suivies d'effet.
Les reculs du pouvoir devant une violence organisée et coordonnée des groupes clairement identifiés accentuaient la défiance à l'autorité de l'Etat. L'autorité avait auparavant sévi avec rigueur à l'encontre des personnalités plus puissantes sans perdre cet appui de la population. L'ancien président mesurait les risques de dérives attachées à la réaction des forces de sécurité. La crainte du débordement ouvrant les portes aux pires mésaventures habitait les Sénégalais.
Aucune initiative consenduelle ne pouvait pacifier l'espace politique, largement pollué par les discours démagogiques, subversifs. Les voies du parrainage par voix se confondaient aux choix du partage des parts de la proie électorale. À l'insu de tous les acteurs majeurs et mineurs, les parrains épuisés par les bras de fer coûteux devaient se retrouver autour de la table en vue de négocier une solution de sortie de la guerre qui permette à chacun de sauver la face.
C'est le salaire de la peur qui a prévalu et précipité l'issue de cette longue crise, résolue par combines opaques à l'insu de la société et les acteurs politiques. Au nombre des protagonistes de la "Camorra" politicienne durant cette période critique, se distinguent deux parrains : les présidents Macky Sall et Ousmane Sonko. Il y a certes, les significatifs acteurs caporaux pour emprunter le langage des groupes mafieux. Toutes les instances régulières des partis et coalitions étaient tenus à l'écart de l'entente dont le contenu n'est pas encore connu.
Retenons seulement que ces jeux d'ombre ont permis à notre pays de surmonter une étape dangereuse de son histoire ; accepter aussi que ces décisions engageant le destin de la Nation et leur avenir propre dans un moment si crucial, ne pouvait pas se concrétiser dans un cadre traditionnel. Ce qui est un signe de déficit de notre culture démocratique. Les rapports de forces déterminant l'issue de tout affrontement, c'est au cours d'un entretien avec la presse, le président Macky Sall avait ouvert un pan de ce qui pouvait survenir en défaveur de sa coalition. ll faisait allusion à cette éventualité, la prise en compte de forces organisées, sans dévoiler l'identité ni sa relation à elles. La mise en garde du président Sall aux militants et alliés allait au-delà du jeu démocratique, tel qu'il pouvait être conçu dans un État de droit.
Le dialogue était bien noué entre les irréductibles adversaires. Les répétitifs événements tragiques ne pouvaient pas se reproduire sans de sérieux chocs pouvant affecter la cohésion nationale. Sans doute, le plan initial des deux parrains s'est heurté à la décision du Conseil Constitutionnel. Mais le rapprochement des protagonistes a été une intelligente victoire de la démocratie. Comme nul ne peut se prévaloir du génie divin, il a décidé que c'était les poulains qui seraient les porteurs du destin de la Nation.
Le président Diomaye lui-même, a dit avoir appelé le fils du président sortant pour des considérations humanitaires ; et d'ouverture vers une sortie négociée. Test de solidité par bouleversement social inouï dans une succession au très convoité fauteuil présidentiel, le Sénégal sort renforcé malgré les combinaisons politiciennes. L'esprit rationnel ne pouvait prédire ou s'aventurer à parier sur l'actuel locataire du palais.
Enfin, le frêle sérére à la silhouette fuyante, la voix fluette porté par Rog Sen, il tenait son balai tiré de la forêt sacrée, pour dissiper les "safara" des prédicateurs aux longs chapelets. Le candidat, ancien Premier ministre, Amadou Ba, était le grand favori des faux fabriquants de destin. Ignorant la réalité des mic-macs de l'arène politique, le boy Dakar, enfant du génie de l'océan, n'avait pas fait son "ndeup" pour une récolte des haricots.
Il semblait avoir foi plus à l'administration qu'à ces jeunes "jakartamen" et étudiants passés au lavage des cerveaux de la loge populiste. Le Sénégal peut être débaptisé : de pays de la "Teranga" pour celui des "millions de charlatans". Objectivement, le résultat de cette compétition électorale était connue des protagonistes. La coalition la plus durable de notre histoire politique, solide qu'elle soit, ne pouvait faire face à une conspiration aussi grotesque.
Monsieur Bassirou Jomaay Diakhar Faye est président de la République. Sorti de l'anonymat, il était inconnu de l'écrasante majorité des citoyens à quelques mois du scrutin. Mais qu'à cela ne tienne, il est notre président à tous, même s'il le refuse. Pour la première fois dans l'histoire des chefs d'Etat, encore le Sénégal sort vainqueur de manière inédite de la crise.
Notre président Bassirou Diomaye Diakhare, "mu wara jaxaan" Faye a séduit les Sénégalais par l'humilité et la politesse. Il a dérouté tous les compatriotes en invitant son Premier ministre à "lorgner son fauteuil". La globalité des citoyens apprécient positivement le plus jeune leader du continent dont l'image correspond au substrat de nos socio-cultures : compassion et respect aux anciens. Apparemment du leadership nain, né de l'échec du calcul du parrain, il a à sa disposition une écurie composée des combattants de longue haleine qui ont blanchi sous le harnais, dont son propre oncle et homonyme, les Dialo Diop, Alla Kane, Mao Wane, etc. Des cadres réputés compétents tels que : Mary Teuw Niane, Ahamadou Al Amine Lo et Oumar Samba Ba sont nommés à des postes clés, ce qui semblait un gage de pérennisation du principe de continuité de l'Etat. Mêmes si les figures repoussoires, les "has been" de la trempe de Mme Aminata Mbodj et Habib Sy,anciens ministres sous le président Wade pouvaient modérer les élans de renouveau du personnel politique.
Le duo gagnant au sein de l'executif pourrait bien fonctionner si les deux personnalités savaient, chacune les obligations de sa charge : le premier, son domaine réservé, le second ses missions déléguées.
Sonko, par contre se dévoile de jour en jour en personnage intempestif, bravant tout, se mêlant de tout et ne laissant point l'espace à personne. Pressé, il l'est, dans l'ignorance de la psychologie sociale.
Chez nous, une amitié n'est réelle et sincère que lorsqu'elle se nourrie du respect mutuel et tire sa substance de ce principe religieux :" Aimer pour son prochain, ce que l'on aime pour soi-même.
L'amitié du cheval et du cavalier ne peut pas faire long feu à l'épreuve du pouvoir. Le proverbe africain dit qu'à beau aller au puits, le canari se brise. L'instinct félin de Sonko finira par devenir une faim de félon. Le parrain auréolé de gloire, est en apnée définitive, grisé et en même temps frustré. Le chef politique n'arrive pas à faire la distinction entre l'État et le parti. Diomaye peut être Sonko et Sonko Diomaye ; mais Sonko ressemble à Poutine.
Affronter l'arrogance et les écarts d'un Premier ministre qu'il connaît mieux que quiconque, capable de lancer sa nébuleuse d'insolents de l'internet contre le pouvoir, invite à être prudent.
Le réveil sera brutal pour l'opposant éternel s'il sous-estime la force d'un chef d'Etat qui lui voue encore tous les égards. Le berger finira par abandonner le bélier égaré pour s'occuper de ce qui reste de son troupeau.
Les jeunes sénégalais découvrent de plus en plus le visage de celui qui les faisait rêver d'un État impartial, une justice équitable. Il se révèle de jour en jour, un revanchard, dont la tonalité despotique jure avec la tolérance qui doit apaiser la vie démocratique. La tentative de domestication des pouvoirs législatif et judiciaire est à tous égards une agression de la Constitution. Chaque alternance au Sénégal, ses espérances déçues, les réalisations mal perçues par une population très jeune et pressée, sans mémoire.
La troisième alternance coïncide avec l'irruption des demandes spontanées. Ce n'est pas un éveil des consciences mais l'approfondissement de la participation citoyenne. Le gain par la manipulation est très rentable, le populisme s'accommode du manque d'éducation des acteurs politiques. La promesse de rupture faite par les nouveaux tenants du pouvoir, concernant les appels à candida-ture et autres, vont vite passer de mode car le compagnonnage est constitué de buzzards, activistes plus préoccupés au goût du festin qu'à l'ambition de forger le destin.
Les meilleures intentions du leader politique glissent et se dissipent par la légèreté du compagnonnage. L'éducation citoyenne est la clé du développement pour tout gouvernant engagé à tirer son peuple vers le haut. Sous ce registre, les actions sur le terrain, mobilisant les populations constituent une source importante de motivation.
Le jeune président BDF devra, de la manière la plus élégante et courageuse assumer la plénitude de sa fonction en apaisant les cœurs et les esprits. Respecter et faire respecter les normes d'une administration impartiale,transparente. Le panafricanisme rationnel repose sur la prise en compte de la réalité continentale, savoir que les pays, les peuples n'évoluent pas à un même rythme.
Il faut agir sur les axes d'intégration arrivés à maturité et non forger les convergences fictives sur de réelles antagonismes. Les pseudos panafricains ont tout faux en fustigeant la marche de la démocratie auSénégal alors qu'ils sont incapables de lutter pour des avancées démocratiques face au pouvoir mi-centenaire de Biya au Cameroun, encore moins essayer de régénérer l'héritage des martyrs tels Félix Moumié et Ruben Um Nyobe. En d'autres termes, le rêve du panafricanisme ne se réalisera qu'à la condition que chaque démocrate balaie d'abord le devant de sa porte. La réussite de la politique intérieure est ce qui permet de gagner une écoute objective à côté des frères du continent.
C'est par l'obtention des résultats palpables que l'on peut formuler les offres crédibles aux populations du continent. En lieu place du "Projet mystique", la Coalition Diomaye Président devrait sans complexe s'approprier le PSE en y intégrant les conclusions des Assises nationales. En conclusion, nous constatons le président Diomaye Faye bien entré dans la fonction, s'élevant de jour en jour à la qualité d'homme d'Etat ; ce qui est rassurant pour le Sénégal. Par contre, c'est inquiétant et il est regrettable de le dire : son mentor et ami n'évoluera pas, car collé à son péché originel de contestataire non révolutionnaire, combinard, dissimulateur, manipulateur.
Dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es. La visite du Premier ministre à son collègue malien Choguel Maiga a prouvé qu'il n'est pas prêt à se muer en homme d'Etat. Comment comprendre que le Premier ministre ayant mangé à tous les râteliers des régimes militaires au Mali et en voie d'être limogé pour fraude sur le cumul de salaires de DG et ministres, dénigre systématiquement devant l'invité officiel, la première institution du pays sans qu'il ne pipe un mot de l'ingérence déplacée.
Compatriotes patriotes ! Méditez la parole du président Joe Biden, cette semaine à Chicago à la Convention des démocrates, je cite : "You can't say you love your country only when you win" (tu ne peux pas prétendre aimer ton pays, quand c'est seulement lorsque tu gagnes). L'Afrique vous regarde, cher fils de NDiaganiao. L'Histoire avance masquée avait coutume de dire le vieux Maodo Mamadou Dia. Votre posture, vous ne la devez à personne qu'à Dieu et au peuple. Ecoutez votre foi et votre conscience et non les regards inquisiteurs des critiques à la gratitude. Osez les ruptures d'avec tout ce qui retient ou minore votre, je dis notre vaste potentiel de brillance sur les plans économique, politique, culturel, scientifique et diplomatique. Votre combat pour tous sera mené par tous.
Le Sénégal a besoin de serviteur et non de chef instigateur de conflits inutiles. La cohésion nationale est au prix de la reconnaissance des diversités de courants, d'opinions et tolérance des oppositions. Une nette recomposition des pôles politiques se dessine au Sénégal. Les plus significatives seront au nombre de quatre :
1-Les partis de la Coalition Diomaye Président ;
2-La retrouvaille dite "bloc liberal" qui semble regrouper les transfuges du PDS et l'APR, ce qui consacre la mort de la coalition Benno Bokk Yakaar.
3-Les membres de la "Nouvelle Responsabilité" autour d’Amadou Ba,
4-Les forces composées de figures qui émergent par leur hardiesse et courage en face du gouvernement. Elles ont nom : Bougane Gueye Dani, Thierno Bocoum, Thierno Alassane Sall, Anta Babacar Ngom, PUR, les partis traditionnels : PS, AFP, PIT, LD auront le choix entre la création d'un pôle de gauche ou se liguer avec les forces citées ci-dessus.
Le processus de mutation de la classe politique s'accélère en vue du prochain scrutin législatif. Les dénominations et slogans ne vont pas fondamentalement changer.
Je termine avec cette prière de Marc-Aurèle, note qui doit inspirer tous ceux qui s'engagent dans la lutte pour le progrès social :"Que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changé et le courage de changer ce qui peut l'être mais aussi la sagesse de distinguer l'un de l'autre".
Makkane est ancien ministre-conseiller, chef du bureau économique de l’ambassade du Sénégal à Washington, poète-écrivain.
PAR Ibou Fall
LA RÉPUBLIQUE ORPHELINE DE SA MAJESTÉ
Après soixante-quatre ans de navigation, tempête après tempête, la République sénégalaise donne l’air d’un rafiot rafistolé de bric et de broc, donc le capitaine est le dernier moussaillon que la désertion des amiraux propulse fatalement à la barre
La vertigineuse dégringolade fait peine à voir… Après soixante-quatre ans de navigation, tempête après tempête, la République sénégalaise donne l’air d’un rafiot rafistolé de bric et de broc, donc le capitaine est le dernier moussaillon que la désertion des amiraux propulse fatalement à la barre.
Entre Léopold Sédar Senghor et Bassirou Diomaye Faye, deux enfants du Sine, il n’y a pas qu’un siècle quasiment de distance. Le Sénégal que Senghor lègue à la postérité, certes, est un pays déclaré pauvre par les implacables chiffres de l’ordre économique mondial ; il suscite quand même le respect, la convoitise.
Le Sénégal de Diomaye Faye inspire la condescendance et la pitié.
La pauvreté est dans la tête : Senghor, cet aristocrate guindé, ne sait pas penser en pauvre… Dans le monde, dès les premières décennies de nos indépendances, ça veut un Sénégalais à la table des grands. Par exemple, à la tête d’Air Afrique ou de l’Unesco, alors que Isaac Forster est déjà à la Cour internationale de La Haye.
Quand Senghor convoque à Dakar le monde noir en 1966, ça vient de tous les recoins de la planète pour vibrer au rythme des arts nègres. Il n’y a que les incultes, les gagne-petit et les miséreux qui y voient du gâchis.
Certes, le combat contre la famine est alors pratiquement perdu d’avance. L’ancienne métropole dont la légendaire capacité de nuisance en est à ses sommets, multiplie les chausse-trappes pour garder sous dépendance ses territoires d’Outre-Mer émancipés. C’est bien parce qu’elle nous a vendu son rêve de progrès et de modernité, en même temps que le cauchemar de notre dénuement, notre rachitisme et notre inculture. Bokassa, Idi Amin Dada, Houphouët-Boigny, Bongo et Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu wa Za Banga (traduction : le coq dans le poulailler ne laisse aucune poule indemne).
La République sous Senghor ose limoger un ministre parce qu’il manque juste de tenue. Le ministre de l’Hydraulique de l’époque, un dimanche, au sortir d’un déjeuner trop arrosé au Colisée, sur l’avenue Maginot, chante la Marseillaise et étrenne le drapeau français en bonne compagnie. Les renseignements généraux signalent l’incongruité.
La main du Président qui signe le décret de son limogeage ne tremble pas. En 1968, Maître Doudou Thiam, sémillant avocat, premier ministre des Affaires étrangères du Sénégal, devenu l’homme fort du pays après décembre 1962, hérite du Conseil économique et social. Une phrase malheureuse scelle son destin. Il est limogé avant même de prendre ses aises. Maître Doudou Thiam, le concepteur de la Constitution de la Fédération du Mali, hérite pourtant du somptueux fromage de l’avocat Léon Boissier-Palun, le défenseur des cheminots sénégalais à la fin des années quarante, ces rebelles qui forcent le pouvoir colonial à mettre un genou à terre ; Boissier-Palun, qui héberge le député Senghor lors de ses séjours au Sénégal, est le premier mécène du Bds qui propulse le «député kaki» au firmament de la politique sénégalaise et neutralise Lamine Guèye ; en résumé, l’un des artisans méconnus de notre indépendance. «Il y a des services si grands qu’on ne peut les payer que par l’ingratitude», professe Alexandre Dumas : Maître Léon Boissier-Palun, de mère dahoméenne et père marseillais, n’a même pas une ruelle à son nom dans ce pays auquel il apporte généreusement sa pierre quand tout semble perdu.
Revenons à nos piètres sénégalaiseries…
Lors de la prestation de serment du Président Diouf, héritier de Senghor qui lui épargne une bataille électorale incertaine, le 1er janvier 1981, le Premier président de la Cour suprême, Kéba Mbaye, indique la voie : «Les Sénégalais sont fatigués !»
Depuis cette bravade devant un Président démissionnaire sans pouvoir depuis la veille, nos compatriotes, qui en font leur leitmotiv, ont la raison suffisante de s’installer dans une économie de la pitié.
En 1988, l’année où l’agrégé d’économie et de Droit, l’opposant Abdoulaye Wade vend du rêve avec «le prix du kilo de riz à quarante francs», un personnage de bandes dessinées, symbolise ce choix délibéré : «Goorgoorlou» qu’il se nomme, il est la créature de Alphonse Mendy, alias TTFons, caricaturiste vedette du satirique Le Cafard Libéré. L’ultime ambition du besogneux personnage, devenu populaire au point d’inspirer une série télévisée sur la télévision publique, est de dévorer du couscous de mil au poulet.
Ce n’est pas le genre d’ambiance qui fabrique du capitaine d’industrie. Avant cela, le Parlement commence à accueillir des analphabètes. Certes, applaudir et crier «Vive Senghor !», comme cela se fait à l’époque, n’exige pas le Nobel des sciences. Mais il y subsiste encore le souci de ne pas être ridicule, d’avoir de la tenue.
En ces temps immémoriaux, la République du Sénégal a de la classe, comprenez la faculté à imposer le respect.
A quel moment notre pays bascule dans le misérabilisme, étale sa misère crasse et vit de la charité ? Pendant des années, le Journal télévisé, à chaque occasion, déploie un talent fou à glorifier la charité des pays riches : quand ce n’est pas une ambulance qu’un ministre du gouvernement réceptionne devant les caméras, ce sont des carcasses de moutons en provenance de La Mecque qui font la joie des misérables que sont devenus les Sénégalais.
Il ne manque pourtant pas de compatriotes ingénieux, audacieux, partis à la conquête du monde pour essuyer les larmes de leur mère, envoyer leur père à La Mecque et ouvrir l’avenir à leurs petites sœurs et petits frères, laissant derrière eux une épouse au service de la tribu affamée.
Dans les années soixante-dix, Senghor assigne à son ministre des Finances, Babacar Bâ, la redoutable mission de créer des riches de couleur locale ; le légendaire compte K2 ne fera pas que d’heureux chercheurs de gloire et fortune ; il crée aussi des jaloux dont le… Premier ministre, Abdou Diouf, que l’aura du ministre des Finances inquiète. Le chef du gouvernement finit par obtenir la tutelle de ce compte qu’il fermera, avec la complicité de l’opposant de façade Laye Wade, lequel ne pardonnera jamais à Babacar Bâ d’être ministre des Finances à sa place, en remplacement de Jean Collin.
Les années Diouf consacrent le triomphe de la friperie dont les précurseurs deviennent les heureux propriétaires de l’industrie de confection, le groupe Sotiba-Simpafric qui produit du tissu pour fauchés et finit par fermer, victime du train de vie d’un Pdg qui ne se refuse rien et n’en doute pas moins.
Voir petit devient la religion d’Etat qui dégraisse la Fonction publique et rabote l’école jusqu’à ne lui permettre que de produire de la racaille en quantité industrielle. Abdou Diouf initie et encourage les mutuelles qui forgent de l’entreprise à vingt-cinq mille francs, avec quoi ça a juste de quoi acheter un étal de bois branlant devant son domicile, sur lequel sont exposés trois choux, deux tomates et une tranche de poisson fumé.
L’offre politique de Wade ne vaut pas mieux… Le «Pape du Sopi», sous Diouf, se débarrasse de ses cadres et va chercher des sans-culottes pour porter sa volonté de changement, le «Sopi». Il tient le langage auquel le Sénégalais est sensible : vous faites pitié et j’en suis plus indigné que personne d’autre.
C’est la direction que Macky Sall emprunte douze années plus tard en multipliant les actes de charité : bourses familiales, et autres aides pour supporter l’insoutenable destin du pauvre descendant du tirailleur sénégalais qui peut se vanter d’avoir droit à un dessert.
La République perd définitivement de sa majesté lorsqu’un Farba Senghor peut y devenir ministre et qu’un Cheikh Amar trône sur le monde des affaires.
Lorsque la République du Sénégal de Senghor vous force à une posture d’aristocrate, et cherche à créer des capitaines d’industrie, celles de Diouf, puis de Wade, de Macky et Diomaye traquent le Sénégalais trop heureux pour être honnête, glorifient la mauvaise éducation, déifient la pauvreté.
Signe des temps : le Pierre Goudiaby Atepa des années Senghor, surnommé «Pierre le Bâtisseur», est devenu, un demi-siècle plus tard, «Pierre le démolisseur». Dans les années soixante-dix, l’architecte crée des tours et rêve de construire des métropoles entières sur le continent dont les chefs d’Etat se vantent de ses conseils ; Wade en fait son éminence grise au début des années 2000 et il rêve encore plus grand ; entre mégalomanes, on est comme larrons en foire… L’Atepa des années Macky en est réduit à batailler avec une Aby Ndour pour un morceau de corniche et répondre devant les tribunaux dédiés aux faits divers à la plainte de Adji Raby Sarr pour diffamation ; l’Atepa de l’ère Diomaye fait mieux. Son fantasme absolu serait de démolir un immeuble…
Par Pathé NDIAYE
DES ACTES DE GESTION INSOLITES CONTRAIRES À L’ORTHODOXIE ADMINISTRATIVE
Devant le flou créé par des informations contradictoires remettant en cause la réputation et la crédibilité du ministre Cheikh Tidiane Dièye, ce dernier a tout intérêt à faire la lumière sur cette nébuleuse à l'ONAS, très rapidement
Après avoir écouté Cheikh Dieng limogé du poste de DG de l’ONAS en moins de trois mois et lu la presse de la semaine dernière sur les raisons avancées, explicatives de ce limogeage, il est difficile de se faire une idée claire sur ces affaires et de porter un jugement correct voire condamner tout de suite l’une ou l’autre partie.
Les allégations sont très graves au point que, je crois que les corps de contrôle devraient vérifier l’authenticité des allégations faites par les deux parties.
La Justice (Procureur et OFNAC) devrait également s’autosaisir. Mon propos ici de m’interroger sur l’orthodoxie administrative de certains actes relevés et qui seraient des fautes graves, si notre Administration fonctionne ainsi.
Depuis quand ?
1. Le prédécesseur du Docteur Cheikh Dieng aurait cédé son véhicule de fonction à la Secrétaire Générale avant d’etre limogé. C’est pourquoi le nouveau Directeur Général n’ avait pas de véhicule de fonction à sa prise de service. Pas de crédits disponibles dans le budget en cours, selon le Docteur Cheikh Dieng !
La Secrétaire Générale a-t-elle droit à un véhicule de même catégorie que le Directeur Général ? Le Directeur Général sortant a-t-il le pouvoir de cession du patrimoine de l’entreprise, sans l’autorisation du Conseil d’Administration ?
2. La pratique d’immatriculation des véhicules de la société au nom des destinataires, directeurs et chefs de service de l’entreprise est insolite.
Si c’est vrai, il y a entorse à la loi et aux règles de gestion transparente et de bonne gouvernance. Il s’agirait d’une entorse assimilable à un détournement de fonds de l’entreprise ou d’un enrichissement sans cause.
Cette pratique serait ancienne voire une tradition bien établie ?
Ce serait encore plus grave si les corps de contrôle n’ont pas relevé cette faute de gestion. Mais comme depuis douze ans, les rapports des corps de contrôle n’ont pas été exploités, difficile de se prononcer !
Cette pratique serait- elle générale dans toutes les entreprises publiques ? Ce serait encore plus grave !
3. La cession des véhicules de fonction à leurs titulaires au moment de leur départ à la retraite répond -elle à un droit statutaire, c’est-à-dire prévu par les statuts de l’entreprise ? Ce serait concevable si le cout et les charges de la voiture sont amortis et qu’il y a lieu de renouveler l’achat ! Sinon cette pratique est la source d’augmentation des dépenses d’investissement et des charges de fonctionnement ! Dans ces cas l’entreprise est obligée de renouveler son parc encore fonctionnel et surtout non amorti !
4. L’immixtion du ministre de tutelle dans la gestion de l'ONAS, si c’est vrai, semble anormale et en contradiction avec le Code des marchés publics :
Le ministre a-t-il le pouvoir d’annuler un marché autorisé par la DMCP et l’ARMP ?
Le Ministre peut-il se substituer au Directeur Général, et signer des contrats de l’entreprise à sa place et obtenir les avis favorables et l’agréement de la DCMP et de l’ARMP ?
Tous ces actes qui seraient posés par le ministre d’après le Directeur Général ne semblent pas respecter la règlementation des marchés publics et le principe de l’autonomie de gestion des entreprises publiques.
J’ai du mal à croire que le nouveau régime dont le credo est Jub Jubanti Jubal se soit engouffré et continue des pratiques de gestion non orthodoxes courantes de l’ancien régime.
Surtout sous l’autorité d’un ministre de tutelle connu et apprécié par tous les observateurs dont je suis pour son engagement citoyen et pour la transparence et le respect du droit.
Devant le flou créé par des informations contradictoires qui remettent en cause la réputation et la crédibilité du ministre de tutelle même, ce dernier a tout intérêt à faire la lumière sur cette nébuleuse, très rapidement.
Au lieu de porter plainte ou d’attendre une enquête parlementaire, impensable dans la conjoncture actuelle, le ministre pourrait et devrait demander à la Cour des Comptes ou à l’IGE, de mener d’urgence une mission d’enquête auprès de l’ONAS, limitée aux questions qui se posent.
Par Mamadou Diagne
LES MÉDIAS SÉNÉGALAIS FACE AUX NOUVELLES EXIGENCES
Certaines entreprises de presse ont adopté une posture statique, sans vision proactive ni capacité d’adaptation dans un écosystème en perpétuel mouvement. le Fonds d’appui au développement de la presse devrait soutenir l’innovation et la créativité
Une entreprise de presse est bien plus qu’une simple entité productrice et pourvoyeuse de contenus. Elle incarne une mission d’informer, d’éclairer les débats, de renforcer la démocratie et de divertir sainement. Cependant, pour survivre et prospérer dans un environnement médiatique de plus en plus compétitif, une entreprise de presse doit aussi être gérée comme un business. Cette réinvention implique une gestion efficace des ressources, une innovation constante pour attirer et fidéliser son audience, ainsi que la diversification des sources de revenus pour générer des profits.
De ma courte expérience en tant que journaliste et responsable des supports digitaux de médias privés comme publics, mon constat est que si les médias sénégalais en sont arrivés à cette situation de crise, la cause est à chercher bien au-delà du problème de fiscalité.
Certaines entreprises de presse ont adopté une posture statique, sans vision proactive ni capacité d’adaptation dans un écosystème en perpétuel mouvement. Un écosystème où les habitudes de consommation ont presque fondamentalement changé. D’autres acteurs ont intégré le secteur et les annonceurs se sont tournés vers des canaux qu’ils pensent capables de toucher une plus large audience sans passer à la boutique des médias classiques.
La situation des quotidiens Stades et Sunulamb m’attriste profondément. Contrairement à ce que certains peuvent penser, ces médias n’étaient pas de simples ramassis de copier-coller. Ils représentaient le travail de journalistes talentueux qui y imprimaient leur signature singulière. Les colonnes de ces journaux étaient souvent le lieu de découvertes et d’analyses précieuses. Malheureusement, ils n’ont pas réussi à se réinventer dans un contexte en constante mutation, en perpétuelle évolution.
C’est d’autant plus douloureux de constater que d’autres médias hors de nos cieux avec un environnement plus compétitif ont su se réinventer avec succès.
Si la question est financière, alors c’est précisément à cela que devrait servir le Fonds d’appui au développement de la presse : soutenir l’innovation et la créativité. C’est là où se cherche la clef de son développement, justement. En fait, peut-être devrions-nous même renommer cette aide par « Appui à l’innovation et à la créativité ».
Les médias sénégalais, comme d’autres à travers le monde, ne sont pas seuls dans cette situation. La plupart des médias internationaux présents en Afrique bénéficient également de financements d’organismes et d’ONG pour aborder des thématiques spécifiques correspondant à leurs agendas.
Il y a six ans, j’ai eu la chance de participer à une belle aventure : le lancement du groupe Emedia. Avec une équipe jeune et dynamique, nous avions su adopter une approche innovante pour renforcer la présence en ligne des médias. Sur le plan digital, notre objectif premier n’était pas de générer des revenus immédiats, mais de nous positionner solidement dans un environnement hyper concurrentiel. Nous avons réussi ce pari, mais il était ensuite nécessaire de franchir une nouvelle étape, qui nécessitait surtout un investissement dans le capital humain.
Le premier goulot d’étranglement dans les médias réside souvent dans les directions des ressources humaines, à considérer qu’elles existent par ailleurs. La gestion du talent et le développement des compétences des équipes, l’optimisation des coûts de personnel et la projection à long terme dépendent en grande partie d’une politique RH alignée sur les objectifs stratégiques de l’entreprise. Emedia avait et a toujours du potentiel, mais la suite de l’histoire, vous la connaissez…
Après cela, j’ai rejoint la Radiodiffusion Télévision Sénégalaise (RTS), où le défi était tout autre. Trois ans plus tard, beaucoup me demandent comment je réussis à « gérer » dans l’environnement de la RTS. Il faut dire que certains considèrent la RTS comme une vieille institution avec de terribles lourdeurs et d’innommables goulots d’étranglement. Comme dans toute entreprise publique, proposer des solutions novatrices ou briser les habitudes établies n’est pas toujours bien perçu. Cependant, la RTS est remplie d’esprits brillants et passionnés ; grâce à eux, nous avons pu obtenir des résultats, surtout avec l’accompagnement et la confiance de la hiérarchie.
Avec une stratégie bien définie, nous avons pu relever plusieurs défis en trois années. Certains m’ont marqué plus que d’autres. Mais aujourd’hui, au-delà de la forte présence de la RTS sur la toile, pouvoir dire que nous avons multiplié par 100 les revenus digitaux est une réussite majeure, tout en sachant que nous n’avons pas encore atteint 10 % de l’exécution de nos potentialités. Si nous avons réussi l’exploit, c’est grâce à la collaboration entre plusieurs directions, qui a permis d’optimiser les ressources, d’aligner les objectifs, de stimuler l’innovation et d’améliorer l’efficacité.
Malheureusement, dans les entreprises de médias, cette collaboration est souvent insuffisante, chaque département travaillant en vase clos. Puis, les postes clés sont souvent occupés par des journalistes expérimentés, certes, mais ceux-là n’ont pas toujours de compétences en marketing, en gestion des ressources ou en finances.
Un autre problème majeur auquel les entreprises de média sont confrontées est leur réticence à la collaboration. Aujourd’hui, le secteur des médias est fortement influencé par les technologies. Pour rester compétitifs, les médias doivent non seulement se tenir au courant des nouvelles tendances, mais aussi collaborer avec des entreprises ou des startups innovantes dans le domaine. Cette ouverture est cruciale pour répondre aux exigences de performance actuelles.
À la RTS, j’ai eu la chance de collaborer avec des champions locaux tels qu’ACAN, BEUZ PRO et REFLEX. Leur expertise a véritablement enrichi nos projets et apporté une valeur ajoutée significative.
On parle maintenant beaucoup de digitalisation des médias, souvent réduite à une simple présence sur les réseaux sociaux. Cependant, la véritable transformation relève d’un changement de mentalité qui concerne tous les acteurs du secteur. Nous discutons également des défis posés par l’intelligence artificielle (IA) et des risques associés aux métiers du secteur. En effet, de nombreux processus sont ou seront automatisés, mais le changement est constant. Ceux qui initient et anticipent ces évolutions seront en première ligne.
Les opportunités sont nombreuses, mais elles dépendent de la maîtrise de sa cible et d’une approche territoriale adaptée. Dans le marché actuel de l’économie de l’attention, les médias n’ont plus le monopole. Il est essentiel donc de faire preuve de créativité pour se démarquer.
Par Vieux SAVANÉ
DES INTELLECTUELS, POUR QUOI FAIRE ?
L’engagement est une posture, un marqueur, un sacerdoce. Ainsi posé, l’intellectuel ne saurait se résumer à une personne bardée de diplômes
Qu’est-ce qu’un intellectuel ? Pas facile à définir, beaucoup ne s’y retrouvant pas, il reste toutefois une vision grandement partagée autour de l’idée suivant laquelle la stature de l’intellectuel se dessine par l’ intérêt porté hors de soi pour embrasser celui de la communauté alentour voire de la planète. Fort de son savoir, de son statut social, l’intellectuel a donc la claire conscience que sa voix a une résonnance, qu’elle porte et qu’il faut la mettre au service des grandes causes. L’intellectuel est alors celui ou celle qui ouvre les yeux sur les troubles qui secouent le monde. Un consensus est donc repérable autour de la notion d’engagement. Mais pour quoi faire ? La réponse consiste déjà à sortir de son confort personnel pour se sentir concerné par la laideur qui balafre le visage du monde. Adossé à sa notoriété, l’intellectuel n’hésitera pas par conséquent à prendre position sur des questions brûlantes qui consument le monde. Défenseur des opprimés, redresseur de torts, il s’évertue à projeter grâce à ses prises de positions un puissant éclairage sur des situations qui interpellent la conscience de ses concitoyens.
L’engagement est une posture, un marqueur, un sacerdoce. Ainsi posé, l’intellectuel ne saurait se résumer à une personne bardée de diplômes. Au-delà, il y a surtout un supplément d’âme qui fait s’intéresser aux pulsations du monde, développer de la compassion et s mettre en quête d’une société réconciliée avec elle-même parce que rétive à toute forme de domination, de soumission et d’exclusion. Par leur combat pour la dignité humaine, des autodidactes de la trempe de Lamine Senghor et Ousmane Sembène furent de grands intellectuels. Il est donc question d’être en mode combat, de débrouiller les ténèbres en les éloignant le plus loin possible au profit de l’épanouissement et de la démocratisation du savoir, à l’instar d’un intellectuel de renom, Cheikh Anta Diop. Le combat de ce dernier consistait en effet à contribuer à l’émergence d’une conscience historique africaine susceptible de fracasser les ténèbres dans lesquels ont voulu l’installer durablement l’esclavage, la colonisation, dans l’unique but de lui ôter toute humanité. De la protestation certes, mais nous dit l’auteur, l’intellectuel n’est pas simplement sujet à la prise de position et à la dénonciation du fait qu’il se distingue aussi dans l’incarnation d’une ambition libératrice. Il fait cas des grands débats récents qui ont agité le ghota intellectuel, notamment autour de certains ouvrages tels « la fin de l’histoire » de Francis Fukayama ou le « choc des Civilisations » de Samuel Huntington. L’auteur fait un clin d’œil à Paris, revenant sur l’attraction qu’elle exerçait sur le monde intellectuel et qui fascinait notamment des Américains comme William Faulkner, Richard Wright dont le pays n’arrivait pas à absorber les frustrations et les attentes qui bouillonnent en son sein. Il en profite pour interroger l’anti-intellectualisme à travers notamment l’espace étasunien marqué par le pragmatisme, bien loin des joutes verbales, fussent-elles de haut niveau. C’est une tradition différente qui s’y déroule. Là-bas, on admire plutôt le « self made man », la réussite dans le business. En somme le culte du résultat plutôt que celui de l’accumulation de connaissances. L’intellectuel y est donc vu négativement car perçu « comme un technicien du mental, qui réfléchit, critique, théorise, imagine, questionne dans un environnement qui n’en a pas besoin ». C’est oublier que « toute parole a des ressentiments. Tout silence aussi ». Alors « Des intellectuels pour quoi faire ? »
A travers cet ouvrage on mesure en tout cas l’importance du rôle de l’intellectuel. Il met le couteau dans la plaie, mû par un désintéressement et une audace qui l’obligent à porter et à défendre des causes qui le dépassent en se mettant au service de la veuve et de l’orphelin. L’auteur se livre ainsi à travers ce qui s’apparente à une revue de l’intellectualité, celle qui remet au goût du jour tous les combats pour les nouveaux droits établis aujourd’hui comme une évidence, avec en arrière fond le rappel qu’ils ne doivent leur effectivité que par les batailles qu’il a fallu mener en conséquence. Une façon de dire l’actualité du rôle de l’intellectuel.
Par Thierno Bocoum
OUSMANE SONKO A DONC OSE ?
Le Premier ministre Ousmane Sonko a osé demander qu’on débatte sur des secteurs précis alors qu’aucune vision n’a été déclinée, jusque-là. Débattre sur l’agriculture précise-t-il entre autres. Avec quelle vision ? Quelle déclinaison ?
Le Premier ministre Ousmane Sonko a osé demander qu’on débatte sur des secteurs précis alors qu’aucune vision n’a été déclinée, jusque-là.
Débattre sur l’agriculture précise-t-il entre autres. Avec quelle vision ? Quelle déclinaison ?
À la place des explications sur la qualité des semences, il veut débattre sur une vision qui n’existe pas. Et lui-même le reconnaît : « vous allez bientôt savoir où nous irons ».
Il ose nous dire qu’il allait reprendre les activités politiques. Depuis quand a-t-il cessé ces activités ?
Son meeting au grand théâtre alors qu’on l’attendait sur un plan d’action gouvernemental qui n’a jusque-là pas été livré, n’était-il pas une activité politique ?
Le fait d’avoir reçu Mélenchon en grande pompe avec à la clef une conférence polémique à l’UCAD, n’était-ce pas une activité politique ?
A-t-il oublié qu’il avait même programmé une tournée politique dans les États de l’AES lors du Bureau politique de son parti, qu’il a présidé le dimanche 5 mai 2024 ?
Non le chat n’a jamais quitté la scène politique. Il dansait sur la musique de l’incompétence, du népotisme et de la manipulation.
La charge de la gouvernance étant manifestement trop lourde, il cherche à se consoler avec les fagots de la politique politicienne.
Trêve de diversion !
Qu’il aille faire sa Déclaration de Politique Générale (DPG), conformément aux dispositions de la constitution.
Tous les prétextes pour y renoncer ont été levés.
Qu’il décline sa feuille de route et il verra si nous savons débattre sur une vision ou pas.
Et franchement qu’il arrête de nous rabâcher ses relations avec celui qu’il cherche toujours à réduire à sa plus simple expression.
Nous attendons des résultats et non des gages mutuels d’une entente qui n’a encore rien produit de concret si ce n’est s’approprier les réalisations du régime précédent.
lettre d'amérique, par rama yade
INDUSTRIES CULTURELLES CRÉATIVES, LE SOFT POWER AFRICAIN
Du cinéma à la mode, en passant par la musique et les arts visuels, l'Afrique affirme son identité et change le narratif global sur le continent
Le soft power est le nouveau hard power. Selon l’Unesco, le secteur créatif pourrait créer 20 millions d’emplois et générer 20 milliards de dollars de revenus par an en Afrique. Le continent a besoin de la création de 18 millions d’emplois par an pour combler le déficit d’emploi qui ne cesse de s’aggraver suite à l’explosion démographique. Les industries culturelles et créatives, devenant un marché économique en plein essor, pourraient y prendre une part précieuse. Le patrimoine culturel africain était déjà partout, influençant le blues, la salsa, le rap, le reggae et même le disco. Son influence était visible dans la peinture de Picasso, les pyramides d’Egypte et les sculptures de la Grèce antique. Ce qui est plus nouveau, c’est la reconnaissance croissante du public. Une nouvelle visibilité et des opportunités économiques émergent.
Aux sources de l’essor des industries culturelles et créatives
Deux phénomènes sont à l’origine de cette révolution. D’abord, la croissance démographique sur un continent qui, en engageant le doublement de sa population d’ici 2050, voit arriver une classe moyenne plus éduquée, consommatrice, et surtout une jeunesse innovante dont les moins de 15 ans constituent 40% de la population africaine. Nés avec l’internet, le mobile et les plateformes telles qu’Instagram, Twitter, TikTok, Youtube, Facebook, et Snapchat où ils peuvent euxmêmes créer et promouvoir leurs propres contenus, ces jeunes ne regardent pas le monde de la même manière que les générations précédentes.
Ensuite, la plus grande révolution digitale de ces vingt dernières années qui s’est produite en Afrique s’est traduite par une croissance exponentielle du marché de la téléphonie mobile. Selon l’Association mondiale des opérateurs et constructeurs de téléphonie mobile (Gsma), le taux d’adoption des smartphones devrait passer de 51 à 87% entre 2022 et 2030, avec un quadruplement du trafic des données mobiles en Afrique subsaharienne. Ces changements s’opèrent dans tous les secteurs, dans la banque à distance, les cryptomonnaies, les paiements et, bien sûr, l’arrivée de l’Intelligence artificielle accélèrent ces phénomènes. La culture de l’entrepreneuriat, déjà présente en Afrique, s’en trouve considérablement encouragée à travers le phénomène croissant des startups.
La conjonction de ce double phénomène démographique et technologique a fortement impacté le secteur culturel.
Nollywood plus fort qu’Hollywood
Prenons l’exemple du Nigeria, qui est devenu la plus grande économie africaine après l’inclusion de Nollywood dans la mesure de son Pib en 2016. Aujourd’hui, le marché du divertissement au Nigeria est devenu l’industrie culturelle la plus dynamique au monde. Chaque année, 150 millions de téléspectateurs regardent plus de 2500 films produits au Nigeria, dépassant de loin Hollywood si bien que, selon la Nigerian Entertainment Conference, le marché du divertissement et des médias du Nigeria devrait atteindre un chiffre d’affaires de 14, 82 milliards de dollars en 2025, contre 4 milliards de dollars de revenus enregistrés en 2013. Dans les cinq années qui viennent, l’organisation annonce une croissance annuelle de 16, 5% du secteur grâce à une connectivité en hausse et une hausse des abonnés.
Et il n’y a pas que Nollywood : le nombre de sociétés de production au Kenya, en Afrique du Sud, au Maroc, en Côte d’Ivoire n’a jamais été aussi important. Au Sénégal, à quelques semaines de la Biennale de Dakar, le succès se renforce à chaque édition avec, selon les organisateurs, «ses 250 000 visiteurs dont plus de 50 000 proviennent de l’étranger, 11 000 professionnels, plus de 3000 créateurs, artistes de la matière, manufactures, galeries, maisons d’excellence, fondations et institutions», et que le New York Times qualifiait de «l’un des plus grands -et certainement le plus vibrant événements d’art contemporain sur le continent africain» dans un article de juin 2022.
Comme souvent, en particulier dans un continent où les enjeux de développement sont massifs, artistes et créateurs déploient une réflexion qui, faisant écho aux défis de l’époque, évoque le changement climatique, la résolution des conflits ou encore les questions de gouvernance.
Un nouveau récit africain
Avec la mode, le cinéma, les arts visuels, les sites culturels, les médias, le design, les jeux vidéo, la musique, les livres et même le sport, les industries créatives changent le récit africain. Au-delà des opportunités économiques croissantes, c’est sans doute leur plus grande force. Enfin, les Africains parlent d’eux-mêmes, décrivent leur réalité comme dans la série à succès Maîtresse d’un homme marié et leur vision de l’avenir avec le joyeux et futuriste Iwaju. La diaspora a aussi un rôle important dans ce nouveau narratif partagé avec le reste du monde, à l’image du succès mondial de Black Panther : Wakanda Forever, qui mettait en vedette des acteurs africains primés à Hollywood comme Lupita N’yongo ou Daniel Kaluuya. Dans ce film, les Dora Milaje rappelaient les Amazones du Benin, les boubous violet des membres de la famille royale la tenue des Touaregs et la coiffure de Ramonda celle des femmes Mangbetu du Congo.
Ce secteur sert également à amener le monde en Afrique. Fidèle à une vieille tradition qui a vu les films de Hitchcock jusqu’à la série Mission impossible y être tournés, le Maroc, par exemple, accueille de nombreux studios de cinéma hollywoodiens à Casablanca et Ouarzazate, et su faire de ses événements culturels comme le Marathon des Sables ou le Festival de Fez des musiques sacrées du monde, des rendez-vous internationaux.
Entraînées par ces succès, les plateformes occidentales ont considérablement enrichi leurs portefeuilles africains : la comédie musicale Black is King, produite par Disney, célébration de l’Afrique par Beyonce, produite par Disney, tandis que Netflix et Amazon développent à la fois des licences et du contenu original de sociétés de production locales africaines ayant l’ambition d’une distribution mondiale. Les services de streaming africains sont également en plein essor, comme Boomplay et ses 60 millions. Côté luxe, des maisons telles que Dior et Louis Vuitton, qui se sont toujours inspirées des créations africaines, organisent des défilés dans les capitales africaines désormais. Les marques de prêt-àporter comme H&M et Zara intègrent des inspirations africaines aussi. Les Fashion Week, de Johannesburg à Lagos, sont fréquentées par des célébrités internationales. Dans l’industrie musicale, le lauréat nigérian d’un Grammy Award, Burna Boy, a été le premier artiste africain à faire salle comble dans un stade américain après la sortie de son album en 2022, et le premier artiste nigérian tête d’affiche du Madison Square Garden. Il a été nommé parmi les 100 personnes les plus influentes de 2024 par le Time.
Des artistes africains laissés à eux-mêmes
Cependant, en dehors de quelques artistes africains cotés, les artistes africains ne vivent pas bien de leurs créations. Ils sont laissés à eux-mêmes. Pour des Irma Stern, Marlene Dumas, Mahmoud Said, William Kentridge, y compris des crypto-artistes reconnus comme la Franco-Sénégalaise Delphine Diallo ou le Nigérian Osinachi qui vend ses NFT à plus de 200 000 dollars chez Christie’s, combien d’artistes africains, peintres, sculpteurs, danseurs ne bénéficient d’aucune reconnaissance et vivent même dans la pauvreté ?
Un coup d’œil rapide sur le prix auquel se vendent les peintures des artistes dans les rues des capitales africaines pour réaliser à quel point leur travail ne fait l’objet d’aucune reconnaissance, et d’abord financière. Dans la musique, les artistes africains tirent beaucoup moins de valeur de leurs créations que leurs homologues occidentaux. Par exemple, sur Spotify, alors que le paiement moyen pour 1000 streams aux Etats-Unis se situe entre 5 et 10 dollars, il est inférieur à 0, 5 dollar dans les pays africains. Malgré quelques événements phares tels que le Fespaco de Ouagadougou et la Biennale de Dakar qui, elle-même, a dû être reportée cette année pour des problèmes de financement, les industries créatives africaines ne sont pas beaucoup soutenues par les gouvernements en Afrique : seulement 1, 1% du Pib africain leur est consacré et elles constituent moins d’1% de l’économie créative mondiale évaluée à 2, 2 milliards de dollars. La plupart des gouvernements africains n’ont pas ratifié la Charte pour la renaissance culturelle africaine adoptée en 2006, dans le but de préserver et de promouvoir le patrimoine culturel africain. Les quelques bourses qui existent proviennent des instituts français, Goethe, ou du programme Acp-Union européenne. Les banques d’Etat chinoises sont de plus en plus impliquées, participant au financement de l’Opéra d’Alger et du Palais des Congrès de Yaoundé. Du côté africain, il n’y a guère que la Banque panafricaine d’import-export (Afreximbank) qui a pris la première initiative d’envergure avec une enveloppe de 500 millions de dollars destinée à soutenir les industries créatives et culturelles en décembre 2020. Malgré quelques déclarations d’intention regroupées dans l’aspiration numéro 5 de l’Agenda de l’Union africaine promettant «une Afrique dotée d’une forte identité culturelle, d’un patrimoine commun et de valeurs et d’éthique partagées» et quelques projets à concrétiser comme le Grand Musée de l’Afrique à Alger, l’organisation panafricaine n’a pas encore pu faire coïncider ses ambitions avec les engagements constatés de la part des Etats.
L’enjeu crucial de la propriété intellectuelle
Les besoins sont énormes : le manque d’infrastructures (espaces de production, salles de cinéma et de concerts), le faible nombre de maisons d’édition et la faible capacité de formation (administrateurs, managers, techniciens, experts numériques etc.). Néanmoins, la vulnérabilité des industries créatives africaines n’est pas que financière, elle est aussi légale et tient à la faiblesse de la réglementation en matière de droits de propriété intellectuelle. Cette question affecte considérablement la protection des créateurs, notamment les droits d’auteur, la négociation des contrats, la production, la distribution et l’accès aux marchés internationaux et, au final, la rentabilité financière des créations.
De nombreuses institutions financières et investisseurs n’étant pas familiers du secteur créatif, ils ne comprennent pas comment évaluer et tarifer les risques, ce qui rend l’accès au capital difficile et coûteux malgré les opportunités pour les investisseurs. En plus de cela, la piraterie, les pratiques de contrebande et le trafic illicite rendent le marché africain difficile à lire. D’une certaine manière, ces enjeux font écho à la question de la restitution des œuvres d’art africain spoliées. Il s’agit encore et toujours d’avoir la pleine souveraineté sur la création africaine.
Une réflexion stratégique sur les droits de propriété intellectuelle est la première mesure urgente à laquelle les Etats devraient s’atteler. La monétisation d’un secteur économiquement prometteur est la seconde. De l’économie du textile au tourisme, ce sont des chaînes de valeur qu’il convient de créer tout en démocratisant l’accès à cette industrie. Le terreau est fertile : en Côte d’Ivoire, les femmes possèdent 80% de l’économie du textile.
L’Afrique a toujours été une terre de création dont l’influence a essaimé partout, mais sans la reconnaissance qui aurait dû aller avec. Le bouleversement technologique actuel, en redistribuant les cartes, offre une occasion unique aux artistes de briller sans se cantonner aux limites de leurs frontières nationales. Cette révolution culturelle est en train de modifier considérablement le paysage créatif mondial. Il revient désormais aux Etats de prendre les mesures règlementaires qui s’imposent pour faire de cette industrie une véritable politique publique et même un puissant outil de politique étrangère.
Rama Yade est Directrice Afrique Atlantic Council.