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7 avril 2025
Opinions
PAR Ibrahima Thioye
ESPOIRS ET CRAINTES SUSCITÉS PAR LE DUO AU POUVOIR
De l’extérieur, nous n’avons pas d’échos sur le fonctionnement du parti Pastef. Quid des instances de base ? Sans un fonctionnement régulier, un parti risque de tomber dans un processus de léthargie et de personnalisation-patrimonialisation
Je disais dans un précédent article que « la marque Sonko s’est installée dans l’esprit des larges masses avec un positionnement qui correspond parfaitement à leurs aspirations ». En désignant Bassirou Diomaye Faye candidat à l’élection présidentielle de 2024, la marque mère a donné naissance à une marque fille qui a gagné, en peu de temps, une forte notoriété et un bon niveau de capital confiance qui s’est traduit par la victoire éclatante de Bassirou Diomaye Faye, avec plus de 54 % des voix. Globalement, j’ai le sentiment que ce nouveau régime mérite des encouragements. Sont décrits dans les lignes qui suivent les éléments (actes et mesures) qui renforcent mes espoirs, ainsi que ceux qui sont source d’appréhensions et qui méritent, de mon point de vue, un examen critique.
Éléments qui renforcent mes espoirs
– La paix et la stabilité retrouvées
Nous l’avons échappé belle. Ce qui s’est passé au Sénégal avec cette troisième alternance, survenue en douceur, relève du miracle.
– La composition du nouveau gouvernement
L’intégration d’éléments apolitiques dotés d’une forte expertise dans leur domaine et dont la seule mission consiste à relever les défis liés à leur Département est un motif de satisfaction. Le pragmatisme de nombreux ministres qui n’hésitent pas à investir le terrain est largement salué.
– Les mesures de diminution des prix des denrées de première nécessité
– La communication globale du gouvernement
Même s’il y a des ajustements à apporter, dans l’ensemble, j’apprécie positivement les sorties médiatiques du Président Bassirou Diomaye Faye et celles du Premier ministre Ousmane Sonko.
– Le calendrier de visites du chef de l’État et la vision panafricaniste et souverainiste de notre équipe dirigeante
Le calendrier de visites a d’abord privilégié nos pays limitrophes. La vision panafricaniste et souverainiste de notre équipe dirigeante est équilibrée et intelligente. La compréhension que j’en ai est qu’elle ne perd pas de vue la finalité, mais elle évite les ruptures radicales et la précipitation.
– La valorisation de nos costumes locaux
Le Président Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko n’hésitent pas à arborer nos costumes locaux partout où ils se déplacent, entraînant ainsi une bonne promotion de ceux-ci.
– L’esprit de pardon annoncé par le Premier ministre et le respect trempé de déférence du duo à l’égard des chefs religieux
– La posture d’indifférence face aux critiques acerbes, tendancieuses et excessives
– La posture de rigueur sur la question des dettes fiscales des entreprises de presse
– La volonté d’assainir le secteur du foncieretles mesures de suspension des travaux
– Les changements survenus au niveau des institutions judiciaires et la volonté de laisser la justice faire son travail sans intervention de l’exécutif
– L’harmonie et la complémentarité des deux personnalités du duo
L’un attire les jeunes et les galvanise par l’énergie et le charisme, l’autre rassure les adultes par son sens de la pondération, de la mesure et du discernement. Le Président Diomaye Faye a même expliqué qu’ils ont un moyen, à deux, de gérer les contradictions par de larges discussions ouvertes et authentiques.
Éléments source d’appréhensions
Ces éléments qui suscitent chez moi de l’appréhension sont ceux qui, de mon point de vue, peuvent entamer la réputation ou l’image des deux marques citées plus haut. Ils méritent, selon moi, un examen critique :
– Bad buzz issus des prises de parole du Premier ministre Ousmane Sonko
J’ai identifié deux bad buzz depuis l’arrivée au pouvoir de ce duo Diomaye-Sonko : celui suscité par la question de l’homosexualité et celui lié au thème du port du voile.
Suggestion : pour ce type de thèmes clivants ayant le pouvoir de brouiller le reste de la communication et celui de déclencher des contradictions à fortes charges émotionnelles, il est important de savoir quand et comment échanger à leur propos ; il serait utile de récupérer du feedback sur ce type de sujets auprès des citoyens et l’idéal serait de les gérer en amont, en les identifiant et en préparant les scripts de façon à éviter des bad buzz. Rappelons qu’en principe, ceux-ci ont le pouvoir de renforcer la notoriété, mais aussi celui d’éroder le capital confiance, entamant ainsi l’image de marque.
– Engagements non tenus (ou pas encore tenus)
Le Conseil supérieur de la magistrature n’est toujours pas affranchi de la tutelle du président de la République et l’on n’a pas encore mis en œuvre le principe de l’appel à candidatures pour certains postes de direction.
Suggestion : à défaut de pouvoir tenir les engagements dans l’immédiat, il serait judicieux de proposer au moins un échéancier de mise en œuvre ou d’expliquer les obstacles au non-respect de ces engagements.
– Absence de visibilité sur la mise en œuvre du programme Diomaye Président
Cinq axes ont été identifiés dans le programme Diomaye Président avec des chantiers pour chacun d’eux. A-t-on réellement lancé ces chantiers ? Y a-t-il des porteurs ? Qui s’occupe du suivi-évaluation ? Quels sont les niveaux d’exécution de ces chantiers ? Quel est le type de communication prévu pour vulgariser ces chantiers ?
Suggestion : une fois qu’on aura apporté des réponses aux questions précédentes, il faudrait vulgariser le projet avec des supports de communication adéquats ; il serait bien d’annoncer au moins les cinq plus gros projets prévus au cours du quinquennat.
– Le risque de disparition de nombreuses structures de presse
Même s’il faut assainir le secteur de la presse, une disparition complète des organes ne constitue pas une bonne nouvelle pour la démocratie.
Suggestion : faire le pari d’aider sans s’intéresser à la ligne éditoriale ; les citoyens sénégalais ont gagné en maturité et la critique au vitriol est de plus en plus mal perçue (il faudrait prendre soin de confirmer cela par des études).
– Réponses disproportionnées aux critiques adressées au duo
Suggestion : éviter les réactions systématiques (du style « 72 heures patriotes yi ak… ») à ceux qui adressent des critiques jugées acerbes et tendancieuses, car pour certains (qui n’avaient pas obtenu 1 % lors de l’élection présidentielle ou qui ont du mal à occuper totalement le terrain ACAPES), c’est le meilleur moyen d’accroître leur notoriété via les réseaux sociaux. Le respect du jeu démocratique exige d’accepter la contradiction et il est possible de rétablir la vérité de façon très courtoise même en face d’un adversaire qui utilise des moyens jugés malveillants.
– Menace de léthargie et de personnalisation-patrimonialisation du parti Pastef
De l’extérieur, nous n’avons pas d’échos sur le fonctionnement du parti Pastef. Malgré toutes les critiques émises à l’encontre du PS, on entendait souvent à la radio des annonces de tenue de réunion du bureau politique. Quid des instances de base ? Sans un fonctionnement régulier, un parti risque de tomber dans un processus de léthargie et de personnalisation-patrimonialisation.
Suggestion : redynamiser l’école du parti ou l’organe qui a cette mission de formation des militants, systématiser les rencontres au sein des structures du parti.
– La communication du PM est destinée essentiellement à une cible jeune
Suggestion : vous constituez une marque et elle gagnerait à déployer sa puissance auprès de tous les segments de l’électorat, en ajustant la communication de façon à s’appuyer à la fois sur les principes d’intégrité et de vérité et sur l’empathie.
De mon point de vue, le duo au pouvoir est sur une bonne voie. Les premiers actes posés confortent cette vue. En exposant ces éléments qui renforcent mes espoirs et ceux qui sont source d’appréhensions, je me suis placé sur le terrain des ressentis. Il aurait été intéressant d’organiser une étude sur ces sujets en interrogeant les différents segments de l’électorat. Au lieu de répondre systématiquement à ceux qui émettent de nombreuses critiques, si l’étude montre que personne ne fait attention à eux, peut-être qu’il faudrait demander à tous les militants et sympathisants de ne plus parler d’eux. Il faut cependant oser écouter et identifier les thèmes qui reviennent régulièrement. Le pari de cette équipe dirigeante devrait être également de s’entourer de personnes promptes à la faire sortir de sa zone de confort, car notre tendance naturelle (impulsée par nos biais cognitifs) nous pousse généralement à éviter ce type de personnes, très utiles pour nous éviter les glissements liés à l’usure du pouvoir.
Ibrahima Thioye est consultant.
Par DIAGNE FODE ROLAND
RESTAURER LA VISIBILITE MILITANTE DE PASTEF
Le mercenariat d’une certaine presse poursuit son travail de sape au profit des battus de la présidentielle du 24 mars dernier. Les désavoués par le peuple s’abritent derrière cette presse mercenaire qui s’était déjà révélée anti-Pastef ...
Le mercenariat d’une certaine presse poursuit son travail de sape au profit des battus de la présidentielle du 24 mars dernier. Les désavoués par le peuple s’abritent derrière cette presse mercenaire qui s’était déjà révélée anti-Pastef lors des répressions macabres, des tortures, des arrestations liberticides et de l’instrumentalisation de certains magistrats par l’autocratie libérale.
Dans le système néocolonial, au-delà du corporatisme inhérent, toutes les professions se divisent en privilégiés bénéficiant en toute illégalité des faveurs du pouvoir et en résistants préservant au nom de l’éthique et du professionnalisme la dénaturation scandaleuse de leur métier. S’acquitter de ses impôts est une obligation patriotique qui s’impose à tout corps de métiers, à toute entreprise et à tout citoyen imposable comme l’a rappelé fort justement le président souverainiste élu.
La liberté d’expression, d’opinion, de la presse et citoyenne exige la dépersonnalisation du débat politique, exclut la diffamation, la calomnie et les insultes, en d’autres termes tout ce qui tombe sous le coup de la loi. Il s’agit là d’un principe démocratique qui fait que personne, ni aucune profession, ni entreprise n’est au-dessus des lois même si demeure fondamental le droit citoyen de contester les lois liberticides.
Les libéraux néocoloniaux vaincus dans les urnes s’agitent à toute occasion pour polluer à travers une certaine presse l’espace politique en prêtant aux vainqueurs leurs propres turpitudes étalées tout le long de leur pouvoir autocratique surtout à partir de 2021 quand ils se sont rendus compte que leur sous estimation du camp patriotique a subi une brèche de plus en plus béante avec les près de 16 % du candidat O. Sonko en 2019.
Malgré la dictature imposée à Pastef par son interdiction dissolution, les tueries, les tortures, les milliers d’arrestations, la sonkorisation du pays et de la diaspora a fini par dissuader la troisième candidature projetée, a rendu impossible le report annulation de la présidentielle de février et a contraint à l’élection de mars 2024.
Le Parti Pastef et en son sein les partis fusionnants ont révélé une formidable capacité de résilience dans la résistance aux forfaits liberticides même quand les leaders Sonko moy Diomaye ont été confinés dans le silence de la prison. Initiatives collectives et adaptations agissantes contre la répression ont permis de maintenir le lien militant du parti, des associations anti-impérialistes et des députés souverainistes avec le peuple, notamment les jeunes, pour faire échec à la fuite en avant répressive de l’autocratie libérale néocoloniale jusqu’à la victoire.
Une fois la présidence conquise par la voie des urnes, le gouvernement constitué, le processus de souverainisation de l’appareil d’État néocolonial dont nous avons hérité est en cours. Le président ayant en vertu de la Constitution le pouvoir de « nommer aux emplois civils et militaires », les nominations se poursuivent au rythme des conseils des ministres à la tête des différentes directions, agences, de la police, de la gendarmerie, de l’armée, des conseillers à la présidence, à la primature, dans les ministères et des représentations diplomatiques, etc.
Les premières mesures urgentes ont été effectuées sur la baisse des prix de certaines denrées de premières nécessités, le blocage des accaparements fonciers, le renflouement fiscale des recettes de l’État, les Assises de la justice débouchant sur des nominations et des affectations, etc en attendant la reddition des comptes des crimes financiers épinglés par les rapports des corps de contrôles de l’État (OFNAC, IGE, IGF, Cour des Comptes, etc) et des audits centraux et sectoriels en cours et celle des crimes de sang et des arrestations arbitraires que réclament fort justement les victimes.
Les opposants des 35 %, des 1 à 2 % assommés par leur défaite cuisante restent fort divisés par les ambitions personnelles mais scrutent et affûtent leurs couteaux tout en tentant des coups d’essai pour pousser à la faute et sauver les milliards volés pour s’en servir dans une contre-offensive lors des élections législatives et locales prochaines.
Les demandes ne cessent de s’exprimer des réparations sociales des travailleurs victimes de la mal gouvernance et de la complicité avec des patrons véreux qui fraudent le fisc et laissent de nombreux travailleurs impayés durant des mois, voire des années et des populations victimes de spoliation foncière. Ces urgences sociales exigent du nouveau pouvoir souverainiste une diligence urgente de la reddition des comptes pour réparer ce passif social causé par l’autocratie déchue. Les victimes de la répression et les victimes du passif social, tout en dénonçant les patrons et l’État néocolonial voyous renversé, attendent avec impatience les réparations dues que le nouveau pouvoir souverainiste doit s’acquitter à prendre en charge.
Si il apparaît clairement que l’opposition libérale néocoloniale déclarée (APR/BBY), puis du PDS et les francs tireurs individualistes quasiment tous libéraux n’ont aucune crédibilité dans l’opinion populaire, il n’est pas du tout souhaitable que ces passifs sociaux restent trop longtemps sans réponses budgétaire à l’instar des 25 milliards ajoutés aux 100 milliards prévus initialement pour la campagne agricole et judiciaire pour la reddition des comptes.
Nous invitons notre présidence et notre gouvernement souverainiste à prendre à bras le corps cette question le plus vite possible, de même qu’il est important que le peuple soit largement informé des audits centraux et sectoriels.
Tous les esprits responsables de notre camp souverainiste comprennent que la marge de manœuvre du gouvernement pour appliquer les engagements de campagne dépend de l’ampleur de « caisses vides » et que l’actuelle phase de transition sera dans un premier temps marquée par les réparations à opérer pour rétablir les finances publiques et la capacité à assainir l’État en le déconstruisant de l’intérieur.
Mais il doit être dit clairement que l’actuelle phase de transition est aussi une préparation à la « transformation systémique », c’est-à-dire à la rupture souverainiste promise.
Pour ce faire, il nous semble fondamental de sortir de l’apparente inertie et de remettre notre parti Pastef dans sa fonction décisive de lien avec le peuple, véritable force motrice de l’histoire.
Disons le nettement, tout se passe comme si notre parti est soumis à notre État, il apparaît attentiste et non plus collectivement comme une force d’initiative, d’espace de réflexion, d’échanges, de débat et d’action de la base au sommet pour contribuer à la marche vers la « transformation systémique » et donc la rupture souverainiste. Dans cette marche, notre parti et notre État ont à jouer chacun une partition différente dans une unité de but. Nous devons marcher différemment dans la même direction mais frapper ensemble. Le parti doit avoir la principale fonction de préparer les masses, le peuple à la rupture souverainiste.
Certaines interrogations, voire colères sur les nominations, mêmes perçues comme l’expression d’une incompréhension en rapport avec la notion du « don de soi » et parfois malheureusement d’un carriérisme (ce qui justifie l’arrêt temporaire de la vente des cartes), reflètent aussi la nécessité de clarifier les rapports entre notre parti Pastef et la coalition en plus du fait qu’il faut absolument faire collectivement la lumière sur la stratégie pour les législatives et même pour les locales à venir : Va-t-on seul ou en coalition étant entendu que le lieu démocratique approprié pour y répondre demeure notre parti, voire même le premier congrès et de fusion dans Pastef des partis signataires du protocole de 2021 ?
Pour toutes ces raisons, il est impératif de faire revivre le parti.
Par Assane Guèye
JOURNEE SANS PRESSE NI PARESSE
Comment parler de la presse avec détachement ? Depuis le premier journal sénégalais «Le Réveil» fondé vers la fin du 19ème siècle à nos jours, beaucoup d’encre a eu le temps de sécher.
Comment parler de la presse avec détachement ? Depuis le premier journal sénégalais «Le Réveil» fondé vers la fin du 19ème siècle à nos jours, beaucoup d’encre a eu le temps de sécher. Les larmes et souffrances des acteurs n’ont pas suivi le même processus. De l’eau a pourtant coulé sous les ponts depuis plus de 130 ans. Les médias traditionnels ne coulent pas des jours heureux. Ce n’est pas juste de dire que la descente aux enfers commence seulement aujourd’hui. Les coups de boutoir viennent de loin et de partout. La conjoncture, la crise de confiance et surtout internet. Ce bijou de technologie aux fonctionnalités foudroyantes a dicté de nouveaux usages, de nouveaux modes de consommation. Rien ni personne ne lui résiste. Il a ringardisé au-delà des médias classiques. Les cabines téléphoniques ont été les premières à perdre le fil. Non contents d’être sophistiqués, les nouveaux médias, bourreaux des anciens, sont un des rares secteurs au monde à ne pas connaître de régulation. Les hébergeurs dont on pointe la responsabilité semblent hors de portée des États. Mais le coupable est commode à désigner. L’enfer, c’est toujours les autres. La vérité est que les victimes expiatoires d’aujourd’hui n’ont pas su négocier les virages décisifs. La presse a péché peut-être pas par paresse mais par manque d’intuition. Elle s’est divisée au lieu de se regrouper dans l’optique de mettre sur pied des groupes forts et compétitifs. La spécialisation pointue des journalistes n’a pas non plus été amorcée. La production a disparu et on a du mal à aller au-delà des simples faits évanescents. Bref, le métier n’a pas été réinventé. Il est à présent le plus perméable de tous.
Les nouveaux dirigeants ont ajouté de la crise à la crise
Un procès d’intention peut viser les nouveaux dirigeants. Ils l’auront cherché. Ils ont ajouté de la crise à la crise. Des comptes bloqués ne sont pas que de simples comptes bloqués, c’est la respiration des titulaires de ces comptes qui est en fait bloquée. Tout de même, les imposables devront se moraliser. Il faut aussi des moratoires voire un plan Marshall pour sauver les meubles et surtout les emplois-jeunes qui restent les plus menacés. Car, contrairement à ce qu’on pense, ce sont les jeunes reporters qui pâtissent le plus de cette situation. Tout le monde a intérêt qu’une solution soit vite trouvée. La presse n’est pas seulement celle qui porte la plume sur la plaie ou fait du tort. Elle n’est pas l’empêcheuse de tourner en rond. Elle aide les citoyens à regarder avec des yeux tout ronds la manière dont le pays marche. Plus que cela, elle est une vitrine culturelle. C’est manquer de sensibilité que de ne pas le savoir. Vite un juge de paix.
Magistrats, des fonctionnaires qui onctionnent partout
Sur le dossier concernant les magistrats, il faut aussi se rappeler que ce sont des fonctionnaires. Ils sont appelés à fonctionner sur toute portion du territoire. Le transfert de tel ou tel pour nécessité de service ne doit pas susciter l’émoi. Des centaines voire des milliers d’agents publics anonymes sont mutés tous les ans sans que personne ne s’en aperçoive. Ce qui provoque la gêne, c’est plutôt cette image de purgatoire qu’on voudrait coller à une partie du pays. Quiconque voudrait-on déboussoler est vite envoyé à l’Est. En 1962 déjà, le Président du Conseil a écopé d’une déportation perpétuelle pendant 11 ans à Kédougou. L’actuel maire de Dakar, un dur à cuire de l’opposition d’antan, a été éloigné de la capitale pour aller purger une peine à Tamba. L’éloignement est un facteur naturel. Le bagne est le fait des hommes qui se rendent coup pour coup. Quelle est donc cette idée pas si originale d’infliger la double peine à une région si excentrée quand elle aurait mérité de recevoir plus et mieux que les autres? Toute discrimination positive pour ces localités est la bienvenue pour lutter contre les déserts économiques. Question d’équité territoriale, ce programme de l’Etat qui est le PUMA, idée géniale et généreuse, doit monter en puissance. Son efficacité sur le terrain est aussi à évaluer. Rendre à toutes les parties reculées du Sénégal leur attractivité est une autre manière de sauver Dakar, ville infernale dont l’habitabilité commence à poser sérieusement problème. Quelles que soient les disparités, personne ne doit s’offusquer d’être bougé dans un coin ou un autre d’un pays un et indivisible. Heureusement que les magistrats ne s’épanchent pas. Le devoir de réserve les éloigne de la cohue ambiante. Leur silence n’est pas un mystère. C’est une richesse.
Par Mamadou KASSÉ
REPENSER LE MODELE ECONOMIQUE DE LA PRESSE
Depuis quelques semaines, les difficultés de la presse sont étalées au grand jour. La presse vit des jours sombres, pas du fait de son état de précarité structurelle, mais plutôt du fait que l’opinion nationale en fait son sujet de discussion.
Depuis quelques semaines, les difficultés de la presse sont étalées au grand jour. La presse vit des jours sombres, pas du fait de son état de précarité structurelle, mais plutôt du fait que l’opinion nationale en fait son sujet de discussion. Tout le monde savait que la presse allait inéluctablement vers le mur. L’impasse était devenue incontournable. Et voilà des années qu’on alertait sur une mort programmée de cette presse dont certains ne vivaient que sur perfusion et de manière artificielle. Les médias ont toujours vécu ou survécu au-dessus de leurs moyens. Un journal à 100 ou 200 francs ne peut être viable. Il l’est encore moins si la publicité ne suit pas. Le pouvoir d’achat du Sénégalais moyen souvent invoqué n’y change rien. Sans vente conséquente et sans publicité, peut-on parler de presse? La presse était en train de mourir de sa belle mort malgré sa position stratégique de levier de la démocratie et des libertés. Ceux qui connaissent les réalités des médias voyaient venir car le modèle proposé n’ouvrait aucune perspective aux organes et aux journalistes. Les patrons de presse qui se sont lancés dans cette aventure périlleuse l’ont payé tandis que d’autres vivent d’expédients pour survivre. Pendant ce temps les jeunes reporters voient leurs conditions de vie et de travail se dégrader. Ni plan de carrière ni perspective d’avancement ne leur sont proposés. Même pas le minimum vital exigé par la convention collective des journalistes qui n’est en fait qu’un simple plancher.
Si en plus les impôts viennent accabler les organes pour des impôts, cotisations sociales, tva et autres, on mesure la précarité de la presse. Du point de vue de la loi et du code de la presse en particulier, les organes de presse sont des entreprises de presse soumises à certaines obligations. Quelques rares médias arrivent tant bien que mal, à satisfaire ces exigences de la loi. La majorité ne le veut pas et ne le peut pas et sz doit de déposer un bilan. A défaut de le faire, on s’expose à la sanction d’une administration sans état d’âme sur les exigences de la loi.
Que reste-t-il à faire? Engager des négociations pour se pencher sur les misères de la presse, présenter la situation réelle sans faux fuyant, accepter que la presse à toujours vécu sous perfusion face à des lobbies politiques, économiques et idéologiques qui ont toujours tenté de l’utiliser.
Les négociations doivent porter sur toutes les questions présentes et futures qui, si l’on y prend garde, risquent encore d’entraver la vie des entreprises de presse. Les questions à adresser sont tellement nombreuses qu’une seule séance n’y suffirait pas. Mais fort heureusement les assises de la presse dont les conclusions sont en train d’être affinées peuvent servir de termes de référence pour engager de véritables négociations sans perdre du temps. Car le temps presse pour trouver des solutions définitives pour que la presse assume véritablement son rôle de levier de la démocratie sans entrer dans les compromis, compromissions et connivences.
Par Ibou FALL
LES RUINES DE LA RÉPUBLIQUE, LA PRESSE À L’AGONIE
Entre promesses de changement radical et spectre de poursuites judiciaires, le nouveau pouvoir joue une partition risquée. Parviendra-t-il à transformer sa rhétorique en actions concrètes sans déchirer le tissu social du pays ?
Ne prenons pas des airs de vierge effarouchée : au regard des résultats des dernières locales comme des Législatives, surtout après le cirque de l’installation de cette législature, il faut tout de suite comprendre que les périodes d’actualités ennuyeuses sont derrière nous.
La présidentielle, bien entendu, en est le surréaliste pompon. Sauf que l’on ne s’imagine alors pas à quel point…
Et donc, la semaine passée, c’est à l’occasion de la Journée de l’arbre que la salve retentit. Le Premier ministre Ousmane Sonko, toujours lui, le devoir de planter son végétal accompli, s’offre une sortie dans le style dont il a quasiment le monopole du secret : «Nous avons trouvé un pays en ruines !»
C’est presque téléphoné : quelques semaines auparavant, le nouveau patron de la Rts, Pape Alé Niang, manifestement ému de l’état du pays que le nouveau pouvoir semble avoir des scrupules à avouer, depuis les réseaux sociaux, allume la mèche : en résumé, il faudra que l’alchimie en fusion «Diomaye môy Sonko», enfin, parle vrai au Peuple… Aussitôt relayé par le frétillant Dg de la Caisse des dépôts, Fadilou Keïta, lequel ne cherche pas ses mots pour en désigner les responsables : les vandales du régime sortant laissent derrière eux un pays d’où même l’herbe ne pousse plus…
Certes, les partages de terres sur la Corniche dakaroise et à l’entrée de Thiès peuvent distraire l’opinion quelques jours et les vidéos des palaces d’anciens privilégiés qui circulent au même moment en rajoutent aux fureurs surfaites des énervés congénitaux.
Ça ne suffit pas, manifestement, à étancher la soif inextinguible de revanche du «peuple des 54%». Lequel commence à s’agacer prodigieusement, et pas seulement parce que l’on ne pend personne haut et court sur la place publique… Sur les grands boulevards, il assiste, incrédule, aux déguerpissements des vendeurs à la sauvette, à l’immobilisation des motocyclettes de la «Génération Tiak-Tiak» qui sont des siens : les votes du 24 mars 2024 semblent se retourner contre eux.
C’est limpide, il faut en urgence de gros poissons dans la nasse en attendant que le «Projet» sorte de la salle d’accouchement de l’administration Pastef pour distribuer les milliers d’emplois que tout ce beau monde attend. Enfin, sauf ceux qui continuent de prendre les océans pour se réfugier dans des pays où le rêve de bien-être est encore permis. Bref, les quelques sucettes qu’on saupoudre çà et là ne suffisent pas. Signe des temps ? On apprend dans la presse que la belle-mère du Président sortant, une adjaratou à la santé que l’on dit chancelante, devrait être entendue par la gendarmerie, quitte à aller la cueillir avec un panier à salade, en compagnie d’un de ses fils, pour de sulfureuses histoires de foncier.
Une arrestation retentissante piochée dans le camp présidentiel, comme celle de Karim Wade au début des années Macky ? Le «peuple des 54%» n’attend que ça pour se dérider.
Y’a peut-être mieux, ou pire, c’est selon.
Déjà, de folles et insistantes rumeurs invoquent des poursuites pour «crimes contre l’humanité» à l’encontre de Macky Sall, qui serait l’unique responsable de plus de quatre-vingts vies perdues. Et l’on ne vous parle pas des milliers de «prisonniers politiques», comprenez d’innocents citoyens sans défense, ramassés au petit bonheur la malchance, pour le crime odieux d’arborer des bracelets vert-blanc-rouge, entre 2021 et 2023.
Ça ne devrait pas précéder de beaucoup la traque de ses biens mal acquis. Déjà, on a du mal à digérer le pied-à-terre de Marrakech, ses voyages autour du monde en jet privé, le salaire indécent que le Président français, Macron, lui paye.
se demander si le nouveau régime ne va pas lui interdire finalement de poser les pieds au Sénégal en le menaçant d’emprisonnement. Saiton jamais ? Pour peu qu’il se voie de retour au Palais de l’avenue Senghor dans cinq ans alors que le «Projet» en a en principe pour un demi-siècle…
Trêve de rêveries, la horde des opprimés s’impatiente, et il lui faut du lourd. C’est vrai, entretemps, ça lève un lièvre avec ses grandes oreilles, qui fait du bruit : quarante milliards de francs Cfa de dettes fiscales pour une presse complètement corrompue par Macky Sall, et dont les patrons mènent jusque-là un grand train, à coups de subventions indues et de conventions complaisantes avec les établissements publics. Quand la nouvelle du blocage des comptes de ces vendus se répand en même temps que la résiliation des contrats tirés par les cheveux, ça fait des sauts de cabri dans le petit monde coloré du Pastef. Vous voulez mon avis sur cette affaire de bras de fer de la presse et du pouvoir ? Je vous le donne quand même…
C’est un esprit brillant, une dame distinguée, Fatima Simone Bâ, qui nous sort la formule imparable : «La presse s’est embarquée dans une économie de la pitié.» En effet, cela fait bien longtemps que la mécanique des médias est surannée, avec le passage au digital.
Qui disait que «Google a enterré Gutenberg» ? C’est bien de cela qu’il s’agit.
Les pleurnicheries annuelles sur l’aide à la presse, les larmoiements quinquennaux pour les amnisties fiscales, les suppliques semestrielles pour être reçus au Palais, les ententes cordiales avec les sociétés publiques, ça dure depuis plus de quarante ans et ne donne rien.
Et ça nous affuble, tout ce temps, nous autres de la presse, des haillons du pauvre qui vit du «charity business» des hommes de pouvoir, avec des grelots démocratiques autour du cou pour résonner en cas de tribulations électorales, et le certificat de bonne vie et mœurs selon que votre titraille du jour convient à votre bailleur de fonds.
Depuis, ça vit de la pitié que ça inspire à des gens qui regardent la populace des médias de haut. Or, le journalisme est tout sauf cela : sa déontologie tend en entier vers le respect dû à celui qui exerce ce métier, sans doute le plus beau du monde…
Revenons à la vraie vie, où un nouveau pouvoir, pour aider ses ouailles à patienter, repeint le tableau de la République aux couleurs de la catastrophe.
Et puisque les déclarations vont crescendo, du simple Dg au Premier ministre, il ne reste plus qu’au président de la République soi-même d’annoncer solennellement la banqueroute nationale…
Pour l’heure, ça se contentera de la déclaration du Premier ministre sur les décombres fumants que sont les ruines de la République.
Et sur ces paroles pleines de sagesse qui nous font redouter le pire dans les semaines qui viennent, Monsieur le Premier ministre embarque dans l’avion présidentiel à destination de Kigali, où le champion toutes catégories de la mise au pas d’un pays aux penchants sanguinaires s’apprête à entamer un quatrième mandat sans qu’un seul toussotement ne vienne semer le doute sur sa légitimité. Respect.
On s’imagine bien que pour honorer ce rendez-vous continental, la République doit casser la dernière des tirelires, celle retrouvée sous un tas repoussant de débris et que Macky Sall, dans son départ précipité, ne pense pas à emporter.
Et donc, le Premier ministre prend les airs. Sur la photo de la tribune d’honneur, il n’est certes pas aux premiers rangs, mais l’essentiel, puisque nous sommes en période olympique, n’est-il pas de participer ? Et puis, qui nous dit que pour le dixième mandat de Paul Kagame, Ousmane Sonko ne sera pas là, cette fois avec le rang de chef d’Etat, audevant de la scène ?
Calmez-vous, je blague !
Après le saut de puce de Kigali, escale à Bamako, pour une séance de travail avec l’homologue malien, qui se fend d’un discours pour saluer la fraternité sénégalo-malienne, en évoquant «les chantiers obliques» qu’on risquerait d’emprunter si ça ne tient qu’aux nouveaux colons.
Y’a du boulot à Bamako…
Comme il faut s’y attendre, il n’échappe pas à la question du panafricanisme exacerbé de Pastef avant le 24 mars 2024, qui a tendance à ramollir. Non, il reste le même, dit-il, en conseillant à ses frères de ne pas céder aux émotions fortes. Il sait sans doute de quoi il parle, ayant eu à souhaiter déloger Macky Sall du Palais et lui faire connaître le sort de Samuel Doe.
Résultat, c’est Diomaye, le président.
Par Moussa KAMARA
ISRAËL
Je me réveille tous matins du monde avec consternation en sachant que l’impérialisme a encore de beaux jours devant lui. La preuve par Israël qui s’adonne méthodiquement à massacrer des vies et des villes.
Je me réveille tous matins du monde avec consternation en sachant que l’impérialisme a encore de beaux jours devant lui. La preuve par Israël qui s’adonne méthodiquement à massacrer des vies et des villes.
Pour laver l’affront ou l’humiliation perpétrée par le Hamas au sein de son territoire, le Premier ministre Netanyahou et son gouvernement ont entrepris de restaurer leur crédibilité lourdement entamée et entachée par les Palestiniens. Depuis des mois maintenant, sous le prétexte fallacieux de détruire le Hamas, un génocide qui ne dit pas son nom se perpètre dans la bande de Gaza.
Pour mille morts Israéliens, quarante mille Palestiniens ont péri sous les bombes de Tsahal. Avec l’aval de l’Occident. Qui pouponne et chouchoute Israël. Avec un seul bémol, lors de la mort d’humanitaires blancs à Gaza. Nous avons pu voir les étudiants américains et européens manifester bruyamment leur soutien aux Palestiniens. Des manifestations qui ont laissé de marbre le gouvernement israélien tout comme le rapport onusien que l’ambassadeur juif a déchiré sous les yeux du monde entier au siège de l’ONU à New York. Israël attaque et tue où bon lui semble, du Palestinien. Ceux que ça devrait heurter les premiers, les Arabes, tissent et développent de plus belle leurs relations avec l’Etat juif.
C’est à croire que les Palestiniens sont damnés ! Car voilà des gens indésirables même chez eux. L’objectif premier est l’éradication du Hamas. Une mission quasiment impossible même au prix d’un génocide. Qu’est-ce qui peut expliquer cette arrogance juive ?
Cet Etat, couvé par l’Occident, ne compte pas seulement sur l’Amérique et l’Europe, dans ce dernier continent les Juifs ont vécu et survécu à l’Holocauste, mais aussi sur sa puissance nucléaire. Parce qu’un Etat aussi peu peuplé, très exigu, très arrogant, indifférent aux injonctions de l’ONU et d’autres, entouré de potentiels ennemis, même si…, pouvant tuer ses ennemis où ils puissent se trouver, ne craignant aucun tribunal au monde, ne respectant pas la vie humaine autre que celle des Juifs, garde simplement un secret de Polichinelle.
D’autres Etats font moins et se trouvent bombardés de reproches et de condamnations sévères. L’Etat juif n’en a cure ! Ceux qu’on a l’habitude d’entendre condamner les atteintes aux droits de l’homme à travers le vaste monde, ferment pudiquement les yeux et la bouche sur les atteintes perpétrées par Israël !
On a même vu les membres du Congrès américain réserver une standing ovation au boucher Benyamin Netanyahou. Une manière de l’encourager dans son génocide des Palestiniens. Et l’on viendra après cela nous parler des valeurs morales de l’Occident…
Par Ibrahima BAKHOUM
LETTRE A MA FAMILLE
Le journaliste n’est ni publicitaire, ni un agent de propagande pour des causes politiques. La non-observance de ces règles expose ses auteurs et fragilise la corporation. Le pire serait de ne pas tenir compte de la nouvelle donne portée par le numérique
Un à un, les titres tombent. Dans la grisaille de contrats présumés abusivement rompus et de moyens de subsistance suspendus pour journalistes, mais pas que. Le premier semestre 2024 a été chaud et manqué de lumière pour les médias et leurs techniciens. A la même période l’année prochaine, le leader pastéfien aura bouclé quelque 360 jours à la tête du pays, après un 24 mars qui aura beaucoup fait rêver, beaucoup fait espérer, mais également rendu dubitatifs, beaucoup d’autres dans les rangs des abonnés à la case « observation ». L’entame de mandat a beaucoup inquiété certains, en étonné d’autres dans le monde de la presse, suivant le rapport de chacun au Projet vendu comme axe de communication politique.
L’alerte par « Journée sans Presse » aura suffi à faire inscrire les problèmes du secteur, dans la communication du président de la République, en Conseil des ministres, dès le 14 mars, au lendemain de la journée de diète informative. C’était pour appeler, selon le communiqué, que la situation générale (de cette presse) « mérite une attention particulière du Gouvernement » et des mesures de redressement appropriées. En effet, poursuit le chef de l’Etat, « une presse professionnelle, responsable et respectueuse de l’Etat de droit, demeure un pilier majeur de la démocratie ». Cela compris, quelle occasion manquée de faire l’économie d’une crise dont les conséquences sur l’image de notre pays ne sont pas encore exhaustivement évaluées !
Ce ne sera pas faute de la part des entreprises concernées, d’avoir cherché à faire avec les pouvoirs publics, ce que le communiqué semble impliquer. Le patronat de presse, loin d’être irréprochable avait quand même pris l’initiative, en demandant à rencontrer le président de la République. Les éditeurs payaient-ils, payent-ils encore pour ce qui aurait courroucé le Premier ministre Ousmane Sonko pour ce que ce dernier déclarât publiquement n’avoir « pas d’explication à donner à des journalistes » ? Encore que le discours ne dit pas clairement ce que pointait le chef du gouvernement. C’était une première salve. La deuxième détonation est encore plus étonnante, portant menace contre ceux qui mettent des contenus inappropriés. Cassons ce miroir dont le reflet était considéré selon une croyance remontant à l’Antiquité, comme « le reflet de notre propre âme ». Autant dire qu’en public comme en notre âme et conscience, nous restons ce que nous sommes.
Des journalistes libres, indépendants et respectueux de la République peuvent constituer une race d’indésirables. Surtout quand ils savent et se comportent selon les règles de déontologie qui encadrent l’exercice de leur profession : « ne recevoir de consigne (rédactionnelle) d’aucun annonceur », fût-il personnalité politique ou économique, au pouvoir comme loin du pouvoir voire clairement opposante. C’est politiquement tentant de chercher à brûler les outils amovibles qui ont permis son propre envol, pour en empêcher le recyclable au profit de prétendants aux honneurs, notamment ceux récemment envoyés au tapis.
Le ton et le contenu d’un certain discours primatorial laisse cette impression qu’on chercherait à faire taire ceux qui ne seraient pas du « Projet ». Le cas échéant, on serait fondé à demander comment des journalistes en sont arrivés à accepter cet étiquetage tout en restant dans les rédactions. Tomber dans ce piège participerait d’une certaine amnésie. Sauf à décider d’habiller sa carrière avec des couleurs dont l’expérience des alternances a montré qu’elles perdent vite de leur éclat au rythme des saisons, dans l’agenda républicain.
Du patronat, parlons. Le Conseil des diffuseurs et éditeurs de presse du Sénégal (CDEPS) a demandé à rencontrer la plus haute autorité. Le président de Bassirou Diomaye Diakhar Faye semble être dans les dispositions, désormais. Même si son agenda peu l’amener à indiquer une autre direction.
Qu’est-ce que le CDEPS face au président, aurait-il avoué ou demandé à l’autorité ? Qu’il n’est pas à jour de ses obligations fiscales ? Que Télédiffusion du Sénégal (TDS) menace de couper des signaux de télévision pour redevances non payées ? Le chef de l’Etat serait assurément interpelé sur les ruptures sans sommation (au moins) de contrats passés avec des démembrements depuis récemment éloignés des ors du pouvoir.
Ce qui ne va pas dans l’entreprise de presse
De son côté, le chef de l’Etat pourrait bien s’intéresser aux raisons de tous ces manquements dans le management des entreprises de presse ainsi que, peut-être, exposés durant l’audience accordée à la Convention des Jeunes Reporters, le 5 juillet dernier. Les hôtes du premier des Sénégalais au sens de la République, ont-ils évoqué, au cas par cas, le respect ou non des dispositions de la Convention collective, qui définit les conditions sociales de travail ?
Les deux parties se sont-elles expliquées sur les manipulations politiciennes et les menaces contre ceux qui restent attachés à la liberté de la presse aussi bien par la protection du pluralisme, que l’honnêteté dans l’accomplissement de leur mission au regard du droit du public à l’Information. Celle que lui doivent des médias dont directement ou indirectement il contribue au financement.
Des acteurs aussi puissants, capables d’influence comme de nuisance en sont à payer pour le modèle économique adopté par la quasi-totalité des titres. Ils jouent leur survie à un moment où la démocratie a le plus besoin de les voir plus forts, avec des contenus respectueux de la déontologie, parce que diversifiés et impartiaux, après avoir été collectés sans chantage ni pression indue sur les sources ou venant de celles-ci.
Les inspecteurs des impôts au pouvoir tiennent une voie légale de casser des voix pas éligibles au banquet des nouveaux promus. L’Eternel tout Miséricordieux reconnait les siens. Au très temporel terrestre, il a délégué des moyens d’agir, de punir ou de récompenser des semblables. Les élus ne se privent pas. Ils savent jouer en eau trouble, ce dont le patronat vient de faire l’amer constat. Il a été mis à mal avec l’opinion publique les contempteurs des médias les accusant de jouer à se mettre au-dessus de la loi.
Les moyens d’aider la presse viennent en partie de ce que celle-ci collecte ailleurs, dans le cadre de ses activités, par exemple sous la forme de taxe sur la valeur ajoutée (tva). Ne quand même pas perdre de vue que, le média ne met pas sur le marché, le même type de produit que celui qui sort de la fabrique de chaussures ou de peinture, de plomberie ou de fonderie, de la Restauration ou de la Confection. La Presse ne fait pas de bénéfices. Sur papier, elle cherche acheteur dans un contexte mondial où l’Internet a changé les habitudes de lecture. La télévision diffuse gratuitement dans tous les salons, sans que l’on sache qui regarde vraiment. Demander à un annonceur non institutionnel de confier son message à des supports dont le taux de pénétration reste à déterminer, voilà qui ne peut que déboucher sur le dumping auquel se livrent certains. La bataille des offres pousse à appliquer des prix ridicules.
Chacune des spécialités de cette liste de producteurs (loin d’être exhaustive), peut manquer à un pays, que d’autres s’empresseraient de venir combler le vide. Mais le pays qui prendrait le risque d’affaiblir la presse indépendante et éloignée des coteries se priverait des raisons qu’auraient d’autres de le respecter. Ce serait le cas, si les impossible pour quiconque, de savoir par des voix libres et indépendantes, ce qui s’y passe, comment ce pays est gouverné, quel espoir d’y voir respectés ses droits d’investisseurs étrangers. Le chien qui aboie, ne mord pas. La maxime est bien connue. Le peuple qui ne peut exprimer ses peines, attentes et espoir est un peuple de frustrations refoulées. L’explosion de celles-ci peut tout remettre en question.
Payer les impôts est un devoir ; éviter de tuer la presse de son pays participe à valoriser un pouvoir politique. C’est le lieu de faire une comparaison avec la formule du président Abraham Lincoln (1809-1869), ancien président des Etats-Unis: « si vous trouvez que l’éducation coûte trop cher, essayez l’ignorance ». Les médias participent à l’éducation et à la formation des citoyens, est-il nécessaire de rappeler.
Le 13 août 2024, la presse avait promis une journée entière sans elle. La suite est connue. Elle a été d’effets variables, mais ses initiateurs en sont satisfaits. Le bilan se fera par les premiers concernés, en l’occurrence les journalistes, les employeurs, et les pouvoirs publics. Les premiers peuvent se satisfaire d’avoir lancé une première alerte aux autorités. Le président de la République et son premier ministre ont, peut-être déjà reçu des demandes de clarification de partenaires du Sénégal ayant besoin d’être rassurés. La confiance de ces derniers se nourrit de l’assurance, que le la liberté de la Presse est toujours respectée dans ce pays.
Une journée symbolique ; c’est acté. A ce stade des prévision pourtant, les indicateurs ne vont pas à une météo rassurante dans l’univers des médias, en partie, victimes d’une gouvernance qui se cherche. Mais que n’ont-ils eux-mêmes donné à leurs bourreaux, les armes pour engager ce que des acteurs du secteur suspectent d’être dans l’agenda des tombeurs du Système, tel que personnifié par le camp défait, il y a six mois ?
Beaucoup de médias, voire des journalistes de manière isolée, ont joué sur le registre du vedettariat (pour dire le moins), s’éloignant du principe élémentaire de la profession qui consiste à observer une distance critique avec les acteurs, dans le traitement des faits. On a toujours clamé que les médias responsables ne devraient se trouver, ni des amis à couvrir, ni des ennemis à détruire, aussi longtemps qu’il s’agira de travailler à la préservation et au renforcement de la démocratie.
Droit inaliénable du public à l’information
A cette fin, il leur est reconnu le droit d’accéder aux sources. Nuance, les journalistes attendent toujours la loi sur l’accès à l’information, entre autres mesures encore dans les tiroirs, après qu’elles ont fait l’objet de discussions finalisées avec l’Etat avant 2024.
Le journaliste a la latitude de choisir son angle de traitement. En tous les cas, le factuel doit passer avant. Le professionnel peut ensuite, à sa guise, commenter et/ou critiquer ce qui, le cas échéant, relèverait de l’opinion présumée enrichissante ; même pour quelqu’un qui serait d’avis contraire. Le tout dans le seul but de permettre au citoyen, d’une part, de comprendre la société, les mécanismes de socialisation qui y ont cours, les outils de la gouvernance démocratique et d’autre part, en conséquence de ce qui précède, de savoir faire des choix éclairés au moment de décider de qui, parmi les femmes et hommes qui y prétendent, est (ou sont) le-s plus à même de présider aux destinées du pays, pour le bien-être des populations. Ainsi se décline le Droit du public à une Information impartiale, diversifiée, exacte et utile.
Ce tableau des principes est hélas trop beau, rapporté à la réalité observable ; au fil des mandats présidentiels notamment. En cause, l’incursion dans le champ de la communication publique de deux types de profils, côté investisseurs et côté apporteurs de contenus. C’est dans le premier groupe que se trouvent ceux parmi lesquels le président Mamadou Ibra Kane du CDEPS voit des lobbies. Ce sont ceux qui mettent de l’argent dans la presse comme ils ont le droit de le faire dans n’importe quel autre secteur, au regard de la Liberté d’entreprendre garantie à tous, dans ce pays.
Outre l’Etat, ces investisseurs sont de ceux qui donnent du travail, notamment à une jeunesse qui en a besoin. Leurs objectifs premiers et finaux ne s’avouent pas toujours. Ils sont peu soucieux de Liberté de la Presse, au service du pluralisme démocratique. Ces acteurs économiques ont les moyens de leurs ambitions. Peu importe qu’ils les tiennent de leur proximité avec le pouvoir politique ou de ce qu’ils gagnent ailleurs, parfois très honnêtement, s’il en est. Mais ils ont besoin de participer, d’être vus et entendus par celui qui peut les promouvoir ou renforcer leurs avantages économiques. Le principal pourvoyeur de marchés est toujours sensible et reconnaissant aux gestes qui lui permettent de consolider des bases politiques et sociales de son pouvoir. Echanges de bons procédés, par presse interposée ! Au détriment de la liberté pour des journalistes peu préparés professionnellement, à informer juste, à informer vrai, de façon équilibrée dans le rendu de ce qui a été collecté.
De l’autre côté, se trouve la nouvelle race d’acteurs qui pullulent dans les réseaux sociaux certains ayant même fait le pas décisif vers les studios de radio et plateaux de télévision plutôt intéressées par les avis d’internautes consommateurs de futilités. La chronique y vit ses heures les plus sombres, si on l’apprécie sous l’angle de genre journalistique faisant appel à des connaissances académiques spécialisées ou à une longue expérience de traitement sur le terrain, de sujets à expliquer et commenter, après le factuel. La presse écrite est encore à l’abri de cet envahissement, car techniquement plus difficile d’accès. Elle souffre toutefois du monnayage de contenus, certaines dangereuses fréquentations exposant à la corruption, des jeunes insuffisamment traités au titre de leurs salaires.
Les nouvelles autorités nous ont promis de porter au front, des lanceurs d’alerte. Les journalistes ne le feraient pas assez. De plus en plus, il est vrai, des médias perdent le sens de leurs missions, voire de leur raison d’exister, celle-ci étant adossée à la construction et à l’accompagnement de la citoyenneté par (répétons-le) de l’Information exacte, pluraliste, diversifiée, utile et surtout impartiale. Bien avant le 24 mars dernier, échéance marquante de la respiration démocratique, le traitement équilibré de l’information avait pris des rides.
Un corps atteint avec ses propres armes
D’une victoire d’étape à une autre, le public du Sénégal toujours debout a applaudi un camp majoritaire parmi les prétendants à la plus haute marche. Ce dernier camp sorti vainqueur avait été adoubé avant élection, parfois parce que le capitaine-candidat avait le profil de l’emploi, d’autres fois parce qu’il avait le potentiel pour faire partir celui inscrit au tableau du prochain dégagement. Et la presse est toujours là, mais perdant progressivement de sa superbe, mais reste à pouvoir jouer une rôle d’amortisseur, quand les périls montent. .
Le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye et toute son équipe feraient bien, dès lors, de relire la récente histoire des élections au Sénégal. Ils verront qu’il n’a pas encore existé sous le ciel sénégalais, un état de grâce adossée à une popularité qui défie les mi-mandats, en particulier dans un pays à gérer avec tout ce que cela comporte d’attentes et d’exigences citoyennes et sociales. Quand on arrive au pouvoir dans une compétition comme celle de mars 2024 et sortir au premier tour comme opposant (chapeau !) on ne doit perdre de vue cette autre réalité, qu’il n’y avait presque personne en face.
Aux patrons de presse de charger le style de management qui a eu cours jusqu’ici, et de votre fait. C’est le lieu de moins élever la voix, après le coup de lundi 12 juillet 2024. Quand le laxisme d’Etat laisse faire pendant des décennies, tout le monde doit accepter qu’il y a une fin à tout. Alors négociez des moratoires et des assouplissements, mais mettez-vous en règle et avec les Institutions et avec les personnels dans vos entreprises.
L’Etat a la responsabilité d’accompagner ceux qui se battent nuit et jour, au service de la démocratie, par l’éducation et l’information des citoyens. Dans chaque camp se trouve des femmes et des hommes suffisamment outillés pour proposer des moyens de sortir de la crise pour préserver la crédibilité des institutions et la bonne image de notre pays. Les points que nous perdons dans les classements relatifs à la Liberté de la Presse ne sont pas irréversibles.
Des médias et ceux qui financent ouvertement ou interviennent sous le manteau, continuent d’y aller selon la commande. Des acteurs de divers intérêts et agendas habillés en médias excitent des aboyeurs avant de lâcher la meute. Ainsi, la presse a jusqu’ici contribué à faire vider les gradins de partisans contraints de ranger leur tambour. Le vuvuzéla des nouveaux prétendants s’est fait trop fort, entendu jusque très loin du stade Sénégal. Pour la dernière compétition en date, des Titres de la Presse se sont chargés d’amplifier presqu’exclusivement, toutes les sonorités de l’anti système proclamé.
Les journalistes peuvent se prévaloir de leur droit de commenter et de critiquer des faits qui se passent dans l’espace public. Ils n’ont pas boudé leur plaisir d’être adoubés outre mesure, l’essentiel étant de se mettre rieurs et applaudisseurs de côté. Et selon le camp, l’esprit critique laisse place à la critique partisane. On n’informe plus. L’irrévérence en bandoulière, on participe à démolir. Ainsi le voudraient des habitants des réseaux sociaux qui se sont autorisés le droit usurpé de segmenter les médias et leurs animateurs, en « vrais » journalistes et médias « corrompue ».
A cette faune dont d’indécrottables hurluberlus, il suffit d’opposer l’attitude de celui qui a des missions journalistique au service de l’intérêt général. Le fait est sacré, et son traitement ne doit pas être contingenté, ni par des intérêts particuliers du journaliste ni par ceux de groupe avec lequel ce même journaliste aurait des convergences d’intérêts spécifiques. Les dispositions de la Charte des journalistes du Sénégal sont claires à cet égard.
1. Considérer que le droit du public a une information juste et équilibrée prime sur toute autre considération.
2. Respecter la vérité sans tenir compte d’aucune considération personnelle
Eviter les situations de conflits d’intérêts ou d’apparence de conflits d’intérêts, en se mettant ou en semblant se mettre, avec ou sans avantages personnels, au service d’intérêts particuliers.
Le journaliste n’est ni publicitaire, ni un agent de propagande pour des causes politiques. La non-observance de ces règles expose ses auteurs et fragilise la corporation. Le pire serait toutefois de ne pas tenir compte de la nouvelle donne portée par le numérique. Bientôt produire du contenu relèverait, non plus d’une bonne capacité rédactionnelle. Le siècle dernier est déjà trop loin et les natifs de l’actuel s’accommodent difficilement de vieilleries technologiques remontant à une décennie. Notre jeune Président en a couvert quatre. .
par Oumou Wane
JOJ 2026 : LES GARDIENS DU TEMPLE OLYMPIQUE
Pour accueillir dignement les athlètes et spectateurs du monde entier, il faut mettre les bouchées doubles. Les infrastructures sportives doivent être à la hauteur, les hôtels prêts à recevoir, et la sécurité assurée. Le compte à rebours est lancé
‘’Monsieur le président Thomas Bach, chers membres de la grande famille de l’olympisme, Ainsi c’est à Paris, ville lumière, Et c’est à l’occasion de Jeux étincelants, que le monde regarde avec envie qu’il m’est donné de recevoir, de la Commission exécutive du CIO, la prestigieuse distinction de l’Ordre Olympique en argent. Au-delà de la signification personnelle qu’elle a pour moi, et de l’émotion qu’elle suscite en moi, Je vois, dans cette distinction et dans l’heureuse conjonction de symboles qui l’accompagnent, un appel à célébrer la puissance du sport, et son pouvoir d’unir, d’inspirer et de transformer le monde. J’y vois l’affirmation triomphale de la primauté de l’esprit humain, de son génie, de son énergie régénératrice, de son extraordinaire résilience, qui consolent de tous les avatars, autorisent tous les espoirs. J’y vois, par-dessus tout, une aspiration universelle à la Paix et à l’Amitié.’’ Mamadou Diagna Ndiaye.
Comme il l’a si bien exprimé, l’infatigable patron du CNOSS, Comité National Olympique et Sportif Sénégalais, ce samedi 10 août : "Le sport choisit d’opposer la volonté assumée de faire humanité ensemble, dans l’expression plurielle de nos singularités et la dissonance harmonieuse du dialogue des cultures, crédo olympique par excellence." Cette perspective résonne particulièrement alors que le Sénégal se prépare à accueillir le monde, en mettant en avant ses valeurs de tolérance et d'ouverture.
Le président de la République, Monsieur Bassirou Diomaye Diakhar Faye, lors de son discours du 25 juillet à Paris, avait déjà sonné la mobilisation. En avant toute !
En 2026, le Sénégal s'apprête à faire vibrer la planète en accueillant les Jeux Olympiques de la Jeunesse (JOJ), un événement qui transcende le sport pour célébrer la jeunesse, la fraternité et l'engagement citoyen. Inspiré par le succès des Jeux Olympiques de Paris 2024, le Sénégal entend créer une édition inédite, où l'originalité africaine s'allie aux meilleures pratiques internationales. C'est une occasion unique pour le pays de se hisser sur la scène mondiale, avec un sourire aussi large que la baie de Dakar et une détermination à toute épreuve.
Paris 2024 a brillamment réussi son pari. Malgré le scepticisme ambiant, les râleurs professionnels et les punaises de lit qui avaient envahi les gros titres, la Ville Lumière a montré au monde entier ce que la France savait encore faire : un grand spectacle. Les Français se sont retrouvés presque candides, la fierté nationale au rendez-vous. Les Jeux ont été un coup de pouce salvateur pour un tourisme malmené, et ils en parlent encore avec des étoiles dans les yeux. Alors, pourquoi le Sénégal ne pourrait-il pas, lui aussi, réaliser cet exploit ?
Le Sénégal n'est pas la France, et c'est tant mieux ! Ici, l'hospitalité est une seconde nature, et le partage une valeur sacrée. Le pays de la Téranga, notre hospitalité légendaire, compte bien faire des JOJ 2026 un événement à son image : chaleureux, accueillant, et tourné vers l'avenir. Mais l'ambition ne suffit pas. Pour accueillir dignement les athlètes et spectateurs du monde entier, il faut mettre les bouchées doubles. Les infrastructures sportives doivent être à la hauteur, les hôtels prêts à recevoir, et la sécurité assurée. Un défi de taille, mais le Sénégal a plus d'un tour dans son sac, et le CIO, qui a effectué plus de quatorze visites au Sénégal, veille au grain. Son président, Monsieur Thomas Bach, tient à ce que ces premiers Jeux Olympiques en Afrique soient un succès.
Pour que ces Jeux soient un succès, le Sénégal doit investir dans des infrastructures de qualité. Les stades, les routes, les hôtels : tout doit être au top. Cela passe par des partenariats solides avec le secteur privé, qui ne demande qu'à soutenir un événement d'une telle envergure. Les entreprises locales et internationales seront des alliées précieuses pour financer et organiser les JOJ, tout en créant des emplois et en dynamisant l'économie locale. Un win-win, comme dit le Directeur du Comité d’Organisation, Monsieur Ibrahima Wade, qui nous assure que Dakar a mis le Turbo sur les JOJ 2026.
Pour ceux qui s'inquiètent des coûts que pourrait engendrer un tel événement, rassurez-vous. L'argent investi pour ces Jeux n'est pas une dépense à fonds perdus, et ce n'est certainement pas celui des Sénégalais qui sera dilapidé. Au contraire, il s'agit d'une formidable opportunité de développement économique pour le pays. Grâce à des partenariats public-privé bien ficelés, le financement sera soutenu par des investisseurs internationaux et des sponsors, garantissant que l'économie locale en sortira renforcée. Il ne s'agit pas de reproduire les erreurs de Rio, mais de saisir cette chance unique pour propulser le Sénégal vers de nouveaux horizons.
"Je vois, dans cette distinction et dans l’heureuse conjonction de symboles qui l’accompagnent, un appel à célébrer la puissance du sport, et son pouvoir d’unir, d’inspirer et de transformer le monde."
Guidés par cette vision de Monsieur Ndiaye, nous ferons des Jeux Olympiques de la Jeunesse un tremplin vers un avenir où le sport occupe une place centrale dans la construction d'une société plus juste et pacifique. Ces mots sont une flamme qui doit éclairer notre chemin vers les JOJ. En insufflant cette flamme dans le cœur de chaque jeune participant, nous ferons de ces Jeux un moment inoubliable, où le sport se révélera être un puissant vecteur de changement positif.
Le compte à rebours est lancé. Le Sénégal a deux ans pour se préparer, deux ans pour montrer au monde qu'il est prêt à relever le défi. Les JOJ 2026 ne seront pas qu'une simple compétition sportive, mais un véritable catalyseur de changement social, une vitrine pour le pays, et un tremplin pour la jeunesse. Alors, prêts à briller sous les projecteurs du monde entier ? Oui ! Le Sénégal n'attend que ça ! Rendez-vous en 2026 pour un spectacle qui promet d'être formidable, si l’on s’en donne les moyens. Voici les enjeux de l’heure et la Presse devrait s’intéresser plus à ça que de se divertir dans des débats futiles et abscons !
Oumou Wane est présidente de Citizen Media Group/A7.
par Ousseynou Nar Gueye
HEY PRÉSIDENT DIOMAYE, C'EST L'ÉCONOMIE
Les agents économiques et le patronat sont inquiets, au Sénégal. Au nom, supposément, de la "préférence nationale", ne créons pas des milliardaires locaux par simple "génération spontanée", ne reposant aucunement sur leurs performances entrepreneuriales
Tous mes contacts le savent et les autres peuvent le vérifier : dans mes réseaux sociaux et interviews et débats audiovisuels, j'ai appelé à voter Diomaye publiquement plusieurs jours avant l'élection présidentielle.
Touefois, fort de l'adage qui veut que "qui aime bien, châtie bien", je critiquerai président Diomaye et le Premier ministre Sonko. Surtout le Premier ministre, qui a ouvert plusieurs fronts d'hostilité avec de larges pans de l'opinion nationale.
Je ne crois aucunement aux messies en politique : la République, c'est nous tous. Et je resterai au Sénégal à le dire, tant que je pourrai.
Pour ma part, je suis un universaliste de gauche. Et aucunement un "panafricaniste de gauche".
Ce qui fait vivre un pays, c'est l'économie et son socle naturel, que sont les TPE, PME et grandes entreprises, dont il faut sanctuariser les mécanismes vertueux de fonctionnement.
Les agents économiques et le patronat sont inquiets, au Sénégal. Les investisseurs étrangers hésitent à finaliser leur implantation au Sénégal.
Création de nouveaux impôts et taxes, et augmentation des recettes fiscales de l'État ? Oui. Mais, il faut le faire en élargissant l'assiette fiscale, pour y inclure tous ceux qui ne payent pas d'impôts (y compris des milliardaires du secteur informel et de – grands - bailleurs immobiliers), et non pas en pressurrisant fiscalement, comme des citrons, toujours les mêmes assujettis que sont les salariés du secteur formel et les mêmes 700 entreprises formelles de ce pays qui réalisent 80% du PIB.
12.000 autres entités économiques réalisent les 20% de la richesse nationale. Donc, sur plus de 450.000 entités économiques dans ce pays, nous n'en avons que 12.700 qui sont formelles.
Le défi pour le régime Diomaye-Sonko est donc, d'abord, de "faire sortir du bois" tous ces acteurs informels millionnaires ou milliardaires, ou en tout cas le maximum d'entre eux, par des politiques d'incitation liés à des stratégies coercitives aussi, bien sûr.
Personne ne sort de l'informel avec l'ambition de payer plus d'impôts, mais plutôt pour obtenir plus de clients, gagner plus d'argent, bénéficier de financement de la part des acteurs bancaires et pour renforcer les fonctions essentielles de sa TPE-PME.
Votre régime, président Diomaye, a abandonné le funeste projet de baisser par oukases les loyers des bailleurs, sur des habitations qui sont leur propriété privée : c'est fort bien ainsi, car la seule soupape qui peut modérer à la baisse les loyers, en particulier à Dakar, c'est la construction de large parcs de HLM, détenus par l'État et par les collectivités territoriales ; HLM qui seraient louées, comme son nom l'indique (habitations à LOYER modéré) et non pas vendues, au risque de renouveler le même cauchemar pour les locataires dakarois tous les 10 ans.
En ce qui concerne la baisse des denrées, pour ne prendre que l'exemple de la miche de pain, plutôt que la diminution "cosmétique" de 15 francs CFA, pour un produit qui coûte donc la même chose pour tout le monde (pauvres, riches, gens de moyenne condition), ce qui est injuste : la bonne solution serait de fournir des filets sociaux financiers à ceux qui y sont éligibles ou des carnets d'alimentation, subventions aux familles modestes donc, pour leur permettre d'acheter le pain et les autres denrées à des prix ajustés pour eux.
Enfin, dans la proclamation de la mise en œuvre du "contenu local" dans les nouvelles filières pétrole et gaz, il faut inclure en premier maillon des chaînes de valeur, les multinationales installées au Sénégal, qui ont le know-how et la capacité de mobilisation de ressources financières pour préfinancer leurs opérations, et qui pourront faire progressivement un transfert de technologies aux PME -TPE à capital "sénégalais", qui pour l'instant doivent être et ne peuvent être que les sous-traitants des premiers.
Au nom, supposément, de la "préférence nationale" (expression de triste mémoire, dans les pays avancés), ne créons pas des milliardaires locaux (nationaux donc) par simple "génération spontanée", ne reposant aucunement sur leurs performances entrepreneuriales.
Ousseynou Nar Gueye est fondateur du site d'info Tract.sn, éditorialiste et communicant.
par Makhtar Diouf
ÔTEZ CE VOILE QUE JE NE SAURAIS VOIR
EXCLUSIF SENEPLUS - Chaque entité sociale ne voulait s’en remettre qu’à son ‘’règlement intérieur’’, que deviendrait cette unité nationale ancrée dans nos us et coutumes, entérinée par toutes nos Constitutions ?
En évoquant l'interdiction du voile des élèves musulmanes dans les écoles catholiques, le Premier ministre Sonko n'a pas créé un problème. Il a posé un problème. Encore qu'il aurait dû le faire sur un ton plus serein.
Ce n'est pas parce qu'on refuse de poser un problème que le problème ne continuera pas à se poser s’il n’est pas résolu. Ce problème du voile à l'école est en veille depuis près d'une quinzaine d'années dans le pays, au point de devenir lancinant, jalonné par des dates significatives sur lesquelles il est opportun de revenir.
Une pratique française et une loi française
Le 18 septembre 1989, dans un collège de la petite ville de Creil au Nord de Paris, trois élèves musulmanes portant le voile sont interdites d'entrée, puis expulsées définitivement. C’est une première.
Le 15 mars 2004, l’Assemblée nationale française vote une loi interdisant en France le port du voile dans les écoles publiques (les écoles privées ne sont pas concernées).
Une loi profondément islamophobe, qui ne peut pas étonner d’un pays qui dans l’histoire s’est d'abord distingué par les croisades entreprises du 11ème au 13ème siècle pour anéantir l’Islam.
L’interdiction dit s’appliquer au port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics. Les signes visés sont les plus ostensibles : le ‘’voile islamique’’, la kippa des garçons juifs, les grandes croix de certains chrétiens. Mais sont tolérés les signes discrets comme les petits bijoux (les petites croix chrétiennes portées comme pendentifs).
En fait, la mesure ne vise que l’habillement des filles musulmanes. Les juifs continuent à porter leur kippa et les chrétiens leurs petites croix comme pendentifs.
C’est ainsi que des adolescentes de 15 à 17 ans sont refusées d’entrée dans leurs écoles pour avoir porté une tenue « non conforme ». Le Collectif contre l’Islamophobie en France a recensé 130 cas d’exclusion de collégiennes ou lycéennes en raison de leur tenue vestimentaire en 2014. Dans la fonction publique française, le port du voile n’est pas permis.
La France est le seul pays d’Europe et même d’Occident où le port du voile fait l’objet de fixation. C’est le pays où le qualificatif ‘’islamique’’ est adjoint au voile, pour parler de ‘’voile islamique’’ alors que dans les pays de langue anglaise, on dit simplement head scarf (foulard de tête).
Mais cette loi rencontre de la résistance dans le pays. Elle a introduit des divisions même au sein du mouvement féministe français. Certaines féministes continuent à considérer le voile comme un symbole d’oppression, mais d’autres féministes la combattent vigoureusement. C’est le cas de Christine Delphy, figure de proue du féminisme en France, qui estime qu’aucun argument rationnel n’a été avancé pour interdire le port du voile à l’école : Une loi qui est inique, raciste, et s’inscrit dans un aveuglement collectif. Un groupe de féministes françaises ‘’Les Blédardes’’ a aussi combattu cette loi. Et ce ne sont pas les arguments qui manquent. Comment peut-on dans les écoles accepter des jeunes filles qui portent des tenues dénudant le nombril, et refuser d’autres jeunes filles qui se couvrent la tête ?
Lorsque le projet de loi d’interdiction du voile est soumis à l’Assemblée nationale française, les 14 députés du Parti communiste qui votent contre ne sont sûrement pas animés par le souci de défendre l'Islam. Ils voient simplement dans cette loi une atteinte aux droits humains.
Le 12 mars 2012, des enseignants français signent l'Appel Nous demandons l'abrogation de la loi dite ''sur le voile à l'école''.
Le Français Julien Suaudeau, écrivain enseignant aux Etats-Unis condamne ces mesures d’interdiction dans un article de presse intitulé ‘’La France contre le reste du monde’’ (7 septembre 2016) pour parler de « délire », « d’hystérie collective », « d’obsessions et névroses identitaires ».
Le sport aussi s’est invité dans le problème du voile. Actuellement, toutes les fédérations internationales de disciplines sportives (athlétisme, basketball, football, judo…) ont homologué le port du voile pour les athlètes musulmanes lors des compétitions. La seule réticence vient encore des fédérations françaises. En 2018, la firme américaine d’équipements sportifs ‘’Nike’’, en collaboration avec deux athlètes musulmanes, met au point son hijab sportif, le Nike Pro Hijab, une tenue bien adaptée, qui permet de pratiquer son sport favori tout en respectant sa religion.
Devant le succès de l’opération, en février 2019, l’équipementier français ''Décathlon'' annonce son projet de fabrication de hijab sportif avec l’argument de rendre la pratique du sport accessible à toutes les femmes dans le monde. Mais le tollé soulevé en France, surtout du côté de la classe politique, est tel que le projet est abandonné.
Ce qui amène un journaliste américain du Washington Post correspondant à Paris à écrire : La France s’est une nouvelle fois plongée dans le ridicule en parlant des vêtements que les femmes musulmanes peuvent choisir de porter ou non.
Une journaliste britannique de la BBC fait aussi part de son indignation : Les politiques français devraient arrêter avec cette obsession de décider de comment doit s’habiller une femme musulmane.
Une revisite de l’histoire de France révèle que l’Islam n’est pas la première victime de l’interdiction vestimentaire. Alain Weill (Affiches impertinentes, improbables, incorrectes, insolites, Paris : 2010) nous apprend dans ce livre que, avant même la loi de 1905 sur la laïcité, Eugène Thomas maire du Kremlin Bicêtre (proche banlieue Sud de Paris), avait signé le 10 septembre 1900 un arrêté interdisant le port de la soutane sur le territoire de la commune (rapporté par LeCanard enchaîné du 5 mai 2010). Avec des propos irrespectueux que je ne me permettrai pas de reproduire ici.
Ce qui montre que l’irrespect à l’égard de la religion ne date pas d’aujourd’hui dans une France tombée depuis des décennies dans un processus avancé de déchristianisation.
En 2012, le Comité des droits de l’homme des Nations unies, au nom du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, a condamné le gouvernement français à la suite d’une plainte d’un élève d’origine indienne expulsé de son école pour avoir porté un turban ‘’sikh’’ révélant son appartenance au sikhisme (religion monothéiste indienne). Le gouvernement français est alors astreint à la double obligation de réparer l’injustice faite au lycéen par sa réintégration, le paiement d'une compensation appropriée, et d’empêcher que de semblables violations ne se reproduisent dans le futur.
Pourquoi le voile en Islam ?
Le verset 59 de la sourate 33 du Coran sur l’habillement des femmes musulmanes a surtout valeur de recommandation, de conseil dans l’intérêt même des femmes. Bien qu'adressé aux musulmanes, il concerne toutes les femmes.
Si elles doivent s’habiller comme le recommande le Coran, c’est d’abord pour qu’elles soient reconnues (you’rafna) comme musulmanes certes, mais aussi comme femmes de dignité, qui rien que par leur présentation extérieure imposent le respect et ne soient pas l’objet du voyeurisme de certains hommes et de leurs comportements malveillants.
C’est aussi pour leur éviter d’être you’zayna. Ce terme coranique est rendu dans les langues indo-européennes de traduction du verset par une gamme de mots tels que ‘’agacer’’, ‘’importuner’’, ‘’tourmenter’’, ‘’offenser’’, ‘’injurier’’ … Ils revoient tous au terme ‘’harceler’’.
Il est recommandé à la femme musulmane de s’habiller d’une façon qui impose le respect lorsqu'elle sort de son domicile. Il est certain qu’une femme dont le corps est bien couvert a bien moins de chances d’être objet de convoitise de la part de certains hommes. Il s’agit donc de mesure de prévention et de protection, d’autant plus que le harcèlement sexuel dont sont victimes bon nombre de femmes dans la rue, dans les lieux de travail, dans les transports en commun, est non seulement stressant, aliénant, mais ouvre la voie bien souvent au viol.
Pour l’Egyptienne Safinaz Kazim, le voile est un ‘’imperméable moral’’ qui permet de se dérober du viol visuel par lequel certains hommes jouissent d’une femme sans son consentement. Pour elle, cette façon de s’habiller libère la femme de l’ostentation, lui évite d’être considérée comme un simple objet de désir. C’est une illusion pour la femme de penser qu’elle se libère en dénudant aux yeux de tous une grande partie de son corps.
Il convient tout de même de préciser que la façon qu’ont certaines femmes d’Asie centrale (Ouzbékistan, Afghanistan, Pakistan …) de s’habiller en ''burqa'' (tout en noir, le visage couvert ne laissant voir que les yeux) relève de leur culture et non de préceptes islamiques.
Simone de Beauvoir dans son livre Le Deuxième sexe, 1949, qui est le classique de la littérature féministe, dénonce la mode féminine d’habillement qui transforme la femme en objet pour le voyeurisme des hommes,avec une société qui lui demande de se transformer en objet érotique, pour être offerte comme une proie aux désirs mâles.
Comment la femme peut-elle revendiquer d’être traitée comme une égale si elle adopte un style vestimentaire qui amène les hommes à ne se focaliser que sur son corps partiellement dénudé, faisant totalement l’impasse sur sa personnalité, ses capacités intellectuelles et professionnelles ?
On peut à cet égard relater l’expérience racontée par cette femme d’origine asiatique, vivant aux Etats-Unis, dans un article au titre suggestif Hijabed like me (‘’Voilée comme moi’’). Certainement très jolie, elle était constamment harcelée dans la rue. Étant de nature sensible, elle dit qu’elle était effrayée, se sentait mutilée, molestée, violée :
Ce n’est pas, dit-elle, ma féminité qui était problématique, mais ma sexualité, ou plutôt la sexualité que certains hommes avaient inscrite en moi, basée sur mon sexe biologique.
Elle pense trouver une échappatoire en se faisant couper court les cheveux, mais en vain. Elle se résout alors à s’habiller à la manière hijab, comme les femmes musulmanes qu’elle voyait, et relate ainsi le résultat :
Les gens me percevaient comme une femme musulmane et ne me traitaient plus comme un être sexuel avec des remarques cruelles … J’ai remarqué que les yeux des hommes ne glissaient plus sur mon corps … Auparavant j’étais dans la conception occidentale selon laquelle le port du voile est oppressif … je suis arrivée à la conclusion que cette vue est superficielle et erronée … Ce fut l’expérience la plus libératrice de ma vie … C’est ma sexualité que je dissimulais, non ma féminité. Le fait de couvrir la première permettait la libération de la seconde (Kathy Chin, 1994).
A l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, de plus en plus d’étudiantes adoptent la tenue voilée, pour certaines, moins par conviction religieuse que par souci de faire barrage au harcèlement sexiste de leurs camarades étudiants. Ces derniers, soit les respectent, soit les trouvent moins séduisantes.
Position du judéo-christianisme
Dans le Judaïsme, les rabbins maudissent l’homme qui laisse voir les cheveux de sa femme, et la femme qui laisse voir ses cheveux est indexée comme apportant la pauvreté. Dans l’ancienne société juive, le voile était considéré comme un signe de respectabilité, de dignité, raison pour laquelle il était interdit aux prostituées de le porter. Dans la société juive actuelle, beaucoup de femmes ont tendance à substituer la perruque au voile.
Dans le Nouveau Testament, Première Lettre de Paul à Timothée, on peut lire :
Je désire aussi que les femmes s’habillent d’une façon convenable, avec modestie et simplicité ; qu’elles ne s’ornent pas de coiffures compliquées, ou de bijoux d’or, ou de perles ou de vêtements coûteux, mais d’œuvres bonnes, comme il convient à des femmes qui déclarent respecter Dieu (Timothée 2 : 9).
Loi française appliquée au Sénégal
Sept ans après sa promulgation en France, la loi d'interdiction du voile poursuit son bonhomme de chemin pour atterrir au collège catholique Hyacinthe Thiandoum d'un quartier populaire de Dakar. En 2011, des élèves filles portant le voile sont exclues. La Direction de l'enseignement catholique du Sénégal (Didecs) avait décrété :
A compter de l'année scolaire 2011-2012, il ne sera plus question du port du voile dans les établissements privés catholiques du Sénégal, sous peine de renvoi temporaire ou définitif’.
L'évènement semble passer inaperçu, peut-être à cause de l'ambiance pré-électorale de l'époque, annonçant la fin du régime de Wade. Une poignée des plus de 300 établissements catholiques d'enseignement du Sénégal tentent de l'appliquer : Didier Marie à Saint-Louis, Anne-Marie Javouhey à Dakar... mais sans bruit, avec des arrangements locaux à l'amiable.
En septembre 2021, alors que le pays est au calme, l'Institution Sainte Jeanne d'Arc de Dakar (ISJA) sonne la mobilisation. Évoquant son règlement intérieur, elle renvoie des filles portant le voile. C'est alors comme un coup de foudre dans un ciel serein. C'est avec ISJA que le problème du voile à l'école atteint son paroxysme et sa diffusion avec l’appareil médiatique qui n’existait pas auparavant.
Après bien des tergiversations, un accord est conclu entre l'État et la direction de l'école sur le type de voile que devront porter les filles qui le veulent. Mais ce n'est qu'un accommodement pour calmer la situation momentanément, car cette disposition du règlement intérieur n'est pas abrogée. Le problème est désactivé mais n'est pas éteint. C'est pour cela qu'il est nécessaire qu'en toute responsabilité une décision soit prise pour vider cette affaire une fois pour toutes.
Le cas Institution Sainte Jeanne d’Arc de Dakar
Au départ est le Patronage Jeanne d’Arc créé en 1904 par le Père Daniel Brottier. Le Patronage est une organisation sur un site donné qui réunit des enfants et des adolescents pour leur donner une formation physique, morale et sociale par des activités sportives et éducatives. Le Père Daniel Brottier donne à son patronage le nom de Jeanne d’Arc. Au début des années 1920, avec son accord, le Père Lecocq met en place à Dakar l’Association sportive et culturelle Jeanne d’Arc aux couleurs Bleu et Blanc. Le souci de ces deux prélats français est de réunir Noirs, Européens, Métis, catholiques et musulmans dans un même cercle de fraternité. Un club sportif Jeanne d’Arc est aussi créé à Bamako.
Club catholique à l’origine, la JA Dakar attire par la suite de plus en plus de musulmans, pratiquants et supporters, au point d’être considérée à un moment donné comme le club comportant le plus grand nombre de supporters. L’auteur de ces lignes a été depuis 1959 membre du club sportif JA, d’abord comme footballeur, ensuite comme membre du Comité directeur. La JA est un microcosme de l’harmonie confessionnelle au Sénégal. La présidence du club a été exercée par des chrétiens et par des musulmans. C’est une famille. Il n’y a jamais été perçu une trace de problème entre chrétiens et musulmans.
C’est dans ce sillage que le volet éducatif du patronage est concrétisé à Dakar avec la création en 1939 de l’école appelée Institution Sainte Jeanne d’Arc (ISJA) avec les mêmes couleurs Bleu et Blanc. Mais cette école a créé un problème en réchauffant l’interdiction du voile qui semblait oubliée, s'écartant ainsi de la ligne tracée par ses fondateurs.
Quid de l’unité nationale ?
L’harmonie religieuse et ethnique qui existe au Sénégal est un modèle envié partout dans le monde.
Le Premier ministre Sonko a posé un problème. L’abbé André Latyr Ndiaye avec une violence inouïe et surprenante de la part d’un prélat, s’est employé à créer un problème, pour donner à un problème d’école, une dimension communautaire susceptible de mettre face à face catholiques et musulmans. Ce n’est même pas la peine de revenir ici sur les civilités que les deux communautés se sont toujours mutuellement faites.
Ce n’est pas le Père Daniel Brottier, initiateur du Patronage Jeanne d’Arc et le cardinal Mgr Thiandoum, qui auraient approuvé la mesure d’interdiction du voile dans des écoles catholiques et les propos de cet ecclésiastique.
On ne peut pas laisser des Sénégalais inviter dans le pays une loi française, de surcroit inspirée par l’islamophobie. Si chaque entité sociale ne voulait s’en remettre qu’à son ‘’règlement intérieur’’, que deviendrait cette unité nationale ancrée dans nos us et coutumes, entérinée par toutes nos Constitutions ?
Certains conseillent aux parents musulmans de retirer ou de ne plus envoyer leurs enfants dans des écoles catholiques. Ce serait capituler et créer un précédent dangereux. On ne peut pas avoir dans le pays une école exclusivement pour les catholiques et une école exclusivement pour les musulmans. Que deviendrait l’unité nationale ? Les enfants sénégalais doivent dès leur jeune âge, prendre l’habitude de vivre ensemble sans distinction de religion ou d’ethnie comme l’ont fait les générations qui les ont devancés.
Dans les écoles, les élèves filles qui portent le voile le font par choix personnel. Ce n’est pas le voile qui les distingue de leurs camarades chrétiennes. La différenciation confessionnelle est visible au niveau des noms et prénoms. Et cela n'a jamais posé de problème.
Nombreux sont les parents catholiques qui envoient leurs enfants à l'école publique et à l'école privée non catholique où ils vivent en parfaite harmonie avec leurs camarades dont des filles voilées. En vertu de quoi l'école catholique doit- elle faire exception ?
Dans une interview du 16 mars 2015, l'abbé Georges Diouf nous apprend que les élèves musulmans constituent 75 pour cent des effectifs des écoles catholiques au Sénégal.
Cela dit, l'Etat ne peut pas rester en dehors de ce problème. Le ministère de l'Éducation nationale en plus des établissements d'enseignement publics, a en charge les établissements catholiques et laïcs, auxquels des subventions sont accordées chaque année.
Il faut que les hautes autorités de l'Église catholique prennent leurs responsabilités pour instruire la Direction de l’enseignement catholique d’abroger l'interdiction du voile. Cette mesure appliquée au Sénégal ne l’aurait jamais été si elle n’avait pas existé en France. Elle a été prise sept ans après le rappel à Dieu de Mgr Hyacinthe Thiandoum, trait d'union entre chrétiens et musulmans (il avait une sœur musulmane), l'année même où la loi a été votée en France. Cette mesure n'aurait jamais été prise en sa présence.
Revenons sur ces dates :
- 18 septembre 1989 : exclusion d'élèves musulmanes voilées en France
-15 mars 2004, vote de la loi antivoile en France
- 18 mai 2004, rappel à Dieu de Mgr Thiandoum
- En 2011, Pour l'année scolaire 2011-2012, la Direction de l'enseignement catholique du Sénégal (Didecs) interdit le port du voile dans les écoles catholiques.
Il existe à Dakar, un Collège protestant John Wesley qui brille par sa discrétion.
Il ne faut pas que le problème du voile soit interprété comme un problème entre catholiques et musulmans. Nombreux sont les catholiques sénégalais qui s'insurgent contre cette mesure d'interdiction du voile, trouvant qu'ils n'en voient pas l'intérêt.
Une seule solution
Ce problème doit être envisagé non pas au niveau communautaire, mais au niveau éthique et juridique.
1) Un argument souvent avancé en France par les adversaires du voile est qu’il est contraire à leurs valeurs. Seulement, les valeurs françaises ne sont pas les nôtres.
L'école privée catholique n’est pas sous régime d’exterritorialité susceptible de lui permettre d’instaurer dans le pays une loi étrangère tropicalisée en règlement intérieur. Le port du voile ne peut y être interdit.
Un règlement intérieur est au plus bas dans la hiérarchie des droits, loin derrière la Constitution et la loi votée à l'Assemblée. Un règlement intérieur est coiffé, parrainé par une loi. L'interdiction du voile à l'école catholique procède d'une loi non pas sénégalaise, mais française. Ce qui est inadmissible.
L’interdiction du voile dans les écoles catholiques est en violation de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
5) Elle viole la Constitution du Sénégal qui dans son préambule proclame l’inaltérabilité de la souveraineté nationale, le rejet et l’élimination, sous toutes leurs formes de l’injustice, des inégalités et des discriminations.
L'article 25-3 insiste sur le devoir de s’abstenir de tous actes de nature à compromettre l’ordre, la sécurité, la salubrité et la tranquillité publics.
Le verdict rendu par le Comité des Droits de l’homme de l’ONU contre la France pour le même motif a valeur de jurisprudence au Sénégal.
Il est arrivé que le Vatican fasse son autocritique. Ce qu'a fait le pape Jean XXIII (dont une rue du centre de Dakar porte le nom) avec ''l'Aggiornamento'' (Remise à jour) proclamé lors du Concile Vatican II (1962-65). L'actuel pape François se situe dans la même démarche sur certains dossiers du passé.
L'Église catholique sénégalaise se doit en toute humilité et grandeur de faire son mea culpa (par ma faute, en latin) dans ce problème du voile à l'école.
L’abbé Georges Diouf, actuellement Directeur diocésain de l’Office National de l’Enseignement Catholique du Sénégal (ODEC), semble s'être engagé dans cette voie. En toute conformité avec les propos qu'il avait tenus dans une interview de 2015.
Très bien. Mais le prélat continue à exiger des élèves musulmanes de proscrirele refus de serrer la main d’un camarade du sexe opposé, le refus de partager une table ou un banc en classe ou dans la cour de récréation avec une personne de sexe opposé, et le refus de participer à des activités physiques en tenue scolaire en raison de convictions personnelles.
Il s'agit là d'une clause ajoutée à son texte, et qui n'a aucun fondement sociétal. Comment le prélat peut-il ignorer que dans la société africaine traditionnelle, les femmes ne serrent pas les mains des hommes ? Il gagnerait à visiter ou à revisiter L'Unité culturelle de l'Afrique noire de Cheikh Anta Diop, les travaux de Elia Mbokolo et Théophile Obenga. Il devrait aussi savoir que même à l'heure actuelle, certaines musulmanes refusent de serrer la main de musulmans avec qui elles n'ont pas de lien solide de parenté.
Pour ce qui est des séances d'éducation physique, il ne doit pas y avoir de tenue scolaire imposée. Il existe maintenant un hijab sportif reconnu par toutes les fédérations sportives internationales (mais pas en France).
Dans tous les établissements scolaires mixtes, dans les cours de récréation les élèves se regroupent entre copains et entre copines. Dans tous les campus universitaires les pavillons des étudiantes sont distincts des pavillons des étudiants.
Il est à craindre que cette clause qui n'est qu'un prétexte et non un argument convaincant ne fasse obstacle à l'abrogation de la mesure d'interdiction du voile dans les écoles catholiques. Une mesure que rien ne peut justifier.
C’est dans l’interview du 16 mars 2015 que l’abbé Georges Diouf disait : Quand on s’ouvre à l’autre, cette dimension permet d’accepter l’autre dans sa différence. L’ouverture à l’autre est très présente dans nos cultures, le respect de l’autre dans sa différence et le dialogue.
L’acceptation et le respect de la différence de l’autre, c’est ce que demandent les filles musulmanes pour porter le voile dans les écoles catholiques.
Bonne fête de l’Assomption à tous les catholiques du Sénégal et d’ailleurs.