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26 novembre 2024
Opinions
Par Pathé NDIAYE
UNE NÉCESSITÉ ET EXIGENCE POUR RÉDUIRE LE COÛT DE LA VIE
Le gouvernement du président Macky Sall, depuis quelques semaines, a engagé les acteurs de la société civile, partenaires sociaux, entrepreneurs divers dans une concertation et réflexion en vue de réduire le cout de la vie, notamment la réduction des prix
Le Gouvernement du président Macky Sall, depuis quelques semaines, a engagé les acteurs de la société civile, partenaires sociaux, entrepreneurs divers dans une concertation et réflexion en vue de réduire le cout de la vie, notamment la réduction des prix des denrées` de première nécessité. Je salue encore cette initiative, bien qu’elle aurait pu se faire beaucoup plus tôt, soit à mon avis depuis 2020, après les émeutes de mars 2020.
Car les émeutes de 2020 étaient d’abord un cri de raz le bol contre la vie chère voire la faim dans un environnement de privations et de restrictions, de réduction d’activités économiques dues à la pandémie du Covid.
De nombreuses commissions ont été créées pour réfléchir et faire des propositions concrètes et applicables. Évitons que cette stratégie ne soit un « moyen d’enterrer les problèmes » en reportant les décisions sur le long terme ! Or il me semble qu’il y a des décisions qui ne méritent plus de réflexions et qui pourraient être efficaces immédiatement. Elles dépendent d’une seule source pour ne pas dire « une seule personne » : l’État lui-même, incarné par le Chef de l’État, Chef de l’Administration, détenteur de tous les pouvoirs régaliens. Ces mesures pourraient être la Contribution propre de l’État à la réduction du cout de la vie !
I. REDUIRE LA TAILLE DU GOUVERNEMENT ENTRE 20 À 25 DEPARTEMENTS MINISTERIELS ET LE NOMBRE DE STRUCTURES ADMINISTRATIVES.
Par État il faut entendre les institutions publiques quelles qu’elles soient, dotées de budgets et effectifs, financés par les ressources publiques, donc d’impôts et de taxes payées par les populations.
Actuellement l’Administration publique sénégalaise est devenue un monstre avec un nombre pléthorique de ministères, de directions générales, directions , agences d’exécution , délégations, services et structures ad hoc inclassables pour ne pas dire inqualifiables.
En 2012 à l’arrivée au pouvoir du Président Macky Sall tout le monde avait approuvé et applaudi l’effort de rationalisation administrative fait par ce dernier en réduisant à 25 le nombre de départements ministériels.
Mais cet effort fut très vite stoppé huit (8) mois plus tard par un remaniement ministériel qui portait le nombre de départements ministériels à 35 puis à 38. Il est étonnant que dans un régime qui se réclame du libéralisme, les institutions publiques et administratives soient aussi nombreuses agissant souvent dans des secteurs qui devraient être laissés au secteur privé.
Alors que le régime socialiste que nous avons connu jusqu’en 2000, a laissé beaucoup de place au secteur privé avec les politiques de privatisation de nombreuses entreprises publiques, le désengagement de l’État de certains secteurs, les programmes de départs volontaires mis en œuvre pour réduire les effectifs et la masse salariale des agents de l’État, la réduction de la taille de l’État avec le slogan «Moins d’État, Mieux d’État ».
Toutes ces politiques et programmes d’actions qui sont plus dignes d’un régime libéral mais conçus par un régime socialiste, ont été remis en cause et complètement bouleversés parle régime de l’Alternance en 2000, apôtre pourtant du libéralisme politique et économique, et poursuivis par le Gouvernement actuel depuis 2012.
En 2010 les structures gouvernementales étaient composées de 37 ministères, 195 directions et Directions générales,168 services rattachés et 69 démembrements de l’État.
En 2022, 34 départements ministériels, 318 directions et directions générales et 214 structures ah hoc d’appellations diverses. Quant aux agences d’exécution conçues pour décharger l’Administration centrale de ses tâches d’exécution afin que celle-ci se consacre davantage et mieux à ses fonctions de conception des politiques, elles se sont multipliées à partir de2000à un rythme insoutenable au point qu’on a parlé de « l’agenciation » de l’Administration, processus par lequel les dites agences se sont appropriées les missions de conception des services centraux de l’Administration, en plus vidant ceux de ses cadres de conception, attirés par le niveau des salaires et des avantages beaucoup plus attractifs proposés par ces nouvelles institutions. Un effort de réduction du nombre des agences a été fait dans les années 2010 à 2012, sous la pression des partenaires financiers internationaux que sont le FMI et la BM. Mais le processus de création de nouvelles agences a repris de plus belle au point d’atteindre le nombre initial de 52.
Finalement, actuellement le Gouvernement est revenu à la situation ex ante de 2010 où l’Administration était devenue ce j’ai appelé plus haut «monstre », décriée par tous notamment les tenants du pouvoir actuel, du moins quand ils étaient en campagne électorale en 2011. Aussi pensons-nous qu’il est possible de réduire la taille du Gouvernement entre 20 et 25 départements ministériels. Ce qui a été fait durant les années de « braise » du régime socialiste, qui avait mis en place une structure gouvernementale de 25, 20, et même19 ministres, doit pouvoir être fait dans un régime politique libéral qui prône la réduction des missions de l’État aux missions essentielles d’encadrement et de promotion des secteurs productifs laissés au secteur privé. Il faudrait également supprimer le Gouvernement « parallèle » ou « fantôme » qui est à la Présidence de la République fait de nombreux conseillers ayant statut, et rang de ministre. A un moment donné où les nominations étaient publiées, il avait été dénombré 30 à 40 Ministres Conseillers. Ces derniers n’ont aucune attribution écrite ni formelle. Et la plupart n’ont même pas de bureau. Par conséquent une restructuration administrative devrait suivre en vue de réduire également le nombre de directions, directions générales et autres structures administratives.
II. REDUCTION ET CONTROLE DES EFFECTIFS DE PERSONNELS PLETHORIQUES DANS LE SECTEUR PUBLIC.
En faisant « sauter » tous les instruments de contrôle de la masse salariale, notamment la Cellule de Contrôle des Effectifs et de la Masse Salariale (CCEMS) rattachée à la Présidence de la République, puis au Ministère des Finances qui imposait une procédure d’autorisation formelle avant recrutement, les effectifs de la Fonction Publique sont passés de 65 000 agents en 2000 à plus de 145 283 en 2019. Soit de plus de 200% ! Qu’est ce qui peut justifier ces recrutements aussi massifs ? En tous cas pas un accroissement d’activités !
De même dans le secteur parapublic et des agences d’exécution le niveau des effectifs est aussi pléthorique et ne correspond à aucune réalité d’activités. Dans ces deux derniers secteurs, les dirigeants ont vite confondu autonomie de gestion avec liberté voire libre arbitre pour le recrutement.
Le principe de l’autonomie de gestion dont bénéficient les entreprises publiques et les agences ne doit pas signifier qu’il est permis aux dirigeants de recruter sans tenir compte des besoins réels justifiables et des ressources financières de celles-ci. Il est étonnant et scandaleux qu’une entreprise comme la Poste ait atteint ce niveau d’effectif incompréhensible dans un secteur où l’évolution des technologies de communication dans le monde a conduit à des réformes structurelles du service de la Poste dont la caractéristique fondamentale est une réduction drastique des effectifs. 5000 agents à faire quoi ? Alors que la Poste a perdu beaucoup de ses parts de marchés !
Comment l’organe d’orientation et de contrôle qu’est le Conseil d’Administration a pu laisser faire et couvrir ces dérives ? La même question doit être posée aux corps de contrôle comme le Contrôle Financier, membre permanent de tous les conseils d’administration.
La responsabilité des administrateurs doit être engagée comme celle de Directeurs généraux qui se sont succédés ces dix dernières années face à ce désastre de gestion jamais vu ! C’est l’exemple le plus catastrophique de la gestion actuelle des entreprises publiques au Sénégal. Ily en a d’autres cas tous aussi graves qu’on pourrait citer.
III. METTRE FIN A L’IMPUNITE DES DIRIGEANTS
Dire que « j’ai mis des dossiers sous le coude » c’est promettre l’impunité aux auteurs d’actes de mauvaise gestion des dirigeants des entreprises publique et de l’Administration en général. Tout semble permis ! D’où ces recrutements massifs dans beaucoup d’entreprises, agences et autres services que rien ne justifie sinon la politique clientéliste. De même que les nombreux actes de mauvaise gestion sans se soucier des intérêts de l’entreprise !
Comment mettre un terme ou freiner ces dérives ? D’aucuns me diront « peine perdue » : les politiques de transparence, de bonne gouvernance n’étant que des slogans politiques voire politiciens ! Aussi est il important de mettre fin à l’impunité des dirigeants et à l’absence de reddition des comptes. A cet effet il faudrait libérer les corps de contrôle (IGE, Contrôle Financier) en les plaçant sous l’autorité de la Justice ou en leur donnant les compétences pour saisir directement la Justice. En plus il est possible de mieux encadrer les politiques de recrutement dans le secteur parapublic et l’Administration publique.
IV. METTRE EN PLACE UNE PROCEDURE D’AUTORISATION PREALABLE DE RECRUTEMENT DANS LE SECTEUR PARAPUBLIC.
- Dans le secteur parapublic mettre fin à la liberté de recrutement de la Direction Générale et mettre en place une procédure d’autorisation préalable parle contrôle financier de la Présidence de la République.
- Il pourrait être exigé de toutes les entreprises publiques l’élaboration d’un organigramme optimal de l’entreprise avec l’identification des emplois nécessaires sur le court et moyen termes, ainsi que les conditions à satisfaire pour augmenter l’effectif dans un emploi bien identifié. A cet effet il serait nécessaire que l’entreprise publique procède à l’élaboration des fiches descriptives de poste de tous les emplois prévus. Je ne suis pas sûr que les entreprises publiques sénégalaises aient développé cet outil de gestion très important et utile dans la gestion des ressources humaines. La fiche descriptive de poste est la référence pour procéder à un recrutement dans l’entreprise. Si elle n’existe pas, tout recrutement se fait « au pif » avec tous les risques de mauvais choix.
V. RESTAURER LA CELLULE DE CONTROLE DES EFFECTIFS ET DE LA MASSE SALARIALE (CCEMS) DANS LA FONCTION PUBLIQUE
Cette institution avait été créée dans les années 1980, rattachée à la Présidence de la République. Elle a été très utile dans la limitation et surtout la rationalisation des recrutements dans la Fonction Publique. Sa suppression a permis toutes les dérives constatées dans le recrutement dans la Fonction Publique.
VI. SUPPRESSION DES INSTITUTIONS DE RECASEMENT DES GRANDS ELECTEURS
II s’agit d’un certain nombre d’institutions aux budgets énormes voire presque équivalents à celui de l’Assemblée nationale et dont les membres sont rémunérés et ayant des avantages matériels et financiers au même niveau presque que les députés. Les ressources financières consacrées au fonctionnement de ces institutions sont énormes et pourraient servir à soutenir les couts de certaines denrées essentielles, de l’énergie et d’autres facteurs de production et des investissements pour le développement de l’agriculture. La création et le maintien de ces institutions n’ont qu’un objectif, voire une finalité : « caser » une clientèle politique dont le Pouvoir aura besoin pour les échéances électorales. Quand on examine les missions fixées à ces institutions, rien de particulier qui ne soit exercé ou ne puisse l’être, par des services de départements ministériels existants. Et ces services sont plus outillés et disposent de ressources humaines plus compétentes que celles qu’on trouve dans ces institutions. Ces institutions publiques sont les suivantes :
- Le Conseil Économique, Social et Environnemental ;
- Le Haut Conseil des Collectivités Territoriales ;
- La Commission nationale d’évaluation des Politiques Publiques ;
- La Commission nationale du Dialogue des Territoires ;
- La commission nationale du Dialogue social.
En plus de ces institutions, il existe un grand nombre de structures ad hoc avec des appellations diverses (commission, ou cellule, ou unité), rattachées à la Présidence de la République et à la Primature dont l’utilité est douteuse mais qui sont certainement couteuses pour le contribuable. Les budgets de fonctionnement et les charges récurrentes (véhicules, logement, etc.) au fonctionnement sont en hausse constante chaque année dans la loi de finances de l’État. Il est certain que les ressources financières consacrées à ces institutions produiraient plus d’impacts positifs dans d’autres secteurs
par l'éditorialiste de seneplus, alymana Bathily
POUR LES 100 JOURS DE DIOMAYE FAYE
EXCLUSIF SENEPLUS - Vider définitivement le contentieux entre l’Etat et Karim. Documenter toutes les violences des dernières années. Ériger un monument à la mémoire de victimes de cette période. Quid d'un « ministère de l’Afrique » ?
Alymana Bathily de SenePlus |
Publication 04/04/2024
Dans son premier discours à la nation, le 26 mars, le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye déclarait notamment ceci :
« En m’élisant président de la République, le peuple sénégalais a fait le choix de la rupture pour donner corps à l’immense espoir suscité par notre projet et pour donner corps à ses aspirations ».
Et d’indiquer ses priorités : combattre la corruption, refonder les institutions, œuvrer à l’intégration africaine, répondre aux attentes des jeunes et des femmes et alléger le cout de la vie, tout en prioritisant la réconciliation nationale.
Priorité des priorités : la mise en place du gouvernement qui aura en charge la mise en œuvre du premier programme prioritaire du président de la République.
Le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye ne pourra évidemment pas répondre en 100 jours à toutes les attentes. Les cinq années de son mandat n’y suffiront d’ailleurs pas.
Il pourrait cependant prendre des initiatives fortes en rapport avec ses convictions concernant chacun des domaines prioritaires de son programme de gouvernement.
Ce serait là l’indication d’une volonté de gouverner avec les forces vives du pays et de gérer de manière sobre. On fera attention à l’intitulé des ministères pour en refléter les contenus programmatiques ou les orientations stratégiques.
Que n’érige-t-il pas par exemple un « ministère de l’Afrique et des Affaires étrangères » à la place du traditionnel « ministère des Affaires étrangères » ? Manière de manière de marquer la rupture politique que le régime du Pastef introduit et son engagement déterminé en faveur du panafricanisme
Refonder les institutions.
Le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye a annoncé la refondation des institutions au nombre de ses priorités.
Il s’agit là effectivement d’un chantier prioritaire et important puisqu’il a pour objet à la fois de normaliser le fonctionnement des institutions de la République, de les refonder effectivement et en même temps de promouvoir les principes républicains et démocratiques renforçant les libertés individuelles tout en fondant le vivre-ensemble et la réconciliation nationale.
Le candidat Bassirou Diomaye Diakhar Faye a signé avec l’organisation citoyenne Sursaut National le Pacte National de Bonne Gouvernance basé sur les conclusions des Assises Nationales et les recommandations de la Commission nationale de réforme des institutions (CNRI).
Il lui ne reste plus qu’à les mettre en œuvre pour assurer à la fois la séparation et l’équilibre des pouvoirs judiciaire, législatif et exécutif, la déconcentration des pouvoirs du Président de la République et la fin de l’hyper présidentialisme, l’indépendance de l’administration publique de la politique, la promotion du service public et de l’intérêt général, l’égalité entre tous les citoyens et l’équité entre les hommes et les femmes.
Lutter efficacement contre la corruption
Le développement effréné de la corruption à tous les niveaux de l’administration publique du fait notamment des premiers responsables de l’Etat et des entreprises publiques, est l’une des principales raisons de la révolte des Sénégalais contre l’ancien régime et de leur adhésion au Pastef.
Rien ne devrait plus entraver la lutte contre corruption maintenant que « le coude » de l’ancien président ne pèse plus sur les nombreux dossiers d’enquête établis par les corps de contrôle au cours de ces dernières années.
Le nouveau régime sera jugé par le peuple sur la manière dont la lutte sera menée : on devra sonner la fin de l’impunité et combattre la corruption active et passive, les détournements de deniers publics et l’enrichissement illicite.
On n’épargnera personne. On devra à ce propos vider définitivement le contentieux entre l’Etat et M. Karim Wade dont l’amende de 138 milliards de francs CFA par la Cour de répression de l'enrichissement illicite (CREI) est encore en suspens.
Quid de la réconciliation nationale ?
La vérité est le préalable à toute réconciliation comme on le sait.
Il faudra nommer les responsables de ces actes. Il faudra recueillir les témoignages de victimes et les aveux des bourreaux. C’est alors seulement que le processus de réconciliation pourra s’enclencher, que les bourreaux et les victimes pourront se parler pour demander réparation ou accorder le pardon.
C’est à travers tout ce processus que la Nation toute entière pourra se sentir reconciliée avec elle-même. On pourra alors ériger un monument à la mémoire de victimes de cette période sombre de notre histoire pour en perpétuer le souvenir.
Quid de l’allégement du coût de la vie ?
L’augmentation vertigineuse du coût du loyer à Dakar et la hausse régulière des prix des denrées alimentaires partout à travers le pays ont une cause : le laisser faire libéral de ces vingt dernières années qui a réduit drastiquement l’intervention de l’Etat dans le secteur immobilier et pour l’importation et la distribution des produits alimentaires de première nécessité laissé libre cours aux opérateurs privés.
En attendant que ses politiques visant la souveraineté alimentaire et l’industrialisation aboutissent, le Président de la République doit dès à présent introduire la main de l’Etat dans les secteurs de l’immobilier et de la distribution des produits alimentaires de première nécessité.
Pourquoi ne pas ordonner dès à présent la fusion de l’OHLM et la SICAP en une seule entreprise dédiée à la fourniture de logements à prix réduits à Dakar et dans toutes les capitales régionales ? On dotera la nouvelle entreprise d’un capital financier et foncier conséquent et on lui assignera des objectifs de performance précis.
Pour ce qui est de la distribution des produits alimentaires et de première nécessité, pourquoi ne pas revenir au dispositif des années 1970 à 1990, avec une société de distribution alimentaire (SONADIS) qui importe et distribue une certaine quantité de produits pour réguler les prix sur le marché ?
On renforcera dans le même temps l’action du Contrôle économique sur le terrain.
Et de l’emploi des jeunes ?
Il est vrai que la création d’emplois est tributaire du développement économique.
Il est tout aussi vrai cependant que l’Etat peut prendre l’initiative de la création d’emplois quand l’économie n’est pas en capacité de le faire.
C’est ainsi qu’en pleine dépression économique, en 1933, alors que l’Amérique était en proie à un chômage de masse et que la faim sévissait même, le président Franklin D. Roosevelt a initié le New Deal qui a créé à travers une série d’agences de travaux d’intérêt public, en quelques années plus de 20 millions d’emplois.
De la même manière le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye pourrait lancer une initiative nationale (DEFAR SA REEV ?) qui pourrait créer des centaines de milliers d’emplois à travers différentes agences (Service National de Proximité, Agence pour l’Environnement, AGETIP restructurée), par exemple dans les secteurs de l’entretien des infrastructures et des routes, de l’environnement, de la protection de la nature (dont la Grande Muraille Verte) et pour éradiquer l’insalubrité, l’encombrement et l’occupation anarchique des rues et espaces publiques à travers tout le territoire national.
Cette initiative pourrait être financée par les économies réalisées par la réduction du train de vie de l’Etat que la refondation des institutions permettra.
In fine, le président Bassirou Diomaye Diakhaye Faye devra rompre avec la doxa politique et économique et prendre dès les premiers jours de son régime des initiatives audacieuses pour lancer le programme d’activités prioritaires qui déterminera l’orientation et le succès de son quinquennat.
PAR Papa M. Tandian
SÉNÉGAL, ANNÉE ZÉRO
L'exception démocratique n'est pas une fin mais seulement la condition de possibilité de la seule exception qui vaille et qui n'est pas donnée mais est à construire : celle d'un mieux-être pour le plus grand nombre
Les temps politiques sont chamboulés au Sénégal. Les vents tournent. Et les girouettes avec ! Plus sérieusement, le peuple sénégalais vient de manifester à la face du continent et du monde la preuve de sa maturité politique et de la résilience de sa démocratie politique démontrant ainsi que son destin ne se confond ni avec la personnalité d'un homme encore moins avec les machinations machiavéliques d' un président... Ce faisant, il a confirmé la pérennité d'un écosystème politique qui fait l'exception sénégalaise, capable de sanctionner l'exercice du pouvoir et de l'alterner de manière ordonnée envers et contre tout... dans une sous-région aux mœurs démocratiques encore vacillantes et hélas trop souvent sujettes à régression. Il reste donc à présent à la nouvelle équipe entrante du Pastef & compagnie à jouer sa partition et prolonger ce momentum pour un approfondissement de notre vivre-ensemble démocratique encore perfectible à bien des égards. Car à bien des égards, il y a encore matière à faire et à parfaire.
En effet, sous le magistère de Macky nos systèmes de gouvernance politique, économique, sociale ou administrative n'ont hélas opéré que des gains marginaux dans certains domaines si ce n'est régressé lamentablement dans d'autres. Jamais l'État de droit n'a été aussi malmené et nos libertés publiques mises à mal. Le'Projet' (comme disent les Pastefiens) ou sa version plus réaliste de programme de gouvernement devra donc élargir / rectifier ou solidifier les fondements dans certains domaines, voire refonder totalement dans d'autres à un moment charnière de notre histoire. En voici un inventaire non exhaustif.
- En politique, le principe consacré de la séparation des pouvoirs sérieusement chahuté par le pouvoir sortant devra être réhabilité pour davantage renforcer un rééquilibrage nécessaire et une autonomisation accrue entre les pouvoirs de l'exécutif, du législatif et du judiciaire. Y compris la nécessité de sanctuariser les principes d'indépendance des corps de contrôle et du judicaire en consacrant leur autonomie fonctionnelle dans la loi fondamentale qu'est notre constitution.
- L'implication plus vigoureuse d'une presse indépendante et impertinente mais plus professionnelle devra être sauvegardée et consolidée comme
acquis. Sa liberté de blâmer sans entrave ni intimidation rendra plus crédible ses éloges.
- Sur le plan judiciaire, il sera urgent de mettre un terme à une pratique pernicieuse d'instrumentalisation de la justice et des juges comme il en fut le cas hélas trop souvent dans un passé récent ou même lointain. Les décisions de justice devront être exemplaires pour être acceptées du citoyen et le règne de l'impunité ou l'absence de sanctions doivent être proscrits.
- Sur le plan social, la société civile - sous toutes ses formes et dénominations
- devra poursuivre et étendre son rôle de sentinelle et de rempart de nos pratiques démocratiques en renforçant sa mission dans la réédification de l'infrastructure éthique et morale de cette nation qui a beaucoup perdu sous ce chapitre du fait d'un régime qui a cyniquement voulu ' réduire l'opposition a sa plus simple expression' ... Il sera opportun de continuer pour les intellectuels à exercer leur rôle critique, d'agir, d'alerter pour un retour de conscience civique au travers de nouveaux codes d'intégrité applicable à tous ceux qui ont (ou qui aspirent) à la charge de l'autorité publique.
- Sur le plan de la gouvernance économique, il s'imposera l'impérieuse nécessité de refonder les bases d'un cycle vertueux déjà promis mais hélas jamais réalisé. L'économie du Sénégal sous le règne du président sortant (malgré des efforts louables en matière d'infrastructures surtout urbaines) n'a pas seulement souffert d'un taux de croissance (5.3% en moyenne) qui a été insuffisant à faire reculer le niveau de pauvreté ou à créer des emplois nouveaux, elle a aussi subi des pertes énormes liées à la corruption comme en attestent les rapports (pour ceux publies et non 'sous le coude' du PR) des auditeurs publics de la CC ou de l'IGE. Cette gangrène s'était aussi muée en sociodrame avec pour effets néfastes de se substituer au mérite et à l'effort personnels consacrant le culte de l'ostentation et du clinquant ouvrant l'accès de n'importe qui a n'importe quelle sinécure pourvu qu'il soit un affidé loyal et apporteur de voix. Pis la corruption érigée en méthode de prédation a donné cours a bien des dysfonctionnements sous forme de détournements, d'enrichissements illicites, de scandales financiers et d'accaparements fonciers, toutes pratiques qui ont abime et distendu les liens entre l'État et l'intérêt général. Il sera donc primordial de réévaluer notre système d'intégrité national et restructurer sa capacité à prévenir, détecter et sanctionner la corruption et la fraude. La reddition des comptes est une chaîne qui commence par le contrôle, mais qui pour aboutir à des actions concrètes, doit passer par une justice forte, indépendante. De surcroit une approche plus unificatrice des divers organes (CC, IGE, OFNAC etc.) de vérification et de lutte contre la corruption et leur mise sous une tutelle indépendante (constitutionnellement verrouillée) de l'exécutif serait un alignement salutaire aux normes internationales et un gage crédible d'une nouvelle détermination à agir contre la prévarication des comptes publics.
- Au plan des affaires, une transparence restaurée avec des règles claires améliorera l'attractivité du Sénégal pour les flux de capitaux étrangers. Des règles plus aptes à accroitre la prévisibilité de l'interaction dans les pratiques marchandes et à mieux protéger contre les abus de l'autorité administrative ou judiciaire dans les pratiques contractuelles. Ceci n'est pas incompatible avec le désir de mieux protéger nos intérêts nationaux souverains et de revoir certains montages contractuels défavorables à condition que le volontarisme clamé soit informé et assisté par des compétences et une expertise solides afin d'éviter des conséquences fâcheuses et couteuses au trésor public comme par le passé avec A Wade.
Au plan macro-économique. Les enjeux du prochain quinquennat et au-delà pour ce pays tournent autour des risques insuffisamment mitiges sous le président Macky de la gestion d'un modèle de croissance sans emploi mais aussi insuffisamment redistributive, de la formation et de l'insertion des jeunes.
- Le modèle économique retenu vers l'émergence qui a été très orienté vers les infrastructures de mobilité dans sa version PSE devra renouer avec les fondamentaux testés non pas par la théorie mais par l'histoire économique des rares pays (en Asie) de notre ère contemporaine qui ont su définitivement rompre les amarres de la pauvreté et accéder durablement au statut de pays émergents à revenus intermédiaires voire supérieurs.
En effet, la trajectoire économique sans exception de ces pays (Japon, Chine, Corée, Malaisie, Taiwan etc.) qui ont réellement émergé du sous-développement témoigne d'une approche volontariste de politiques publiques gérées par une agence centrale (MITI Japon, EPB Corée du Sud, DB Taiwan etc.) qui toutes invariablement ont consisté en des interventions ciblées autour de priorités structurantes qui ont pour noms : réforme agraire, transformation agricole, promotion industrielle, réforme financière / monétaire. En Asie du Sud et du Nord Est c'est en effet un secteur primaire au foncier réformé et bien ressourcé qui a permis l'autosuffisance alimentaire et la création de richesse et d'épargne menant à une industrialisation, le tout soutenu par un secteur financier semi contrôlé et aligné sur les objectifs de développement sectoriels notamment en matière de politique de crédit et de taux d'intérêts. Au Sénégal une économie agricole reformée et financée par des ressources adéquates, encadrée par une recherche et une formation appropriée sera la clé de voûté de notre souveraineté alimentaire et la base de toute stratégie de création massive d'emplois dans un secteur à forte intensité de travail et a faibles barrières d'entrée. Ce secteur a en effet potentiellement les multiplicateurs d'emploi les plus élevés dans les domaines de l'élevage de l'horticulture, des chaînes de valeur de production de riz, du mil etc. de la pèche sans compter celles en amont de l'agro-transformation. Les autres chantiers connexes de l'industrie manufacturière / pétrolière / services et de la réforme financière (y compris celle nécessaire du franc CFA) devront venir compléter cette approche multisectorielle qui s'appuiera sur des secteurs prioritaires limitativement identifiés et dont la création d'opportunités d'emplois productives et durables devra rester au cœur des interventions. L'économie des hydrocarbures et ses revenus additionnels devront obéir à cette même logique d'orientation vers des projets à forte intensité de main d'œuvre et non pas subventionner inconsidérément la consommation.
- Il restera que pour être viable ces politiques devront aussi s'adosser sur une stratégie d'intégration régionale voire continentale pour opérer au-delà de nos marchés domestiques trop exigus. D'où l'impérieuse nécessité de reconsolider la CEDEAO et de promouvoir la ZLEC à l'échelle du continent.
Enfin une gouvernance économique effective est aussi une gouvernance qui se mesure et s'évalue. Une fonction robuste de suivi et d'évaluation de la performance gouvernementale - rattachée à l'autorité directe du président - lui rendra sa crédibilité et son efficacité. La cacophonie d'une action gouvernementale atomisée autour d'un découpage ministériel pléthorique et incohérent devra être bannie. L'exécution de cette action par des ministères techniques ou agences publiques devra être considérée sans à priori guidée par le seul souci de l'efficacité économique et de l'impact recherché.
Cependant à vouloir égrener ces réformes il ne doit échapper à personne l'autre défi qui réside dans la manière de mener et de combiner ces transformations dont certaines sont complexes. Les promoteurs du 'Projet' opteront ils pour une approche gradualiste de séquençage des mesures de changement, conscients de la nécessaire progressivité des reformes dans un environnement sénégalais à maints égards sous contraintes. Ou au contraire souscriront ils à une vision maximaliste que justifieraient la complémentarité des reformes et l'urgence de la demande sociale qui impose d'aller vite et loin.
Voilà une difficile équation d'économie politique et de politique tout court.
Car en définitive une fois dissipée la griserie de ce séisme politique souhaité par une accablante majorité, la réalité têtue d'un pays pauvre (rang IDH / Nations Unies du Sénégal 169 sur 193 pays) - où les causes structurelles des prémices d'incendie social restent entières - ne disparaîtra pas de sitôt comme par enchantement! Le principe de réalité sera bien le premier écueil à l'entame de l'exercice du pouvoir. Oui hélas l'exception démocratique n'est pas une nourriture terrestre, elle ne se mange pas, elle n'est pas une fin mais seulement la condition de possibilité de la seule exception qui vaille et qui n'est pas donnée mais est à construire : celle d'un mieux-être pour le plus grand nombre.
Ainsi le vote du 25 mars aux allures de plébiscite apparait comme un double cri de désenchantement contre les sortants mais aussi d'espérance et de soif de mieux-vivre pour l'avenir qui est ici et maintenant ! Puisse ce cri resonner pour longtemps dans les têtes et les cœurs des vainqueurs du jour à jamais
épargnés du syndrome d'hubris. Pour que triomphe enfin l'avènement d'un État parcimonieux, un État équitable, un État transparent, pour tout dire un État citoyen. Une singulière opportunité pour ce pays d'être enfin sujet souverain de sa propre histoire. Ne la gâchons pas !
par Ibrahima Gassama
ET SI LE SÉNÉGAL ÉLISAIT 18 MILLIONS DE PRÉSIDENTS
Accomplir ses devoirs et crier ses droits, avec des cahiers sur la tête ou un stylo à la main, lors des grèves estudiantines et scolaires sans casser de biens publics et privés, ne sont-ils pas des actes à la portée des filles et des fils du pays ?
« Ne demande pas ce que ton pays peut faire pour toi, demande ce que tu peux faire pour ton pays. » John Fitzgerald Kennedy.
Le dimanche 24 mars 2024, les sénégalais ont dans leur écrasante majorité décidé d’élire leur cinquième président dès le premier tour, avec 54,28% des suffrages exprimés. Un président que les amoureux du pari sportif hippique auraient appelé dans leur jargon, un outsider. Un outsider que nul n’a vu venir. Que dis-je ? Un poulain, oui un poulain qu’aucun esprit, grand et averti puisse-t-il être, ne pouvait entrevoir pour le classer parmi les partants. Oui, pas un seul esprit, car les synapses des partants sont toujours embourbées dans des équations insolubles, des équations qui se heurtent toujours au fameux moi ou personne ! L’élection présidentielle sénégalaise de 2019 en est deux preuves : Karim Meïssa Wade et Khalifa Ababacar Sall.
Eh bien, ce poulain, seul un cœur, un grand et pur cœur pouvait le voir et le choisir, cela avec un troisième œil. Cet œil devra-t-il être dénué de tout égo, de toute peur et de toute ma-thématique. Cet œil, il est fait tout œil, il fait corps avec le cœur, loin de l’esprit, inconnu des théorèmes politiciens. Gagner et perdre valent le même prix pour lui. Pour lui, perdre et gagner pèsent le même poids. Oui, pour lui, que représente sa petite silhouette dans cet univers si vaste de 196722 km2 ? Cet univers sénégalais endurant et patient, digne et vertueux, qui depuis 1960 est à la recherche de l’oiseau rare pour veiller sur ses libertés, judiciaire, humanitaire, alimentaire, financière…..
Pour lui accorder ses libertés et affranchir son peuple de la tyrannie des valets d’occident, que de sacrifices sur l’autel de l’injustice, au grand dam de toute sa famille, au sens africain du terme. D’abord au temple fiscal et domanial, pour raison de dénonciation de détournements de deniers publics, ensuite au carrefour des porteurs dévoyés de voix du peuple, encore pour raison de mauvais usage des deniers publics, et enfin au temple de thémis, pour raison d’accusation de viol jamais prouvé.
Qui, pour arrêter la mer avec ses bras ? Qui ? Personne. Qui pour affronter cette grosse et redoutable machine appelée l’Etat ? Qui, si ce n’est Dieu ? Sur Dieu se repose qui voudrait connaître le repos, pourvu qu’il soit dépourvu d’intellect et fasse de son cœur sa boussole. Quelle que soit la puissance de l’adversaire, quels que soient ses plans et ses subterfuges, Dieu nous connait mieux que nous croyons nous connaître. Ainsi, avec une carapace dure, comme un O.S., il a su transcender toutes ces épreuves, au prix de sa vie et de sa carrière professionnelle, pour servir au Sénégal un magnifique cadeau en ce mois doublement béni de carême et de ramadan. Pour sûr, pas d’être parfait en ce monde si bas, cultiver la meilleure graine de soi incombe en revanche à chaque être....humilité, écoute, bienveillance, élevation, pardon, gratitude.
Un peuple déterminé est inarrêtable, un croyant adossé à Dieu sort toujours vainqueur de ses épreuves. L’élection présidentielle sénégalaise de 2024 aura été une belle et instructive leçon de vie pour tous, même pour les esprits les plus sombres.
Après 64 ans d’indépendance, que de progrès ont pu être réalisés ! Au plan infrastructurel, tous azimut, se vantent-ils souvent. Bravo. Les transports. Bravo. A quel prix ? Surfacturation, corruption, contrats lugubres, des marchés de gré à gré bien graissés à l’insu de toute inquisition sérieuse, tellement le coude posé est lourd.
Quid des libertés individuelles, du niveau de vie dégradant des sénégalais ? Le chômage, la famine, la mort silencieuse, la mort subite, la mendicité sans masque, le prix élevé des soins sanitaires, l’émigration clandestine, la dilapidation du trésor marin, la flambée des prix, l’anarchie, les conditions carcérales inhumaines, le niveau scolaire au rabais, etc., peignent le sombre tableau de bord du Sénégal. Le comble, face à toutes ces misères, les sénégalais cohabitent avec des fonctionnaires milliardaires, hautains et arrogants, toujours prompts à exposer ostentatoirement leur butin à travers leurs palais, leurs apparats leurs bolides illicites.
L’élection du président Bassirou Diomaye Diakhar Faye est une véritable délivrance pour le peuple sénégalais. Elle le serait davantage si chaque Sénégalais, où qu’il soit, accepte de s’élire président. Elle le serait encore si chaque Sénégalais sait que 5 ans, 10 ans et même 20 ans, ne sauraient suffire pour bâtir un pays et construire le prototype homosenegalensis. Qu’il sache, tel le colibri, que sa pierre, petite puisse-t-elle sembler, demeure utile à l’édification d’un Sénégal meilleur que nous souhaiterions construire et léguer à nos enfants, petits-enfants et arrières petits-enfants.
La propreté au pluriel doit constituer un viatique pour chaque sénégalais. L’assainissement de soi, des relations humaines, fondé sur le respect et la loyauté, la préservation des biens publics et biens privés, de l’environnement, à travers de petits gestes aux grands effets tels que le reboisement et la salubrité, l'observance de l’éthique et de la déontologie, le respect des horaires de travail, des valeurs de la famille, point de départ du façonnage de l’humain doivent être nos idéaux pour bâtir un Sénégal meilleur.
Afficher autrement sa colère et ses revendications à travers le port de brassards vert-jaune-rouge, bannir les grèves sans travail en entreprise, encadrer des manifestants sans effusion de sang et de pertes en vies humaines, sont-ils possibles ailleurs et non au Sénégal ? Accomplir convenablement ses devoirs et crier haut et très haut ses droits, avec des cahiers sur la tête ou un stylo à la main, lors des grèves estudiantines et scolaires sans casser de biens publics et privés, ne sont-ils pas des actes à la portée des filles et des fils du Sénégal ?
Chers concitoyens, personne, personne hormis le peuple sénégalais dans son entièreté, soutenu par ses frères et sœurs cohabitants étrangers, ne pourrait développer notre cher pays. Le travail, la discipline, l’intégrité, le respect, la solidarité, le partage, la foi, sont autant de leviers dont chaque sénégalais peut user pour élever le Sénégal au plus haut sommet des firmaments du bonheur et de la paix pour tous. A cela, y ajouter la répartition équitable des retombées de l’exploitation des richesses naturelles dont regorge le pays ne saurait qu’être juste et bénéfique à tous. Combien de pays au monde vivent heureux sans même disposer de la moitié des richesses dont dispose le Sénégal ?
Le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye a été élu le dimanche 24 mars 2024 par une écrasante majorité des sénégalais, avec 54,28% des suffrages exprimés. Mais à lui tout seul, avec Ousmane Sonko, avec tous les membres de Pastef, avec les membres de la coalition Pastef, avec la diaspora, ils ne pourront pas tout faire.
Qu’en est-il si le Sénégal élisait 18 millions de présidents ?
par Ibrahima Thioye
FAITS MARQUANTS ET QUELQUES ENSEIGNEMENTS DE L’ÉLECTION
La communication pour accéder au pouvoir ne doit plus être la même que celle qui sera en vigueur lorsqu’on dirige le pays. Dans sa forme, elle doit être plus pondérée, plus suggestive et plus constructive
L’élection présidentielle du 24 mars 2024 s’est globalement déroulée dans de bonnes conditions. Elle s’est soldée par la victoire de Bassirou Diomaye Faye au premier tour. Celle-ci traduit une volonté de sanction d’un régime qui a mis à rude épreuve le corps social et secoué la démocratie, le contrat social ou le vivre-ensemble. Quelques secteurs économiques ont subi des perturbations suite aux différentes crises. On assiste à une ère nouvelle marquée par l’émergence de jeunes leaders et la fin de cycle d’anciens acteurs politiques. Ousmane Sonko a incontestablement joué un rôle de premier plan durant tout le processus électoral. Le peuple sénégalais a réagi magistralement en écrivant de fort belle manière — grâce à ce scrutin — une nouvelle page de notre marche vers unesouveraineté nationale plus complète. Sont décrits ci-après quelques faits marquants et des enseignements qui peuvent être utiles pour la nouvelle équipe dirigeante qui accède au pouvoir.
Faits marquants
1. Victoire de Bassirou Diomaye Faye au premier tour
La coalition Bassirou Diomaye Faye remporte cette élection avec 54,28 % des voix, suivie de la coalition BBY, dirigée par Amadou Ba, qui a obtenu 35,79 % des voix. Ces deux coalitions totalisent 90 % des voix, offrant ainsi une allure de référendum à cette joute électorale. Elles sont suivies par le PUR d’Aliou Dia et Taxawu de Khalifa Sall, qui ont obtenu ensemble 4,36 % des voix ; les quinze autres candidats se partagent 5 % des suffrages.
Ces résultats expriment une volonté du peuple de rompre avec cet état de déliquescence du corps social. La coalition Diomaye a su répondre par un positionnement très clair sous la houlette agissante d’Ousmane Sonko. Amadou Ba s’est positionné comme le candidat de la continuité qui n’a pas bénéficié du soutien complet des membres de son camp. Les autres candidats avaient surtout un problème de notoriété.
2. Fin de cycle pour Idrissa Seck et Khalifa Sall
Les résultats obtenus par Idrissa Seck et Khalifa Sall — respectivement 0,90 % et 1,56 % — ont surpris la plupart des observateurs. Idrissa avait obtenu plus de 20 % des voix lors de l’élection de 2019. Le parti de Kalifa Sall, Taxawu, avait enregistré 14 députés lors des dernières élections législatives. Sont-ils victimes du processus de bipolarisation ou s’agit-il simplement d’un besoin de renouvellement du personnel politique suivant un schéma d’alternance générationnelle ?
3. Résultats très faibles pour les dissidents de BBY
Les quatre candidats dissidents de BBY n’ont pas réalisé des scores significatifs. Idrissa Seck, Boun Abdallah Dionne, Mame Boye Diao et Aly Ngouye Ndiaye ont enregistré respectivement 0,90 %, 0,19 %, 0,33 % et 0,47 %, totalisant moins de 2 % des voix. Ces voix, ajoutées à celles d’Amadou Ba, portent le score de ce dernier à environ 38 % des suffrages.
4. Les gros scores
De gros scores ont été enregistrés pour Bassirou Diomaye Faye à Touba Mbacké, Bignona, Oussouye et Ziguinchor : 79,50 %, 81 %, 79,56 % et 74 %. Amadou Ba a remporté la victoire avec la même tendance dans la région de Matam : 87 % à Kanel, 86 % à Matam et 80,93 % à Ranérou. Le poids électoral de Mbacké étant plus élevé que celui de Matam, le surplus de voix obtenu dans la région de Diourbel — 190 000 — l’emporte sur les voix obtenues par BBY dans la région de Matam.
Quelques enseignements
1. La boucle vertueuse : un bon positionnement, de puissantes marques, une forte coalition
La coalition de Bassirou Diomaye Faye a su capitaliser sur les marques Sonko et Pastef En apportant leur soutien à cette coalition, des leaders, qui ont marqué le landerneau politique, ont inscrit leur action dans une boucle vertueuse. Ousmane Sonko, craignant un rejet de sa candidature, a demandé à plusieurs membres de son parti et même à d’autres alliés de Yewi Askan wi de déposer la leur. En désignant Bassirou Diomaye Faye comme le candidat de repli, porteur de son projet, le Pastef a opéré un transfert d’aura grâce au mot d’ordre : « Diomaye est Sonko et Sonko est Diomaye ». La marque mère Sonko a donné naissance à une marque fille Diomaye qui s’est imposée avec brio sur le marché électoral.
2. Nouveaux rôles pour Sonko afin de réduire la probabilité de frictions
Après avoir contribué à élire des maires et des députés, Sonko a largement joué un rôle dans l’élection de Bassirou Diomaye Faye. Il a su ajuster sa présence ou son absence durant la campagne en laissant à ce dernier la latitude de s’imposer et d’incarner cette posture de candidat de la rupture qu’attendent les Sénégalais. Après son élection, on peut se demander si la meilleure stratégie — celle qui présente une faible probabilité de frictions ou de tensions — ne consisterait pas à offrir plus d’espace à Diomaye. Est-ce que la présidence de l’Assemblée nationale ne serait pas la meilleure station pour Sonko ? Le parti Pastef ayant grandi assez vite et étant appelé à se massifier, Ousmane Sonko pourrait contribuer à parfaire son organisation et en faire un modèle de fonctionnement démocratique capable d’élever le niveau de formation politique de ses membres.
3. Changer les éléments de langage
La communication pour accéder au pouvoir ne doit plus être la même que celle qui sera en vigueur lorsqu’on dirige le pays. Dans sa forme, elle doit être plus pondérée, plus suggestive et plus constructive. Voici quelques éléments de langage utiles, dont certains sont déjà dans le registre de la communication des nouveaux dirigeants :
« Nous n’avons qu’un ennemi, c’est le retard économique du pays. »
« Nous avons besoin de toutes les compétences pour reconstruire le pays. »
« Pas de chasse aux sorcières. Amnistie, et non amnésie ; réconciliation nationale dans la justice et la vérité. »
« Ils ont fourni le maximum de leurs capacités dans le contexte qui était le leur : nous devons pousser plus loin les limites dans ce nouvel environnement plus complexe où tout est urgent et face à des attentes et à des exigences très fortes des populations. »
« Nous ne sommes pas des saints ; nous commettrons certainement des erreurs, mais nous apprendrons très rapidement de celles-ci. »
« Les bonnes intentions ne suffisent pas, nous préférons mettre en place l’organisation, les règles, la discipline qui nous prémunissent contre d’éventuelles dérives. »
4. Dynamique de changement orienté résultat et changement de mentalités
1. Les premiers jours devraient contribuer à bien finaliser la conception des éléments du projet (y compris les conclusions et recommandations issues des rapports des assises et de la CNRI) : déclinaison précise avec des engagements, mise en place des moyens d’évaluation et de suivi, sensibilisation et démarrage.
2. Actions rapides à réaliser pour fixer les esprits et maintenir l’espoir (stabiliser la gouvernance, déploiement des mesures faciles à mettre en œuvre ne requérant pas la validation de l’Assemblée nationale, etc.).
3. Mesures de discipline et d’organisation pour marquer les esprits (attachement viscéral à la ponctualité, déclaration de patrimoine, etc.).
4. Annonce publique de rupture avec les vieilles pratiques d’exhibitionnisme et d’ostentation qui peuvent facilement entraîner des glissements vers le népotisme et la gabegie (griotisme dans sa dimension perverse, patronage de manifestation, « drapeaux », etc.).
5. Lancement, par anticipation, de la campagne de lutte contre les inondations ou actions prioritaires à forte répercussion sociale.
Cette élection marque un tournant décisif dans la vie politique du Sénégal. De nombreux défis économiques et sociaux attendent les nouveaux dirigeants. Des secteurs économiques ont été secoués, le corps social mis à rude épreuve et la démocratie fragilisée. Les nouveaux dirigeants ont obtenu la faveur des populations grâce à leur orientation très claire à propos du patriotisme et de la souveraineté qu’ils s’engagent à parfaire. Le projet autour duquel ils ont mobilisé les Sénégalais est plutôt pertinent, car il répond aux principales questions brûlantes de l’heure. Le plus gros défi est de le mettre en œuvre en faisant face aux obstacles qui ont empêché les deux premières alternances de réaliser leurs promesses de départ.
LANGUES NATIONALES ET FRANÇAIS : QUELLE COHABITATION ?
Evitons les enfermements stériles pour dégager des espaces d’altérité cognitive fécondante auxquels nous convie Goethe dans cette diatribe: «Celui qui ne connaît pas les langues étrangères ne connaît rien de sa propre langue.»
Permets à ton professeur d’hier, et non moins collègue Inspecteur Général aujourd’hui, de te porter la contradiction par le biais de ton post Facebook sur le projet Pastef et langues.
Tu as parfaitement raison sur la subtilité de la nuance entre des enseignements bi-langue et bilingue, celui-ci étant plus complexe que celuilà. Enseigner en Anglais est différent d’enseigner l’Anglais parallèlement avec une autre langue. Cette concession faite, attaquons le vif du sujet en ce qui concerne le français qui, semble-t-il, «sème tous les germes d’échec pour nos apprenants … langue étrangère et à culture exogène» (sic). J’attribue cette assertion aussi imprécatoire qu’abusive, à une dérive de la plume impulsée par une confusion conceptuelle entre le français langue de communication internationale et le français langue du colonisateur français. Ce Français porteur de «germes d’échecs» que tu voues aux gémonies ne saurait s’appliquer, ni à moi ni à toi qui as brillamment fait tes études jusqu’au doctorat en français bien châtié. Qu’est ce qui a changé ? Toi et moi sommes des anglicistes qui manions le français avec bonheur parce que nous avons été éduqués par des instituteurs très bien formés, ni en six mois, ni recrutés expéditivement par des politiciens en quête de popularité. Dans ces conditions, si vous injectez 5000 enseignants dans le système éducatif, sans compter les dégâts incommensurables infligés vingt-cinq ans auparavant à l’école par les Volontaires, Contractuels et «Ailes de dindes» de l’ajustement structurel des années 80, s’en prendre au français devient un déni de réalité, voire une quête de bouc émissaire (Scapegoating).
Les professeurs Mary Teuw Niane, Sakhir Thiam et Cheikh Anta Diop n’ont pas tracé des tangentes, ni appris les intégrales ou dérivées en Wolof ! Ils maîtrisent le français langue d’acquisition et de transmission de ces connaissances fort complexes ! Quand Samba Diouldé Thiam et Maguette Thiam, tous deux mathématiciens, animaient Andd Soppi en français, chacun de leurs articles était un régal littéraire parce que, comme tout bon scientifique, ils maîtrisent le français. Que dire de Pathé Diagne, héraut des langues nationales et leur transcription, fin connaisseur de la langue française dans toutes ses subtilités esthétiques? Je me souviens encore de la remarquable «Volée de bois vert» (titre de son article) qu’il avait administrée sur les langues nationales à Kader Fall, alors ministre de l’éducation. Ma génération a la légitime nostalgie de ces débats de haute facture en français à cette époque où il était ni étrange ni étranger ! Que s’est-il passé entretemps ? On n’ose point supputer une érosion des intelligences ou une altération génétique générationnelle !
Cher collègue, j’ai l’impression que le débat sur le français et les langues nationales est biaisée par l’intrusion furtive de considérations idéologiques surgissant de la mémoire d’un orgueil national meurtri par les canons du colon français qui, selon Cheikh Hamidou Kane, nous a «recensés, répartis, classés, étiquetés, conscrits, administrés.» Il ne faudrait pas enfermer le débat dans une logique de repli identitaire et revanchard tel que le configurent certaines assertions du genre, «aucun pays ne s’est développé dans une langue étrangère !» Soit ! Reprendre à satiété cette assertion péremptoire est révélateur d’un déficit d’historicité et d’approche anthropologique. Ceux qui ont cette posture évoquent de grands pays développés comme la Chine, la Corée et le Japon. La Chine n’a jamais subi une présence coloniale de longue durée comparable à la nôtre. Tout au plus, elle a été brièvement dominée économiquement et militairement par des puissances occidentales qui n’y ont pas laissé leur empreinte linguistique et culturelle ; le même scénario est valable pour la Corée, surtout celle du Sud qui a grassement bénéficié de la présence Américaine pour s’enrichir de la langue anglaise, des dollars et de la technologie des GI’s venus endiguer la déferlante Nord-Coréenne des années cinquante. Comme quoi, les phénomènes d’hybridation sont plus fécondants que les obsessions de la pureté! Quant au Japon, son insularité et sa puissance militaire aidant, il a su préserver son intégrité sociolinguistique. Que dire du Sénégal ? Toute une autre histoire (Another ball game) !
L’histoire coloniale du Sénégal atteste de la présence du français dans notre pays depuis le XVI siècle. En six ou sept cents ans, le français a pensé et structuré l’administration civile et militaire, irrigué le champ éducatif et scientifique de notre pays dont la vulnérabilité était accrue par sa tradition orale. Donc, par un trait de plume, on ne peut ni l’effacer ni le rétrograder au risque de nous heurter au mur épistémologique qui a compromis l’Arabisation dans certains pays arabes. L’adoption accélérée de l’Arabe comme langue de substitution par des revendications nationalistes les a coupés du corpus scientifique universel écrit en français et surtout en Anglais, pour les enfermer dans le ghetto linguistique «d’une métamorphose inachevée» ! Ils ont cessé de maitriser le Français sans acquérir l’arabe classique. De cette impasse est née une nouvelle caste de locuteurs appelés les « Nilingues »! Soyons prudents et opportunistes comme la Grande Royale de Cheikh Amidou Kane. Certes notre rencontre avec l’Occident fut «une naissance qui se fit dans la boue et le sang» (sic); mais par intelligence stratégique écoutons la : «Il faut aller apprendre chez eux l’art de vaincre sans avoir raison… L’école étrangère est la forme de la nouvelle guerre que nous font ceux qui sont venus. Il faut y envoyer notre élite en attendant d’y pousser tout le pays » ! Cette exhortation à assumer son histoire avec réalisme et sans complexe fut le crédo du Japon qui n’hésita pas à envoyer des cohortes d’étudiants en occident pour s’approprier les armes de leur vainqueur !
Cher Collègue, je te félicite pour le travail de pionnier-défenseur de la scolarisation en langues nationales par l’application du Modèle harmonisé d’enseignement bilingue au Sénégal (MOHEBS) qui utilise les langues nationales dans les enseignements-apprentissages en même temps que le français. En didactique de l’Anglais, je prône l’utilisation intelligente des langues nationales et du Français pour faciliter les apprentissages au nom du concept de compétence plurilinguistique qui permet des associations et transferts entre ces langues selon les circonstances. Ma seule crainte est le débat inachevé voire négligé sur la baisse des performances scolaires dues fondamentalement à une mauvaise maitrise du français, aussi bien par les apprenants que les enseignants. Quelle que soit la langue de transmission des connaissances, Mandarin, Anglais, Français ou langue nationale, elle doit être maitrisée. Même si Boileau nous dit que «Ce qui se pense clairement s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément», il faut ajouter à condition que la langue d’énonciation soit maitrisée. Ne pas régler le problème du Français par la formation et le diaboliser pour légitimer d’autres alternatives risque de nous fourvoyer dans des impasses. Langues nationales oui, mais accompagnées par la réhabilitation du Français. Evitons les enfermements stériles pour dégager des espaces d’altérité cognitive fécondante auxquels nous convie Goethe dans cette diatribe: «Celui qui ne connaît pas les langues étrangères ne connaît rien de sa propre langue.»
Mathiam THIAM
Inspecteur Général (Anglais)
Fastef, Département de didactique de l’Anglais
Par Seydina A. NDIAYE
L’IMPASSE ECONOMIQUE HERITEE PAR LE PRESIDENT FAYE
Le nouveau régime devra s’attaquer aux attentes sont très fortes, surtout de la part de la jeunesse, de manière efficiente et probante pour ne pas décevoir les attentes légitimes des électeurs.
Le plébiscite du Président Bassirou Diomaye Faye ne souffre d’aucune contestation suite aux résultats de l’élection présidentielle de ce 24 mars 2024, en ce sens que, pour la première fois dans l’histoire politique de notre pays, un candidat de l’opposition arrive à remporter aussi nettement la mise, dès le premier tour. Il convient de souligner que les attentes sont très fortes, surtout de la part de la jeunesse, majorité écrasante de la population qui, faute de capture du dividende démographique, est devenue une bombe sociale incontrôlable dont même l’espoir d’un meilleur avenir a disparu durant ces dernières années de gouvernance de l’ex-Président Sall. Car, il est des chiffres qui rappellent à dessein le lourd héritage économique particulièrement mitigé que devront porter les frêles épaules du Président Faye. Le nouveau régime devra s’y attaquer de manière efficiente et probante pour ne pas décevoir les attentes légitimes des électeurs.
En premier lieu donc, il s’agit de la détresse de la jeunesse. En effet, le chômage des jeunes en 12 ans de régime Sall a doublé, officiellement passant de 12% à 24% de la population, sachant le caractère très informel de l’emploi au Sénégal (97% selon les derniers chiffres de l’Ansd). Cette situation décrit très concrètement le mal-être de cette jeunesse qui, dans l’espoir de l’atteinte du mirage de l’eldorado européen, se jette dans les flots de l’océan atlantique ou dans le désert saharien.
Deuxième enjeu crucial à adresser : la facture de l’absence de souveraineté alimentaire, avec des importations de 700 Mia FCFA par an, rien que pour le riz (347 Mia FCFA), le blé (238 Mia FCFA) et l’huile ‘127 Mia FCFA). La pauvreté reste très forte au Sénégal, malgré la réduction de sa prévalence de 53% en 2012 à 47% en 2023, selon les données de la Banque mondiale. Le panier de la ménagère est très dégradé, avec une inflation (importée) de près de 30% et un pouvoir d’achat sinistré, malgré les promesses des retombées du pétrole et du gaz. La fracture sociale est en effet béante dans le Sénégal de 2024, avec un lumpenprolétariat diffus dans tous les segments de la société.
Enfin, troisième enjeu économique du lourd héritage : l’endettement massif. Sur un PIB de 17 000 Mia F CFA à fin 2023, le taux d’endettement est de l’ordre de 13 000 Mia FCFA, soit un ratio de +76%, largement au-dessus de la norme communautaire. Le mirage d’un développement tiré par des infrastructures de prestige, sur fond d’un endettement massif par un financement conditionné lié, a servi d’éperon à cette folle spirale de la dette : Eurobonds, recours quasi systématique au marché financier, etc. Rien que cette année 2024, le service de la dette est de 1 248 Mia FCFA, pour ainsi dire que, cette poussière sous le tapis de la dette risque d’être un véritable goulot d’étranglement pour un revirement stratégique dans le cadrage macro, car cela demande beaucoup de souplesse de la part de nos créanciers, surtout dans ce contexte de hausse du dollar US et de retour de la belligérance entre l’Occident Collectif et le Sud global, pour paraphraser les penseurs de la géopolitique.
Ce trépied d’enjeux, adossés à la future exploitation du pétrole et du gaz, fait des premiers 100 jours du nouveau régime un moment charnière de notre histoire collective. Il est dès lors à souhaiter que la promesse électorale de travailler avec les meilleures compétences d’ici et d’ailleurs ne se fracassera pas à la Realpolitik du pouvoir au Sénégal, pour une réussite du quinquennat.
par René Lake
POUR UN GOUVERNEMENT RÉDUIT SUR LA BASE DE L’HÉRITAGE DE MAMADOU DIA
EXCLUSIF SENEPLUS – Moins de 25 ministres comme recommandé par la CNRI. Une équipe restreinte, expression d’un engagement en faveur d'une gouvernance d'efficience, de responsabilité, d'équité pour être fidèle au Projet de Pastef
Le 7 septembre 1960 marque un tournant historique pour le Sénégal avec la nomination de son premier gouvernement par le président Léopold Sédar Senghor. Sous la direction de Mamadou Dia, ce gouvernement pionnier fut structuré autour de quatorze ministères clés, établissant ainsi les fondations d'une gouvernance efficace et rationnelle.
Ces ministères incluaient :
Ministère des Affaires étrangères
Ministère de la Justice
Ministère de l’Intérieur (chargé provisoirement de la Défense)
Ministère du Plan, du Développement et de la Coopération technique
Ministère des Finances
Ministère de l’Économie rurale
Ministère de l’Éducation nationale
Ministère de la Fonction Publique et du Travail
Ministère de la Santé et des Affaires Sociales
Ministère des Travaux Publics, de l’Habitat et de l’Urbanisme
Ministère des Transports et des Télécommunications
Ministère de l’Enseignement Technique et de la Formation des Cadres
Ministère de la Jeunesse et des Sports
Ministère de l’Information, de la Radiodiffusion et de la Presse
Ce choix reflétait une volonté de concentrer les efforts gouvernementaux sur des axes prioritaires, favorisant ainsi une prise de décision rapide, une meilleure coordination, et une réduction significative des coûts opérationnels.
En limitant le nombre de ministères, Dia cherchait également à combattre le clientélisme politique, en veillant à ce que chaque poste ministériel soit justifié par de véritables besoins administratifs et sociaux.
Dans le sillage de cette tradition de gouvernance réfléchie, Pastef et le nouveau président Diomaye Faye doivent proposer une vision similaire pour le Sénégal contemporain.
En s'engageant à ne pas dépasser un maximum de 25 ministères, conformément aux recommandations de la Commission Nationale de Réforme des Institutions (CNRI), ils aspireront à instaurer une administration efficace, transparente, et résolument tournée vers le service du peuple sénégalais comme suggéré dans leur Projet. Ne pas le faire, serait déjà une première indication d’une forme de reniement.
Un gouvernement réduit s'inscrit dans un contexte où la bonne gouvernance est un pilier essentiel de la démocratie et du développement durable. Elle traduit une ambition de renforcer la confiance entre les citoyens et leurs représentants, de rationaliser l'usage des ressources publiques et d'optimiser la réponse gouvernementale aux enjeux contemporains.
En envisageant un gouvernement restreint mais dynamique, le Sénégal se positionnera comme un modèle de réforme administrative en Afrique et dans le monde. Cette vision héritée de l’époque de Mamadou Dia, au-delà de ce qu’elle symbolise sera l’expression d’un engagement sans faille en faveur d'une gouvernance qui privilégie l'efficience, la responsabilité et l'équité.
Ainsi, en regardant vers l'avenir avec un œil critique sur le passé, le Sénégal continuera de forger un chemin vers une gouvernance de rupture, renouvelée, inspirée par les leçons de l'histoire et animée par une volonté de servir au mieux ses citoyens.
Par Hamidou ANNE
LE CONCLAVE DE SAVANA
Le conclave de Savana : une brève histoire du parti socialiste (L’Harmattan-Sénégal, 2024) offre une vue panoramique sur plus de cinquante ans d’un courant qui a façonné l’histoire politique du Sénégal
Philosophe, romancier, essayiste, Abdoulaye Elimane Kane vient de publier un ouvrage remarquable sur la vie du parti socialiste sénégalais. Le hasard du destin, malicieux comme toujours, fait que ce livre est sorti à quelques encablures d’un scrutin présidentiel qui efface le camp socialiste de la carte électorale du Sénégal. Le conclave de Savana : une brève histoire du parti socialiste (L’Harmattan-Sénégal, 2024) offre une vue panoramique sur plus de cinquante ans d’un courant qui a façonné l’histoire politique du Sénégal. De la scission issue de la Sfio jusqu’au Ps, en passant par le Bds, le Bps et l’Ups, que de chemin parcouru par ce désormais «grand cadavre à la renverse» ! Le Ps a conduit notre pays à l’indépendance sous la houlette d’un leader charismatique. Il a bâti une Nation, un Etat et conçu la République comme synthèse de diverses aspirations et influences avant de passer dans l’opposition le 19 mars 2000 après 40 ans de règne sans partage.
Le livre de Abdoulaye Elimane Kane est essentiel dans ce contexte de confusions et de brouillage des lignes et des pistes idéologiques, et dans un moment de ferveur électorale à la suite du scrutin du 24 mars dernier. Il nous permet de prendre du champ, d’investir encore notre histoire politique dans le long terme et dans une temporalité plus large et plus complexe.
On parle d’alternance concernant ce qui se passe en ce moment. Justement, l’auteur déconstruit le mythe de l’alternance de 2000 et montre avec des références et des exemples précis qu’il y a déjà eu des alternances avant l’arrivée de Wade au pouvoir. Il cite entre autres la fin de l’hégémonie de la Sfio au profit du Bds en 1951 et le changement de cap de 1981 avec l’avènement de Diouf à la faveur de l’article 35 de la Constitution.
Ministre dans le dernier gouvernement de Abdou Diouf, Abdoulaye Elimane Kane revient sur cette période et surtout sur les jours d’après, quand le Ps, vaincu et groggy, devait panser ses plaies dans la douleur des lendemains de défaite. Il évoque avec pudeur et distance le phénomène de la transhumance, les querelles internes, les règlements de comptes et surtout la désignation de Ousmane Tanor Dieng comme responsable de la débâcle. Cette période tendue donne son nom au livre, car le conclave de Savana fut le premier acte d’une réconciliation (de façade ?) pour sauver les meubles dans une formation défaite et obligée de se remettre sur pied et en marche.
Tout en reconnaissant les limites de l’action et la responsabilité de l’ancien Premier secrétaire du PS, le professeur Kane consacre de longues et belles pages à la notion d’opposition républicaine comme choix du Ps en 2000, qui mêlait exigence sur les principes et responsabilité dans la démarche.
Ce choix rétrospectivement est à saluer au regard de la tournure des événements plus de deux décennies plus tard. Le Ps est resté, malgré douze années difficiles en dehors du pouvoir, un parti de gouvernement, même face aux méthodes scabreuses du Pds au pouvoir et aux injonctions de jeunes cadres et militants radicaux.
Acteur au cœur de la vie du parti socialiste qu’il a rejoint en 1990, Abdoulaye Elimane Kane y a assumé plusieurs responsabilités : coordonnateur du Groupe d’études et de réflexion, membre du Bureau politique, secrétaire national, porte-parole, etc. C’est donc de l’intérieur, sans jamais verser dans le déballage ni dans le règlement de comptes, qu’il nous parle de l’histoire de cette formation politique pendant et après l’exercice du pouvoir.
Ce livre arrive à son heure, quand toute la gauche est subitement propulsée dans l’opposition. Il permet d’expliquer certaines difficultés face auxquelles elle a eu à faire front commun entre 2000 et 2024, dans des unités d’actions comme le Front Siggil Senegaal ou ensuite le Benno bokk yaakaar. Ces divergences, qui demeurent tenaces, malgré l’arrivée au pouvoir de libéraux, au sein de la gauche historique - des socialistes aux communistes- est expliquée par l’auteur avec une grande finesse dans l’analyse. Il offre ainsi des clés pour agir collectivement et recoudre les liens afin d’affronter les défis complexes et majeurs à venir au regard de la nouvelle configuration du champ politique.
Le professeur Kane nous dit qu’un autre conclave est possible. Le basculement actuel rend ce propos davantage pertinent et même urgent. Cet ouvrage offre déjà une réflexion sur la table de ceux pensent se relever, penser et agir sur la suite.
Le socialisme démocratique offre une intuition et un cadre pour penser les retrouvailles de l’ensemble de la famille progressiste.
Abdoulaye Elimane Kane enfin consacre de sublimes pages à la mystique qui nécessairement fait penser à Jean Jaurès et aux théoriciens du socialisme. Il fait un emprunt à la mystique socialiste pour panser le Ps et au-delà toute la gauche à l’instar du kintsugi, cet art japonais de la réparation qu’il cite à de nombreuses reprises.
Abdoulaye Elimane Kane dédie cet essai majeur à feu Aboubacry Kane et aux Sages du Ps qui ont agi pour apaiser les cœurs et les esprits dans une période difficile. Il s’agit d’une dédicace qui m’a personnellement touché pour des raisons que l’auteur, s’il venait à me lire, saura décrypter car de génération en génération, nous avons tous bu à la même source du maayo éternel.