Ah oui, une fois n’est pas coutume mais on peut encore être fier de notre pays, LE SENEGAL.
En effet, secoué depuis quelque temps par des scandales multiformes allant de la coprolalie haineuse à la prédation éhontée des terres en passant par les scandales financiers de toutes sortes parmi tant d’autres indélicatesses que la presse et la vox populi n’en finissaient pas de décrier rageusement et de s’en indigner fortement ; notre pays avait fini par donner l’image d’une Nation à la dérive où le sens de l’Honneur, le respect du bien public et toutes les autres formes d’attitudes républicaines, citoyennes, sociétales et autres bienséances avaient complètement disparu. Noyées qu’elles étaient dans le magma immonde des insanités codifiées, des détournements de deniers publics planifiés et des vols à grande échelle institutionnalisés et dénoncés inlassablement par les multiples rapports des corps de contrôle et banalisés par les postures d’autruches des Hautes Autorités. Ajoutez à tout cela un pouvoir frileux et extrêmement répressif qui ne souffrait d’aucune contradiction et n’hésitait pas à user et à abuser de la force publique, de l’appareil judiciaire et de la représentation nationale pour arrêter, bastonner, inculper et emprisonner à tour de bras quiconque adoptait une posture de défi ou tout simplement émettait un avis contraire aux désidératas du Maitre des céans. Ainsi on aura vu et vécu avec des arrestations arbitraires, des emprisonnements sans procès ou carrément téléguidés, des lois iniques votées à la va vite, une justice infantilisée, des FDS enragées contre des manifestants etc., etc. Tout cela avait fini par nous rendre quelque part, HONTEUX d’être sénégalais.
Tellement le tableau était sombre…
Mais voilà qu’au moment où on semblait complètement découragé et meurtri dans notre chair et mal dans notre être, deux faits récents nous rappellent que somme toute, nous avons un Grand pays et que Nous sommes un grand peuple qui recèle toujours des ressorts incroyables pour redorer son blason terni et nous réconcilier avec nousmêmes et entre Nous. Le premier motif de satisfaction et de fierté nationale retrouvée est à chercher dans l’organisation sans faille et le déroulement tranquille du scrutin présidentiel du 24 mars 2024, longtemps renvoyé aux calendes BBY pour des motifs tout aussi iniques. Et voilà que dans un sursaut salvateur le PEUPLE du SENEGAL se leva, muni de sa carte d’électeur pour imposer sa volonté à TOUS. Et dans cette démonstration de force, d’abnégation, de refus et de révolte silencieuse, le peuple a choisi son Guide en la personne de Bassirou Diomaye Daikhar FAYE pour présider aux destinées de notre cher pays. ALHAMDOULILAH. Au moins, on aura quelqu’un d’autre que ceux qui étaient là et on va voir ce qu’on va voir. Comme quoi, on sait se faire respecter au Sénégal. AJARAMA.
L’autre grand motif de satisfaction qu’on pourra retenir de ces joutes électorales c’est que le peuple commence à comprendre véritablement l’utilité de la carte d’électeur et l’usage qu’on peut en faire. Cela est extrêmement important et tous les acteurs politiques doivent désormais le savoir. Au Sénégal, Il n’est plus possible de mener «les gens en bateau pour des destinations inconnues» pour parler comme le chanteur Tiken Jah car ils ont TOUT compris. «YEWWII Nagnoulène… YEWEKOU NAGNOU, YEWOU NAGNOU». Aussi, chers politiciens, «à partir de dorénavant et jusqu’à désormais», il vous faudra présenter au peuple, des programmes réalistes, des arguments convaincants et adopter des comportements et des attitudes d’humilité, de respect et d’accessibilité pour bénéficier des suffrages des électeurs. Et pour cela, il n’y a qu’une voie et une seule : travailler, encore travailler, toujours travailler comme disait Père WADE et surtout BIEN travailler. Enfin, cet évènement d’envergure qu’est l’élection de notre Président a mis encore à nu, un travers détestable et répugnant dans notre pays : La pratique quasi industrielle du MENSONGE sous toutes ses formes. Avant, pendant et après cette élection présidentielle et durant tous les évènements qui l’auront précédée, on a aura tout vu et TOUT, TOUT entendu. Vraiment TOUT en termes de MENSONGES EHONTES. Entre les déclarations graveleuses des innombrables «Serignes LOLOU», les prédictions fantaisistes des diseurs et diseuses de bonnes aventures , les divinations absconses des pythonisses du dimanche, les sentences qui se veulent doctes des marabouts ou plutôt «Mares à boue» pour dévaliser Feu Mame Less DIA, saupoudrés des «analyses savantes et péremptoires» de nos «spécialistes politologues et experts-maison» qui soutenaient mordicus l’impossibilité d’avoir un vainqueur au premier tour, c’est à qui aura débité le plus gros mensonge. Nos oreilles ont vraiment sifflé et nos yeux se sont écarquillés d’incrédulité, de surprise, de dégoût et de désolation devant de telles attitudes qui dépassent l’indécence et frisent l’irrespect crasse pour les sénégalais que nous sommes. Toutes leurs funestes prédictions se sont révélées TOTALEMENT FAUSSES.
Entre autres grossiers mensonges, ils avaient pour les uns, spécialistes et analystes politiques autoproclamés, théorisé urbi et orbi, l’impossibilité quasi biblique d’avoir un vainqueur au premier tour. FAUX. Pour les autres, Ils avaient vu- par la grâce de DIEU - disaientils, l’air sentencieux et onctueux - l’élection dans un fauteuil du candidat BBY, FAUX. On reste partagé entre le paganisme, l’idolâtrie, l’associationnisme voire l’apostasie pour qualifier de telles attitudes débitées en public et Sans une once de HONTE. TERRIBLE. Le grand bénéfice de toutes ces déclamations mensongères par des «grandes personnes» c’est de permettre aux fidèles de découvrir de plus en plus la supercherie dont ils sont l’objet et de prendre à terme, leurs distances pour le plus grand bien de l’Islam et du Sénégal INCH CHA ALLAH.
J’ai toujours beaucoup de mal, à voir une personne bien sous tous les rapports, MENTIR avec aplomb et sans gêne ni vergogne et s’en porter bien. TRISTE. Mon avis est qu’il faudra se décider à légiférer dans ce pays contre des déclamations aussi mensongères et alarmistes mettant en danger jusqu’à la cohésion nationale. Car ces actes de divination reposant sur du FAUX sapent le soubassement de notre FOI de croyants et doivent être réprimés avec la plus grande fermeté par une LOI pour mettre un frein à ces plaisanteries de très mauvais goût. Le délit de mensonge existe non ? Il faudrait l’étendre à ces hurluberlus pour arrêter cette fâcheuse manie de débiter des propos aussi dangereux et INACCEPTABLES.
La VAR nous a saoulés d’images incroyables de toutes sortes d’individus débitant toutes sortes d’inepties et s’en tirer à trop bon compte. Assurément, il y’a urgence à légiférer pour classer de tels actes parmi les délits passibles de peines sévères d’autant plus qu’ils sont FAUX et mensongers. C’est le seul moyen d’arrêter cette spirale grotesque d’individus loufoques qui ne font plus rire avec leurs délires sulfureux qui sont autant de sornettes qu’on voudrait sentencieuses avec force blasphème en y associant le doux Nom du PLUS HAUT. SIDERANT !!! Il y va de notre survie en tant que Nation. Pour terminer, l’avènement en ce mois sacré du Ramadan, d’un nouveau Président de la République imposé par la vox populi, véritable détenteur du pouvoir politique, est de très bonne augure pour l’avenir et tous les espoirs d’un peuple réconcilié avec lui-même nous sont promis et permis.
Que DIEU continue à nous Insuffler de Sa Miséricorde infinie pour un Sénégal uni, prospère et divers. AMINE.
AU TRAVAIL MAINTENANT…
DIEU NOUS GARDE ET GARDE LE SENEGAL.
par l'éditorialiste de seneplus, ada pouye
LE TRIBUNAL DE LA TURPITUDE
EXCLUSIF SENEPLUS - La mutation du pouvoir obtenue après la défaite du candidat Amadou Ba a révélé quelques ingrédients de sa recette. Ce mouvement révolutionnaire est un marqueur de la reconfiguration de la sociologie politique du pays
« L’arbitraire et la turpitude ne se valident pas partout avec succès, comme s’ils étaient des lois de la physique. C’est le principe » (Tocqueville, A. 1835).
Macky Sall, ses louangeurs et ses manœuvriers incompétents, se sont démenés comme des forcenés pour déroger au principe. Rien n’y fait. La neuvième vague (Gennari, G. 1980) patriotique a précipité au fond de l’abîme les politiciens - bling bling boy - avec un QI de Dupont et Dupont. Ils ont oublié : on nous tue, on ne nous déshonore pas.
Que nul n’en ignore !
La mutation du pouvoir obtenue après la défaite du candidat Amadou Ba à l’élection présidentielle du 24 mars 2024 a révélé quelques ingrédients de sa recette.
Le mouvement social impulsé par le Pastef depuis 2019 à travers une bataille acharnée autour du « projet » a multiplié les scarifications sur le visage déjà hideux de notre démocratie néocoloniale empirique.
Ce mouvement révolutionnaire est un marqueur de la reconfiguration de la sociologie politique. La faillite des partis politiques postcoloniaux anecdotiques, a ouvert une brèche à une jeunesse désabusée. Les universités (Cheikh Anta Diop et Gaston Berger) ont joué leur rôle. Elles ont catalysé une forme d’organisation politico-sociale, se présentant sous la forme d’une mixture du panafricanisme intellectualiste de Cheikh Anta Diop et du nationalisme pragmatiste de Mamadou Dia.
La gloutonnerie matérialiste du clan Macky Sall avec son corollaire d’arrestations tous azimuts, - ne pouvait pas et ne peut toujours pas – être passée en pertes et profits.
Dans le face-à-face au clan « BBY/BTY (Bénnὁ Tἁs Yaakar », le mouvement F24 a constitué une des plateformes fédératrices regroupant à la fois des organisations de la société civile, des partis, des syndicats, le patronat, des organisations des droits de l’homme, des mouvements religieux et des identités remarquables, pour cristalliser un front du refus de la confiscation du pouvoir par le régime ploutocratique de Macky Sall.
L‘édifice de musellement généralisé du peuple sénégalais par les emprisonnements, l’acharnement contre les chaînes de télévision, les réseaux sociaux (coupures de l’Internet) y compris la menace à peine voilée de faire entrer les prétoriens dans l’arène politique, sous-tendue par un narratif colonialiste désuet adossé sur une fiction juridique (force restera à la loi) inopérante face au peuple ; cet édifice disions-nous, s’est affaissé comme un château de cartes.
Dans une République, au commencement se trouve le peuple, et, à la fin il sera. Alors tout naturellement, force restera toujours au peuple. La preuve en a été administrée par les électeurs dont la carte n’est que le prolongement de leurs convictions.
Le peuple est le tribunal de la turpitude.
Mais ne nous y trompons pas. La détermination dont elle a fait montre dépasse le politique. Elle s’inscrit dans une volonté d’amorcer une véritable mutation sociale (Touraine, A. 1984).
La résistance à la dictature a été multidimensionnelle et transnationale. Des intellectuels, des éditorialistes, des académiciens, la société civile et même le Conseil constitutionnel ont érigé des barricades contre la dictature, tous à leur manière. Une déferlante systémique. Un mouvement sismique inarrêtable.
La leçon a été bien apprise et bien mise en pratique : « Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire » (Albert Einstein).
Par Mamadou Ndiaye
LES HABITS NEUFS
De nouveaux visages arrivent aux responsabilités. Ventilés à divers postes d’un gouvernement qui a mis du temps à se dessiner, les ministres prennent possession de leurs départements respectifs sous la férule de leur chef, Ousmane Sonko déjà aux commandes
De nouveaux visages arrivent aux responsabilités. Ventilés à divers postes d’un gouvernement qui a mis du temps à se dessiner, les ministres prennent possession de leurs départements respectifs sous la férule de leur chef, Ousmane Sonko déjà aux commandes du navire !
Il a pris fonction hier dans une sobriété qui en dit long sur la nouvelle ère qui s’ouvre… Le Premier ministre Sonko a surtout décliné son programme de gouvernement puisé dans son fameux « Projet » qui sert de boussole aux nouvelles autorités.
Aussitôt sa nomination entérinée, il s’attelait, en accord avec le président de la République, à fixer la mission qu’il s’est assigné dans un contexte d’urgences et de contraintes qui ne laissent point place au répit. L’emploi, la sécurité, la jeunesse, la mobilisation citoyenne, la lutte contre la corruption et le coût de la vie constituent les axes pivots de la politique qu’il entend conduire.
A ces priorités, des budgets prioritaires ! Nanties d’un suffrage universel synonyme de plébiscite, les deux têtes de l’exécutif ne perdent pas de temps pour former une équipe qu’elles veulent homogène, complémentaire et soudée afin de traduire en actes les premières intentions présidentielles.
Pour beaucoup, les titulaires de portefeuilles ont le physique de l’emploi et surtout le profil adéquat. Certains CV sont… balèze ! D’autres intéressants. De ce fait, la diversité des horizons et des parcours demeure une richesse susceptible de forger un mental et un état d’esprit en quête de puissance. Ces technocrates manquent-ils de sens politique ?
Sous l’effet des contraintes, ils présentent des qualités distinctives pour enrayer les difficultés à l’origine du choix porté sur eux. D’ailleurs, nombre d’entre eux sont des technocrates à l’expertise avérée issus pour la plupart des milieux d’affaires, des banques, des institutions financières internationales, de la coopération ou des universités.
Tous, moins politiques que leur patron, vont apprendre le métier en s’éprouvant. La troisième alternance est donc en marche ! A cet égard, le terrain est la seule vérité qui compte. En clair, le savoir-faire et le vécu seront plus requis que l’épaisseur des diplômes empilés. N’empêche, la trajectoire académique reste un gage de sérieux, de présomption de compétence et pourquoi pas de talents qui prédisposent ceux qui s’en prévalent d’être à la hauteur.
Dans leurs relations de travail au quotidien, naîtront des liens personnels, base affective de solidarité gouvernementale propice à surmonter les écueils et les égos des uns et des autres. D’autres combats sont en ligne de mire pour ces ministres, de surcroît des novices dans leurs attributions : améliorer les conditions de vie des Sénégalais (sans distinction) une fois le chapitre de l’élection présidentielle clos, enchaîner les visites pour cerner les décalages en rencontrant les gens dans leur simplicité.
Au-delà du style, dont l’importance sera relative voire anecdotique, le ministre est attendu sur sa créativité et son impulsion pour entraîner son monde dans la dynamique voulue sans fausse note. Si les tâches prioritaires sont identifiées, leur mise en œuvre opérationnelle va s’avérer complexe en raison justement de la conjoncture politique qui prévaut en ce moment.
D’abord le budget 2024 est voté par une assemblée en osmose avec la majorité sortante. Il repose sur une loi de programmation et sert de référence à plusieurs exercices cumulés si bien que la modification ne surviendrait que dans le cadre d’une loi de finance rectificative nécessitant toutefois une réévaluation de la qualité des dépenses.
En d’autres termes, la même assemblée sera tenue de réapprécier la situation à l’aune du changement survenu depuis le 24 mars dernier. Une remise en ordre en perspective. La tâche s’avère délicate. Elle va induire des tractations pour arrêter une stratégie efficace au sein d’un Parlement souvent agité.
Mieux, il faudra aller vite (sans se hâter) et surtout donner un signal qui rassure. Le changement à la tête de l’exécutif postule une configuration nouvelle, voire inédite avec d’un côté un gouvernement qui reflète le choix voulu par les Sénégalais et une Assemblée nationale reposant sur un précaire équilibre des forces politiques.
Que nous réserve ce bouleversement du paysage politique ? Le PDS et le PS reculent, électoralement. Ils deviennent des partis de soutien et perdent ainsi l’initiative en se rangeant par nécessité derrière des forces qui montent. L’APR va-t-elle se saborder ou imploser ? N’ayant pas pu se structurer alors qu’elle était au pouvoir, va-t-elle pouvoir le faire maintenant qu’elle se retrouve sans préparation dans l’opposition ? Aucun cadeau ne lui sera fait ?
Et le Pastef ? Sa ligne politique a certes triomphé. Mais comment compte-t-il s’imposer dans une recomposition politique qui se profile en prélude aux prochaines élections législatives et municipales ?
De nouveaux combats se dessinent tant au pouvoir que dans l’opposition qui va nécessairement se chercher une figure d’incarnation. Le Président Diomaye Faye a fixé un cap avec en toile de fond une réorganisation de l’échiquier politique en vue de diminuer le nombre de partis, surtout ceux sans consistance ni épaisseur.
La récente consultation a révélé le poids électoral de beaucoup de prétendants sans réelle envergure ni emprise notable. Nul doute que certains dirigeants vont tomber en disgrâce.
En revanche, c’est la divine surprise et une onction de grâce pour ces jeunes ministres prêts à se durcir le cuir au contact du réel. Redoutables défis qui peuvent s’inscrire dans un temps long alors que les urgences exigent des réponses immédiates. Ils ont besoin d’un succès d’estime pour franchir les barrières psychologiques qui vont naturellement se dresser sur leur chemin.
Cependant, il est heureux de voir qu’un consensus se dégage sur le gisement d’emplois que recèle l’agriculture si jamais elle est mise sur les rails de la souveraineté alimentaire et surtout de la sécurité alimentaire. Pour y arriver, le choix porté sur le banquier Mabouba Diagne s’avère judicieux.
Il a fait montre d’une rare pugnacité dans ses fonctions antérieures pour réorienter les financements vers une économie verte en progression avec un succès retentissant. Par un subtile montage financier, il a créé un complexe agricole de transformation dans son terroir d’origine avec à la clé des emplois et des revenus accrus qui lui valent une immersion sociale très profonde.
Il en est de même du ministre de l’industrie, Sérigne Guèye, également maire de Sandiara qui, avec opiniâtreté, est parvenu à ériger une active zone industrielle dans son fief grâce à son carnet d’adresses et à son ingéniosité.
On le voit, il est possible d’accentuer la perspective en faisant de l’emploi le leitmotiv tous azimuts au grand bénéfice des jeunes de plus en plus nombreux sur le marché du travail, sans formation professionnelle, dépourvus de qualification. Ils constituent une chance (à saisir) et une non bombe ou une menace (à brandir) sur le chemin de la croissance inclusive qui les éloigne des affres de la misère et des tentations aventurières.
Par Pape Touty Makhtar SOW, A feu Khasset Cissokho
BABACAR MBOW : TRAVAIL ET SPIRITUALITE À NDEEM ET MBAKE KAJOOR
Avec les populations locales de Ndeem et de Mbake Kajoor, et celles venues d’ailleurs, il s’est investi physiquement et spirituellement dans les terroirs du Baol désertifié pour bâtir une communauté active, ancrée dans les valeurs du mouridisme
Babacar Mbow alias Chacun a vécu1. Avec les populations locales de Ndeem et de Mbake Kajoor, et celles venues d’ailleurs, il s’est investi physiquement et spirituellement dans les terroirs du Baol désertifié pour bâtir une communauté active, ancrée dans les valeurs du mouridisme et ouverte aux souffles du Monde. Serigne Babacar laisse en legs un précieux patrimoine matériel avec des réalisations agro-écologiques, des infrastructures de formation et de fabrication artisanale et une importante œuvre spirituelle parla production d’une puissante pensée soufie centrée sur l’Amour²
Engagé dans les mouvements de jeunes contestataires issus de Mai 68, Chacun adhère dès 1970 au Mouvement des Jeunes Marxistes-Léninistes (MJML) d’obédience maoïste. C’est dans son quartier populaire de la Médina à Dakar, où il est fortement enraciné, qu’il milite activement dans des cercles de lecture composés de jeunes étudiants et ouvriers. Il se distingue par sa capacité à se lier aux plus démunis, à les servir et à les entraîner avec pédagogie dans la mobilisation pour le changement révolutionnaire de leurs conditions de vie
Ce moment de grand bouillonnement révolutionnaire a ébranlé l’ordre néocolonial incarné par le régime de Senghor et autorisait le rêve du grand soir, accoucheur d’une nouvelle société de justice, de fraternité, de liberté et de prospérité. Malgré les désillusions enregistrées, Chacun a gardé en lui ce besoin de rêve à réaliser et d’idéal à défendre. Il a refusé la désespérance et a continué à se nourrir de ces utopies qui font le levain d’une belle vie, utile aux autres.
Dès la fin de ses études en France en 1984, Chacun rentre au pays en vue de rendre réalisables les rêves des années de braise en fondant une communauté de vie, de travail, et d’épanouissement spirituel entre des citoyens librement associés. Cette initiative citoyenne volontariste ne s’enlise pas dans des élaborations chimériques, elle trouve comme cadre de mise en œuvre le village de ses aïeux à Ndeem, en compagnie de sa « Chacune », sokhna Aicha, une grande dame, simple, fortement engagée et dotée d’une âme généreuse.
Ndeem est au centre de la région du Baol, une zone aride, une contrée hostile, enclavée, marquée par un cycle de sécheresse sévère et prolongée, une nappe particulièrement pauvre en ressources hydriques, un bétail éprouvé et des infrastructures quasi inexistantes, des populations contraintes à l’exode…
Ces gros défis n’effraient pas l’ancien maoïste ; au contraire, Babacar Mbow, ni Robinson, ni Robin des bois, y trouve une stimulation supplémentaire. Il lance une initiative de réaménagement du territoire de Ndeem, de reconstitution d’une communauté socioculturelle, un projet d’expérimentation d’activités économiques et de transformation du capital humain. Il tente une forme d’autosuffisance alimentaire locale par un système de production agricole, animale et horticole.
Une chaîne d’activités de base est reliée à un dispositif de valorisation locale des produits destinés à la consommation locale des membres de la communauté et à la commercialisation sur les marchés de proximité. Parallèlement, il impulse une politique de diversification des opérations génératrices de revenus avec un secteur artisanal diversifié qui prend en compte des filières comme le cuir, le textile, la couture, la menuiserie, la forge… etc. Ces activités constituent à la fois un moyen de formation et une opportunité d’occupation des jeunes (parfois issus de la ville en « exode urbain »3). La priorité accordée aux technologies endogènes et le souci d’innovations ont rendu possible des percées significatives dans des secteurs comme la production de combustible écologique (bio-terre) et la boulangerie.
Mais dans la vision de Babacar, Serigne bi, le développement du capital humain est central. Il propose des services sanitaires de base et met en place un système éducatif par la construction d’établissements scolaires, en partenariat avec les institutions publiques. Il institue un centre de formation professionnelle multisectorielle des métiers composés de plusieurs ateliers dont : le tissage traditionnel, le tannage des peaux, la confection, la menuiserie, le design avec du métal de récupération, la teinture, la vannerie, la poterie…etc
L’organisation établie permet de prolonger les activités saisonnières par la stimulation d’une pluriactivité génératrice d’emplois et source de diversification des revenus et par la valorisation des ressources locales disponibles, une internalisation de la valeur ajoutée locale. Elle a aussi rendu possible l’accès à l’école et la promotion de loisirs pour l’épanouissement des enfants du village.
Ces capacités productives variées et intégrées, focalisées sur une agriculture écologique, assurent une relative autonomie alimentaire aux populations de Ndeem et génèrent des produits d’habillement et de décoration. Des opérations créatrices de richesses favorisent la préservation de l’écosystème parla régénération forestière, parla valorisation des composts et par la promotion des énergies renouvelables, notamment solaire.
Ni collectivisme ni communautarisme, l’Association des Villageois de Ndeem (AVND) organisée de manière harmonieuse bénéficie du leadership du fondateur qui a montré une capacité d’ouverture au monde et de partenariat avec l’administration publique centrale et décentralisée et aussi avec les ONGs nationales et internationales. Ainsi, Chacun a réussi à étendre le réseau AVND de commercialisation des produits labélisés « Maam Samba » à Dakar (Les Mamelles, Institut français, Galerie d’exposition et d’hébergement keur Maam Samba à Ngor4) et vers l’Europe notamment dans les circuits du « commerce équitable »
A la base de cette réussite matérielle, Serigne Babacar reconnait un souffle spirituel lié à l’amour, à la religion de l’amour: « la religion que je professe (Islam) est celle de l’amour. Partout où ses montures se tournent, l’amour est ma religion et ma foi.» C’est dans cette aspiration à l’Amour divin, dit-il, qu’il rencontre le mouridisme et l’appréhende de l’intérieur, en soufi. A ses yeux, « cheikh Ahmadou Bamba, dit Khadimou Rassoul est le modèle même de cet amour qui révèle les mystères divins et dévoile les vérités qui s’y rattachent. » Avec son « fou » (Mam cheikh Ibra Fall) sorti de néant, Khadimou Rassoul partage une haute vision de réalisation spirituelle dont l’envoyé de Dieu Mouhamad (psl) est la source. Mam Ibra Fall, le guide direct de Serigne Babacar, a fait de la mystique du travail, élevée au rang d’action pieuse, un devoir sacré auquel chaque être humain doit se conformer.
Le « success story » de Ndeem, obtenu grâce à cette sacralité du travail, a précisément convaincu le khalife des Bayfall, Serigne Dioumb FALL, de confier à Serigne Babacar un imposant projet de réhabilitation et de viabilisation du site historique de Mbake Kajoor5. Cette nouvelle entreprise ne consiste pas seulement à édifier des infrastructures mais surtout à promouvoir un nouveau développement intégré qui capitalise toute l’expérience de Ndeem. Ainsi, des actions impliquant les jeunes, en particulier les femmes, sont conduites dans les domaines de l’agroécologie, de l’aquaculture, de l’apiculture, de la régénération de plantes et arbres traditionnels et de la bioénergie, sans compter la formation professionnelle et la mise en place d’un système de financement décentralisé.
CONCLUSION
Serigne Bi, comme l’appellent affectueusement les membres de la communauté, a donc concrétisé avant terme ce que le système des Nations Unies appellera dix ans plus tard « Eco-village », défini comme « un espace rural mettant en œuvre : (i) un modèle économique alternatif, (ii) une place privilégiée à l’écologie et (iii) une vie communautaire active avec comme objectifs l’autosuffisance alimentaire, basée sur une économie sociale et solidaire (ESS).
C’est un système intégré, productif et culturel, de valorisation des ressources locales qu’il établit de manière autonome avec des mécanismes propres de co-construction et de cogestion. Cette approche communautaire de gestion durable et de développement adaptée à la communauté a servi de cadre motivant de mobilisation sociale.
Babacar Mbow dit Chacun n’a pas été seulement le jardinier de nos rêves de jeunesse de vouloir transformer le monde. A l’échelle de Ndeem, il a réussi à instaurer une communauté respectueuse de l’environnement avec l’humain au cœur de son projet de développement ; une communauté scellée par « le mourdisme » un liant spirituel entre les membres et un levain de leur mobilisation autour du travail et du partage équitable des fruits de l’œuvre collective. Une expérience à capitaliser dans ce qu’elle a de réplicable, à la veille de profonds changements politiques dans notre pays et dans la région ouest-africaine !
Notre ami Chacun, après près de 40 ans d’engagement social et de cheminement spirituel, laisse derrière lui un important patrimoine à la fois matériel et immatériel. Ses succès ont été obtenus grâce à une solide armature spirituelle, référée au Mouridisme, sur la base du culte du travail et d’une gouvernance partagée pour le bienêtre social des populations locales.
Pape Touty Makhtar SOW
par Souleymane Bah
FRANC CFA : ENJEUX DE SOUVERAINETÉ ET VOIES VERS L'AUTONOMIE MONÉTAIRE
Pour les pays de la zone CFA, le chemin vers une plus grande autonomie monétaire est semé d'embûches, mais il est essentiel pour assurer un développement économique et social durable
Le franc CFA, initialement acronyme de « Franc des Colonies Françaises d'Afrique », puis devenu « Franc de la Communauté Financière Africaine » pour les pays de l'UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest Africaine » et « Franc de la Coopération Financière en Afrique Centrale » pour les pays de la CEMAC (Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale), représente un cas unique de monnaie partagée par plusieurs états dits souverains. Créé initialement en 1945, dans le contexte d'après-guerre et de reconstruction des économies européennes, le franc CFA illustre les complexités de liens monétaires étroites hérités de la colonisation française et leurs impacts sur le développement économique et social des pays membres.
Dans son article paru en 2011, Jérôme Blanc' met en lumière le rôle central de la monnaie dans les périodes de bouleversements politiques et économiques, ainsi que les conséquences de la subordination du monétaire au politique. Cette dynamique se retrouve dans l'histoire du franc CFA, bien que dans un contexte différent, illustrant comment la monnaie peut à la fois refléter et façonner les relations de pouvoir économique et politique.
A l'instar de la situation française durant la seconde guerre mondiale, où la monnaie était un instrument au service des stratégies de l'occupant allemand et du gouvernement de Vichy, le franc CFA a été critiqué pour son rôle dans la perpétuation de la dépendance économique vis-à-vis de la France.
L'introduction du franc CFA visait à faciliter l'intégration économique et monétaire des colonies africaine dans l'économie métropolitaine française, garantissant ainsi un accès privilégié aux ressources naturelles. Cette initiative s'inscrivait dans une logique de reconstruction économique de la France, où les colonies jouaient un rôle crucial en fournissant les matières premières nécessaires. 'Jérôme Blanc, 2011. Pouvoirs et monnaie durant la seconde guerre mondiale en France : la monnaie subordonnée au politique. Hal Open Science.
La zone franc CFA est caractérisée par une politique monétaire unique supervisée par la banque de France, jusqu'à des reformes récentes visant à alléger cette tutelle. Cette centralisation a eu des conséquences sur le développement économique et social des pays membres.
La garantie de la convertibilité du franc CFA par le trésor français a certes attiré des investissements, mais elle a également encouragé les fuites de capitaux vers des marchés et pays jugés plus sûrs, limitant ainsi les fonds disponibles pour des projets de développement local.
La zone franc CFA favorise historiquement et prioritairement les échanges avec la France et les pays de l'Union européenne, contribuant à une certaine dépendance et par conséquent freinant la diversification économique et l'intégration à l'échelle africaine.
La comparaison entre le franc CFA et la situation monétaire de la France durant la seconde guerre mondiale révèle l'importance cruciale de la souveraineté monétaire pour l'indépendance économique et le développement. Dans les deux cas, la subordination de la politique monétaire à des intérêts extérieurs a entravé la capacité des gouvernements à agir dans l'intérêt propre de leur développement économique et social.
Dans les années 1960, au début des indépendances des pays de l'Afrique de l'Ouest, la comparaison entre le Sénégal et la Corée du Sud aurait semblé pencher en faveur du premier en termes de potentiel économique. A l'époque, le Sénégal, avec ses ressources naturelles abondantes et son accès au vaste marché africain, était perçu comme un candidat prometteur pour la croissance économique et le développement. La Corée du Sud, quant à elle, était un pays ravagé par la guerre, avec peu de ressources naturelles et un avenir économique incertain.
Cependant, au cours des décennies suivantes, la trajectoire de ces deux pays a pris des directions radicalement différentes. La Corée du Sud, grâce à une politique de souveraineté monétaire affirmée, associée à une stratégie économique centrée sur l'industrialisation, l'éducation et l'innovation technologique, s'est transformée en une des économies les plus dynamiques et innovantes du monde. Cette transformation, souvent appelée le "Miracle sur le fleuve Han", a vu la Corée du Sud, l'un des plus pauvres du monde, se transformer en une puissance économique incontournable et devenir un leader mondial dans des secteurs tels que l'électronique, l'automobile et la technologie de l'information.
La pleine souveraineté monétaire a joué un rôle crucial dans ce processus. En contrôlant sa propre monnaie, la Banque de Corée a pu mener des politiques monétaires adaptées aux besoins de l'économie nationale, favorisant les investissements dans les industries clés et soutenant l'exportation par une gestion stratégique du taux de change. De plus, le gouvernement sud-coréen a utilisé sa capacité de financement souverain pour investir massivement dans l'éducation et la recherche et développement, établissant les fondations d'une économie basée sur la connaissance et l'innovation.
Cependant, le Sénégal, restreint par les contraintes du franc CFA et une certaine dépendance économique envers la France et d'autres partenaires occidentaux, a eu du mal à réaliser une croissance économique autonome à un rythme comparable. Bien que le franc CFA ait offert une certaine stabilité monétaire, il a aussi limité la flexibilité des politiques économiques du Sénégal, entravant sa capacité à répondre efficacement aux défis économiques internes et externes.
Cette divergence des trajectoires économiques met en évidence l'importance de la souveraineté monétaire comme facteur clé du développement économique. Récemment, des réformes ont été initiés pour redéfinir le rôle de la France dans la gouvernance du franc CFA, illustrant une volonté de réajuster les liens post-coloniaux vers une ère de partenariat plus équilibré et gagnant-gagnant
La question de la sortie du Franc CFA a été un sujet de débat intense parmi les économistes, les politiques, et les chercheurs, particulièrement en Afrique et en France.
Plusieurs auteurs et universitaires parmi eux, Nicolas Agbohou, Samir Amin, Demba Moussa Dembélé, Mamadou Koulibaly, Sanu Mbaye, Kako Nubukpo, Fanny Pigeaud, Joseph Tchundjang Pouemi, Mahamadou Lamine Sagna, Ndongo Samba Sylla et bien d'autres, ont apporté des contributions significatives à cette discussion, analysant les implications économiques, politiques et sociales d'une éventuelle sortie de cette zone monétaire.
Une solution de sortie du franc CFA, en espérant qu'elle sera dotée d'un nom qui résonne africain, implique plusieurs étapes stratégiques visant l'autonomie monétaire et économique tout en minimisant les risques de déstabilisation externes comme ce fût le cas de la Guinée juste après les indépendances. Une approche rigoureuse et bien planifié est crucial pour bien réussir cette transition.
Pour le Sénégal et comme pour les autres pays de la zone franc CFA, la réflexion sur la souveraineté monétaire et l'exploration de modèles économiques alternatifs, comme ceux proposés par la MMT (Modern Money Theory) ou Théorie Monétaire Moderne (TMM) basée sur les travaux de Randy Wray, Warren Mosler, Stephanie Kelton, et bien et d'autres, en concert avec une politique de gestion rigoureuse de l'inflation, offrent une voie prometteuse pour réaliser leur plein potentiel économique.
La MMT offre un cadre révolutionnaire qui pourrait redéfinir la manière dont les pays de la zone CFA perçoivent leur souveraineté monétaire et leur capacité à financer le développement économique et social. La MMT souligne que les gouvernements souverains, qui émettent leur propre monnaie, ont en fait une capacité financière illimitée pour financer des dépenses publiques et investir massivement dans l'infrastructure, l'éducation, la santé, et la technologie, stimulant ainsi la croissance et améliorant le bien-être social, à condition qu'ils opèrent dans leur propre devise. Contrairement à la croyance traditionnelle que les gouvernements doivent collecter des impôts ou emprunter pour dépenser, la MMT soutient que les gouvernements dépensent d'abord et collectent des impôts ensuite. L'émission de monnaie est le principal outil par lequel un gouvernement finance ses dépenses. Cette idée est particulièrement pertinente pour les pays souhaitant se défaire du franc CFA, car elle suggère qu'après avoir établi une monnaie souveraine, un pays comme le Sénégal pourrait embrasser des politiques ambitieuses de plein emploi sans la contrainte de financer ces politiques par l'emprunt extérieur ou la crainte d'un déficit budgétaire insoutenable. Un point critique de la MMT est sa prise en compte de l'inflation. Elle reconnaît l'inflation comme une contrainte réelle mais gérable, principalement à travers une politique fiscale efficace.
Pour optimiser la transition vers une monnaie pleinement souveraine et l'application de la MMT dans le contexte de sortie du franc CFA, il est vivement recommandé d'employer des modèles de simulation avancés, tels que ceux basés sur la dynamique des systèmes. Ces modèles offrent une méthode rigoureuse pour anticiper les impacts économiques, sociaux et financiers de telles politiques monétaires et fiscales avant leur mise en œuvre. En effectuant des tests de résistance (stress tests) approfondis, les décideurs peuvent identifier les risques potentiels, les vulnérabilités et les opportunités associés à l'introduction d'une nouvelle monnaie, garantissant ainsi une transition plus fluide et sécurisée.
Le débat sur le franc CFA aujourd'hui rappelle la période de reconstruction post-seconde guerre mondiale en France, où la souveraineté monétaire était cruciale pour la reconstruction nationale. Pour les pays de la zone CFA, une réforme du système monétaire, tenant compte des réalités économiques et les aspirations au développement du continent, est également cruciale. Toutefois, de tels changements nécessitent une coordination régionale et une volonté politique forte pour surmonter les inerties et les intérêts établis, à la fois au niveau national et international.
L'histoire de la monnaie, que ce soit en France sous l'occupation ou dans les pays utilisant le franc CFA, démontre que la monnaie est bien plus qu'un simple moyen d'échange, d'unité de compte ou de réserve de valeur ; elle est un reflet des dynamiques de pouvoir, de souveraineté, et d'autonomie. La manière dont une société gère et contrôle sa monnaie peut avoir des implications profondes et durables sur son développement économique et social. Pour les pays de la zone CFA, comme pour la France d'après-guerre, le chemin vers une plus grande autonomie monétaire est semé d'embûches, mais il est essentiel pour assurer un développement économique et social durable. L'implémentation réussie de la MMT dans le contexte d'une sortie du franc CFA impliquerait le renforcement des capacités institutionnelles.
Par Lamarana Petty Diallo
LE SENEGAL, UNE SOURCE D’INSPIRATION
Le Sénégal mérite plus qu’une tribune. Il a droit à un hymne. On doit le célébrer comme un modèle, un archétype, un symbole universel de la démocratie.
Le Sénégal est une source d’inspiration démocratique pour toute l’Afrique. Un exemple de démocratie que le monde entier doit retenir et célébrer.
Le Sénégal mérite plus qu’une tribune. Il a droit à un hymne. On doit le célébrer comme un modèle, un archétype, un symbole universel de la démocratie.
Le Sénégal vient d’ouvrir non pas une fenêtre, mais une porte rarement, pour ne pas dire jamais franchie, par un système politique. Et pour cause ?
Voyons ! D’est en ouest, du sud au nord de la planète, de toutes les démocraties qui, comme le Sénégal a acquis une maturité démocratique non pas exemplaire, mais exceptionnelle en un aussi peu de cheminement historique et politique ?
Une campagne en une quinzaine de jours à peine. Un candidat sorti de la manchette d’un autre prohibé par la justice. Un recalé, passez-moi l’expression, qui épaule son dauphin, son camarade, son colistier pour le porter à la place qui lui était destiné de facto.
Un peuple méritant, des dirigeants avisés, un pays qui fait nation.
Voilà un peuple serein qui, malgré les passages à vide, les temps d’incertitude, s’en remet d’aplomb et montre au monde entier qu’il y a quelque part en Afrique, un pays qui fait nation.
Oui, le Sénégal est une nation. Oui, il a un peuple en avance, bien en avance sur d’autres. Il n’est pas comme ailleurs, une entité composite, une addition d’ethnies, de groupes linguistiques, de sordides rassemblements politiques, parfois politico-religieux qui se donnent des coups de patte comme des insectes. Ce pays-là est un. Véritablement uni et indivisible.
Ce pays a un Conseil constitutionnel qui fait un pied de nez au système en place. Une Commission électorale nationale autonome (Cena) réellement autonome. Là, il ne s’agit pas comme ailleurs en Afrique de commission électorale nationale indépendante (Ceni) dépendante dans les faits du régime en vigueur. Des citoyens qui votent pour un projet, une rupture et non selon le patronyme (nom de famille) du candidat. Celui qui ne se réveille pas grâce à ce qui s’est produit au Sénégal ce 24 mars 2024 risque de rester durablement dans un sommeil profond.
La France, ancienne puissance coloniale, modèle séculaire de démocratie, conçoit-on pour l’Afrique et certains pays du monde, ferait pâle figure face à cette démocratie d’à peine sexagénaire (de 60 ans).
Le Sénégal présente au monde trois anciens présidents presque tous droits sur leurs pieds. En tout-cas, écoutés et encore choyés du fait de leur passage au sommet de l’Etat et de la manière dont ils ont cédé le fauteuil. À la républicaine. Oh, non, ! À la sénégalaise !
Qui, plus qu’Abdou Diouf, Abdoulaye Wade et désormais Macky Sall en Afrique et ailleurs ont cédé, avec une main franche et légère, un héritage politique aussi pacifique et démocratique à leur peuple ? N’avons-nous pas vu la prise d’assaut des symboles de la démocratie dans un pays qui se targue d’être une puissance planétaire ? Si la Prise de la Bastille instaure la révolution démocratique ailleurs, celle du Capitole relève d’une guerre de succession qui ne soit pas à la sénégalaise.
Deux semaines à peine de campagne !
Au Sénégal, deux semaines à peine de campagne. Une élection sans incident. Des résultats bien peaufinés le même jour. Une victoire reconnue et acceptée par l’adversaire et le Président de la République avant la proclamation officielle. Des félicitations par l’un et l’autre.
Nous disons haut et fort que les Sénégalais devraient s’enorgueillir de leur système politique. Ils doivent porter la couronne, non pas en diadème, mais en diamant, de leur élection démocratique du 24 mars 2024. Aucune polémique n’a lieu d’être dans cette victoire et le processus qui l’a favorisé.
Ils sont un peuple méritant. Parmi les plus méritants. Nous Africains, nous devrions en être fiers et suivre leurs pas. Car, le pays de la Téranga, de terre d’hospitalité (en wolof) est désormais Terra de democracia (Terre de démocratie). Une nouvelle donne à assumer.
Le défi est de taille et doit être relevé
Ce défi peut se décliner en peu de points essentiels. En tout premier lieu :
Le défi face à la nation et au peuple
Il appartient au nouveau président élu, oh ! Je souhaiterais tant assister à sa prise de fonction, pas à son intronisation, car le Sénégal fabrique des démocrates et non des rois, potentiels potentats. Dans ce pays, il y a passation : un président qui s’en va dans la dignité et un autre qui entre glorieusement au Palais de la République pour sauvegarder l’héritage.
Le nouveau président a le devoir de se montrer à la hauteur. Le challenge est de taille, mais l’enfant qui trouve le champ de son père défriché saurait, en bon hériter, labourer et semer. Point de doute que l’acquis démocratique continuera à fleurir dans ce pays, phare de la démocratie africaine. Désormais mondiale.
Il appartient aux deux anciens colistiers dont l’un est désormais président de ne pas céder aux sirènes de la division, car nul n’est jamais aussi menacé que lorsqu’on le sent en symbiose avec quelqu’un d’autre. Autrement dit, que les adversaires n’ont pas de crainte de division ou d’opposition parce qu’ils le sont déjà. Mais les amis, surtout en politique, s’exposent aux manœuvres de toutes sortes ; aux pièges érigés par des adversaires anonymes ou avérés.
Messieurs Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye, le Sénégal est tout simplement entre vos mains. S’il n’y a point deux présidents en exercice pour un même pays, il y a de la place pour tout citoyen à la dimension de monsieur Sonko. N’en déplaise à certains, serais-je tenté de dire.
Le défi face à la jeunesse !
Le nouveau président à l’impérieux devoir d’inspirer la jeunesse sénégalaise et africaine.
Cette jeunesse en vagabondage tant sur le continent que sur les chemins de l’exil. Cette jeunesse qu’on tue ailleurs pour de légitimes manifestations pour la démocratie. Cette jeunesse qui croupit dans le chômage, se noie dans la Méditerranée et qui peine, comme naguère dans les cales des navires esclavagistes, sur les routes du Nicaragua. Cette jeunesse qui deviendra dans le pays de l’Oncle Sam, les nouveaux forçats de la mondialisation et de la misère des Sud : un terme inventé à dessein pour nous contenter de notre place de continent-relais. Non ! En marge de ce que j’appelle une Globalisation poudre aux yeux.
Il est également de votre devoir moral et politique de montrer qu’en Afrique, les présidents inamovibles, quelque soit l’habit qu’ils portent, ces sortes de zombis ambulants, ces pères de la nation alors qu’ils sont des arrières grands-pères de ceux qu’ils dirigent, doivent céder la place aux jeunes générations.
Il en est de même des chefs de partis politiques qui, comme les potentats qu’ils prétendent combattre, s’agrippent à la tête de leurs mouvements et ferment toutes les portes d’une succession légale, légitime et démocratique.
Certes, j’en demande trop. Cependant, la porte que le Sénégal a grandement et fièrement ouverte ne doit plus être unique et ponctuelle. Elle devra être pérenne et multiple pour donner accès à la démocratie dans tout le continent africain.
Il ne nous reste plus qu’à souhaiter bon vent au président sortant Macky Sall et lui rendre modestement hommage en dépit des atermoiements qu’on lui reproche à tort ou à raison.
Nos souhaits, naturellement de réussite, au président nouvellement élu avec l’espoir que le soleil qui vient de se lever au Sénégal éclairera toute l’Afrique. Qu’il inspire la jeunesse politique. Qu’il servira de leçon aux pays voisins et lointains du pays de Blaise Diagne, de Cheikh Anta Diop, etc. Surtout, de Léopold Sédar Senghor, ce passeur de main et dont la vision non plus poétique, mais politique a fait du Sénégal le berceau de la démocratie africaine et une nouvelle inspiration mondiale.
Je ne doute point que ce berceau deviendra séculaire et confirmera, au-delà de l’universalité typiquement culturelle, notre universalité politique.
Lamarana Petty Diallo
Professeur d’Université (Guinéen) vivant en France
Email : lamaranapetty@yahoo.fr
par Adama Thiam
PATRIOTISME ET RESPONSABILITÉ MÉMORIELS
Notre conviction reste figée à l'impérieuse nécessité de concevoir des communautés régionales politiques qui permettront à nos pays, en Afrique, d'élaborer des politiques publiques communes fondées sur la mutualisation des ressources
Le peuple sénégalais, dans la pluralité de ses composantes, vient d'élire son cinquième président de la République, M. Bassirou Diomaye Diakhar Faye, issu de l'opposition, au premier tour du scrutin de mars 2024, avec 54,28% des suffrages valablement exprimés, loin devant le candidat de la majorité sortante, M. Amadou BA, 35,79%. Resplendissante expression, à travers les urnes, d'une aspiration profonde à une nouvelle forme de gouvernance plus démocratique, empreinte d'éthique, plus respectueuse des libertés fondamentales des citoyens, et adossée à l'idéal d'une société plus juste et prospère enracinée dans les valeurs fondamentales du panafricanisme.
D'abord, les nouvelles figures de la majorité présidentielle, particulièrement les responsables du parti Pastef, ont une grande responsabilité et un rendez-vous avec l'Histoire. Jamais dans la démocratisation moderne des Nations africaines, une formation politique formée par des jeunes, membres de l'élite administrative, n'a entamé une telle entreprise immense, suscité un si énorme espoir et réussi à conquérir le pouvoir, dès le premier tour de l'élection présidentielle, à la suite d'une adversité permanente et d'une tentative de son démantèlement.
Il est moins difficile d'arriver au sommet du pouvoir que de l'exercer avec responsabilité et habileté, pour offrir à sa Nation émancipation et prospérité, dans un empire du monde, toujours plus mortel, où les antagonismes entre forces politiques, économiques et financières sont plus aigus et porteurs de germes destructeurs pour les Nations et les Etats faiblement préparés aux défis innombrables et fluctuants.
L'exercice du pouvoir n'est nullement un long fleuve tranquille encore moins une recherche de gloire personnelle. En effet, il demande sens du devoir, autorité, humilité et des concours de circonstances favorables. La coalition Diomaye Président 2024 a proposé un projet au peuple sénégalais. Des objectifs, des ressources et un délai. En fait, plus qu'un projet, la nouvelle classe politique doit impérativement mettre en avant un nouvel idéal de société et une stratégie partagée, par l'essentiel des forces vives de la Nation, susceptibles de transcender les mandats présidentiels.
De surcroît, l'absence de démocratie interne dans les formations politiques à la tête desquelles trône un président inamovible ne facilite, certes, pas une meilleure formation des militants et des citoyens, une contribution utile aux affaires publiques.
Ni le Parti Socialiste, ni le Parti démocratique sénégalais, encore moins l'Alliance pour la République ne survivront à leurs fondateurs. Cette appropriation malsaine par ces conglomérats en réalité, témoigne de l'absence de sens de la transmission.
Cette perversion de la démocratie constitue une source explicative de la patrimonialisation des affaires publiques.
Par conséquent, pour une meilleure réussite, le nouveau pouvoir politique doit impérativement conduire des réformes majeures pour assainir l'espace politique, à la suite de la prolifération de formations politiques, souvent opportunistes et parasitaires ; veiller à la stabilisation de la constitution, notamment dans l'intelligibilité du texte, trop sujet à des interprétations diverses admissibles, et des institutions ; auditer les effectifs de l'administration centrale et territoriale dans le but de rationnaliser le personnel ; recourir au numérique pour favoriser l'éclosion d'un service public plus transparent, plus efficace et plus accessible aux citoyens. Humilité et sens du devoir doivent guider chaque citoyen dans ses actes, car si tout le monde ne peut accéder aux responsabilités dans une République, tout le monde peut, cependant, participer aux efforts de construction d'une communauté nationale solidaire, juste et aisée.
La brutalité et les violences des forces de l'ordre notées dernièrement au Sénégal, commandent de mener des enquêtes et des poursuites judiciaires. De même, les crimes financiers commis, et souvent publiés par les organes de l'Etat, dans leurs différents rapports, et révélés par les médias, doivent être sévèrement sanctionnés. Le nouveau pouvoir doit veiller à garantir l'indépendance de la justice et ne point chercher à s'immiscer dans le processus de la reddition des comptes. Il doit être disposé à affronter les facéties du peuple sénégalais. Simultanément, les Sénégalais sont capables de demander une reddition des comptes aux pouvoirs publics et les taxer, dans la même agitation, de cruauté, d'acharnement ou d'inclémence. Aussi, il est urgent de s'engager très rapidement dans la construction de nouveaux centres de détention plus respectueux des droits de l'homme. Une terre qui a connu, durant des siècles, une humiliation permanente d'envahisseurs-prédateurs - esclavage et colonisation - ne peut aucunement accepter que la dignité de ses enfants soit enfreinte.
Le véritable PSE, Plan Sénégal Education, doit être pensé et mis en œuvre pour façonner un nouveau modèle de citoyenneté. En outre, au vingt-et-unième siècle, il est plus sage d'associer dans la gouvernance les citoyens grâce aux immenses progrès, dans la collecte et la diffusion des savoirs et des opinions, portés par la révolution numérique. Et cela requiert un militantisme plus sincère, de la part des citoyens, un militantisme porté par des idéaux justes et moins flagorneurs, qui vise plus à contribuer à la construction d'une meilleure communauté nationale et moins disposer de la générosité ou de la reconnaissance des gouvernants.
Le dilemme, pour les nouveaux gouvernants, risque de se trouver sur comment atteindre cet objectif de citoyenneté qui enjoint la discipline, donc de la contrainte érigée par une autorité, qui en fin de compte aspire à l'élévation du niveau de culture et de civisme de la population, sans pour autant verser dans l'atteinte à la liberté, droit fondamental des sociétés modernes. De tout temps, les critiques du mouvement socialiste et collectiviste ont eu une véritable crainte de voir, à force de vouloir régenter la vie des citoyens pour atteindre l'ambition nationale d'une communauté plus juste et prospère, sombrer dans la tyrannie. L'enfer est pavé de bonnes intentions.
En outre, universitaires, hommes des médias, intellectuels, syndicalistes et autres mouvements sociaux doivent éviter, à force de vouloir suivre l'euphorie populaire ou la peur de recevoir des avis impertinents, d'aduler les nouveaux détenteurs du pouvoir politique ou encore se mettre servilement à leur disposition sans interroger constamment si leurs décisions et leurs actions répondent aux convoitises légitimes et possibles des populations actuelles et futures. Il est indispensable pour une meilleure respiration démocratique d'encourager l'expression d'opinions contraires à celles qui prédominent et la formulation d'autres alternatives.
En démocratie, la quête de nouveaux droits, l'espérance toujours à une meilleure vie sont des mouvements consubstantiels à son approfondissement.
De plus, le futur gouvernement devrait très rapidement, sur le plan économique, après avoir identifié des secteurs porteurs de croissance, notamment dans les filières agricoles auxquelles il pourrait adjoindre sa stratégie d'industrialisation, accroître les investissements, initiés par les régimes précédents, dans le secteur énergétique. L'exploitation future des hydrocarbures doit permettre au Sénégal d'être une terre attractive aux investissements directs étrangers.
Un nouvel écosystème fondé sur la maitrise des coûts de production énergétique, composé de voies de communications construites dans le but d'augmenter la productivité, d'amorcer des activités économiques nouvelles - motivées par les réelles potentialités des territoires et la conviction forte de réaliser des profits et des recettes fiscales -, d'intégrer des activités économiques et d'encourager une mutualisation des services aux entreprises pour la constitution de marchés viables, doit être promu pour relever le défis de l'emploi et de la création de revenus, gages d'une amélioration du niveau de vie des populations.
Notre conviction reste figée à l'impérieuse nécessité de concevoir des communautés régionales politiques qui permettront à nos pays, en Afrique, d'élaborer des politiques publiques communes fondées sur la mutualisation des ressources. En effet, la rapacité des puissances étrangères, en particulier celles occidentales, assise sur un système politique et administratif solide et aguerri, des entreprises publiques comme privées détentrices de tous les leviers nécessaires à la puissance économique et financière - connaissances, brevets, technologies, maîtrise des circuits financiers et de la négociation - des structures militaires efficaces dans la collecte et le traitement de renseignements, disposant de moyens de coercition inimaginables, témoignent de l'impossibilité pour un seul État en Afrique de mettre en place des stratégies efficaces pour leur faire face.
Mais encore, en 2023, le Fonds Monétaire International et les autorité sortantes du Sénégal ont abouti à un « accord au niveau des services sur la conclusion des premières revues au titre du Mécanisme Elargi de Crédit et de la Facilité Elargie de Crédit, ainsi que de la Facilité pour la Résilience et la Durabilité ».
Le Sénégal, sous emprise d'un programme du fonds monétaire, est donc assujetti à un ensemble de réformes, et renseigne que les autorités gouvernementales nouvelles n'auront pas totalement l'autonomie dans la conception et les décisions politiques. Des lors, il est de leur devoir d'envisager des alternatives et des manœuvres réfléchies, pour appliquer leurs engagements tenus auprès des populations, et concomitamment éviter de plonger le Sénégal dans une conflictualité avec l'extérieur.
Le Sénégal, modeste par la taille de sa population et de sa superficie mais immense par la qualité des hommes qu'il a vu naître sur son sol, doit être inspirateur des transformations profondes de la nouvelle Afrique. Les nouvelles autorités doivent tracer les chemins de la dignité. Elles ont les ressources, l'énergie et la légitimité populaire pour relever les défis qui se présenteront continuellement durant l'exercice de cette nouvelle mandature. Le Sénégal doit être assimilé à la grandeur du continent africain. Plus qu'un territoire abritant des peuples - pluriels mais unis dans leur diversité -, terre où les particularismes sont constamment sublimés, décidés à avoir un commun vouloir de vie commune, le Sénégal doit être un espoir, un phare, une guidance pour l'Afrique mais également pour le reste du monde, à travers son sens du dialogue permanent.
Par Mamadou Oumar Ndiaye
GOUVERNER, CE N’EST PAS HUMILIER, M. LE PRESIDENT !
Avec le retour en force du banni Jean-Baptiste Tine, nommé ministre de l’intérieur dans le gouvernement du Premier ministre Ousmane Sonko, la rédaction du « témoin » a jugé nécessaire de republier in extenso ce fameux édito qui lui avait été consacré
Le général de corps d’armée Jean-Baptiste Tine n’est donc plus le Haut commandant de la Gendarmerie nationale et directeur de la Justice militaire. Il a été limogé « avec effet immédiat » jeudi dernier et remplacé le même jour sans même avoir eu l’occasion de faire ses adieux à ses hommes. Et sans même avoir pu procéder à une passation de service en bonne et due forme avec son remplaçant. Autant donc dire que le brave — et compétent quoi qu’aient pu dire à son propos les thuriféraires du président de la République ces derniers jours — a été viré sans ménagement comme on le ferait de son domestique. Le brave homme devait pourtant partir à la retraite fin août prochain, c’est-à-dire dans trois mois à peine. Y avait-il donc urgence, le pays brûlait-il au point qu’on ait éprouvé le besoin de lui couper la tête ici et maintenant ? Personnellement, je ne le crois et je ne suis sans doute pas le seul.
Seulement voilà : le président Macky Sall avait décidé d’humilier cet homme qui l’a pourtant servi loyalement et dont, c’est vrai, il a eu à faire un général alors que tant de colonels lanternent, font le pied de grue et rêvent d’arborer les étoiles. Oh certes, tout le monde savait que depuis les manifestations de mars dernier, le président de la République avait décidé de sanctionner les patrons de la police et de la gendarmerie, coupables, selon lui, d’avoir mal géré la situation. Ils voulaient sans doute que ces deux corps d’élite tirent dans le tas ? Car, à notre humble avis, les généraux Ousmane Sy et Jean-Baptiste Tine ont plutôt bien géré la situation. Certes, il y a eu d’inestimables dégâts matériels, des saccages, des pillages mais cela ne valait-il pas mieux que de compter les morts par dizaines ? Les patrons de la police et de la gendarmerie, donc, étaient sur sièges éjectables et Macky Sall a appuyé sur le bouton pour les faire passer à la trappe.
Au lendemain de son limogeage comme un malpropre du Haut commandement de la gendarmerie nationale, le général de corps d’armée Jean-Baptiste tine avait eu droit à un éditorial retentissant de notre directeur de publication Mamadou Oumar Ndiaye (voir témoin 22 juin 2021). A l’époque, l’article avait fait l’effet d’une bombe virale et avait été repris dans plusieurs sites d’informations et réseaux sociaux. Avec le retour en force du banni Jean-Baptiste tine, nommé ministre de l’intérieur dans le gouvernement du Premier ministre Ousmane Sonko, la rédaction du « témoin » a jugé nécessaire de republier in extenso ce fameux édito qui lui avait été consacré.
C’est légal, il est le président de la République, la Constitution lui donne le pouvoir de nommer aux emplois civils et militaires sans compter qu’il est le chef suprême des armées ! Il peut donc promouvoir général qui il veut, nommer à la tête de la grande muette, de la Maréchaussée ou de la Garde qui il veut, et limoger qui il veut. Cela, ça ne se discute pas. Seulement voilà, en toute chose, il faut faire preuve d’élégance, de courtoisie, d’esprit chevaleresque car même quand on congédie son boy ou sa domestique, on doit y mettre les formes à plus forte raison quand on décide de remercier celui qui, quand même, commande sa police ou sa gendarmerie ! En procédant de la manière dont il l’a fait avec le général Jean-Baptiste Tine, le chef de l’Etat a humilié inutilement un officier général de nos valeureuses forces de sécurité et de défense. Ce qui est un très mauvais signal envoyé aux milliers d’hommes sous les drapeaux et qui, au péril de leur vie, défendent nuit et jour, par tout temps et souvent sans grands moyens, l’intégrité du territoire national ou la sécurité des personnes et des biens. Des hommes et des femmes astreints à l’obligation de réserve, n’ayant donc pas le droit d’exprimer leurs opinions et qui, en hommes de devoir, acceptent leur sort stoïquement, sans réprobation ni murmures. Et qui, donc, ne serait-ce que pour cela, méritent d’être traités avec considération et respect et non de la manière dont le président de la République l’a fait au patron du corps d’élite de la Gendarmerie nationale ! On reproche aux généraux Ousmane Sy et Tine d’avoir mal géré les événements de mars dernier ?
A ce que l’on sache, côté violences, les manifestations des Gilets jaunes, en France, ont produit plus de dégâts — même s’il n’y a pas eu de morts comme chez nous — notamment sur les Champs Elysées qui ont été complètement saccagés. Et pourtant, à ce qu’on sache, le président Macron n’a limogé si son chef de la Police, ni son chef de la Gendarmerie après ces événements. Et il y a quelques jours, le monde entier a vu le même président se faire gifler par un jeune homme. Il n’en a pas pour autant fait sauter séance tenante les patrons de ces deux corps d’élite des forces de sécurité de son pays ! Pour dire qu’en toute chose, il faut, encore une fois, de la mesure et de l’élégance. Du sang-froid aussi.
Hélas, sous le magistère du président Macky Sall, ce n’est pas la première fois qu’un serviteur de l’Etat qui se donne corps et âme pour accomplir sa mission est limogé de façon humiliante. Procureur de la Cour de répression de l’enrichissement illicite, le magistrat Alioune Ndao a ainsi été relevé de ses fonctions en pleine audience ! On aurait pourtant pu attendre la fin de cette dernière ou même du procès Karim Wade pour le faire. Il est vrai que le brave homme avait pris trop à cœur sa mission de traquer tous les ripoux de l’ancien régime au point de vouloir jeter en prison tous les 25 « enrichis illicites » qui figuraient sur sa liste. Il ne savait pas, le naïf, que l’emprisonnement d’une seule personne parmi toute cette liste intéressait vraiment le président de la République… Son sort a été scellé quand il a voulu jeter en prison Abdoulaye Baldé qui est aujourd’hui un membre éminent de la majorité présidentielle !
Le temps béni des milices et des boîtes à propagande !
A propos des manifestations de mars, il nous revient qu’à leur lendemain, on disait dans l’entourage du président de la République qu’il allait couper des têtes non seulement dans les forces de sécurité, mais aussi dans son gouvernement ! On disait en effet qu’il gardait un chien de sa chienne à certains de ses collaborateurs coupables de l’avoir abandonné au plus fort des violences, voire des émeutes, des « Sonkistes ». Et là, on allait voir ce qu’on allait voir, promettait-on. Et puis, les élections locales approchant, notre coupeur de têtes a remisé son sabre dans son fourreau : il ne fallait surtout pas limoger de ministres ou des directeurs généreux de sociétés au risque d’alimenter une fronde qui soit irait grossier les rangs de l’opposition soit, à tout le moins, procéderait à des votes sanctions. Le président a donc jugé plus prudent d’attendre des temps meilleurs pour décapiter des politiciens. Les patrons de la Gendarmerie et de la Police, eux, n’ayant pas de bataillons de militants pouvant sanctionner électoralement, ou brûler des pneus voire des drapeaux, ont été limogés. Tant pis pour eux, ils n’avaient qu’à être des militants de l’Apr ! Et pendant que les chefs de la Police et de la Gendarmerie se font humilier, les nervis, eux, ont le vent en poupe et tiennent le haut du pavé ! Désormais, c’est eux les chouchous du président de la République qui les regarde avec délectation violenter des manifestants qui n’ont commis que le seul crime d’avoir exprimé leurs opinions. Car, dans ce pays, cela est désormais un crime que de dire au président de la République qu’on n’est pas content de la politique qu’il mène.
Aux premières heures de l’indépendance de ce pays, et même un peu avant, ont avait connu les « Comités d’action », des milices tristement célèbres et sanguinaires parmi lesquels celui dont l’Histoire retiendra le nom était le fameux et terrifiant « Eleubo». En fait, les « Tontons macoutes » n’étaient qu’un surnom donné par l’opposant Wade à ces nervis de l’Union progressiste sénégalaise (Ups) devenue Parti socialiste (Ps). La France, elle, avait vécu sous le règne de terreur du Service d’Action civique ou SAC, le redoutable service d’ordre du général De Gaulle. Lequel partage avec notre bon président de la République Macky Sall non seulement le même amour pour les milices privées mais aussi celui de la propagande audiovisuelle puisque le général avait son Ortf qui n’avait rien envier à Radio Moscou côté censure et Macky Sall a sa Rts, un machin anachronique dont il vient de chanter les louanges au Fouta et sur lequel il déverse de l’argent public comme s’il en pleuvait ! Résumons: l’humiliation de généraux républicains, la prolifération d’une milice gouvernementale, l’affaiblissement des forces de défense et de sécurité, l’existence d’une boite audiovisuelle de propagande digne de l’Ortf gaulliste : Décidément, nous avons un président moderne ! Et dire qu’il est né après l’Indépendance…
Des précédents illustres
En cette matière aussi, le président de la République copie son prédécesseur Wade jusqu’à la caricature. En effet, en arrivant au pouvoir, le président Abdoulaye Wade avait limogé sans ménagement le chef d’état-major général des Armées (Cemga) qu’il avait trouvé en place. Il s’agit du général Mamadou Seck « Faidherbe », héros de la guerre de Bissau entre autres, celui-là-même qui a fait son entrée au prestigieux « Hall of Fame » de l’école de guerre américaine de Carlisle Barracks, en Pennsylvanie. Comme JeanBaptiste Tine, il ne restait au Général Seck que deux ou trois mois pour prendre sa retraite. Il n’avait même pas eu droit à un adieu aux Armées…Quelques années plus tard, Wade s’était énervé contre le gouverneur militaire du Palais, un colonel de gendarmerie, coupable à ses yeux de n’avoir pas pu lui éviter de se retrouver coincé dans un embouteillage alors qu’il était parti effectuer une visite en Banlieue ! Wade l’avait limogé le même jour. Devinez quoi, ce colonel gouverneur du palais limogé avec pertes et fracas par son prédécesseur ? Eh bien Macky Sall, devenu président à son tour, l’avait promu Général avant d’en faire…le patron de la gendarmerie !
Mamadou Oumar Ndiaye (Edition 22 juin 2021)
Par Madiambal DIAGNE
NUL N’A LE DROIT DE MISER SUR L’ECHEC DE DIOMAYE FAYE
Franchement, en dépit de toutes les appréhensions liées aux douleurs de l’accouchement de l’équipe de vingt-cinq ministres et cinq secrétaires d’Etat, on peut considérer que le casting est globalement bon.
Le nouveau président de la République, Bassirou Diomaye Faye, était apparu assez humble et sincère, quand il déclamait, le 3 avril 2024, d’une voix monocorde, les orientations de sa politique de gouvernance à la tête du pays. La mise en place du premier gouvernement dirigé par Ousmane Sonko traduit cette volonté.
Franchement, en dépit de toutes les appréhensions liées aux douleurs de l’accouchement de l’équipe de vingt-cinq ministres et cinq secrétaires d’Etat, on peut considérer que le casting est globalement bon. Certes, on trouvera toujours à redire sur le choix des personnes à d’aussi hautes fonctions au sein de l’appareil d’Etat, mais il demeure qu’on gouverne toujours avec ses hommes, entendez les personnes en qui on a, a priori, confiance. Sur ce registre, les architectes du gouvernement ont fait montre d’une certaine dextérité pour d’une part, ne pas tomber dans un étroit clanisme politique et, d’autre part, oublier dans leurs choix les hommes et femmes qui ont porté ou accompagné l’odyssée de la conquête du pouvoir.
La plupart des personnalités choisies, particulièrement au niveau des ministères régaliens, sont déjà prêtes pour l’emploi et rassurent dans leur secteur, comme le Général Birame Diop au ministère des Forces Armées qui, du reste, a accepté le poste non sans avoir posé des conditions, notamment le maintien du Haut-commandement de l’Armée nationale. Le magistrat Ousmane Diagne à la Justice, le banquier et brillant investisseur dans l’agro-business Mabouba Diagne au ministère de l’Agriculture, de la sécurité alimentaire et de l’élevage ou Serigne Diop Guèye à l’Industrie et au commerce ou encore le Général de gendarmerie Jean-Baptiste Tine au ministère de l’Intérieur et de la sécurité publique, sont aussi de belles recrues. Ironie du sort, le Général Tine fait partie de la fameuse liste d’autorités de l’Etat du Sénégal, déférée devant la Cour pénale internationale (Cpi) pour crimes contre l’humanité suite aux crises de mars 2021, par Juan Branco, le sulfureux avocat français de Ousmane Sonko.
La nomination de Ahmadou Al Aminou Lô, ci-devant Secrétaire général de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao), comme ministre-Secrétaire général du gouvernement, est un gage de crédibilité. Du reste, cette nomination constitue-t-elle un signal pour la renonciation à l’idée saugrenue de battre une monnaie locale pour sortir de la zone Uemoa ?
Le choix de Mme Yacine Fall, pour incarner l’image du régime de Bassirou Diomaye Faye sur la scène internationale, devrait rassurer toutes les personnes qui pouvaient craindre des orientations d’un régime politique qui ne laisserait pas assez de place à la gent féminine. Quatre femmes en tout pour le gouvernement ! On peut aussi faire la même lecture de la nomination de Mme Khady Diène Gaye, comme la première femme à occuper le poste d’un super ministère de la Jeunesse, des sports et de la culture au Sénégal. Maïmouna Dièye, présidente du Mouvement des femmes de Pastef, désignée pour diriger le ministère de la Famille et des solidarités, est tout aussi légitime sur le plan politique.
L’inspecteur des impôts Cheikh Diba, aux Finances et au budget, apparaît également légitime, même si on peut se demander si son pedigree est assez éloquent. Aussi peut-on s’interroger sur ses futures interactions ou complémentarités avec Abdourahmane Sarr, porté à la tête du ministère de l’Economie et du plan. Ce dernier apparaît plus comme un théoricien qu’un développeur économique. Dans le choix des personnalités politiques issues des formations alliées, on remarquera que le profil pour l’emploi semble être de rigueur, comme par exemple l’affectation de Moustapha Guirassy à l’Education nationale ou de El Hadji Abdourahmane Diouf à l’Enseignement supérieur ou de Cheikh Tidiane Dièye à l’Hydraulique et l’assainissement.
Les risques ou écueils sur la route du nouveau gouvernement
L’hypertrophie de plusieurs ministères dont certains tenus par des novices, alors que le Premier ministre et le président de la République apparaissent tout aussi novices, peut inquiéter. Ils nous avaient promis un gouvernement resserré. La rationalité administrative peut expliquer des regroupements de secteurs stratégiques importants comme l’agriculture et l’élevage ou comme l’industrie et le commerce, ou comme l’urbanisme et les collectivités territoriales ou comme l’énergie et les mines ou encore comme la jeunesse, les sports et la culture, mais il faut bien dire que ces administrations peuvent se révéler de lourdes machines et surtout chaque secteur cache des réalités sociologiques particulières dans notre pays.
En outre, des analystes voient déjà du népotisme derrière quelques nominations du fait d’homonymies ou de relations sociales de divers ordres. Sur ce chapitre, certains péchés que les dirigeants de Pastef collaient régulièrement aux régimes des présidents Abdoulaye Wade et Macky Sall leur seront désormais opposables ; à moins que le peuple de Pastef ne se soit déjà décomplexé sur la question de l’immixtion de membres de la famille ou de proches biologiques dans la gestion des affaires de l’Etat.
Des déséquilibres du point de vue des origines géographiques des membres du gouvernement sont à souligner, comme la forte prégnance de ministres provenant de Thiès et surtout de la région naturelle de Casamance (Ousmane Sonko, Cheikh Diba (?), Mountaga Diallo, Cheikh Tidiane Dièye, Olivier Boucal, Yankhoba Diémé), tandis des zones comme la conurbation Mbacké-Touba, la banlieue de Guédiawaye-Pikine, ne comptent pas, ou encore le Walo, le Sine et le Saloum, le Ndiambour ou le Fouta sont sous-représentés ou même pas du tout.
La gestation du gouvernement a été bien difficile, mais sa survie tient fondamentalement à l’entente durable de ses deux géniteurs, en l’occurrence le Président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko. Le tandem aura besoin de transcender les problèmes d’ego et de susceptibilités qui ne manquent pas dans les relations humaines.
Visiblement, Ousmane Sonko se fait violence pour s’armer d’humilité et accepter la préséance du président de la République ; c’est tout à son honneur. Pourvu que ça dure ! Les péripéties de la formation du premier gouvernement ont révélé que le chef de l’Etat a tenu à affirmer son autorité, pour refuser des choix de son Premier ministre. Leur mésentente signerait le glas de l’attelage. Il demeure un gros risque politique qui consiste à l’absence d’une majorité parlementaire à laquelle pourrait s’adosser le gouvernement.
Le Groupe parlementaire de Yewwi askan wi, qui compte à l’origine 82 députés, déjà minoritaire, a volé en éclats du fait des dissensions entre le camp de Pastef et celui de Taxawu Senegaal dirigé par Khalifa Ababacar Sall. Il s’y ajoute que la poignée de députés provenant du Parti de l’unité et du rassemblement (Pur) ne se sentira pas obligée de soutenir un gouvernement au sein duquel leur formation politique ne compte aucune place. On dira la même chose d’une éventuelle collaboration avec le Parti démocratique sénégalais (Pds).
Le parti de Me Wade, qui a soutenu la Coalition «Diomaye Président» lors de l’élection du 24 mars 2024, est remarquablement absent de l’attelage gouvernemental. On peut certes considérer que Karim Wade peut ne pas être intéressé, à titre personnel, par un quelconque portefeuille ministériel, mais force est de dire que tous les cadres, encore restés fidèles à la ligne qu’il leur indique depuis son exil doré à Doha, ne se feraient pas prier pour devenir membres d’un gouvernement. Sur quelle majorité parlementaire le gouvernement pourra-t-il compter ?
Le Président Macky Sall a manifestement adoubé le régime de Bassirou Diomaye Faye, mais pour autant, pourra-t-il emprunter la télécommande de Karim Wade pour, lui aussi, rester depuis un confortable exil de Marrakech et donner des consignes demandant aux députés de Benno bokk yaakaar (Bby) de soutenir le nouveau régime ?
Le cas échéant, il risquerait sans doute des désaveux. On notera que les premières nominations de Bassirou Diomaye Faye au niveau du Cabinet présidentiel (Oumar Samba Ba, Secrétaire général de la Présidence, et Mary Teuw Niane, directeur de Cabinet) accréditaient l’idée que Macky Sall lui soufflerait à l’oreille.
En revanche, les nominations des Généraux Birame Diop et Jean-Baptiste Tine et du haut magistrat Ousmane Diagne peuvent être interprétées comme des actes posés pour redresser des torts causés. On se rappelle que ces différentes personnalités avaient été démises de leurs fonctions avec violence, on peut même dire de manière assez humiliante par le Président Sall. Le nouveau président de la République et son Premier ministre ont-ils été échaudés par les réactions dubitatives sinon hostiles de leur base politique, dès l’annonce des premiers décrets de nomination, pour éviter de continuer de nommer au gouvernement d’autres personnalités réputées proches de Macky Sall, surtout que cela avait été attendu par les rumeurs.
Il apparaît donc clair que Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko n’ont pas réfléchi en termes de nécessité de former une majorité parlementaire. Il leur sera difficile de faire adopter des textes de loi majeurs, notamment la dissolution envisagée d’institutions comme le Conseil économique, social et environnemental (Cese) ou le Haut conseil des collectivités territoriales (Hcct), entre autres. Le nouveau gouvernement va se coltiner une Assemblée nationale majoritairement défavorable pendant plusieurs mois, le temps que le président de la République ait le pouvoir de dissoudre l’Assemblée nationale pour organiser des élections législatives anticipées.
Le 6 septembre 2022, je prédisais dans ces colonnes, que la 14ème législature est partie pour être la plus courte de l’histoire parlementaire du Sénégal. J’indiquais notamment que «les députés de la 14ème législature ont été élus le 31 juillet 2022 pour cinq ans. Leur mandat expire donc en 2027. Mais la prochaine législature ne devrait pas aller à son terme. La nouvelle législature ne devrait pas durer plus de deux ans, c’est-à-dire strictement la durée constitutionnelle pour permettre la dissolution anticipée de l’Assemblée nationale.
En effet, la personne (quelle qu’elle sera du reste) qui sera élue à l’issue de l’élection présidentielle de 2024, sera bien amenée, pour ne pas dire obligée, de dissoudre l’Assemblée nationale en septembre 2024». On est exactement dans ce cas de figure. Le Président Bassirou Diomaye Faye sera bien obligé, avant de prononcer la dissolution, d’attendre au moins jusqu’au mois de décembre 2024, afin de laisser passer la session budgétaire. Toutefois, lui restera-t-il une autre astuce, celle d’organiser un référendum constitutionnel, avant cette date, pour lever certaines contraintes d’ordre juridique.
Les cent premiers jours d’enfer
L’euphorie de la victoire va vite s’estomper pour la nouvelle équipe gouvernementale. Ils vont devoir faire face aux dures réalités de la gouvernance publique, mais surtout aux priorités et urgences dirimantes. C’est l’argent frais qui manquera le plus et il en faudra beaucoup et immédiatement ; alors qu’ils trouveront les caisses de l’Etat quasiment vides. Il leur faudra plus que du génie pour s’en sortir !
En effet, les années 2023 et le début de l’exercice en cours ne sont pas financièrement fastes, du fait d’une atmosphère de campagne électorale et de tensions politiques qui douche les activités économiques. Les recettes intérieures, qui ne peuvent pas dépasser 200 milliards de francs Cfa par mois, ont pu en souffrir et les marchés financiers se sont d’ailleurs retenus pour financer les demandes du Sénégal.
Ainsi, le ministre Mamadou Moustapha Ba a dû, ces derniers mois, se résigner à annuler successivement deux recours aux marchés monétaires pour couvrir des financements. Le taux de couverture ne dépassait pas 10% des demandes formulées par le Sénégal, un pays habitué à des taux de couverture de plus de 150% de ses demandes. Des projets de l’Etat en ont pâti. Les besoins financiers ordinaires restent les mêmes, avec une masse salariale mensuelle de la Fonction publique qui a explosé ces deux dernières années pour se chiffrer à quelque 150 milliards de francs Cfa, sans compter les autres dépenses de fonctionnement.
Parmi les urgences de cette fin avril, il faudra compter le remboursement de plus de 250 milliards de francs Cfa, au titre du service de la dette. Un défaut de paiement, très redouté, va peser fatalement sur la situation économique et financière du Sénégal pour les mois à venir. Toute nouvelle opération de levée de fonds sur les marchés financiers sera catastrophique. C’est dans ce contexte que le nouveau gouvernement aura à faire face à d’autres dépenses pressantes dans le secteur de l’énergie.
Dès ce lundi 8 avril 2024, un navire de carburant va accoster à Dakar et exigera la bagatelle de 80 milliards de francs Cfa pour décharger sa cargaison. Le mois dernier, la Société africaine de raffinage (Sar), dans la même situation d’une menace périlleuse d’épuisement des stocks d’hydrocarbures, avait été obligée de verser pour le paiement de la cargaison, les fonds qui étaient prévus pour s’acquitter de la fiscalité de l’Etat. On sait que le ministère des Finances ne pouvait rembourser ses dettes à la Sar, encore moins à la Senelec qui reste à courir après plus de 75 milliards de francs Cfa de dettes de compense dues par l’Etat. La Senelec peine aussi à recouvrer des impayés des factures des différentes administrations publiques, des collectivités locales et d’autres consommateurs dans des secteurs stratégiques pour l’Etat.
En des mots plus simples, le gouvernement risque, dans le très court terme, d’être confronté à des coupures d’électricité et des ruptures de stock de carburant. Dans de pareilles situations, le Sénégal pouvait régulièrement compter sur des appuis budgétaires ponctuels fournis par ses partenaires traditionnels. Les régimes des présidents Wade et Sall avaient été secourus par les Etats-Unis d’Amérique et/ou la France en 2000, 2012 et 2019. En novembre 2023, le gouvernement dirigé par le Premier ministre Amadou Ba avait pu décrocher un appui budgétaire d’urgence alloué par la France qui, cependant, avait pris la précaution de ne le verser qu’en trois tranches au Sénégal. Les nouvelles autorités du pays auront-elles la latitude de pouvoir solliciter dans l’urgence des pays amis ? Rien n’est moins sûr !
La situation financière difficile avait commandé, au début de l’année, la suppression ou la réduction drastique de certaines subventions sur l’énergie et les denrées de première nécessité. L’Etat consacrait plus de 600 milliards à ces subventions. La vérité des prix sera une difficulté supplémentaire pour un régime qui avait promis aux électeurs la baisse des produits de base. Des tensions sociales de divers ordres pourront naître de cette situation et leur exacerbation ne manquerait pas d’avoir des conséquences fâcheuses pour la stabilité du pays. C’est ainsi qu’il urge de s’engager à aider le nouveau régime, à sortir la tête de l’eau, pour lui éviter de sombrer. L’échec de Bassirou Diomaye Faye sera fatal à tout le monde.
Par Madiambal DIAGNE
Par Adama DIENG
30 ANS APRÈS LE GÉNOCIDE AU RWANDA : PLUS JAMAIS ÇA !
« La tristesse s’élève sur les ailes du matin, et du cœur des ténèbres jaillit la lumière » Alphonse de Lamartine (1790- 1869) - 30 ans après le génocide, le Rwanda, pays déterminé à renaître de ses cendres, a parcouru un long chemin.
« La tristesse s’élève sur les ailes du matin, et du cœur des ténèbres jaillit la lumière » Alphonse de Lamartine (1790- 1869)
30 ans après le génocide, le Rwanda, pays déterminé à renaître de ses cendres, a parcouru un long chemin.
Les souvenirs liés qui se bousculent dans mon esprit remontent aussi loin. Peu après mes premières visites au Rwanda au milieu des années 80, j’ai, auprès des institutions africaines, lancé l’alarme en 1990 sur les violations graves et massives des droits de l’homme perpétrées dans ce pays. Quatre ans plus tard, le 1er avril 1994, je me suis retrouvé à Mulindi, un village situé à la frontière entre le Rwanda et l’Ouganda, d’où Paul Kagame a dirigé le Front patriotique rwandais pendant la guerre civile rwandaise. Le lendemain, 2 avril, j’étais le dernier visiteur étranger à être reçu par le président rwandais Juvénal Habyarimana dans son palais. Juste avant moi, le président a rencontré David Rawson, l’ambassadeur des États-Unis. Après notre rencontre, le président Habyarimana s’est envolé pour Gbadolite, fief du président zaïrois Mobutu Sese Seko, avant de poursuivre vers Dar es Salaam, en Tanzanie. J’ai quitté Kigali le 4 avril. Le 6 avril 1994, au retour d’une réunion régionale à Dar es Salaam où le chef de l’Etat rwandais avait accepté de mettre en place les institutions de transition prévues par les accords d’Arusha qui ont mis fin à la guerre civile dans son pays, le Falcon 50 le transportant ainsi que Cyprien Ntaryamira, président du Burundi, a été abattu au-dessus de l’aéroport de Kigali par un missile. La mort des occupants de l’avion a déclenché le génocide contre les Tutsi au Rwanda, les meurtres des partisans des accords d’Arusha opposés aux extrémistes hutus et la reprise de la guerre civile.
A partir du 7 avril 1994, le génocide contre les Tutsi au Rwanda déclenchait l’une des orgies de tueries les plus sanglantes de la fin du XXe siècle. C’était une pure folie.
Comme si j’étais un personnage d’un roman de Joseph Conrad, je ne pourrai jamais chasser ces souvenirs, m’étant retrouvé, hier et aujourd’hui, plongé dans un parcours et des activités qui ont notamment eu pour toile de fond la tragédie du Rwanda et pour inspiration sa victoire. Entre autres activités liées à cette situation difficile, après avoir été Secrétaire général (1990-2000) de la Commission internationale de juristes basée à Genève, le Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, m’a nommé en janvier 2001 greffier du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). En juillet 2012, je suis devenu Conseiller spécial du Secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon pour la prévention du génocide. Après avoir pris ma retraite des Nations Unies il y a quelques années, j’ai fondé l’Alliance panafricaine pour la transparence et l’État de droit (PATROLAFRICA), dont l’objectif est de promouvoir la transparence et le respect de l’État de droit et d’agir comme moteur de développement.
A l’occasion du 30ème anniversaire du génocide contre les Tutsis commis au plus près du cœur de l’Afrique dans ce pays d’une rare beauté et d’une grande importance socio-anthropologique, la famille des nations doit tout faire pour accompagner les Rwandais, soutenir les victimes, pour que ce génocide devienne un leçon bien connue pour l’humanité, et pour que les Rwandais eux-mêmes puissent continuer à peaufiner leur réconciliation.
Il faut féliciter la gouvernance qui a réussi l’exploit de transformer une terre sortie d’une terrible tragédie en un pays où il fait bon vivre aujourd’hui. Au-delà de la remarquable reconstruction physique, infrastructurelle et économique, les cœurs et les esprits empoisonnés par la haine doivent continuer à guérir. Le génocide contre les Tutsis au Rwanda a été perpétré à l’échelle d’un pays, mais aussi à l’échelle d’un village, parfois à l’échelle d’une colline ou à l’échelle d’une famille, voire au sein d’un couple.
Cette paix des cœurs et des esprits, cette paix dans les villes et dans les collines, est nécessaire. Cela prendra encore du temps. Tout comme le retour au pays des exilés ou de ceux qui ont fui prendra du temps. Et la justice, dans ce contexte, continuera d’être un ingrédient nécessaire pour que la paix soit durable et enracinée dans les cœurs, dans la transformation profonde et positive du Rwanda et de ses citoyens. Ainsi, à travers le pardon, la parole, la conversation, grâce à la fin du silence, et avec la manifestation de la vérité, la paix s’ancrera plus profondément, au niveau socio-anthropologique, dans l’espace spirituel et sur le terrain politique, entre les Rwandais.
Par ailleurs, la paix dans la sous-région, notamment dans la région orientale de la République démocratique du Congo (RDC), semble également essentielle à cette équation d’espoir. Les nations de la région des Grands Lacs, le Rwanda, la RDC, le Burundi et d’autres pays méritent toutes la paix. Ce conflit dans l’est de la RDC menace de déstabiliser davantage la région, avec un impact négatif sur la réconciliation dans chacun des pays concernés.
Il est donc crucial que les efforts de rétablissement de la paix, les efforts diplomatiques et les initiatives de médiation soient renforcés pour promouvoir la stabilité dans cette région dévastée. Le regain de tensions militaires et la persistance des activités des groupes rebelles alimentent l’insécurité et la méfiance tout en aggravant une situation humanitaire déjà catastrophique. Travaillons tous à éteindre cet incendie au cœur de l’Afrique, car investir dans la paix de chacun est un investissement dans la paix de tous.
PATROL est prête à soutenir toutes les entités nationales, régionales et internationales de la sous-région pour relever de nombreux défis. En effet, certains des fugitifs recherchés pour leur implication dans le génocide doivent être appréhendés et jugés. Il est nécessaire de garantir la justice et la responsabilité envers les victimes et les survivants, notamment en veillant au renforcement du devoir de mémoire et à la prise en charge des survivants vieillissants, ce qui nécessite des efforts et des investissements à la mesure de la douleur extraordinaire que ces événements ont infligé au corpus d’un pays, au niveau national et individuel.
Malgré les efforts remarquables du gouvernement rwandais, il faut reconnaître que le génocide de 1994 contre les Tutsis au Rwanda a laissé de profondes blessures dans le tissu social du pays. Comment aurait-il pu en être autrement ? Cependant, les Rwandais ont montré au monde qu’il est possible de guérir et d’avancer vers la réconciliation et le pardon.
Je peux témoigner, en tant qu’ancien Greffier, que le TPIR a joué un rôle crucial dans la poursuite des auteurs du génocide, le crime le plus horrible et d’autres crimes atroces. Même si la justice ne pourra jamais effacer complètement les souffrances, elle permet aux survivants de voir que les auteurs des violences ont à répondre de leurs actes. Sur le terrain, au Rwanda même, les juridictions Gacaca, mises en place au niveau local, ont également permis aux victimes de connaître la vérité sur la mort de leurs proches et ont donné aux coupables la possibilité d’avouer leurs crimes et de demander pardon devant la communauté.
Par ailleurs, nous devons saluer le leadership politique et communautaire du Rwanda et celui des dirigeants qui ont donné l’exemple en prônant la paix, la tolérance et la compréhension. Guérir les blessures du génocide contre les Tutsis au Rwanda est un processus continu. Le Rwanda, son chef d’État, son gouvernement et ses élites communautaires ont montré que la résilience humaine peut triompher des tragédies les plus sombres.
PATROL salue la victoire du peuple rwandais sur l’adversité et l’horreur et s’engage à soutenir les efforts de paix et de réconciliation dans la sous-région. Arrêtons à jamais la folie ordinaire qui a permis la perpétration de crimes aussi odieux. Nous n’abandonnerons pas, car face à l’humanité, les démons du mal ne sont jamais loin.
La principale leçon que nous enseigne le Rwanda est que dans les moments les plus sombres de la vie, lorsque le chagrin enveloppe les hommes, les femmes, les enfants ou les nations comme un linceul, il y a toujours une lueur d’espoir, un phare qui guide la famille des nations vers l’aube.