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25 novembre 2024
Opinions
Par Magaye GAYE
REGARD CRITIQUE SUR L’INTERVENTION DE L’ECONOMISTE KAKO NUBUKPO SUR RFI
Commentant la récente volonté exprimée par les nouvelles autorités sénégalaises tendant à envisager le lancement d’une monnaie nationale, il a, dans ses développements, esquissé des reformes qu’il juge nécessaires sur le franc CFA
Nous avons suivi avec intérêt sur la Radio France Internationale (RFI) une intervention de Monsieur Kako Nubukpo, économiste reconnu et par ailleurs Commissaire en charge de l’Agriculture, des Ressources en eau et de l’Environnement à la Commission de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA). Celle-ci, actuellement largement partagée sur les réseaux sociaux, a porté sur plusieurs sujets notamment économiques dont entre autres, la question relative au franc CFA. Commentant la récente volonté exprimée par les nouvelles autorités sénégalaises tendant à envisager le lancement d’une monnaie nationale, il a, dans ses développements, esquissé des reformes qu’il juge nécessaires sur le franc CFA à savoir :
1- le changement de nom
2- l’abandon de la garantie de convertibilité
3- l’instauration de règles de rotation au poste de Gouverneur en ce qui concerne la BCEAO
4- la modification des règles de gouvernance notamment l’articulation des politiques monétaires et budgétaires
5- l’ouverture de concertation sur la question du régime de change mais en relation avec la CEDEAO.
Mon avis est que des réformes focalisées sur ces seuls paramètres évoquées par l’économiste ressembleraient à des réformettes. Le problème du franc CFA et les nombreuses contraintes qu’il fait peser sur nos économies demandent plutôt des modifications structurelles.
Monsieur Kako Nubukpo a, me semble-t-il, omis dans son argumentation 5 mesures de fond que nous avions du reste rappelées dans une de nos dernières communications publiée dans la presse le 28 mars dernier.
1- Changer la parité fixe actuelle au sein de l’UEMOA et non pas en attendant d’en discuter avec la CEDEAO comme il le préconise, ce qui risquerait de retarder l’agenda. Ce régime de change gagnerait à être déterminé par rapport à un panier de monnaie caractéristique de notre structure de commerce extérieure. Une monnaie arrimée à l’euro, comme c’est le cas actuellement pour le franc CFA nous confine dans une position d’importateur, gêne considérablement nos exportations, notre balance commerciale et au-delà, l’impérieuse nécessité de transformer nos matières premières locales sur place grâce à de bonnes politiques d’industrialisation. Il faut une transformation structurelle de nos économies. Pour rappel, selon la Banque Africaine de Développement (BAD), l’Afrique enregistre 35 milliards de dollars d’importations nettes de denrées alimentaires par an, un chiffre qui devrait atteindre 110 milliards de dollars à l’horizon 2025, si les tendances actuelles persistent. Au niveau de l’UEMOA, les importations de biens et services ont atteint 36 511 milliards de FCfa en 2022 soit 32.9% du PIB.
2- Imprimer nos billets de banque sur place ou à défaut sur la base d’appel d’offre international au lieu que ce soit toujours en France. L’impression des francs CFA, se fait à Chamalières par la Banque de France depuis sa création en 1945. Il est temps que les chefs d’État des pays de la Zone franc apprécient de manière optimale l’intérêt et l’opportunité du lieu de fabrication.
3- Modifier les règles de fonctionnement des organes de gouvernance des banques centrales des 3 zones concernées par le dispositif (UEMOA, CEMAC, COMORES) de manière à rendre les décisions entièrement africaines.
4- Revoir les missions de ces banques centrales en leur donnant une vraie mission de plein emploi au lieu des seuls objectifs réellement poursuivis de lutte contre l’inflation. Ce qui signifie en d’autres termes, desserrer l’étau de politiques monétaires restrictives et de ratios prudentiels calés sur ceux de la zone euro, lesquels handicapent l’accès au financement des acteurs économiques.
5- Faire circuler dans les 3 zones les mêmes signes monétaires afin de favoriser leur intégration. Rien ne peut justifier le fait que le franc CFA d’Afrique centrale ne soit pas interchangeable avec le franc CFA d’Afrique de l’Ouest.
Magaye GAYE
Économiste international Ancien Cadre de la BOAD et du FAGACE
Par Hamidou SALL
ABDOUL AZIZ WANE, ECOLE CENTRALE DE PARIS, PROMOTION 1954
Andra moï ennepe, Mousa… Pourquoi commencer cet hommage à un illustre fils du Sénégal trop tôt disparu par le vers premier d’une œuvre fondatrice, l’Odyssée d’Homère ?
Andra moï ennepe, Mousa… Pourquoi commencer cet hommage à un illustre fils du Sénégal trop tôt disparu par le vers premier d’une œuvre fondatrice, l’Odyssée d’Homère ?
Andra moï ennepe mousa, Raconte-moi, Muse, un homme… dit ce vers au verbe à l’impératif, avec son complément d’objet, un pronom au datif et un vocatif pour invoquer la muse.
Si j’ai choisi une entrée par le grec ancien, ce n’est que pour mieux coller à une des multiples facettes de la riche personnalité d’un distingué scientifique, un ingénieur de haut lignage qui était aussi un solide helléniste. En cette année du soixante-dixième anniversaire de sa sortie de la prestigieuse Ecole Centrale de Paris où il fut le premier Africain, voici venu le temps de raconter Abdoul Aziz Wane pour l’offrir comme modèle aux jeunes générations du Sénégal et de l’Afrique. Devoir de mémoire certes, (Mémoire, Mnêmosùnê, mères de toutes les muses), mais aussi une sommation, un impératif catégorique dont l’objet est de saluer un illustre fils du Sénégal, parti à la fleur de l’âge et inconnu de nombre de ses compatriotes, à commencer par l’auteur de ces lignes. Ses quatre filles, Défa Safiétou, Aïssata Satigui, Youhanidou Thierno Mollé et Yéyya Raby, pour les nommer selon l’ordre de primogéniture, l’ont à peine connu. Aussi, n’estce pas une gageure que de vouloir parler d’un homme que je ne connais pas ? Je ne le connais que parce que m’en dirent les miens, par les témoignages de ses amis, dont Cheikh Hamidou Kane, l’illustre auteur de L’aventure ambiguë, qui lui fit un émouvant clin d’œil dans son autre livre Les Gardiens du Temple, par ceux de son épouse, notre regrettée tante Fatma Diop, la mater dolorosa, veuve à vingt-six ans.
Le génie de la transversalité
Abdoul Aziz Wane naquit en 1929 à Kanel où il eut sa première formation au «Foyer ardent» pour y mémoriser les Sourates du Saint Livre auprès de son Maître-Thierno. De brillantes études primaires lui ouvrirent les portes du Lycée Faidherbe de SaintLouis. Son cycle secondaire y fut étincelant. Son aisance dans les différentes matières étudiées l’avait fait briller dans les mathématiques, la physique, la chimie, avec un apprentissage méticuleux des lettres et la fréquentation assidue des grands textes latins et grecs, battant ainsi en brèche la différence factice que certains seraient tentés d’instaurer entre les lettres et les sciences. En cela, Abdoul Aziz Wane était déjà l’héritier précoce des Encyclopédistes qui alliaient harmonieusement la maitrise pointue des sciences avec une formidable érudition littéraire, notamment dans les humanités classiques. Déjà un premier exploit au Lycée Faidherbe : il décrocha les deux bacs un philo et un mathélém. Son baccalauréat mathématiques élémentaires avec une mention «Très bien» le conduira au prestigieux lycée Henri IV de Paris pour y préparer le concours d’entrée aux grandes écoles. Il sera le premier Africain diplômé de l’Ecole Centrale de Paris, promotion 1954. Abdoul Aziz Wane, c’était le génie de la transversalité. Son intelligence combinait avec bonheur un profond ancrage dans la culture et les valeurs de son terroir, une ouverture assumée à la culture française, encore plus lumineuse chez lui grâce à la culture grécolatine dont il était pétri. Il était un modèle achevé du tonique couple enracinement et ouverture. Par sa solide culture littéraire, sa maîtrise de l’archéologie des mots et sa formation scientifique pointue, il avait acquis un remarquable sens du raisonnement ordonné et méthodique. Sa touchante simplicité, son humilité, sa chaleur et sa magnanimité étaient, m’a-t-on dit, un trait saillant de sa personnalité. Ses qualités humaines et intellectuelles avaient fait de lui un de ces brillants esprits que le président Senghor avait à cœur de mettre au cœur de l’appareil d’État, convaincu que c’était avec les meilleurs esprits qu’il fallait bâtir notre pays à l’aube de son accession à la souveraineté internationale.
C’est en allant visiter sa mère à Kanel, pour passer la fête de l’Aïd avec elle, sur la route du Diéri, un peu après Dagana, que l’irréparable se produisit, arrachant à la jeune République un de ses plus brillants espoirs. Sa vie fut courte (1929-1963) mais elle fut utile au pays dont il a contribué à façonner les outils stratégiques pour asseoir son développement. Par l’exemple de Wane, et par d’autres, pour la plupart inconnus des jeunes générations, nous pouvons, avec une pointe de nostalgie, affirmer qu’il fut un temps où le Sénégal produisait l’excellence dans les études et se nourrissait d’excellence. L’Ecole, prolongement de la famille, était un terreau fertile pour la formation de l’esprit, du point de vue intellectuel et du point de vue des valeurs. Des Sénégalais issus de milieux très modestes ont gravi les échelons du savoir dans des conditions difficiles et dans des environnements très souvent hostiles. Mais par la constance dans l’effort, le courage et l’abnégation à déjouer les pronostics pessimistes, ils sont parvenus à se hisser aux sommets les plus élevées du savoir, du service et du devoir. Les enseignants de cette belle époque, en éducateurs hors pair, avec le dévouement qu’exige la mission, n’enseignaient pas seulement ce qu’ils savaient mais aussi ce qu’ils étaient à savoir des modèles de vertu et de rigueur. Ces maîtres d’antan, toujours portés par la mystique du devoir de formation, ont instruit des générations de jeunes en dispensant un savoir de qualité et une éducation civique structurante. L’enfant est une créature inachevée à mettre en perspective, disait Hannah Arendt. Ces maitres d’une autre époque, ont éduqué, formé et mis en perspective leurs élèves qu’ils ont magnifiquement élevés à la conscience que c’est par la conquête du savoir qu’ils pouvaient occuper les hautes fonctions et servir leur pays avec patriotisme et détermination. Revenir à cela sera long et difficile, mais il n’y a pas d’autres solutions car il est évident que le savoir et la formation sont la première industrie pour développer notre pays. Il faut avoir la ferme volonté de s’y remettre en prenant le problème à sa source et insister pour que l’enseignement redevienne un facteur de véritable épanouissement. Il est donc urgent de redonner aux espaces de diffusion de la connaissance leur lustre d’antan.
Abdoul Aziz Wane et Senghor
Pour clore mon propos, voici que remontent et résonnent en moi les mots empreints de tendresse et d’admiration de Senghor me parlant de Wane Abdoul Aziz. C’était en juillet 1978, je venais de lui annoncer la réussite au baccalauréat de l’une des filles de Wane. Je savais que les choix et orientations politiques les ont un moment séparés, mais je savais aussi que le latin et le grec les avaient pour toujours soudés en une affinité élective, pour parler comme Goethe. Wane qui était membre du PRA, un parti d’opposition, n’était pas sur les mêmes positions politiques que Senghor, qui, après sa disparition, avait fait de ses filles des pupilles de la Nation. Il l’avait également choisi comme parrain d’une promotion de la toute jeune Ecole Nationale d’Administration du Sénégal, pépinière des hauts cadres de l’État. Dans un inoubliable discours d’une très belle élévation le président Senghor avait dit de notre regretté ingénieur-helléniste que le Sénégal venait de perdre un de ses plus grands serviteurs. Au passage, sur le registre du parrainage, il me plaît d’adresser un immense et retentissant merci «ab imo pectore» au Président Macky Sall qui, au cours de son dernier Conseil des ministres, a tenu à attacher le nom de cet illustre fils du Sénégal au Lycée scientifique d’excellence de Diourbel. Voilà le Sénégal d’hier, celui où ses enfants, par-delà les clivages et antagonismes politiques, savaient se retrouver autour de l’essentiel. Voici le Sénégal d’aujourd’hui qui vient d’envoyer à un certain «OccidentCassandre» le puissant message de la maturité de son peuple, si attaché à la paix, à sa démocratie et à la cohésion de son tissu social. «Il faut sonner le rappel car il est bon de se souvenir», nous recommandent les Écritures Saintes. Qui n’a pas de mémoire n’aura pas d’avenir. Le passé est la racine du futur. Puissions-nous toujours nous rappeler d’hier et puiser dans les richesses endogènes de notre peuple ce qu’il faut comme force pour regarder demain et bâtir un Sénégal nouveau, maison de tous parce que construit avec la pierre de chacun.
Hamidou SALL Écrivain
par Mamadou Diallo
CI-GÎT LA RÉPUBLIQUE DES ÉVOLUÉS DU SÉNÉGAL
EXCLUSIF SENEPLUS - Pour la première fois depuis les indépendances, un mouvement susceptible de prendre le pouvoir a assumé la poursuite des efforts de la décolonisation. On minimise un peu trop le rôle joué par la proposition politique du Pastef
La victoire de Bassirou Diomaye Faye à la dernière élection présidentielle marque le retour de la politique au sommet de l’État sénégalais et donne le coup de grâce à la République des évolués du Sénégal. Ce retour de la politique est à double tranchant. Il est une excellente chose d’un point de vue démocratique, car jamais président sénégalais ne fut mieux élu et ne disposa d’un mandat aussi clairement défini. On peut espérer que les questions à l’étude du Conseil des ministres seront celles posées par le sort des Sénégalais les plus nécessiteux, et leurs réponses trouvées ailleurs que dans le dernier concept à la mode dans les cercles de global governance. Mais c’est aussi, il ne faudrait pas se le cacher, le début probable d’ennuis nouveaux : vivre en sujets politiques, revendiquer leur autonomie c’est, pour les élites dirigeantes locales, renoncer au confort, si médiocre soit-il, de la tutelle notamment française et s’exposer à des épreuves de force, au-dedans comme au-dehors. C’est en partie ce qui a perdu la Côte d’Ivoire sous Laurent Gbagbo qui, malheureusement affaiblie de l’intérieur par l’instrumentalisation politicienne de l’ethnie, fut d’autant plus aisément punie que son gouvernement central s’était aliéné une part considérable de ses concitoyens. Heureusement pour le projet de rupture porté par le Pastef, la société sénégalaise a résisté à l’ethnicisation de la politique tentée par certains cadres de l’APR.
On peut, en forçant un peu le trait, distinguer la lecture qui est faite du dénouement de l’élection sénégalaise à l’étranger de celle qui domine aujourd’hui au Sénégal, où les soucis légitimes sont le retour au calme et la réconciliation nationale. À l’étranger, en particulier chez nos partenaires occidentaux, si plein comme on le sait de sollicitude à notre égard, les commentateurs ne s’y trompent pas. Ils butent, en même temps qu’ils s’inclinent devant l’incontestable légitimité démocratique du tournant pris par le Sénégal, sur des tournures dans les discours et des aspects dans les profils de ceux qui l’ont impulsé. Ces gens-là, disent-ils un peu surpris et anxieux, ne sont pas tout à fait comme nous et n’aspirent pas non plus à l’être. Ils sont musulmans, mais pas de ceux « modérés,» nimbés de nos lumières, que nous aimons tant et que le Sénégal a longtemps produits. Au Sénégal, une lecture courante est celle du référendum anti-Macky Sall et de la réaffirmation renouvelée par les électeurs sénégalais de leur attachement à la démocratie.
En insistant soit sur des acquis constitutionnels produits d’une histoire que d’aucuns font remonter aux quatre communes, soit sur la dimension négative du dernier vote des Sénégalais, l’on minimise un peu trop le rôle joué par la proposition politique du Pastef. C’est une tendance qui était déjà à l’œuvre au lendemain des évènements de mars 2021, où l’on mettait en avant la Covid et le renchérissement du coût de la vie afin de ne pas admettre la popularité d’Ousmane Sonko. Il y a aussi, qui vient brouiller les pistes, cette tendance à l’attribution de la résistance décisive face aux méthodes dictatoriales du régime finissant au peuple – cette abstraction ou ce récit –, aux organisations de la société civile qui tiennent des réunions, ou encore à une jeunesse qui mêlerait les jeunes du Point E à ceux de Grand-Yoff. On amalgame à une masse dépourvue de déterminations sociales ceux qui ont lutté de manière effective et en ont payé le prix, de même qu’on substitue les raisons pour lesquelles elles et ils l’ont fait par des passions libérales qui leur sont au mieux secondaires. Finalement, on rend indistinct ce qu’il y a de fondamentalement nouveau dans la situation présente, de même qu’on range sous le tapis du Senegaal benn bopp la kenn du ko xar ñaar les contradictions, qui ne sont pas seulement générationnelles, dont la société sénégalaise, comme toutes les sociétés, n’est heureusement pas exempte. J’aimerais quant à moi dire pourquoi ce qui me semble avoir été déterminant, c’est précisément la proposition politique du Pastef. Proposition notable parce qu’elle a mis un terme à l’idée jusque-là dominante dans le paysage politique sénégalais selon laquelle n’est envisageable qu’une seule orientation pour la bonne gouvernance des affaires publiques.
Gouvernance néolibérale et démocratie neutralisée
L’ironie du multipartisme en Afrique francophone c’est que son heure coïncide avec celle de la neutralisation néolibérale de la démocratie.[1] Au sortir des difficiles années 90, les “années de braise” selon l’expression du Premier ministre Habib Thiam, le discours politique consistait exclusivement en des énoncés consensuels et vagues : sur le développement que l’on poursuit ; la bonne gouvernance que l’on promet et éventuellement le fameux “nos valeurs” que l’on défend. Momar Coumba Diop notait en 2006, au sujet de “la classe dirigeante issue de l’alternance”, qu’elle s’était “éloignée des confrontations idéologiques qui avaient marqué l’ère de Senghor et, dans une moindre mesure, le régime de Diouf”. Il n’y a pas que la classe politique sénégalaise qui s’était convertie à cette idée de la politique comme mise en œuvre du consensus libéral. Le monde entier, avec le recul de l’hypothèse communiste, s’était converti à cette économie politique qui nie l’idée même d’alternatives. Dans cette conception nouvelle du politique comme lieu vide d’alternative, les gauches de gouvernement renoncèrent à agir sur les dynamiques de marché et ne jurèrent plus, en guise de fourniture de services et d’équipements en infrastructures publics, que par les fameux PPP. Alors que le marché s’élargissait, que le Capital se mettait à son aise, l’État – la puissance collective instituée pour servir la volonté générale– revoyait à la baisse ses ambitions de transformation économique et sociale. La démocratie ne fut plus le processus où se dégageaient les fins tout autant que les moyens d’actualisation de la volonté générale. Il ne s’est plus agi que de savoir lequel des hommes en costume cravate fût le plus à même de mettre en œuvre l’universel programme que voici : abattre pour les marchandises des pays du Nord et le grand capital les frontières ; assurer, sans trop demander de contribution aux profits, les tâches régaliennes désormais amputées de la politique monétaire ; enfin rendre son territoire national attractif à des capitaux financiers toujours plus importants, issus de l’épargne d’une population vieillissante des pays du nord rétive au risque. Pour apporter un supplément d’âme à ce programme qui n’enthousiasme que le 1% et ceux qui le servent, on y assortit des orientations sociétales en faveur des minorités. La poursuite du programme néolibéral par nos États, qui ne s’étaient pas mis en situation de s’y opposer, s’est donc avérée désastreuse pour les services publics et vaine en ce qui concerne le développement. L’économiste Ndongo Samba Sylla a souvent eu l’occasion d’illustrer la stagnation des économies de la zone CFA par le rappel du fait que depuis les indépendances, leurs PIB réels par habitant n’ont pas progressé.[2] En 2015, on ne saurait produire de statistique plus accablante, le PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat du Sénégal était équivalent à son niveau de 1960.[3]
Les détenteurs de capitaux qu’il s’agit dans cette économie politique nouvelle de séduire – intéressés au profit plutôt qu’à l’investissement productif dont les rendements ne sont en général ni faramineux ni immédiats – se tournent en priorité vers le système financier central et font assez largement la sourde oreille aux appels qui leur sont lancés à partir des zones à risque du système capitaliste mondial.[4] C’est ainsi que si l’on a pu voir les IDE augmenter de manière constante au Sénégal ces dernières années, avec une accélération notable entre 2019 et 2021, ils se sont principalement dirigés vers des secteurs d’activité rentiers et à faible mobilisation de facteur travail, dont celui des hydrocarbures.[5] Ils n’apportent par conséquent pas de solution au problème de la transformation structurelle de notre économie ainsi qu’à celui vital du chômage. Vital au sens littéral du terme, car il est parmi les causes de ce que des milliers de Sénégalais n’ont de sépulture que les tréfonds de la Méditerranée.
À l’absence d’investissements productifs, au démantèlement des industries et au bradage du patrimoine public auquel on a pu assister ces dernières décennies s’ajoute le problème d’une fiscalisation insuffisante et injuste de l’économie. Il est intéressant, pour se figurer la faiblesse de notre État dans la mobilisation des ressources internes – aspect par ailleurs central du discours porté par les cadres du Pastef – de procéder à une comparaison. Entre 1984 et 2004, la moyenne du ratio entre l’impôt et la production nationale ne s’élevait au Sénégal, dont le gouvernement s’est longtemps réclamé du socialisme, qu’à 15,83%[6]. En Grande-Bretagne et sous Margaret Thatcher, dirigeante fort intéressée à la réduction de l’État à sa portion la plus congrue, ce ratio n’a jamais baissé sous le seuil de 30%.[7] L’économiste Thomas Piketty, dans sa somme sur le Capital au XXe siècle, montre bien que de si faibles ratios sont caractéristiques des économies aux revenus par habitant les plus faibles, principalement concentrés en Afrique subsaharienne.[8] Alors que la question de l’élargissement de l’assiette fiscale constitue l’un des principaux défis auxquels doivent faire face nos États, la question de l’impôt n’occupe traditionnellement dans le débat politique national qu’une place négligeable. Je tiens pour l’un des signes de l’inconscience de cet enjeu la popularité, dans les milieux corporate, sous l’appellation attrape nigaud de responsabilité sociale d’entreprise, d’une manière pseudo-éthique d’évasion fiscale. Espérons que la nouvelle équipe dirigeante, issue de l’administration fiscale, s’en tiendra à cette ancienne et très raisonnable définition de la responsabilité sociale des entreprises, qui est qu’elles doivent s’acquitter de l’impôt défini par la loi.
Le mouvement altermondialiste constitua l’une des premières réactions à ce moment où la politique s’effaça pour ne plus laisser place qu’à la gestion, la fameuse bonne gouvernance. Il n’eut sous nos latitudes, malgré un sommet en 2011 à Dakar, qu’une visibilité et une représentativité populaire réduites, pour ne pas dire nulle, malgré la présence parmi nous d’économistes comme Samir Amin et Demba Moussa Dembélé. Pour l’essentiel, dans le Sénégal des années 2000 et à l’exception des Assises nationales, les discours routiniers et consensuels du développement et de la bonne gouvernance ne furent interrompu que çà et là, à intervalles malheureusement réguliers, par des disputes sur la Constitution. On constatait alors qu’avec de la mauvaise foi et le ralliement d’universitaires qui transigent, on peut conclure des énoncés les plus fondamentaux le contraire de ce qu’ils disent. J’ai personnellement, dans mes jeunes années, prêté attention au débat sur la constitutionnalité de la troisième candidature d’Abdoulaye Wade et j’ai bien peur d’y avoir abimé quelques neurones.
Seuls cette conception rabougrie de l’activité politique, et le faible crédit accordé au niveau de consciences des électeurs, expliquent que Karim Wade ait pu être sérieusement envisagé comme candidat à l’élection présidentielle.
Des autorités qui ne font plus autorité
Alors que les élites dirigeantes se familiarisaient et se convertissaient, dans les cercles de la gouvernance globale et autres internationales socialistes et libérales, à cette nouvelle conception de l’État neutralisé, les structures profondes de la société sénégalaise elles se transformaient. La structure sociale sur laquelle avait été assis l’État se dérobait progressivement et toujours plus vite sous leurs pieds.
L’historien et journaliste Moriba Magassouba, à la suite de plusieurs auteurs, faisait remarquer que l’État sénégalais n’a pu garantir “ses capacités d’intervention dans la société civile” qu’“en passant par les intermédiaires obligés que sont les chefs de confrérie[...] qu’il utilise comme courroies de transmission, pour pénétrer le pays “réel.”[9] La première alternance marqua le dépérissement de cette configuration de l’État qui reposait aussi sur des pratiques clientélistes que l’ajustement structurel et la dévaluation du CFA avait fini par mettre hors de sa portée. Cette première alternance fut aussi le signe que l’électorat s’émancipait des consignes de vote en faveur du pouvoir, qui d’ailleurs se raréfiaient[10], émises par les notabilités religieuses.
La population s’est urbanisée et par conséquent s’est graduellement abstraite des structures d’autorités et de solidarités rurales. Dakar s’est transformé et ses habitants de longue date ont dû, sans gaieté de cœur, s’habituer à “l’économie de bazar,” aux usages de ruraux fraichement urbanisés et aux nouvelles manières d’habiter l’espace public qu’ils apportaient. La marchandisation de l’éducation est allée croissante. Ceux qui en avaient les moyens prémunirent leurs enfants des effets d’une massification mal négociée de l’éducation publique mise en œuvre par le régime de Wade. Il me semble qu’à l’exception de certaines facultés prestigieuses et sélectives, l’Université de Dakar, de même que les écoles publiques autrefois fréquentées par les enfants de notables mais aussi ceux des milieux populaires qui étaient les plus doués, furent assez largement désertés par les premiers. Ceux qui en ont les moyens tendent, le baccalauréat obtenu, à s’en aller à l’étranger[11]. L’absence croissante de mixité sociale dans l’éducation nationale qui en résulte n’est peut-être pas sans rapport avec l’émergence d’une élite administrative localement formée et très peu soucieuse de perpétuer les exemples d’assimilations donnés par leurs prédécesseurs passés par William Ponty et Van Vollenhoven. Parmi les critères de cette assimilation compte la monogamie, dont l’absence chez les nouveaux locataires du Palais de la République et de la Primature n’en finit pas d’être commentée.
Au-delà de la mince et admirable élite scolaire issue de l’enseignement public, un contingent de plus en plus large de jeunes gens ayant fréquenté l’école s’est constitué qui ne trouva pas à s’insérer professionnellement. Alphabétisée, capable de s’informer sur l’internet, cette population ne pouvait manquer d’être sensible au discours du PasteF. Le rôle joué par la transformation du paysage de la presse et de l’audiovisuel dans la chute du PS a souvent été relevé et il me semble que l’alternance de 2024 ne se conçoit pas non plus sans le contexte informationnel produit par les réseaux sociaux. Il ne s’agit pas d’expliquer la prise de conscience politique de la jeunesse populaire par l’action “sournoise de trolls russes.“ On a parfois l’impression que certains observateurs français ne conçoivent pas qu’on puisse désirer se passer de leur tutelle, qu’ils en sont encore à penser, comme leur illustre ancêtre Chateaubriand, qu’«il y a dans la nature du Français quelque chose de supérieur et de délicat que les autres peuples reconnaissent[12]. » Me tenant quant à moi loin de cette attitude qui ne conçoit pas que l’on soit, quoiqu’Africain francophone, absolument rétif à la domination, j’aimerai simplement noter que les réseaux sociaux ont largement diffusé des prises de paroles qui ne pouvaient s’attendre des élites intellectuelles autorisées. Ces dernières en effet sont formées à la nuance, parfois à couper les cheveux en quatre, parlent dans un langage et un ton qui n’affectent qu’une mince couche de la population. La tribune qui leur est la plus naturelle est l’Institut Français. Il y a aussi, il faut bien le dire, qu’elles sont instruites du genre d’opinions politiques qui ne favorisent pas les belles carrières internationales, celles qui remettent en cause le consensus néolibéral notamment. Toutes sortes d’entraves dont ne s’encombrent pas des figures désormais fort audibles telles que Cheikh Bara Ndiaye.
Comment un certain panafricanisme a dé-neutralisé la démocratie sénégalaise
Ceux de ma génération, lycéens dans le privé à Dakar dans les années 2000, s’engageaient soit dans le kaana kaanalu, assez répandu, soit dans des mouvements religieux. La même dépolitisation, semble-t-il, avait gagné l’Université, où l’on ne se promenait plus beaucoup, comme c’était encore le cas dans les années 90, avec des textes subversifs sous les bras. La critique du Sénégal tel qu’il allait, ce qui n’est pas la même chose que la dénonciation du Président qui elle était toujours partout, ne se rencontrait plus que dans certains morceaux de rap produits par des jeunes de la banlieue et que les boys town n’écoutaient pas. Rien ne nous avait été transmis, pas la moindre mémoire d’un tâche collective entamée de longue date et portée à un seuil qu’il s’agissait pour certains de notre génération, éventuellement, d’avancer. Étions-nous d’ailleurs disposés à entendre, sidérés comme nous l’étions par les écrans saturés de scintillantes images américaines ? Ceux d’entre nous qui finirent par se découvrir de quelque part et d’une histoire n’allaient le faire qu’en situation d’exil. Je me souviens d’un déjeuner en ville, en 2012 ou 2013, durant lequel j’avais évoqué, devant deux jeunes gens bien introduits dans les cercles locaux de pouvoir, la présence tout de même considérable au Sénégal du capital, et donc de la décision économique française. Mes interlocuteurs, membres de l’intelligentsia francophile et se comprenant comme de gauche m’avaient alors regardé comme si je venais de confier avoir vu passer une soucoupe volante au-dessus de la Mosquée de la Divinité. Quiconque a travaillé à Dakar, du moins était-ce le cas dans les années 2010, sait que plus haut l’on monte dans les échelons des grandes entreprises du secteur formel, plus on rencontre des cadres et dirigeants français. La France au Sénégal, comme le faisait très justement remarquer Boubacar Boris Diop, ça ne saurait être la même chose que la Suède. Penser ainsi ça n’est pas, comme le disent les pseudos modernes et véritables héritiers politiques de Senghor, être enfermé dans des “complexes” et le “ressentiment”, mais avoir de la mémoire.
Dans ces années-là, lorsque le désormais honorable député Guy Marius Sagna organisait des contres sommets à la francophonie et s’opposait aux APE, il faisait encore figure d’anomalie dans un paysage public où ne s’évoquait aucune question qui fâche. Il y avait cependant les diatribes de Kemi Seba qui, relayées en prime time par la 2STV, eurent un écho considérable auprès de la jeunesse de nos universités. Dans la mesure où l’activiste est de nationalité française, il ne fut pas bien difficile pour le régime de l’éloigner de nos frontières dès lors qu’il se mit à agiter la rue autour de la question monétaire. En s’opposant ainsi à l’expression politique de Kemi Seba, le régime a finalement – ruse de l’histoire – rendu service aux jeunes gens qui le suivaient en leur permettant de se tourner vers un leadership qui allait s’avérer beaucoup plus porteur. Ces jeunes allaient, dans les années suivantes, jouer un rôle important, sur les réseaux sociaux notamment, dans la lutte contre le régime de Macky Sall et pour la défense du « projet.» Beaucoup d’entre eux ont fait partie des prisonniers politiques du régime sortant. L’émergence sur la scène publique il y a à peu près dix ans du Pastef – qui vite se verra flanqué à sa gauche de personnalités telles qu’Alla Kane, le Dr Dialo Diop, Guy Marius Sagna et à sa “droite”, de mouvements réformistes islamiques – a offert à cette jeunesse soucieuse de s’engager dans une cause révolutionnaire une plateforme de conquête du pouvoir à la fois crédible et radicale. Cet attelage, le FRAPP surtout dont la simple évocation donne des haut-le-cœur à nos compatriotes francophiles, est venu mettre un terme au règne de la langue de bois et à la rhétorique de l’antipolitique qu’est le consensus néolibéral. Ont été réactivés dans la discussion publique et comme horizon d’action politique, malgré les soupirs embarrassés qui çà et là se faisaient entendre, des sujets qui auparavant, hors quelques cénacles universitaires et réunions groupusculaires, étaient franchement tabous. Pour la première fois depuis les indépendances, une force politique susceptible de prendre le pouvoir a assumé le thème de la poursuite des efforts de la décolonisation. Thème qui, si l’on en croit le discours à la nation du 4 avril prononcé par le président Bassirou Diomaye Faye, continue d’être assumé.
La fin de la République des évolués du Sénégal
Le Pastef a réussi là où le PAI, le RND, le PIT, Ànd Jëf et d’autres formations politiques porteuses de ruptures radicales avaient échoué. Il a probablement bénéficié d’un contexte favorable. Ceux d’en haut, selon une formule classique, ne pouvant plus et ceux d’en bas ne voulant plus vivre comme avant, la proposition politique la plus audible s’est vue confier le pouvoir. Mais pourquoi la proposition du Pastef fut elle la plus audible et surtout comment se fait-il qu’elle suscitât un tel enthousiasme ? Il y a son contenu, évoqué plus haut, mais aussi son incarnation par Ousmane Sonko.
Ce qu’il y a de frappant chez Ousmane Sonko, et c’est peut-être cette dimension de sa personnalité qui est la plus disruptive dans le contexte théologico-politique sénégalais, c’est qu’il est non seulement perçu comme compétent sur le plan politique, mais aussi, auprès de ceux très nombreux parmi nos concitoyens que cela intéresse, sur le plan religieux. L’image d’Ousmane Sonko – et ce malgré l’épisode Adji Sarr qui par ailleurs devra être tiré au clair – demeure celle d’un homme qui prend l’Islam au sérieux et se trouve avoir quelques lumières en la matière. Il est frappant que dans ses prises de parole publiques, lorsqu’il s’agit pour lui d’éclairer la situation politique du présent, c’est plutôt dans les récits de la vie du messager, sur lesquels il peut s’étendre longuement, que dans ceux de la politique moderne qu’il va puiser. Ce n’est pas la première fois qu’un politicien sénégalais mobilise l’Islam ou fait publiquement parade de son aptitude à dire des versets du Coran et autres Hadiths dans le texte. La Convention des démocrates et des patriotes-Garab Gi qui avait pour candidat le Professeur Iba Der Thiam avait sans succès mobilisé les thèmes de l’Islam et de la tradition lors des élections de 2000. Idrissa Seck disait des versets dès que l’occasion se présentait, mais il faut croire que les Sénégalais savent distinguer la dévotion de la tartufferie. Cette tendance à mobiliser la culture islamique distingue assez radicalement Ousmane Sonko de la vieille gauche qui, faut-il le rappeler, n’est jamais parvenu au pouvoir qu’en s’alliant au socialisme assez spécieux du PS et au libéralisme après 2000. Le sobre et scrupuleux monothéisme qui semble être celui de certains cadres du Pastef diffère de l’Islam confrérique avec lequel l’État colonial, de même d’ailleurs que la République des Évolués du Sénégal, avait fini par s’accommoder, lui trouvant des vertus de tolérance et d’enracinement culturel.
Cette absence de référence à l’univers de la culture bourgeoise humaniste dans le discours d’Ousmane Sonko, conjugué à ses références à l’Islam qui ne passent pas par la médiation des confréries en font assurément une figure inquiétante pour la République des évolués du Sénégal. C’est pourquoi les rumeurs selon lesquelles nous avions à faire avec le Pastef à un dangereux mouvement salafiste commencèrent de circuler dans Dakar dès les débuts de la vie du parti. C’est aussi pourquoi Le Quotidien, arc-bouté sur la défense de la République des évolués du Sénégal, a régulièrement publié des tribunes sur le fascisme et le manque présumés de culture d’Ousmane Sonko. “Il n’a rien lu!” y dénonçait leur auteur, qui semblait ignorer qu’Ousmane Sonko n’était pas candidat à l’agrégation de Philosophie, et surtout qu’en démocratie et pour un homme politique la lecture qui importe aux citoyens est celle de leurs situations. Qu’en outre la culture bourgeoise humaniste qui dans le Dakar d’antan fit le prestige des évolués, qui s’étale à longueur de tribunes dans le Quotidien, n’impressionne, et surtout n’intéresse plus grand monde au Sénégal.
Le fait est que la République des évolués est morte, peut-être de ne s’être pas donné les moyens de ses ambitions de transformation sociale et culturelle ; il s’agit d’en faire, de manière apaisée, le deuil. Elle a fait son temps et l’on peut même lui faire crédit d’avoir joué son rôle historique, en construisant une démocratie et en intégrant tous les peuples du Sénégal à son nationalisme civique. Les indigènes, par la voie démocratique, ont fini par investir le pouvoir de leur sensibilité. La mission civilisatrice, relayée sans grand effort par la République des évolués du Sénégal est à bout de souffle. Sa source parisienne perd, chaque jour qui passe dans le massacre des Gazaouis qu’elle a cautionné, le peu de légitimité qu’elle avait à professer l’humanité. Ceux d’entre nous, membres de la société civile, conscrits de la modernité occidentale qui pensons qu’elle avait tout de même deux ou trois choses d’universelle valeur à nous apprendre, devront désormais en convaincre nos concitoyens, par la délibération et l’exemplarité, dans le cadre de la démocratie. Le lobbying dans les couloirs du pouvoir, si le nouveau régime tient ses promesses, n’y suffira plus.
Mamadou Diallo est doctorant à Columbia University, New York.
[1] Wolfgang Streeck et Frédéric Joly, Entre globalisme et démocratie: l’économie politique à l’âge du néolibéralisme finissant, NRF essais (Paris: Gallimard, 2023).
[2] Fanny Pigeaud and Ndongo Samba Sylla, L’arme invisible de la Françafrique: une histoire du franc CFA, Cahiers libres (Paris: la Découverte, 2018).p.162.
[3] OECD, Examen Multidimensionnel Du Sénégal: Volume 1. Évaluation Initiale (Paris: Organisation for Economic Co-operation and Development, 2017)
[4] Carl Christian von Weizsäcker and Hagen M. Krämer, Saving and Investment in the Twenty-First Century: The Great Divergence
[5] UNCTAD, ed., International Tax Reforms and Sustainable Investment, World Investment Report 2022 (Geneva New York: United Nations, 2022).
[6] Mkandawire, Thandika. “On Tax Efforts and Colonial Heritage in Africa.” Journal of Development Studies 46, no. 10 (November 2010): 1647–69.
[7] Albertson, Kevin, and Paul Stepney. “1979 and All That: A 40-Year Reassessment of Margaret Thatcher’s Legacy on Her Own Terms.” Cambridge Journal of Economics 44, no. 2 (March 19, 2020): 319–42.
[8] Thomas Piketty, Capital in the Twenty-First Century, trans. Arthur Goldhammer (Cambridge, Massachusetts London: The Belknap Press of Harvard University Press, 2017).
[9] Moriba Magassouba, L’islam Au Sénégal: Demain Les Mollahs?: La “Question” Musulmane et Les Partis Politiques Au Sénégal de 1946 à Nos Jours, Collection Les Afriques (Paris: Editions Karthala, 1985).
[10] Momar Coumba Diop, Mamadou Diouf, and Aminata Diaw, “Le baobab a été déraciné. L’alternance au Sénégal,” Politique africaine N° 78, no. 2 (2000): 157–79.
[11] Boubacar Niane, Elites par procuration: Handicaps et ruses des dirigeants politico-administratifs sénégalais (Paris: Editions L’Harmattan, 2012).
«Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font». C’est là la première des sept paroles que le Christ Jésus a prononcées alors qu’il était cloué sur l’infâme bois de la croix.
Bés Bi le Jour |
Bernard Casimir Demba CISSE |
Publication 12/04/2024
«Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font». C’est là la première des sept paroles que le Christ Jésus a prononcées alors qu’il était cloué sur l’infâme bois de la croix.
Alors qu’il était en train de mourir de façon atroce, de la plus vile et dégradante des morts pour un humain en Israël, Jésus Christ invoqua de son Père le pardon pour ses bourreaux qui, en plus de le martyriser, se moquaient de lui et tiraient, dans la foulée, au sort sa tunique. Ce scandale de l’Evangile d’un Messie crucifié est folie pour les hommes. Il devient tragédie lorsque la victime prie pour l’amnistie (le mot est à la mode) en faveur de ses meurtriers. Mais là est la nature du Dieu des Catholiques. Il est TOUTE MISERICORDE, ce Dieu des Catholiques, qui sait créer, à partir du néant et du mauvais, quelque chose de beau, de bon, de meilleur. Son Cœur aimant s’ouvre à la Misère de l’Homme pécheur qui se repend. C’est fort de cette belle image de mon Dieu que, moi, Catholique, je pardonne à Monsieur Bachir FOFANA son écart de langage lorsque, dans l’émission IFTAAR de iTv, de la semaine passée, il avançait ces propos : «… le Général TINE, à l’Intérieur… Jean Baptiste TINE, Ministre de l’Intérieur ; et c’est le Ministère de l’Intérieur qui s’occupe du culte religieux dans ce pays. Nous sommes un pays à 95% de Musulmans et on a un chrétien de confession. Imagine, Gamou diott, Général TINE demm, wala imagine Magal Touba diott, Général TINE demm…. Oui. Oui. Mais Bon… Je n’ai pas dit que c’est un problème. Je dis simplement que… bon c’est à souligner…».
La maladresse, dans ces propos, est d’abord reconnue par Monsieur Bachir FOFANA luimême qui, dans un réflexe plein d’humilité et certainement de remords, a publié au moins deux vidéos, dont une en pleine nuit, pour regretter ses propos et la portée qu’il ne soupçonnait certainement pas qu’ils auraient eue. A sa décharge, le soin qu’il a pris de repréciser sa pensée à la fin de l’émission, lorsqu’il a pris conscience du caractère polémique de ses propos, n’a pas été relayé. Le mal était déjà fait… Le Groupe E-media, Employeur des animateurs de l’émission a, dans la foulée, vite fait de mesurer l’ampleur de la bévue, qui s’est fendu d’un communiqué pour relever la «glissade» sur un terrain sensible. Le groupe E-Media, pour avoir relevé la «gravité extrême» des propos tenus, s’en est vite démarqué. Le Conseil pour l’Observation des Règles d’Ethique et de Déontologie dans les Media (CORED) a également «regretté les propos tenus le 5 avril par DES professionnels des médias», comme pour rappeler que Monsieur Bachir FOFANA n’est pas le seul à indexer… En cela, du reste, le CORED émet sur la même longueur d’onde que le Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA). Ce dernier pointe du doigt «Des média audiovisuels» qui ont «failli gravement à leur responsabilité» et « violé la règlementation, notamment la Constitution et leur Cahier des charges», «en laissant leurs collaborateurs (Journalistes et/ou chroniqueurs) tenir des propos extrêmement dangereux, consistant à remettre en cause ou à questionner la nomination du nouveau Ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique sur des considérations exclusivement religieuses».
Toutes ces condamnations en chœur et la discussion que nous avons eu le plaisir de tenir avec Monsieur FOFANA (une personne d’une exquise courtoisie) auraient suffi à apaiser un cœur meurtri et enduire de baume toute foi blessée par les propos tenus. De plus, de savoir que le Ministre de l’Intérieur nouvellement nommé, le Général JeanBaptiste TINE, s’est entretenu avec notre frère Bachir et qu’il l’a personnellement convié à sa cérémonie de prise de service, aurait dû freiner la publication de cette réflexion ; tant tous les deux ont fait montre d’une grandeur d’âme et de dépassement. En outre, compte tenu du fait que cette offense à la communauté catholique se soit produite dans l’Octave pascale, avec les cœurs brûlant encore de la Joie du Ressuscité, eu égard au sublime message de l’Eglise catholique qui célèbre la MISERICORDE le dimanche suivant immédiatement celui de Pâques, mais aussi en ces jours de Korité où le Pardon est le maître mot, nous avons, en ce qui nous concerne, pardonné et invoqué la grâce du discernement, de la sagesse et de la circonspection sur ceux-là qui se sont trompés ou qui ne savaient certainement pas.
Notre propos transcende, dès lors, la personne de notre frère Bachir FOFANA et celles des animateurs et autres journalistes de IFTAAR. Il se veut alerte face aux velléités de ceux qui seraient tentés d’aller plus loin dans cette voie glissante du sectarisme, du communautarisme et de la discrimination au nom de la loi du nombre. En effet, la récurrence de ces dérives dans un Sénégal dont le substrat culturel, les valeurs de la République, tout comme les valeurs traditionnelles fondées sur la coexistence pacifique des communautés et ethnies, le cousinage à plaisanterie, les vertus ancestrales de kersa, de jomm, et de mugn, sont de plus en plus sapés par des individus incultes, aux esprits chagrins et à la rancœur gratuite n’ayant d’égal que l’abyssale vacuité du jugement, emmène à alerter et à mettre en garde.
Nous convoquons, à cet égard les enseignements que nous tenons de nos anciens :
«Euleuk dou agn, dou rére, wayé lou mata soralé la» (mieux vaut prévenir que guérir) ;
«Liy raam ca niagg ba la dieum» (le mal annoncé et non contenu ne peut que causer des dégâts»
«Lu waay rindi ci sa loxo lay naac» (nos faits et gestes nous rattrapent toujours».
Il importe, sous ce prisme, de mettre en garde ceux qui, quelles que soient leurs convictions ou secrètes aspirations, quel que soit leur nombre et à quelque position où ils se trouvent, nourrissent de plus en plus le dangereux dessein de remettre en cause le caractère laïc, démocratique et social de notre République. La fréquence avec laquelle les dérives langagières se multiplient, notamment à l’encontre de la «minorité catholique», inclinent à considérer que certains propos de plus en plus audibles dans l’espace public ne sont, à la vérité, que l’écho de l’insidieux bruit qui sourd du tréfonds de certains cœurs noircis par l’ignorance et la bêtise. Or, ainsi que l’écrivait Honoré de BALZAC «La bêtise a deux manières d’être : elle se tait ou elle parle. La bêtise muette est supportable».
Alors, en ces moments où la parole publique se libère de façon incontrôlée, à la faveur du libre accès aux réseaux sociaux, de la quête du buzz, de la promotion du radotage et des commérages, il est un impérieux besoin de sécurité et de salubrité publiques que de ne point laisser la bêtise parler. Des esprits fragiles, parasités par l’oisiveté, la rancœur, l’obscurantisme et l’orgueil mal placé de l’ignorant qui ne sait pas qu’il ne sait pas et qui se croit d’une intelligence supérieure, pourraient «gober» et prendre pour «paroles d’Evangile» des inepties bien dites et maquillées sous le douillet manteau de la manipulation et le fallacieux prétexte de la «liberté d’expression».
BEAUMARCHAIS, avait bien compris cela lorsque, dans son fameux «Eloge à la Calomnie» dans «Le barbier de Séville, II-8», son personnage BAZILE conseillait à BARTHOLO de ne point se compromettre par un brutal assassinat, mais de susciter une méchante affaire et de calomnier à dire d’experts. Face à l’étonnement de BARTHOLO devant ce singulier procédé pour se défaire d’un homme, la réponse de BAZILE, inspirée du beau langage des nuances en musique, est une belle leçon à méditer par tous, aujourd’hui, dans le contexte sénégalais ou le fake, l’infox et la parole blessante et assassine se répandent et se croient plus vite, cependant que la vérité est toujours suspecte et d’abord chahutée.
A nous tous, BAZILE s’adresse en ces termes : «Croyez qu’il n’y a pas de plate méchanceté, pas d’horreurs, pas de conte absurde, qu’on ne fasse adopter aux oisifs d’une grande ville, en s’y prenant bien : et nous avons ici des gens d’une adresse ! ... D’abord un bruit léger, rasant le sol comme hirondelle avant l’orage, pianissimo murmure et file, et sème en courant le trait empoisonné. Telle bouche le recueille, et piano, piano vous le glisse en l’oreille adroitement. Le mal est fait, il germe, il rampe, il chemine, et rinforzando de bouche en bouche il va le diable ; puis tout à coup, on ne sait comment, vous voyez calomnie se dresser, siffler, s’enfler, grandir à vue d’œil ; elle s’élance, étend son vol, tourbillonne, enveloppe, arrache, entraîne, éclate et tonne, et devient, grâce au Ciel, un cri général, un crescendo public, un chorus universel de haine et de proscription. Qui diable y résisterait ?». Ces bruits, basés sur la délation, la méchanceté, l’exclusion de l’autre au nom d’un communautarisme néfaste… ces bruits-là détruisent, tuent à petit feu ou font tuer…
Il est, dès lors, heureux qu’à l’unisson, les sénégalais de valeur, épris de justice, de paix et soucieux de la cohésion nationale, aient élevé la voix et que certaines personnes indexées aient fait amende honorable.
Les mêmes voix s’étaient, de la même façon, élevées pour fustiger :
- la malheureuse sortie de la plus haute autorité de ce pays sur les églises dans lesquelles on prierait «quelqu’un qui n’est pas Dieu»,
- la suspecte insistance d’un groupe de pression relativement à l’histoire du «voile» dans les écoles catholiques,
- la sortie malheureuse de l’Imam Lamine SALL contre la communauté chrétienne avant qu’il ne se confonde en excuses
- le débat malsain instauré par une minorité d’illuminés après le rappel à Dieu et la naissance au Ciel de l’acteur catholique Jean Paul D’ALMEIDA ;
- la profanation d’églises et de cimetières catholiques…
La discipline, la retenue, l’amour fraternel, le souci de la cohésion nationale et la croyance ferme en la bonté de l’Homme sénégalais transcendant les individualités qui s’expriment sur ces aspects sensibles, ont toujours mu les autorités ecclésiales dont la tempérance n’a jamais été faiblesse coupable.
Les voix des Pasteurs de l’Eglise (Hier, les Cardinaux THIANDOUM et SARR et aujourd’hui, l’Archevêque Benjamin NDIAYE et l’ensemble des Evêques) n’ont de cesse de résonner pour appeler à la raison et au respect de l’Autre. Le Conseil national du Laïcat se fait l’Echo de ces appels dans la Vérité et la Liberté des Enfants de Dieu. Alors, il importe que plus d’efforts soient consentis et plus de fermeté affichée pour enrayer les velléités de sectarisme et de discrimination à l’égard des catholiques et, audelà, de toute minorité dans ce pays. Notre Constitution nous y astreint lorsque, après avoir rappelé l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion ainsi que le respect de toutes les croyances, elle prévient en ces termes : «Toute discrimination raciale, ethnique ou religieuse, de même que toute propagande régionaliste pouvant porter atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat ou à l’intégrité du territoire de la République sont punies par la loi». Notre «commun vouloir de vivre en commun» nous contraint à nous dresser, comme un seul homme, «épaule contre épaule», pour combattre les fossoyeurs des valeurs de la République et de la cohésion sociale. Sous ce rapport et, afin que nul n’en ignore, il est un devoir de rappeler à ceux qui ne savent pas, à ceux qui ont peut-être oublié, à ceux qui feignent d’ignorer ou qui veulent occulter des faits historiques figés dans le marbre de notre trajectoire commune, que c’est bien dans ce beau pays qu’est le Sénégal, riche de sa belle, respectable et respectueuse Majorité musulmane que :
- feu Léopold Sédar SENGHOR, un fervent catholique, a été le Premier Président de la République ;
- feu le Cardinal THIANDOUM, dans le différend opposant alors le Président Léopold Sédar SENGHOR au Président du Conseil, Mamadou DIA, en 1962, avait pris le parti de Monsieur DIA ;
- les Khalifes généraux d’alors soutenaient le Président catholique SENGHOR ;
- le Père, Dominicain, Louis Joseph LEBRET, en sa qualité d’économiste, fut invité par le gouvernement sénégalais à inventer le plan de développement du pays avec les jeunes acteurs de l’Indépendance ;
- feu Jean COLIN a été Ministre de l’Intérieur pendant au moins 10 ans, remplacé par Monsieur André SONKO, tous deux fervents et convaincus catholiques ;
- feu Jean COLIN, en sa qualité de Ministre de l’Intérieur, a été le Premier Commissaire du Pèlerinage aux lieux saint de l’Islam ;
- le Bien-aimé feu Imam Seydou DEME, Premier Imam de Gorée, est inhumé au cimetière Catholique de Bel-Air ;
- les Gouverneurs, Préfets et Sous-Préfets, dont nombre ont été formés dans les écoles catholiques et dont plusieurs sont catholiques pratiquants, conduisent au quotidien des délégations gouvernementales pour traduire les messages des autorités étatiques et solliciter des prières pour le pays dans des cérémonies religieuses (Ziarras, Gamous, Magals,…) ;
- le Dakka de Médina Gounass a, pendant plusieurs années, été organisé par un catholique, en la personne de l’ancien Gouverneur Léopold WADE, dont la belle et solide amitié avec Feu Abdoul Aziz BA, frère du Khalife d’alors, était magnifiée, jusqu’au rappel à Dieu de celui-ci ;
- le Pèlerinage marial de Poponguine est, depuis des décennies, organisé, de mains de maîtres, par des autorités administratives musulmanes, qui y conduisent des délégations officielles toujours installées aux cotés des autorités religieuses et coutumières également musulmanes ;
- nos familles, dont celle de Monsieur Bachir FOFANA, du reste, sont parfois composées de membres de confessions religieuses différentes et sont des havres de paix où catholiques, musulmans et autres adeptes de la religion traditionnelle, unis par les liens de sang, se vouent, par-dessus tout, respect et considération.
C’est dire, au final, que notre pays se construit et se nourrit de sa diversité. Chaque citoyen a sa pierre à apporter pour l’édification de la NATION SENEGAL.
Cette Nation que nous formons est constituée de Sénégalaises et de Sénégalais (tout court) ; dans un Etat laïc, personne ne devant être considéré comme «minoritaire». La communauté catholique, en tout cas, entend résolument jouer sa partition dans la belle symphonie qu’est l’exaltante œuvre de construction nationale. «Sel et Lumière dans ce Sénégal», la communauté catholique se refuse donc d’être considérée comme une «minorité». Elle ne l’est point, tant les valeurs chrétiennes catholiques illuminent en irradient ce pays et tant la qualité des membres de cette communauté, formés à bonne école, suffisent amplement comme repères et références.
Alors, les langues ont encore fourché. Le Pardon est encore accordé. Il le sera soixante-dix fois sept fois !!! Mais, la Vérité nous rend Libres. «La Vérité germera de la Terre et du Ciel se penchera la Justice» !!! En tout état de cause, n’oublions jamais que la sagesse populaire africaine nous enseigne que «la langue qui fourche fait plus mal que le pied qui trébuche. »
A bon entendeur… !!!
Bernard Casimir Demba CISSE
Maître de Chœur à la Paroisse Universitaire Saint Dominique de Dakar
Par Imam Makhtar KANTE
VERS UNE SOLUTION DURABLE
Pour faire court, il s’agit maintenant et urgemment d’aller vers une solution durable pour ne pas se laisser tromper par la belle coïncidence de la Korité commune que nous avons eu le mercredi 10 Avril 2024.
Bés Bi le Jour |
Imam Makhtar KANTE |
Publication 12/04/2024
Pour faire court, il s’agit maintenant et urgemment d’aller vers une solution durable pour ne pas se laisser tromper par la belle coïncidence de la Korité commune que nous avons eu le mercredi 10 Avril 2024.
A cette fin, je réitère mes principales propositions :
1) refonder la Conacoc qui est en crise comme la commission des musulmans du Sénégal. En faire un organe unitaire qui comprend des représentants des associations d’imams, des représentants des Califes et des associations islamiques.
2) ce nouvel organe sera chargé de collecter et valider l’information sur les 12 mois lunaires. Et il sera le seul interlocuteur du ministère de l’intérieur qui assure jusqu’à présent la tutelle du culte. Ce dernier pourra valider les dates reçues de ce nouvel organe par un décret ou autre texte de loi.
3) encadrer l’observation par les données astronomiques notamment les instants de conjonction (c’est le début d’un nouveau cycle lunaire), de coucher de soleil et de lune (le nouveau croissant ne peut être visible avant le coucher du soleil à la suite de la conjonction). Ces données pourraient être données par l’Aspa.
4) observer et valider à l’échelle du pays comme le font tous les autres pays musulmans. Ce nouvel organe définira des modalités de collaboration avec d’autres organes officiels des pays musulmans à ce sujet.
5) rendre ce nouvel organe plus fiable et efficace en mettant en place une plateforme numérique aux fins de la collecte et du traitement des témoignages visuels.
Plaise à Allah de nous assister dans le règlement de ce problème sur la base de la charia, de la science astronomique et d’un consensus national.
Imam Makhtar KANTE
Par Pr Abou KANE
VOUS AVEZ DIT BOMBE SALARIALE ?
A mon humble avis, la masse salariale est loin d’être une bombe si l’on en juge par l’ampleur des hausses, la nature des augmentations et l’évolution parallèle de la dette qui devrait plus nous inquiéter que les salaires.
Récemment l’ingénieur logiciel Arona Oumar Kane a produit un texte intéressant intitulé : La bombe salariale. En résumé, il estime que les augmentations de salaires des agents de la fonction publique sont moralement inacceptables et économiquement infondées et que le nouveau régime aura du mal à gérer ces hausses de salaires. A mon humble avis, la masse salariale est loin d’être une bombe si l’on en juge par l’ampleur des hausses, la nature des augmentations et l’évolution parallèle de la dette qui devrait plus nous inquiéter que les salaires.
De l’ampleur des hausses de salaires
Tout d’abord il faut préciser que toutes les dépenses de personnel ne sont pas encaissées par les salariés chaque mois. Dans cette rubrique on trouve, en dehors des salaires, primes et indemnités, des cotisations sociales, des prises en charge médicales, des rémunérations versées à du personnel non sénégalais dans des missions diplomatiques par exemple et d’autres charges de personnel. Il est vrai qu’entre 2022 et 2023 les dépenses de personnel ont augmenté de 23% alors que les recettes internes n’ont évolué que de 13% mais le ratio «dépenses de personnel/recettes internes» est resté relativement stable entre 2021 et 2024, passant de 33% en 2021 à 30% en 2022 avant de monter à 35% en 2023 pour revenir à 33% en 2024. Il est tout aussi bon de rappeler qu’entre 2021 et 2022, les recettes internes ont augmenté de 15% pendant qu’on enregistrait 5% pour les dépenses de personnel. Même tendance en 2024, où on s’attend à une hausse des recettes internes de 20% alors que les dépenses de personnel ne vont croître que de 13%. Encore une fois, toutes ces dépenses de personnel ne vont pas dans les poches des agents de l’Etat. Plusieurs études ont montré, ces dernières années, que le salaire moyen était compris entre 100.000 et 150.000 FCFA par mois au Sénégal ; ce qui anormalement faible pour un pays où le coût de la vie est l’un des plus élevés de la sous-région.
De la nature des augmentations de salaires
Aussi, certaines hausses de dépenses de personnel sont liées à la régularisation de sommes dues depuis plusieurs années (avancement des enseignants ou protocoles d’accord avec les syndicats de tous les secteurs). Il y a certes eu beaucoup de recrutements et de revalorisations salariales mais c’est dans des proportions acceptables pour un pays où des milliers de jeunes diplômés sortent chaque année des écoles et universités avec un secteur privé qui peine à les absorber. L’Etat étant le premier investisseur dans un pays en développement comme le Sénégal, il peut aussi être le premier employeur en attendant que le secteur privé soit assez fort pour absorber une bonne partie de cette main d’œuvre. Malgré toutes ces augmentations qualifiées d’extraordinaires, pour l’année 2024, un agent de l’administration perçoit, en moyenne, 670.000 F CFA par mois, en brut (1442 milliards pour 179.000 agents). Comme précisé ci-haut, tout ce montant n’est pas encaissé par le salarié car les impôts sont coupés à la source et cette moyenne inclut d’autres prises en charge et contrats d’agents non permanents que l’Etat rémunère pour des tâches spécifiques. Si on parvenait à défalquer tous ces éléments du montant global, on se retrouverait avec un salaire plus faible qui reflète la réalité des rémunérations dans le secteur public au Sénégal. Même si on ignorait ces aspects pour prendre le montant calculé, il n’est pas si élevé que cela si l’on sait que la taille moyenne d’un ménage sénégalais est de 9 personnes. S’y ajoute une concentration de salaires faibles dans l’administration qui contraste avec certains salaires très élevés qui sont concernent une élite minoritaire en termes de proportion dans l’effectif total des agents de la fonction publique.
La dette, le vrai produit inflammable
Précisons que ce n’est pas avec la dette que les salaires sont payés. Ces deux variables prennent des directions aussi divergentes que celles de Pastef et de l’APR. On le sait, la dette est incontournable pour des investissements. Mais on peut s’inquiéter de la hausse de 36% des intérêts de la dette entre 2023 et 2024. Le service de la dette (principal+intérêts) va augmenter de 44% sur les deux ans à venir pour atteindre 2600 milliards en 2026. En l’état actuel des choses, je ne pense pas que la masse salariale puisse constituer un fardeau pour le nouveau régime. Je pense même qu’il faut l’augmenter en recrutant plus de jeunes qualifiés dans la fonction publique et en motivant davantage les agents déjà en poste avec comme contrepartie, des performances relatives à la modernisation de l’administration, son efficacité et sa productivité. Le vrai challenge, c’est la rationalisation des autres dépenses de fonctionnement, la gestion prudente de l’endettement, l’élargissement de l’assiète fiscale et une gestion plus rigoureuse des exonérations fiscales. Le ratio dette/PIB, tourne déjà autour de 80% mais un simple changement d’année de base du PIB (rebasing) pourrait le faire baisser; ce qui réduit d’autant la pertinence de ce ratio de solvabilité. Par contre, il est urgent d’améliorer les ratios de liquidité, dans le court terme, en travaillant à la redynamisation des exportations et à une plus forte mobilisation de recettes budgétaires. Compte tenu de la forte concentration d’inspecteurs des impôts ou du trésor entre la présidence, la primature, le ministère des finances et le ministère de l’énergie, du pétrole et des mines, cela ne devrait pas poser problème.
Pr Abou KANE
FASEG/UCAD
Par La cellule de communication de AiBD SA
DROIT DE REPONSE DE L’AIBD SA : UN ACHARNEMENT SANS RAISON…
Suite à notre Article : « Aéronautique civile. Parfum de Scandale dans la vente, pour 12 milliards, de 2AS à Aibd SA »
La cellule de communication de AiBD SA |
Publication 12/04/2024
À la suite de récentes allégations diffamatoires véhiculées dans une certaine presse au sujet de la gestion de AIBD SA, il est important de rétablir les faits afin de clarifier et de rectifier le monceau d’informations erronées diffusées dans l’espace médiatique. Cet exercice est essentiel pour examiner les faits concrets dans une perspective équilibrée et transparente afin de ne pas se laisser distraire par ce tapage que souhaitent apparemment entretenir certains esprits.
LE TEMOIN quotidien a, dans son édition du lundi 8 avril 2024 sous le n° 2047, publié un article signé par Zeynab SANGARE et dont le titre est le suivant: « Aéronautique civile. Parfum de scandale dans le (sic) vente, pour 12 milliards, de 2AS à AIBD SA ! ».
Cet article, inutilement malveillant, n’est pas fidèle aux faits.
Au terme de l'arrêté n°19419 du Ministre des Transports aériens et du Développement des infrastructures aéroportuaires du Sénégal en date du 20 septembre 2017, la société AIBD Assistance Services SA (« 2AS ») s'est vu octroyer le droit exclusif, sous certaines conditions, d'exercer l'Activité d'assistance en escale sur l'aéroport international Blaise Diagne de Diass. LAS SA, société en charge de la gestion de l'aéroport international Blaise Diagne (dont le capital social est détenu par la société nationale AIBD SA et les sociétés turques LIMAK et SUMMA), détenait, depuis la constitution de 2AS, cinquante et un pour cent (51%) du capital social de ladite société.
L’opération dont il est question dans l’article consacre le rachat par AIBD SA de 51% des actions détenues par LAS SA dans la société 2AS. Il faut rappeler que ce type de transaction est prévu dans le pacte d’actionnaires (art 5.1 transfert libre) de 2AS qui stipule que l’un des actionnaires peut vendre ses actions à une de ses filiales ou à ses propres actionnaires sans le consentement préalable des autres actionnaires. AIBD SA, étant actionnaire de LAS SA, bénéficie directement de ce transfert libre. C’est ce qui fonde la légitimité de AIBD SA dans cet achat. A travers celui-ci, 2AS est devenue une société 100% sénégalaise détenue à 76% par AIBD SA et 24% par AIR SENEGAL SA.
Cette opération stratégique pour les activités de transport aérien au Sénégal vise à la nationalisation de l’entreprise 2AS et à l’amélioration de la satisfaction client à travers la mise en œuvre d’un ambitieux programme d’investissements en matériels de handling et de maintenance.
Le processus d’acquisition de ces actions de LAS SA par AIBD SA a été initié depuis plusieurs mois dans le cadre de la stratégie du hub aérien conformément aux instructions de la plus haute Autorité étatique et sous la supervision et le contrôle de la tutelle ministérielle.
Ces négociations ont abouti, le 21 mars 2024, à la signature de l’accord de cession de parts entre AIBD SA et LAS SA qui décline les modalités de paiement… »
La cellule de communication de AiBD SA
Par Mbagnick DIOP
IL Y AURA FORCEMENT DE LA RESISTANCE ET DU SABOTAGE !
Nécessaire assainissement de l’administration - La remise en ordre de tous les segments de l’administration publique se fera au prix du sacrifice des intérêts particuliers entretenus au préjudice de la communauté nationale.
Le communiqué du premier Conseil des ministres du gouvernement Ousmane Sonko nous annonce que l’ère est aux changements de paradigmes pour une meilleure administration publique et une complémentarité conséquente entre les secteurs public et privé. Sans doute que le gouvernement saura dresser des garde-fous avant d’entamer le nécessaire assainissement de l’administration. Un chantier tellement rocailleux qu’il pourrait user à lui seul éreinter ce gouvernement. A coup sûr, il y aura de la résistance et du sabotage car, dans de nombreuses directions et d’innombrables services centraux les privilèges sont jalousement gérés et les pratiques véreuses largement ramifiées.
En effet, le président de la République et son Premier ministre ont beau être aguerris dans l’adversité, c’est-à-dire dans l’opposition, il leur faudra déployer davantage d’efforts encore, de combativité et de détermination, d’endurance aussi pour réussir l’aggiornamento de l’administration. La sensibilité de certaines questions est de nature à faire réfléchir et prendre inéluctablement du recul pour mieux affronter les acteurs concernés. Comment faire admettre aux agents de l’administration fiscale et domaniale, de même qu’à leurs collègues des autres régies financières, que leurs super privilèges, intitulés fonds communs, induisent un déséquilibre de la masse salariale de la fonction publique ? On nous objectera que lesdits fonds ne sont qu’une motivation pour des agents qui sont en tête de pont dans la bataille pour la collecte des recettes budgétaires. Si nous leur concédons ce mérite, il n’en demeure pas moins nécessaire de repenser les critères d’attribution de ces fameux fonds communs pour mettre fin à la frustration de certaines catégories professionnelles notamment au sein de la Direction générale des impôts et domaines d’où proviennent justement le président de la République et son Premier ministre. La frustration qui découle de la non-perception de ces fonds communs a dangereusement démotivé nombre d’agents dans l’administration publique. Comment ramener à de justes proportions, c’est-à-dire réduire la masse salariale de la Fonction publique, qui reste et de très loin le premier poste de dépenses de l’Etat et qui obère l’essentiel des recettes de celui-ci ? Qui osera dire, sans peur, à certains agents domaniaux indélicats qu’ils en ont trop fait au point de provoquer ici et là à travers le territoire national des manifestations de protestation ? La spoliation foncière en milieu rural et l’usurpation des espaces urbains constituent une source d’enrichissement illicite qu’il faut sanctionner autant que les détournements de deniers publics et l’usage abusif des biens sociaux.
Par quel bout saisir le sabre à double tranchant du système judiciaire affecté par un manque de confiance des justiciables ? La réforme de ce système doit être envisagée à partir d’un certain nombre de termes de références qui transcendent les aspirations carriéristes et le clivage des institutions. Tout dépendra bien entendu de la volonté et de l’intégrité des acteurs de la justice.
Pour l’ensemble des problématiques ci-dessus mentionnées, le gouvernement doit apporter des solutions fiables et judicieusement élaborées avec le concours du secteur privé. Pourvu aussi que les opérateurs du privé comprennent parfaitement les enjeux et se départissent d’une certaine propension à exiger la préférence nationale sans avoir les capacités financières et techniques requises pour soumissionner aux marchés publics. Sans doute que le gouvernement saura créer un cadre approprié, favorable aux joint-ventures qui permettront ainsi aux opérateurs privés nationaux de gagner des parts de marché et contribuer à la résorption du chômage.
Le chantier n’est pas de tout repos et le gouvernement doit se convaincre que l’audace ne suffira pas pour venir à bout des organisations mafieuses conservatrices.
La remise en ordre de tous les segments de l’administration publique se fera au prix du sacrifice des intérêts particuliers entretenus au préjudice de la communauté nationale.
Par Mamadou Oumar NDIAYE
34 ANS, MON DIEU !
Mercredi dernier, votre quotidien préféré « Le Témoin » a soufflé ses 34 bougies.
Mercredi dernier, votre quotidien préféré « Le Témoin » a soufflé ses 34 bougies. Un tiers de siècle d’existence dans un environnement médiatique africain où les journaux surtout ne vivent généralement que le temps d’une rose et où les morts infantiles voire juvéniles frôlent les 90%, le simple fait d’exister pendant si longtemps ( machallah touchons du bois !) est déjà en soi un exploit. Hebdomadaire pendant plus de deux décennies puis quotidien, « Le Témoin » est devenu une institution dans le paysage médiatique sénégalais, ce dont nous avons tout lieu de nous féliciter.
Après « Le Soleil », « Sud quotidien » et « Walf quotidien », nous sommes le plus vieux journal de ce pays. Car, dans la floraison de titres qui paraissent chaque jour (de plus en plus en version numérique, hélas, le support papier ayant tendance à se raréfier), nous ne sommes sans doute pas les meilleurs mais nous ne portons pas le bonnet d’âne, pour ne pas dire que nous ne sommes pas la lanterne rouge, non plus !
Dans un environnement hyper-concurrentiel (plus de 54 quotidiens !), nous tenons notre rang et si nous avons sans doute plié quelques fois fort heureusement n’avons jamais rompu. Lorsque la première édition du « Témoin » paraissait sur le marché le 10 avril 1990, le nouveau président de la République, Bassirou Diomaye Faye, avait 10 ans. Il en a 44 aujourd’hui. Nous avons vu passer les dix dernières années du magistère du président Abdou Diouf, les 12 ans du « règne » du président Abdoulaye Wade et les 12 ans au pouvoir du président Macky Sall qui vient de passer la main. Et nous prions Dieu qu’Il nous laisse encore là en 2034 au terme des dix ans à la présidence de la République de Bassirou Diomaye Faye. C’est du moins tout le bien que nous souhaitons à notre jeune président !
Comme toujours à pareil moment, nous ne pouvons manquer de rendre hommage aux six pères fondateurs du « Témoin » que sont le doyen Mbagnick Diop (voir son article dans ce journal), Mohamed Bachir Diop, Serigne Mour Diop, Ibou Fall, le regretté Mamadou Pascal Wane (qui repose dans sa bonne vieille ville de Saint-Louis) et Mamadou Oumar Ndiaye. Sans compter, bien sûr, notre imam Moussa Camara et l’espiègle Alassane Seck Guèye, l’enquêteur de choc Pape Ndiaye ainsi que tous les autres qui nous ont rejoints au cours de notre longue route. Un tiers de siècle d’existence, d’irrévérence, de gouaille, d’insolence, de navigation à contre-courant, de caresses à rebrousse-poil, d’impertinence, d’indépendance, de bonne humeur. Bref, de « Kaccoreries » !
Ce 34ème anniversaire est célébré à un moment où la presse écrite est à la croisée des chemins et où elle est malmenée par la presse digitale à traversle monde entier au point que desjournaux emblématiques dont certains avaient eu plus d’un siècle d’existence ont aujourd’hui disparu. Pour dire que l’avenir de la presse papier est plus que sombre. Toutefois, les derniers des Mohicans que nous sommes continuons encore à résister et à y croire soutenus par des nostalgiques qui s’échinent encore, contre vents et marées, envers et contre tout, à lire desjournaux en version papier. Mille fois merci à ces lecteurs courageux et aux annonceurs (qui se réduisent comme peau de chagrin) qui nous font encore confiance. Mais bon, nous n’allons pas enquiquiner nos chers lecteurs avec nos petites misères. En ce 34ème anniversaire célébré pile poil le jour même où — miracle ! — à une quasi unanimité le monde musulman a célébré la Korité, ce contrairement aux divisions d’antan, on pourrait dire comme les astrologues que les astres sont parfaitement alignés pour « Le Témoin » quotidien. Pourvu que ça dure. A nos lecteurs, donc, et à nos annonceurs, nous disons : mille fois merci !
Par Dr Mor SECK
L’ADAPTATION DE L’ADMINISTRATION
Le Secrétariat général du gouvernement est une institution administrative et non politique, peu connue du grand public, qui occupe une place importante dans l’organisation et les relations des institutions, particulièrement dans les pays francophones
Le Secrétariat général du gouvernement (SGG) est une structure stratégique extrêmement importante, un organisme interministériel, placé sous l’autorité du Premier ministre. Il est chargé de coordonner le travail du Gouvernement d’un point de vue administratif et n’a pas de prérogatives politiques. Il est donc chargé, dans un axe majeur, de coordonner l’action gouvernementale et d’accroître la place du travail interministériel.
Le Secrétariat général du Gouvernement est une institution administrative et non politique, peu connue du grand public, qui occupe une place importante dans l’organisation et les relations des institutions, particulièrement dans les pays francophones, et dont il est un rouage essentiel.
Le Secrétariat général du gouvernement est consulté pour chaque décision gouvernementale, il est donc chargé d’assurer le bon fonctionnement du Gouvernement, prépare l’ordre du jour du Conseil des Ministres, rédige, en principe, les comptes rendus des réunions interministérielles et du Conseil des ministres. Le SGG est une pièce maîtresse du dispositif d’élaboration de la prise de décision et remplit notamment une mission de conseil juridique auprès du Gouvernement.
Le SGG veille également à la publication des textes législatifs et réglementaires, et assure les relations entre le Gouvernement et le Parlement. A ce titre, il recueille l’ensemble des rapports transmis par les Administrations au Parlement lorsqu’ils sont prévus par la loi.
Pour tous les textes délibérés en Conseil des ministres (projets de lois, d’ordonnances et de certains décrets), le Secrétariat général du Gouvernement devait saisir le Conseil d’État avant et doit aujourd’hui, en lieu et place du Conseil d’Etat, saisir l’Assemblée générale consultative de la Cour suprême. Le SGG a donc la responsabilité de la transmission à la Cour suprême de tous les actes devant faire l’objet d’un avis. Une fois ces textes adoptés par le Parlement, le Secrétariat général du Gouvernement doit recueillir les signatures du Président de la République et du Premier Ministre. Aussi, cette saisine de la Cour suprême n’est pas, par ailleurs, une formalité substantielle dans le cadre de la procédure d’adoption des projets de textes législatifs et réglementaires. Lors de l’examen de la constitutionnalité d’une loi par le Conseil constitutionnel, le Secrétariat général du Gouvernement prépare les observations du Gouvernement sur le recours.
Il assure la publication des textes au Journal officiel et veille à ce que les décrets d’application prévus par la loi soient pris dans un délai raisonnable. Il n’intervient pas en général dans les médias et dispose en général au moins d’un Secrétaire général adjoint. Au Sénégal, il dispose aujourd’hui de deux Secrétaires généraux adjoints.
Pour son historique, il faut noter que le Secrétariat général du Gouvernement (SGG) a vu le jour dans l’Administration française à partir de 1934. Il avait l’appellation de Section administrative, puis de Secrétariat général des Services administratifs de la Présidence du Conseil, ensuite de Secrétariat général de la Présidence du Conseil, qui sont alors les ancêtres du Secrétariat général du Gouvernement.
C’est une institution qui doit être remarquable par sa grande stabilité. En effet, en France par exemple, lorsque André Ségalat a été nommé comme Secrétaire général du Gouvernement en 1946 en remplacement de Louis Joxe qui occupait cette fonction à la libération au sein du Gouvernement provisoire, il resta dans ses fonctions pendant 12 ans. Ce long passage de M. Ségalat à ce poste de Secrétaire général du Gouvernement a permis de montrer ainsi que l’organisme prend un caractère purement administratif et indépendant des changements de gouvernements. Son rôle restera identique pendant la Quatrième et la Cinquième République.
En effet, en France, seuls dix Secrétaires généraux du Gouvernement se sont succédés depuis 1947, donc depuis la IIIème République, comparé avec le nombre de Gouvernements sous la seule Vème République soit quarante-deux à l’été 2020. En effet, en France, entre 1946 et 2020, la durée moyenne dans les fonctions de Secrétaire général du Gouvernement est d’environ 10 dix ans.
Il faut noter qu’au Sénégal, sous le régime du Président Abdou DIOUF, nous avons connu, à une époque donnée, entre la fin des années 70 et le milieu des années 90, un Secrétaire général du Gouvernement, en la personne de feu Babacar Néné MBAYE, une personnalité nettement distante de la chose politique, qui est resté dans ses fonctions, indépendamment des changements de Gouvernements, pendant un peu moins de vingt ans. Nous avons pu constater, durant cette période, une véritable stabilité et une continuité dans le suivi du travail et de l’action gouvernementale dans notre pays.
Son appellation de « Ministre, Secrétaire général du Gouvernement” est une nouveauté au Sénégal qui ne date pas de très longtemps car n’existait pas jusqu’en 2000. Cette appellation répond en effet beaucoup plus à une récompense politicienne qu’à autre chose, rien n’empêchant de rester dans l’orthodoxie administrative tout en lui octroyant le rang et les avantages de Ministre comme récompense. D’ailleurs, en France, aucun SGG n’a jamais eu l’appellation de Ministre.
Même si nous pouvons le considérer comme une structure légère, il est souhaitable, pour lui permettre de remplir convenablement sa mission, de mettre à sa tête un Agent de l’État apolitique, haut potentiel, technocrate et expérimenté dans le fonctionnement et les rouages de l’Etat et de son Administration.
Le profil du titulaire dédié à cette fonction doit obéir à un minimum de critères objectifs. En effet, la personnalité à nommer à cette fonction doit indispensablement et nécessairement avoir une grande culture administrative, avec au moins 15 ans d’expérience professionnelle et de pratique avérée à des postes de responsabilité dans l’Etat et la haute administration. Il doit être reconnu comme étant un grand Commis et un grand Serviteur de l’État.
Chez beaucoup de nos concitoyens non familiers avec le milieu administratif et ses différentes structures, la confusion est souvent faite entre le Secrétariat général du Gouvernement (SGG) et le Secrétariat général de la Présidence de la République (SGPR). Aussi et en réalité, même beaucoup d’agents de l’Etat, tous niveaux confondus, auront du mal à faire la différence de leurs attributions et prérogatives.
LE SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DE LA PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE (SGPR)
Le SGPR peut être considéré comme un cabinet «supraministériel». Il est dirigé par un Secrétaire général comparable à un homme de l’ombre qui doit être au centre de tout, au courant de tout. Sur le plan purement administratif, nous pouvons dire qu’il est de loin moins stratégique que le SGG mais plus sensible.
La plupart des Secrétaires généraux sont issus de la haute fonction publique et dispose en général au moins d’un Secrétaire général adjoint. Au Sénégal, il dispose aujourd’hui de deux Secrétaires généraux adjoints.
Cette fonction, inventée sous la Troisième République en France était purement administrative jusqu’en 1958. C’est le général De Gaulle qui fait évoluer la fonction avec des hommes de confiance à partir de 1958. Il occupe donc généralement aujourd’hui, à la croisée de la politique et de la haute administration, l’un des postes les plus sensibles des arcanes du pouvoir.
Mi-technocrate, mi-conseiller politique, le “SGPR”, comme on l’appelle, est le plus proche collaborateur du “PR”, même si sa fonction n’est pas clairement délimitée. Il est surtout le grand ou l’un des grands inconnus de l’appareil étatique.
Lui qui ne quitte quasiment jamais le Palais – il est théoriquement le premier arrivé et le dernier parti – est assurément un homme de cour. Dès l’aube, il est théoriquement le seul à voir le président, avec lequel il entretient une relation de confiance toute particulière. Toujours au côté du président, il est le témoin privilégié du quinquennat, même dans ses moments les plus intimes.
Le Secrétaire général était en réalité un trait d’union entre le président de la République et le Gouvernement pour la mise en œuvre des choix du Président de la République. Il devait veiller à ce que la politique du chef de l’Etat soit appliquée. Mais, il faut reconnaitre aujourd’hui que son travail varie d’une présidence à l’autre. Il est présent au Conseil des Ministres.
Le SGPR joue simultanément les rôles de collaborateur privilégié, d’animateur de l’équipe des Ministres Conseillers, des Conseillers spéciaux, des Conseillers techniques, des Chargés de mission, Ambassadeurs itinérants et autres personnalités qui travaillent auprès de lui.
Il existe une règle d’or non écrite qui hante cette fonction : le Président, en principe, a, envers cette personnalité, une confiance indéfectible. On peut dire qu’il est à la fois le bras droit du chef de l’État et son bras armé, ses yeux et ses oreilles. Inconnu du grand public en général, c’est lui que l’on voit sur les marches du Palais, au moment des remaniements ministériels, puisqu’il égrène la liste des noms de tous les membres du Gouvernement. Peu de gens le remarquent, et pourtant il est toujours là. Dans les photos officielles, presque effacé. Dans les réunions confidentielles, en train de prendre des notes. Le Secrétaire général de la Présidence de la République est un homme de l’ombre, qui voit tout, entend tout, mais ne dit rien. Il n’intervient pas en général dans les médias
Dans la pratique, ses attributions sont généralement les suivantes :
- la direction et la coordination des membres du cabinet présidentiel ; la coordination des décisions présidentielles avec les actions du Gouvernement et de l’ensemble des Administrations publiques ;
- l’information du Président ; l’annonce de la composition du Gouvernement lors de sa nomination ;
- la rédaction, au terme de chaque réunion du Conseil des Ministres, avec le Secrétaire général du Gouvernement, d’un relevé de décisions et d’un compte-rendu intégral des délibérations qui ne sont pas rendus publics ;
- enfin, il peut prendre de lui-même certaines décisions dont il estime qu’elles vont dans le sens de la politique du Président mais qui ne méritent pas d’être portée à son attention.
Même si le SGPR est considéré comme un homme de confiance du Président, il est souhaitable de tenir compte d’un certain profil avec les mêmes critères de nomination et de désignation proposés pour celui du poste de SGG toujours dans un souci d’une meilleure efficacité dans l’accomplissement de sa mission et de sauvegarde de l‘image de l’Etat et de l’Administration.
Comme la fonction de SGG, son appellation de Ministre ou de Ministre d’Etat ne répond pas à l’orthodoxie administrative même si l’intention est aussi de lui octroyer le rang et les avantages de Ministre qu’il peut toujours avoir sans l’appellation.
A un moment donné, du temps de feu Ousmane Tanor Dieng, il a été tout simplement créé le poste de Ministre d’Etat, Ministre des Affaires et Services présidentiels à la place de celui de Secrétaire général de la Présidence de la République. La raison fondamentale reste sa proximité légendaire avec le Président Abdou Diouf et la confiance absolue que ce dernier lui vouait à l’époque.