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26 novembre 2024
Opinions
par Aminata Dia
UN GOUVERNEMENT DE RUPTURE ? PAS POUR LES FEMMES
EXCLUSIF SENEPLUS - Cette équipe cristallise un système patriarcal bien ancré. Aucun changement systémique, pour reprendre les mots du président, ne peut s’opérer de manière durable sans une gouvernance inclusive et équitable
Ça y est ! La liste tant attendue des membres du gouvernement du président Bassirou Diomaye Diakhar Faye et de son Premier ministre Ousmane Sonko est tombée ce vendredi 5 avril 2024 : 25 ministres et 5 Secrétaires d’État. Si l’on y rajoute le Premier ministre Ousmane Sonko, le ministre Directeur de Cabinet du président de la République Mary Teuw Niane et le Secrétaire général du gouvernement Mohamed Al Aminou Lô, le décompte s’élève à 33 personnes. Nombre de ministres femme : 04, à savoir un dixième (si l’on rajoute dans le décompte le président de la République) des personnes représentées.
Selon le dernier rapport de l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD), la population résidente au Sénégal, recensée en 2023, est de 18 032 473 habitants, dont 8 900 614 femmes (49,4%) et 9 131 859 hommes (50,6%). Les femmes représentent donc près de la moitié de la population sénégalaise, mais ne sont représentées qu’à hauteur d’un dixième dans le gouvernement qui a pour but de les servir et de répondre à leurs attentes.
Certains s’offusquent qu’on puisse s’en offusquer. "Après tout, où est le problème ? L’essentiel n’est-il pas d’avoir un gouvernement avec des personnes compétentes et vertueuses ? Pourquoi s’attarder sur des futilités ? À l’heure de la cohésion sociale, à quoi ça sert de critiquer la faible représentation des femmes ? L’idée n’est pas de mettre des femmes pour mettre des femmes et remplir des quotas ou de s’attarder sur des questions de parité et de féminisme - Ces questions de toute façon ne sont pas de chez nous ni de notre culture". D’autres encore diront, d’accord, il y a une sous-représentation des femmes, mais le gouvernement a été mis en place pour répondre aux attentes des Sénégalais et pour se focaliser sur des priorités bien établies. Là, encore, en quoi la représentation de près de la moitié de la population est prioritaire ?
Mon cœur a mal, honnêtement, d’avoir à tout simplement écrire et expliquer en quoi cette faible représentation est problématique. L’enjeu n’est pas “de donner des postes aux femmes” mais de comprendre qu’aucun changement systémique, pour reprendre les mots de notre cher président, ne peut s’opérer de manière durable sans une gouvernance inclusive et équitable. Alors, j’anticipe sur la question : “en quoi un gouvernement sans les femmes n’est pas inclusif et équitable” ? En quelques points :
Les questions de genre ne sont pas l’apanage des femmes, mais un sujet transversal qui touche à tous les secteurs d’activité : les défis économiques, sécuritaires, numériques, migratoires, sanitaires, éducatifs, agricoles, pour ne citer que ces quelques exemples sont intersectionnels. Intersectionnel veut dire qu’ils touchent aussi bien les hommes que les femmes, mais de diverses manières. Les exemples sont pléthores, mais j’en citerai deux. Le premier : les défis auxquels sont confrontés les jeunes filles en termes de scolarisation et d’accès aux études supérieures sont différents de ceux des jeunes garçons. Bien que la scolarisation des enfants dans leur ensemble doive être promu, il est essentiel d’avoir un regard genre qui permette d’identifier les barrières spécifiques auxquelles sont confrontées les jeunes filles (être refusé le droit à la scolarisation au profit du garçon dans la maison, les lourdeurs des tâches ménagères, les mariages/grossesses précoces, les questions de sécurité qui s’appliquent différemment, les règles douloureuses, etc.) afin d’établir des programmes adaptés à leurs besoins. Le deuxième concerne les femmes agricultrices qui rencontrent, elles aussi, des challenges différents que ceux rencontrés par les hommes agriculteurs (l’accès à la terre et au financement est très différent pour les hommes et les femmes, surtout en milieu rural sans compter les différences dans la gestion des revenus). Il ne s’agit pas de se focaliser uniquement sur les défis des femmes, mais de comprendre que n’importe quelle politique publique, et ce, dans n’importe quel secteur, a des implications genre. Sans la prise en compte de cette question, les programmes établis ne seront pas adaptés aux besoins spécifiques des personnes à qui elles sont destinées, qu’elles soient hommes ou femmes.
Les femmes ne sont pas un groupe monolithique : la suppression du ministère de la Femme et sa transformation en ministère de la Famille et des solidarités est problématique. Elle pose une question centrale : la confusion entre les questions de genre et d’équité sociale et les questions familiales. Les deux sont liées et s’entrecoupent, mais elles sont différentes et se doivent d’être différenciées. Le rôle de la femme ne se limite pas à la cellule familiale et même au sein de cette celle familiale, les prérogatives données par le droit sénégalais aux hommes et aux femmes doivent être revisitées. Par exemple, la question de l’autorisation de sortie de territoire que les mères doivent faire signer par le père de leur enfant avant de pouvoir voyager avec ce dernier (qu’il soit leur conjoint légal ou pas) montre l’importance de penser les questions d’équité et de justice sociale en profondeur.
La représentation des femmes est un enjeu de bonne gouvernance, de paix, de cohésion sociale, de justice et de “rupture” : la norme, c’est la non-représentation des femmes dans les instances de décision. La norme, c’est d’œuvrer au développement de leur pays dans les plus hautes sphères de responsabilité, sans elles autour de la table pour partager leur perspective. La norme, c’est d’attribuer leur succès à leur collaborateur homme ou encore leur respectabilité à leur rôle de mère ou d’épouse. La norme, c’est leur objectivation sur la scène médiatique et publique. La norme, c’est leur demander de se taire, de parler doucement, de bien se tenir, d’être polie, de sourire, de ne surtout pas être en colère, de baisser la tête. La norme, c’est de les violenter verbalement, physiquement, financièrement, moralement, spirituellement, intellectuellement. La norme, c’est le harcèlement sexuel, le non-respect de leur intelligence et le doute sur leurs compétences. La norme, c’est leur demander de fournir 10 fois plus d’efforts pour dix fois moins d’avantage et de reconnaissance. La norme, c’est de leur offrir des fleurs le 8 mars ou de leur organiser des caravanes, mais pas de créer des espaces et des opportunités pour qu’elles-mêmes soient au pouvoir et décident de leur destin. La norme, c’est de tout mettre sur leurs épaules, de les acclamer pour leur courage, de les couvrir de louanges pour leurs sacrifices et leur dévotion à la souffrance jusqu’à ce qu’elles en meurent à petit feu. La norme, c’est de les critiquer lorsque leurs enfants échouent : après tout, “sa liguéyou ndey la — c’est le travail de ta mère”. La norme, c’est s’offusquer que les femmes osent s’offusquer de ne voir que quatre femmes représentées dans ce nouveau gouvernement. La rupture, ça aurait été un gouvernement représentatif et inclusif des femmes, chose que ce premier gouvernement du président Bassirou Diomaye Diakhar Faye n’a pas fait. Au contraire, il cristallise un système patriarcal bien ancré. Or, gouverner pour la paix sociale, la réconciliation, la justice, la rupture, le changement systémique demande de créer des espaces pour un leadership inclusif. Cela implique que les hommes au pouvoir soient conscients du privilège que leur confère leur identité d’homme dans notre pays afin qu’ils puissent apprendre à se décentrer et à inclure d’autres identités dans le système.
Je finirai par ces mots de ma maman Aminata Dieng Dia : “les nouvelles autorités doivent entendre cette indignation. Il n’y a pas de considération sur le profil ou autres justifications qui tiennent. Ce déséquilibre au niveau ministériel doit être rattrapé par la nomination de femmes gouverneurs et préfets pour conduire les politiques déconcentrées, de femmes comme Directrice Générale de sociétés nationales pour implanter le leadership féminin comme levier de transformation et de production de richesses.”
Pour la rupture et le changement systémique souhaité et annoncé, je prie que ces besoins d’inclusion, de mutualité et de représentation équitable soient entendus pour un Sénégal plus juste et prospère.
par l'éditorialiste de seneplus, ada pouye
DU BALAI !
EXCLUSIF SENEPLUS - La radicalisation politico-intellectuelle a porté ses fruits, mais au prix de centaines de vies, de blessés, de prisonniers et de disparus. Il est temps de promouvoir une décentralisation axée sur les dynamiques sociologiques locales
« La barbarie est toujours possible, cependant s’il y a des peuples qui se laissent arracher des mains la lumière, il y en a d’autres qui l’étouffent eux-mêmes sous leurs pieds ».[1]
La victoire triomphale à l’élection présidentielle du 24 mars 2024, saluée de tous, cache encore bien des secrets. Le mouvement social initié par le Pastef depuis 2019, autour du "Projet", et intensifié pendant les années Covid, a profondément marqué notre démocratie néocoloniale. Cette radicalité décomplexée a redéfini la sociologie politique. L'échec des partis traditionnels, attachés à un modèle occidental dépassé, a ouvert la voie à une jeunesse audacieuse et avide de justice, d'abord dans les universités Gaston Berger et Cheikh Anta Diop, puis dans une organisation réelle, loin des schémas habituels, malheureusement confrontée à une répression sauvage.
Les arrestations massives de jeunes et de maires ont conduit au mouvement F24, une plateforme rassemblant des organisations de la société civile, des partis politiques, des syndicats, des chefs d'entreprise, des défenseurs des droits de l'homme, des mouvements religieux et des figures remarquables, tous unis contre un troisième mandat et l'instrumentalisation politique de la justice. Les réseaux sociaux ont joué un rôle crucial dans cette mobilisation, qui s'inscrit dans la tradition sénégalaise de soutien aux alternances, illustrée notamment par le Forum civil et les coalitions stratégiques électorales en 2000, les Assises nationales, M23 et Y'en a marre en 2012, et plus récemment F24, AAR sunu élections et la diaspora.
Le Sénégal a rarement connu un tel bouillonnement intellectuel, avec une forte implication des universitaires défendant farouchement la Constitution et éclairant les "7 sages". Des pétitions internationales, des tribunes, des panels sous Zoom et des éditoriaux ont amplifié la mobilisation nationale et internationale.
Les mouvements de la société civile ont défendu les droits des citoyens, s'articulant autour des enjeux politiques et sociaux, s'intensifiant dans la lutte pour le contrôle du débat public et la rationalisation de la démocratie participative. Les avocats ont également joué un rôle crucial, soutenant la résistance malgré les dangers.
La méthode de mobilisation sociale, innovante et diversifiée, a été payante, avec des rassemblements, des manifestations, de la désobéissance civile, des grèves, des pétitions et la vente d'articles patriotiques, tous témoignant de la participation massive de toutes les couches de la société. Ce modèle de mobilisation citoyenne est une étude de cas pour la conquête des droits citoyens.
Alain Touraine définit le mouvement social comme une action collective visant un changement social, dépassant la simple contestation pour remettre en cause le pouvoir et sa domination.
Nous avons assisté à une reconfiguration et une agonie du système néocolonial, symbolisées par un conflit permanent et des débats autour de l'orientation sociétale, économique, culturelle et politique. La radicalisation politique et intellectuelle a porté ses fruits, mais au prix de centaines de vies, de blessés, de prisonniers et de disparus.
Il est temps de tourner la page, de balayer les institutions néocoloniales sans légitimité sociétale, de promouvoir une décentralisation basée sur les dynamiques sociologiques locales, de mettre fin à l'administration néo-coloniale, à l'accaparement foncier, à la corruption endémique.
Au travail, citoyens !
Exigeons une gouvernance responsable devant la souveraineté populaire.
Aucun délai ni état de grâce n'est permis.
[1] Alexis de Tocqueville “de la démocratie en Amerique
par Arona Oumar Kane
LE LEGS EMPOISONNÉ DE MACKY À DIOMAYE
Augmenter les salaires, de manière quasi symétrique, de 38,6% dans ce contexte relève de la folie. Aucun pays au monde, y compris parmi les plus nantis, ne peut encaisser un tel choc sur ses finances publiques sans conséquences
En mai 2022, la masse salariale mensuelle de l’administration publique sénégalaise est passée de 77,6 milliards à 106,2 milliards de FCFA (source DPEE[1]), soit une augmentation de 38,6% par rapport au mois précédent. D’un coup ! Pour une augmentation de “seulement” 2% de l’effectif, ce qui signifie que des hausses massives de salaires ont été opérées en faveur des agents de l’administration publique, par un extraordinaire coup de baguette magique. Une augmentation de 5 points d’indice a également été consentie sur les retraites dans cet exceptionnel élan de générosité.
Cet évènement rare, pour ne pas dire inédit, dans le monde entier, et qui aurait dû déclencher un débat national ou, tout au moins, une défiance parlementaire, est passé comme une lettre à la poste. Ni les acteurs politiques, y compris dans l’opposition radicale, ni les économistes d’ici et d’ailleurs, ni même les “procureurs” des institutions financières internationales, si promptes aux injonctions, ne se sont arrêtés sur ce qui relève pourtant d’un véritable séisme budgétaire.
Ce qui a porté cette information à notre attention, c’est notre activité d’éditeur de logiciels. En effet, nous avons développé un outil d’analyse de données économiques permettant de réaliser des études approfondies sur les données publiées par les gouvernements. C’est en entraînant nos modèles sur les données collectées auprès de la DPEE que nous avons détecté de nombreuses anomalies statistiques dans les comptes publics de la République du Sénégal, dont cette brusque augmentation de la masse salariale de l'administration publique.
Aucun pays au monde, y compris parmi les plus nantis, ne peut encaisser un tel choc sur ses finances publiques sans conséquences à plus ou moins long terme. Cela ne se fait jamais, c’est totalement irrationnel et irresponsable. Car, faut-il le rappeler, il ne s’agit pas ici de simples primes ponctuelles, mais de salaires et de retraites, autrement dit, des acquis sociaux dont les bénéficiaires s’attendent à ce qu’ils soient préservés.
Dans une économie qui peine à produire de la richesse sur une base endogène, et une mobilisation des ressources internes poussive et très insuffisante, le seul moyen de couvrir ces dépenses de personnel supplémentaires est de recourir à la dette. A moins que les nouvelles autorités ne trouvent une solution miracle ou décident de dire la vérité au peuple sénégalais sur cette véritable bombe qui ne demande qu’à exploser, nous sommes partis pour poursuivre cet endettement exponentiel - autre “legs aux générations futures” du président Macky Sall - et ce, jusqu’à une éventuelle cessation de paiement, avec tous les risques de déstabilisation sociale et sécuritaire que cela comporte pour notre pays. Les ressources internes, dons budgétaires et autres “aides” au développement qu’on arrive à mobiliser, sous la gouvernance et les orientations de politique économique que nous observons jusque-là, ne suffiront pas à maintenir cette masse salariale dans la durée.
Les salaires s'augmentent par la croissance, par la richesse créée dans une économie en progrès, et non par la dette. Dans le contexte économique d’alors, il eût été au contraire plus logique de geler les salaires ou tout au moins de les indexer sur le taux de croissance ou l’inflation. Or en 2022, le PIB avait fortement reculé par rapport à 2021 avec un taux de croissance qui passe de 6,5 % à 4,2% soit une variation de -36.5%, sous les effets combinés de la pandémie de Covid 19 et de la guerre en Ukraine. Augmenter les salaires, de manière quasi symétrique, de 38,6% dans ce contexte relève de la folie.
L’exposé des motifs de la loi de finances 2024, revenant sur cette forte revalorisation des salaires de la fonction publique invoque la nécessité de donner un coup de pouce aux salaires dans un contexte de très forte inflation. Cet argument est d’autant moins pertinent que la hausse massive des salaires est un facteur aggravant de l’inflation. Cela arrive quand on augmente fortement la demande sans offre équivalente en face. Simple loi du marché. Ainsi, à l’inflation importée, pour un pays à la balance commerciale en perpétuel déficit pris dans la tourmente des aléas géopolitiques, s’ajoute une inflation endogène causée par une décision non raisonnée de l’exécutif : une hausse artificielle des salaires.
La question qu’on peut alors se poser est de savoir pourquoi avoir opéré cette forte augmentation spontanée des salaires, totalement volontaire de la part du gouvernement, que personne n’a exigée et dont les bénéficiaires, qui ont dû sursauter en voyant leur bulletin de paie, n’osaient même pas rêver. La logique économique, paraît douteuse même si, comme d’habitude, les collaborateurs du président Macky Sall avait essayé de vanter les effets bénéfiques sur l’économie de l’augmentation du pouvoir d’achat des fonctionnaires, quand bien même ces derniers ne représentent qu’environ 1% de la population.
La vérité, quand on analyse le contexte de ce dopage salarial, c’est que nous sortions des élections locales de mars 2022 où le camp présidentiel avait subi un important revers, avec des défaites dans des bastions emblématiques comme Dakar, Guédiawaye, Ziguinchor ou Kaolack, et que nous nous dirigions vers les législatives de juillet 2022, également à hauts risques pour la majorité sortante. Cette revalorisation salariale, sortie de nulle part, en plein milieu d’année, non inscrite au budget et complètement hors de proportions, apparaît dès lors comme une monumentale opération d’achat de consciences qui ciblait les agents de l’administration publique ainsi que leurs familles et leurs bénéficiaires, dans un contexte électoral défavorable à la coalition Benno Bokk Yaakaar.
Le plus grave dans cette affaire, c'est que les artisans de cette gigantesque fraude économique ne se sont pas arrêtés en si bon chemin. L’opération avait porté ses fruits aux législatives : la majorité BBY avait été sauvée, de justesse certes mais sauvée quand-même. Ils ont alors réitéré la manœuvre à la veille de l'élection présidentielle, beaucoup plus discrètement cette fois-ci, mais avec la même dose d’irrationnel. Dans la panique d’une défaite imminente qui nous avait valu la tentative de coup d'État constitutionnel du 3 février 2024, une autre revalorisation massive des salaires de la fonction publique a également été opérée en catimini. Fin janvier 2024, la masse salariale mensuelle, qui était stable autour des 106 milliards depuis la grande revalorisation de mai 2022, a de nouveau brusquement bondi pour franchir la barre des 131,5 milliards de FCFA, soit un bond de 25% !
D’autre part, à la différence de la revalorisation de 2022, une augmentation substantielle de l’effectif est également observée, faisant passer le nombre de fonctionnaires de 176 620 en décembre 2023 à 179 071 en janvier 2024, soit un recrutement net de 2451 agents ce qui représente une augmentation de 1,4% [2] de l’effectif en un mois !
Enfin, les chiffres publiés par la DPEE laissent également apparaître un montant des frais d’hospitalisation des agents de l’Etat inhabituellement élevé, à 4,5 milliards FCFA, rien que sur le mois de janvier, alors que la moyenne mensuelle sur ce poste de dépense se situe autour d’un milliard. Même au plus haut de la pandémie de Covid-19, où les hospitalisations avaient logiquement connu une très forte hausse, nous étions très loin de ce niveau de dépenses. Rien dans le contexte sanitaire actuel ne permet d’expliquer ce décaissement de 4 milliards et demi en janvier, à moins que les montants nuls constatés sur les mois de novembre et décembre ne justifient une régularisation d’arriérés sur ces deux mois. Dans tous les cas, ces irrégularités statistiques dénotent, au mieux, d’un manque de sérieux dans la tenue des comptes publics, au pire, de manipulations comptables synonymes de malversations.
Récapitulons : En mai 2022, entre les élections locales et les élections législatives, la fonction publique a recruté 2% d’agents en plus, augmenté les salaires des fonctionnaires de près de 40% et relevé l’indice des retraites de 5 points de base. En janvier 2024, à quelques semaines du scrutin présidentiel, dans un contexte électoral encore plus tendu pour le pouvoir, il a été procédé à un recrutement de près de 2500 nouveaux agents - dont il serait intéressant de savoir sur quelles bases, dans quels secteurs, sur quels profils et pour quels besoins - et à une augmentation des salaires de 25% par rapport à la moyenne de 2023.
Ces dépenses de personnel supplémentaires, en plus d’être moralement inacceptables et économiquement infondées, sont dépourvues de base légale. En effet, les lois de finances qui autorisent les dépenses de l’Etat sur l’année plafonnent le montant des dépenses de personnel. Pour l’année 2024 le plafond est fixé à 1 442 milliards[3] de FCFA. Or, en portant la masse salariale mensuelle à 131,5 Milliards, on dépasse ce montant de près de 136 milliards de FCFA sur les 12 mois, compte non tenu des dépenses d’hospitalisation.
Clairement, nous avons là un cas de violation flagrante de la loi par le pouvoir exécutif.
Les deniers publics ont ainsi été utilisés, comme souvent dans notre pays, notamment en faisant exploser la dette dans la durée, pour atteindre un objectif politique immédiat et nous léguer un boulet budgétaire que nous allons devoir traîner pendant très longtemps. La gestion opaque et la roublardise auxquelles le régime du président Macky Sall nous a habitués et dont le grand public a eu un aperçu glaçant dans le rapport de la Cour des Comptes sur la gestion du fonds Force Covid-19, laissent à penser que des surprises désagréables attendent la nouvelle administration.
L’une de ces surprises sera sans aucun doute la situation des comptes publics, jusqu’ici masquée sous un tissus mensonges sur les chiffres et l’orientation budgétaire, au gré des sorties médiatiques dont le dernier ministre du budget nous a habituées. Ce brillant produit de l’administration sénégalaise, présenté comme un génie de la finance, est en réalité un grand artiste de la manipulation des chiffres. A l’Assemblée nationale, pour défendre ses budgets, comme dans les médias pour en faire la promotion et la pédagogie, ses démonstrations, d’apparence éloquentes, sont souvent bâties sur des postulats fantaisistes qui lui permettent de dire tout et n’importe quoi sur le budget sans être challengé par ses interlocuteurs.
Les argentiers du gouvernement passent leur temps dans les avions, allant inlassablement sur les marchés internationaux lever des fonds pour assurer, entre autres, le paiement des salaires. Missions pour lesquelles un célèbre ancien journaliste et écrivain, prenant la défense du candidat Amadou Ba, nous expliquait récemment que c’est aussi l’occasion pour les ministres en charge des finances de se remplir les poches de milliards sur des commissions et que tout cela serait tout à fait normal. Il est utile de rappeler que le paiement de ces commissions est inscrit dans les dépenses courantes affectées au service de la dette, sous le titre Intérêts et Commissions. En 2023 ces charges se chiffraient à 424 milliards FCFA. Donc si on en croit ce monsieur, une partie de ces montants irait dans les poches du ministre en charge des finances, en plus de son salaire et de tout le reste ! Difficile de savoir si on marche vraiment sur la tête ou si on est juste dans l’affabulation pure et simple. Toujours est-il que ces affirmations sont tellement graves qu’elles méritent un éclairage de la part du gouvernement.
La prospérité et la stabilité du Sénégal se mesurera à la capacité de ses dirigeants à adopter une gestion prudente et transparente des finances publiques, en veillant à ce que les décisions économiques soient prises dans l'intérêt général et non comme des outils de stratégie électorale. Cette opération de tripatouillage budgétaire est assimilable à un braquage par des bandits de grands chemins, un véritable sabotage dont les auteurs doivent répondre devant la justice. Il est impératif que le peuple sénégalais soit informé de cette atteinte grave à ses intérêts et que tous les responsables, hommes et femmes, impliqués dans cette forfaiture, à commencer par le président Macky Sall lui-même, rendent des comptes.
La passation de pouvoir est le moment où les anciens dirigeants s’activent pour quitter le pays avant d'être inquiétés. Certains, apprend-on dans la presse, auraient déjà déménagé et mis leurs familles à l’abri, en attendant de passer le service et de les rejoindre dans leurs lieux d’exil doré. Il serait regrettable que ces délinquants quittent le pays sans s’expliquer sur leurs actes.
Le président Macky Sall affirmait récemment, répondant à une question de la BBC, qu’il n’allait pas présenter des excuses au peuple sénégalais car, selon lui, aucune faute n’a été commise. Celle-là en est une. Une très nette. Une très lourde aux graves conséquences. Sous sa direction, une opération de sabotage sans précédent a été menée contre nos finances publiques, mettant en péril la sécurité économique et la stabilité de la Nation. Il avait prêté un serment qui l’obligeait. Il avait juré “de remplir fidèlement la charge de président de la République du Sénégal, d’observer comme de faire observer scrupuleusement les dispositions de la Constitution et des lois…”. Force est de constater que son comportement tout au long de son magistère fut loin de refléter ce serment.
Maintenant que le mal est fait, les nouvelles autorités auront pour mission, en plus de veiller à ce que les responsabilités soient établies et des sanctions administrées, de remettre de l’ordre dans les comptes. La tâche sera ardue tant cette situation nouvelle vient compliquer “Le Projet” et les attentes sont nombreuses, les populations impatientes. Le président Diomaye Faye aura donc fort à faire pour nous sortir de ce bourbier budgétaire. Il est évident qu’il va falloir prendre des mesures difficiles qui doivent être comprises et acceptées par tous.
Ce sabotage des comptes publics ne doit pas être vu comme un problème à résoudre pour le nouveau président, mais comme notre problème à tous. Le président Bassirou Diomaye Faye n’en est pas responsable, il ne l’a pas causé, et pour le résoudre de manière sûre et définitive, il ne pourra objectivement pas faire l’économie de mesures difficiles et impopulaires. Il va falloir opérer une purge budgétaire de grande ampleur, en commençant par l’annulation au moins partielle des augmentations et des recrutements fantaisistes qui ont été opérés dans les conditions décrites.
Les Sénégalais dans leur ensemble sont victimes de cette agression et ils devront se serrer les coudes, aider les nouvelles autorités par leur compassion et leur compréhension. Ils devront comprendre les enjeux et accepter la part de sacrifice nécessaire pour remettre le pays sur les rails. Toute autre attitude rendra la tâche encore plus ardue et les conséquences d’un échec seraient d’une toute autre nature. Que Dieu nous en préserve.
Il ne faudra cependant pas se tromper sur la réalité des choses. Quand les effets des premières mesures impopulaires commenceront à se faire sentir, on verra des responsables de la nouvelle opposition faire le tour des plateaux télé et des réseaux sociaux pour nous rappeler à quel point l’ancien président Macky Sall était un bon leader, à la fibre sociale, proche du peuple, qui ne ménageait aucun effort pour alléger la souffrance des populations. On peut d’ores et déjà deviner leurs diatribes faites de contrevérités et de manipulations. Il faudra un travail de déconstruction pour tuer cette propagande dans l'œuf. Les éléments de langage doivent être identifiés et battus en brèche pour que le peuple ne soit pas dupé et qu’il reste soudé derrière le Président Bassirou Diomaye Faye.
Ce travail de déconstruction de la propagande ne doit pas être laissé au personnel politique. Au contraire, tout citoyen conscient des enjeux et convaincu de la nécessité, pour le gouvernement, de prendre des décisions difficiles, doit répandre la bonne parole autour de soi pour contrer la dialectique de ceux qui tenteront d’en tirer un bénéfice politique. Les jeunes, en particulier, puisqu’ils sont les principaux artisans de cette alternance, doivent s'approprier ce travail de veille et de sensibilisation. Ils doivent échanger avec leurs parents, leurs camarades, les chauffeurs de taxi, le boutiquier du coin, la commerçante au marché ou le personnel de maison, les convaincre, expliquer la responsabilité de l’ancien régime dans la situation actuelle et faire la pédagogie des mesures de correction indispensables.
Le gouvernement, pour sa part, devra faire preuve de transparence, avoir de la suite dans les idées et bannir toute forme d’improvisation. Il devra avoir un plan de redressement clair, chiffré et circonscrit dans le temps, avec une feuille de route que tout le monde aura à l’esprit. Il faudra exposer clairement les mesures qui seront prises pour revenir à l’orthodoxie et au sérieux budgétaire, préciser leur portée, leurs conséquences négatives immédiates, leurs bénéfices à long terme et les mesures compensatoires à l’endroit des plus vulnérables qui pourraient être impactées par cet indispensable travail de remise aux normes. Il faudra, sur ce sujet comme pour tout le reste, avoir la culture du suivi et de l’évaluation des politiques publiques, en mettant en place des indicateurs mesurables et pertinents et, surtout, en prenant en compte ces indicateurs.
La représentation nationale, qui s’est une fois de plus illustrée par son inefficacité, a l’opportunité de redorer son blason amochi, en ouvrant une enquête parlementaire sur ces crimes économiques. Elle doit nous édifier sur ce recrutement massif de 2451 nouveaux fonctionnaires opéré au mois de janvier 2024 et demander au ministre de la santé et à celui de la fonction publique de s’expliquer sur les 4,5 Milliards dépensés en frais d’hospitalisation. Les ministres de l’économie qui ont validé ces mesures anti-économiques ainsi que ceux en charge des finances qui les ont implémentées doivent être entendus.
Par ailleurs, l’une des premières tâches auxquelles le nouveau gouvernement devra s’atteler sera de préparer une loi de finances rectificative pour l’année 2024 afin de procéder à une révision du budget qui devra porter principalement sur une réduction drastique des dépenses de fonctionnement. Ces dépenses engloutissent des milliers de milliards de FCFA tous les ans, dont une bonne partie ne sert qu’à entretenir la clientèle politique. Les députés, quelle que soit leur appartenance politique, devront pour une fois faire preuve d’un minimum de patriotisme et accompagner le nouveau gouvernement dans cette nécessaire action de redressement des comptes. Contraint par les délais légaux de dissolution de l’Assemblée nationale, le président de la République devra, dans les mois à venir, pouvoir compter sur le soutien de l’ensemble des députés, pour faire passer les premières mesures de son gouvernement. Les représentants du peuple devront faire preuve d’esprit de dépassement pour surmonter les clivages partisans et combattre les réflexes naturels d’opposition systématique. Ils ont eux aussi une chance unique d’entrer dans l’histoire par la grande porte, à l’image des membres du Conseil Constitutionnel.
Des citoyens conscients des enjeux, solidaires de l’action gouvernementale et engagés individuellement dans l'œuvre de reconstruction ; des autorités administratives responsables, sincères et dévouées ; des représentants du peuple qui placent la patrie avant le parti. Voilà l'alchimie qu’il nous faudra bâtir pour sortir le pays du guêpier dans lequel on l’a précipité. Il n’y a pas d’alternative à cette entente plus que nécessaire. Toute autre attitude, d’un côté comme de l’autre, nous conduira inéluctablement vers un nouvel échec.
Tableaux de Bord de l'Économie Sénégalaise par la DPEE
Loi 2023-18 du 15 Décembre 2023 portant loi de finances pour l’année 2024
Calculs et Analyses avec SIADE, Système Intégré d’Analyse de Données Économiques par Bangath Systems
[1] Direction de la Prévision et des Etudes Economiques
[2]Erratum: Sur une première version déjà diffusée, une erreur de frappe indique 14% au lieu de 1,4%
[3]Loi No 2023-18 du 15 décembre 2023 portant loi de finances pour l’année 2024
Par Abdoulaye THIAM
FAIBLE PRESENCE DE FEMMES, LA FAUSSE NOTE
Elles ne sont quatre sur 25 ministres et 5 Secrétaires d’Etat. Un vrai recul qui va certainement faire jaser. Surtout les féministes et les adeptes de la parité
Habemus Imperium !* Les Sénégalais ont attendu 72 heures pour connaître la liste du gouvernement du Premier ministre, Ousmane Sonko. Inédit ! La dernière fois que nous avons assisté à un accouchement aussi long, voire «douloureux» c’est quand le département de l’Economie des Finances et du Plan a été scindé en deux par le président de la République d'alors, Macky Sall.
Selon plusieurs indiscrétions, non encore démenties, à l'époque, Amadou Bâ aurait refusé de prendre la partie intitulée ministère des Finances et du Budget. On attendra 48 heures pour le voir atterrir aux Affaires étrangères et gagner des points au niveau de l’ordre protocolaire devant son rival de toujours, Abdoulaye Daouda Diallo qui héritera du fauteuil de l’argentier de l’Etat.
Hier, Ousmane Sonko a annoncé une liste de 25 ministres et de 5 secrétaires d’Etat. «Un gouvernement de rupture et d’appropriation des attentes légitimes des populations du Sénégal», tonne le leader de Pastef. «Un Gouvernement de résultats», souligne-t-il, qui sera arrimé sur cinq piliers que sont la jeunesse, l’éducation et la formation, la lutte contre la vie chère, la justice, les droits humains, la bonne gouvernance, la transparence et la reddition des comptes, la souveraineté économique, l’exploitation des ressources naturelles, enfin la consolidation de l’unité nationale. C’est dire que Ousmane Sonko a fini de fixer le cap. Il sait déjà où est ce qu’il veut mener le bateau Sénégal. D’ailleurs, d’un ton sec et ferme et sur instructions du Président de la République, Bassirou Dimaye Diakhar Faye, il a donné un ultimatum aux différents ministres de démissionner de toutes leurs autres fonctions pour se consacrer exclusivement à faire fonctionner leur département. Une interdiction de cumul de postes chère à Sonko mais qui a été violée par son vice-président, Birame Souleye Diop qui avait conservé son poste de député et de maire de Thiès (Zone Nord). Promu au département plus que stratégique de l’Energie, du Pétrole et des Mines, et 5ème dans l’ordre protocolaire, il devrait être la première personnalité a montrer la voie.
D’autant plus que dans ce gouvernement, Ousmane Sonko a attribué des ministères de souveraineté à des personnalités moins colorées voire neutres. C’est le cas du Général Birame Diop aux Forces armées, l’ancien Procureur de la République, Ousmane Diagne au département de la Justice et le Général Jean Baptiste Tine au ministère de l’Intérieur et de la sécurité publique. Sans occulter le département de la Jeunesse, des Sports et de Culture confié à une dame. Historique !
La seule fausse note, c’est la très faible présence des femmes. Elles ne sont quatre sur 25 ministres et 5 Secrétaires d’Etat. Un vrai recul qui va certainement faire jaser. Surtout les féministes et les adeptes de la parité.
«Nous avons un gouvernement», inspiré de «Habemus papam», une locution latine séculaire qui signifie «Nous avons un Pape».
par Jean-Louis Corréa
DE LA PROTECTION DES LANCEURS D’ALERTE
EXCLUSIF SENEPLUS - Le lanceur d’alerte est-il cette « balance » des temps modernes adepte de « la vindicte à portée de clics » ou est-ce plutôt ce citoyen épris de justice et de vérité que sa conscience martyrise à ne pas dénoncer les abus ?
Le président de la République, dans son adresse à la Nation du 3 avril 2024, a indiqué la nature des réformes institutionnelles qu’il souhaitait, dans les temps proches, entreprendre. Parmi ces différentes mesures, une en particulier a, plus que les autres, retenu mon attention. L’idée d’une loi visant la protection des lanceurs d’alerte.
Plus connu sous la dénomination anglaise de whistleblower, le lanceur d’alerte est un individu qui adopte une posture en raison de sa conscience heurtée par des faits contraires à la loi au sens large. Un tel vœu, s’il venait à se concrétiser, ferait entrer le Sénégal dans une ère de gouvernance ouverte et citoyenne, rarement promue sous nos latitudes. Toutefois, cet outil de renforcement de la redevabilité et de la transparence sera plus efficace si accompagné par une loi consacrant les libertés publiques en général et l’espace civique en particulier.
Dans un contexte de production de pétrole et de gaz, la protection des lanceurs d’alerte participe d’un contrôle citoyen accru, afin de veiller à ce que les ressources nationales soient gérées de façon orthodoxe. On pourra entendre la volonté d’élaborer une loi sur la protection des lanceurs d’alerte en contemplation de la directive n°1/2009/CM/UEMAO portant Code de la transparence dans la gestion des finances publiques au sein de l’UEMOA.
L’annonce présidentielle a donné lieu à une grande joie sur les réseaux sociaux, les justiciers numériques et autres détectives digitaux à la petite semaine se pensant découvrir un nouveau créneau : lanceur d’alerte. On pouvait lire sur X d’aucuns dire qu’avec la loi à venir sur la protection des lanceurs d’alerte, le métier de « balance » avait un avenir au Sénégal et d’autres d’ergoter sur la possibilité de filmer et divulguer les sempiternelles scènes quotidiennes de civils corrupteurs encanaillés avec les corrompus à habits imposés.
Mais le lanceur d’alerte est-il cette « balance » des temps modernes, adepte de « la vindicte à portée de clics » ou est-ce plutôt ce citoyen épris de justice et de vérité que sa conscience martyrise à ne pas dénoncer les abus et autres violations qu’il constate ?
Que nos justiciers des réseaux se calment. Le lanceur d’alerte est une réalité autre, bien comprise sous d’autres cieux que nous allons passer en revue, sans prétention à l’exhaustivité.
Contexte d’émergence
Plaçons l’apparition des lanceurs d’alerte dans un contexte global marqué par un besoin accru de transparence, remède principal contre les théories du complot qui ont la vie dure et dont certains « professeurs » médiatiques sont les prophètes au Sénégal. Contre les théories du complot favorisées par l’époque à laquelle nous sommes rendus, le meilleur remède est la transparence d’autant plus que « nos contemporains se sentent coupés du passé, incertains face à l’avenir, méfiants et désorientés à l’égard du présent ». Entre experts officiels, contre-experts et alter-experts, pour s’éviter que l’on puisse valider ce type d’assertion conspirationniste « ce n’est pas le gouvernement qui gouverne le Sénégal, on ne sait pas qui tire les ficelles », il est important de faire la promotion de l’open governance.
L’ouverture (open) et la transparence (transparency) sont devenues de critères de mesure des politiques publiques et de leur aptitude à servir utilement les populations. La lutte contre la corruption a trouvé dans les lanceurs d’alerte un puissant allié.
Pratiques comparées du lanceur d’alerte
On ne saurait parler de lanceur d’alerte sans commencer par les États-Unis d’Amérique, terre de naissance et lieu de la pratique la plus aboutie du whistleblowing. Dans le système américain, le whistleblowing permet de lutter contre toute sorte d’abus, les gaspillages, les actes illégaux, les mauvais comportements et autres traitement inadéquats.
Dans ce pays, il existe plus d’une dizaine de lois au niveau fédéral et bien plus au niveau des États fédérés visant la protection des lanceurs d’alerte, entre garantie de confidentialité, récompenses financières et protection contre les mesures de rétorsion. L’objectif visé est d’encourager les citoyens à dénoncer les fraudes et autres pratiques illicites ou illégales.
Ce sont les lanceurs d’alerte qui ont exposé le Watergate, l’échec de la guerre du Vietnam, dénoncé les fraudes comptables massives qui conduit à la chute de Enron et WorldCom au début des années 2000 ; qui ont exposé les comptes bancaires suisses secrets et les dangers de la nicotine, entre autres scandales.
En Europe, l’Union européenne a adopté la directive 2019/1937 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union européenne. Cette directive a été transposée par plusieurs États membres de l’UE. Pour le Conseil de l’Europe : « le cadre national devrait favoriser un environnement qui encourage à faire ouvertement tout signalement ou toute révélation d'informations. Nul ne devrait éprouver de crainte de soulever librement des préoccupations d'intérêt général »
Mais en France, déjà en 2016, la loi Sapin 2 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, transposant la quatrième directive européenne de lutte contre le blanchiment et la corruption, assurait la protection des lanceurs d’alerte. Selon ladite loi « Un lanceur d'alerte est une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice grave pour l'intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance. »
En Afrique, rares sont les pays à s’être doté d’une loi de protection des lanceurs d’alerte. Ce mécanisme de promotion de la bonne gouvernance semble perturber la quiétude de nos dirigeants. À notre connaissance, le Ghana a été l’un des premiers pays en Afrique de l’Ouest à se doter, dès 2006, d’un Whistleblowers Act (Act 270). Le Liberia (Whistle-blowers and witness protection bill of 2017) et l’Afrique du Sud (Protected disclosures Act n° 26 of 2000) sont aussi à identifier comme terre d’accueil du whistleblowing en Afrique. Dans ces trois pays, il y a la loi mais aussi un organe spécialement dédié à sa mise en œuvre. Dans un pays comme le Kenya, il n’existe pas de loi spécifique mais des dispositions législatives sont applicables aux lanceurs d’alerte.
Comme on peut le constater, jusqu’à plus ample informé, il n’y a pas, en Afrique noire francophone, d’État ayant une loi ou un dispositif de protection des lanceurs d’alerte, ce que des recherches approfondies pourraient infirmer ou confirmer.
Portrait-robot du lanceur d’alerte
La qualification de lanceur d’alerte est réservée à une catégorie de personnes. Entre les personnes physiques et les personnes morales, seules les premières sont concernées. Ce qui exclut les associations, les syndicats, a fortiori les dénonciations anonymes.
Dans certaines législations, comme au Liberia, en Afrique du Sud, le lanceur d’alerte doit être un employé (ou ex-employé) d’un service public ou privé. Dès lors, avant de dénoncer en public, il doit saisir sa hiérarchie afin de trouver des solutions aux faits constatés. En cas d’inaction de l’autorité publique, la divulgation publique est légitime.
En outre, le lanceur d’alerte ne peut révéler ou dénoncer que des faits dont il a une connaissance personnelle, ce qui exclut les faits portés à sa connaissance par un tiers dont il se fait le porte-parole.
De même, les révélations ou les dénonciations faites par le lanceur d’alerte sont généralement désintéressées, ce qui exclut toute forme de rémunération (dans le modèle américain, une récompense est envisageable), et faites de bonne foi, sans intention de nuire. Ce qui se comprend aisément, le lanceur d’alerte dénonce des faits portant gravement atteinte à l'intérêt général.
Afin de garantir sa protection, la qualité de lanceur d’alerte est une cause d'irresponsabilité pénale. Sa qualité le rend irresponsable pénalement de l'atteinte qu'il porterait à un secret protégé par la loi, à l’exclusion du secret de la défense nationale, du secret médical ou du secret des relations entre un avocat et son client, en divulguant son information.
Pour vivre heureux, il faut vivre caché
Assertion ne saurait être plus fausse dans la gestion de la chose publique. Pour vivre heureux, il ne faut plus vivre caché. A l’ère de l’ouverture, se traduisant par l’anglicisme « open » préfixe à la mode et prétexte à de nombreuses politiques publiques, open access, open data, open science, l’action non révélée équivaut à une action suspecte voire non réalisée.
Le désir de transparence à partie liée avec l’idéal déclaré d’un monde où le soupçon serait déclaré impossible, « l’apparence étant parfaitement conforme à la réalité ». Mais comme le révèle P.-A Taguieff, « l’impératif de transparence est porteur d’équivocité…dans le monde de la transparence…les authentiques vertueux et les naïfs de bonne volonté côtoient les Tartuffe, les manipulateurs, les menteurs, les démagogues ».
par Yoro Dia
MONSIEUR LE PRÉSIDENT, GARDONS-NOUS DE PERDRE DU TEMPS
Les urgences ne sont ni électorales ni institutionnelles. Elles sont dans la croissance, l’emploi des jeunes, la création de richesses, la quête de la prospérité. Si le fameux « Projet » de Pastef existe, il doit être orienté vers ce nouvel horizon
Dans une précédente contribution, je soulignais que le seul risque politique que le Sénégal court est une perte de temps parce que l’Etat est debout, la République forte et la démocratie en marche. L’immense chantier de réformes institutionnelles qu’annonce le président Faye confirme qu’on va perdre du temps. Le Sénégal qui a organisé une présidentielle en moins de trois semaines, une transition entre les Présidents Sall et Faye en moins de dix jours et dont l’alternance est devenue la respiration démocratique n’a pas de problèmes institutionnels sauf si nous sommes à la quête d’institutions parfaites qui n’ont jamais existé nulle part sur terre. Les institutions deviennent « parfaites » avec le temps que nous ne leur donnons jamais au Sénégal car après chaque élection on ouvre un chantier de réformes.
Notre pays n’a pas aussi un problème électoral et l’élection du président Faye en est la parfaite illustration sans parler de celle de Barthelemy Dias à la tête de la capitale et de Serigne Mboup (société civile) à Kaolack. Lors de la dernière présidentielle aux Etats Unis, le pays de Google, de Facebook et de Twitter, c’est le vote postal qui était au cœur des débats parce que les institutions américaines remontent à la Constitution de 1789 et on en est toujours à la première République. L’histoire montre qu’il n’y a pas de lien entre reforme, « modernité » des institutions et efficacité économique sinon la révolution industrielle n’aurait pas eu lieu en Angleterre et le Japon ne serait pas à la pointe de la révolution industrielle et technologique. La création d’une CENI (Commission électorale nationale indépendante) serait un grand bond en arrière car elle est souvent l’apanage des pays en transition démocratique ou pour les nouvelles démocraties.
Face aux urgences économiques et sociales, ce grand chantier de la reforme institutionnelle s’apparente à une arme de distraction massive qui ne fera que l’affaire des rentiers de la tension électorale permanente qui doivent leur survie qu’à cette démocratie du Sisyphe ( éternel retour sur les règles du jeu). Dans un pays où le pouvoir par le biais d’un ministre de l’Intérieur (partisan ou pas) peut organiser des élections présidentielles et les perdre comme en 2000, 2012 et 2024, c’est un anachronisme politique que de vouloir faire un bond en arrière que de vouloir créer une CENI. J’ai toujours pensé que c’était une tragédie que le cerveau de notre classe politique avec des hommes si brillants soit tout le temps piraté par la question électorale.
L’émergence est dans l’inversion de la courbe du débat comme l’a fait le Premier ministre Abdou Mbaye sur la question de la monnaie. Les urgences ne sont ni électorales ni institutionnelles. Elles sont ailleurs, notamment dans la croissance, dans l’emploi des jeunes, dans la création de richesses, dans la quête de la prospérité. Et quand un pays se mobilise pour la prospérité ou l’émergence, il n’a pas le temps et l’énergie à perdre sur le débat sans fin sur les institutions car la Grande Bretagne, le Japon et les Etats Unis montrent tous les jours qu’on peut avoir des institutions archaïques qui remontent au Roi Jean sans terre pour la Grande Bretagne ( 1166-1216), à l’ère du Meji pour le Japon ( 1868) et à la révolution américaine de 1776 et avoir une grande efficacité économique et industrielle. Le Sénégal va avoir son premier baril de pétrole cette année, le nouvel horizon est économique et l’exception démocratique doit avoir l’ambition de devenir l’exception économique. Si le fameux « Projet » de Pastef existe, il doit être orienté vers ce nouvel horizon. Quand le Président Macky Sall lançait le PSE, le Sénégal n’avait que de l’arachide et des phosphates mais les résultats du PSE sont concrets. Le « Projet » a la chance d’avoir le carburant mais un contexte favorable pour accélérer la marche vers l’émergence si et seulement le Président Faye ne se trompe pas de priorité en tombant dans le piège des rentiers de la tension et avec une claire conscience de sa mission historique qui est tout sauf dans la réforme institutionnelle.
En tout cas, les vents sont favorables mais « il n’y pas de vents favorables pour celui qui ne sait pas naviguer », disait Sénèque. Espérons pour le Sénégal que le « Projet » est une bonne feuille de route pour nous mener à bon port mais il faudrait au préalable ne pas se tromper de port, d’objectifs et des priorités. La priorité étant à mon avis l’économie et la croissance. La démocratie est la compétition des réponses que les citoyens se posent. Les jeunes qui sont l’essentiel de la population ne posent pas des questions sur les réformes institutionnelles mais sur l’emploi qui ne peut être réglé par l’Etat dont la mission doit se limiter à créer les conditions favorables à la création de richesses. « Les Sénégalais sont fatigués et la vie est chère » dit le président. La solution n’est pas les réformes institutionnelles mais de mettre la question économique au centre en chassant les juristes du temple pour les remplacer par les « marchands » avec les assises de l’économie. Les marchands créateurs de richesses qui ont permis à tous les pays émergents de passer de l’indigence à l’émergence, « du tiers monde à Premier monde » comme Singapour ou la Chine.
Nous avons un Etat de droit et des institutions solides comme l’a prouvé la dernière présidentielle. C’est pourquoi, je pense aussi qu’il n’est ni nécessaire et encore moins convenable pour le pouvoir exécutif de prendre l’initiative d’organiser des « assises de la justice » pour « redorer le blason » de la justice. On ne saurait se baser sur des décisions de justice qui n’ont pas été favorables à Pastef dans l’opposition pour dire que le blason de la justice a été terni car beaucoup d’autres lui ont été favorables. Les dernières décisions du Conseil Constitutionnel où le président Badio Camara a été aussi loin que le juge Marshall qui a imposé le contrôle de la constitutionalité des lois aux Etats Unis en 1803 dans l’affaire Marbury vs Madison et la longue guérilla judicaire des affaires Sonko ont fini de prouver l’indépendance des juges qui selon que vous soyez Etat ou opposant vous donnent raison ou vous déboutent confirmant ainsi que la justice, le seul service de l’Etat qui porte le nom d’une vertu n’a pas point qu’on redore son blason qui n’a jamais été aussi étincelant.
par Elgas
GAMBIE : SPECTRE ET SCEPTRE DE L’EXCISION
Face au tollé soulevé par une proposition de loi autorisant l’excision, le Parlement gambien a décidé de suspendre les discussions. Une victoire en trompe-l’œil, qui illustre l’impuissance des dispositifs législatifs et politiques à contrer certains cons
En octobre 2023, plusieurs chercheurs planchaient, à Genève, sur les « révolutions conservatrices ». J’en fus, à l’initiative du politiste français Jean-François Bayart, avec des chercheurs et des universitaires venus de tous les coins du globe – tous témoins de cette énergie amère qui traverse le monde sans épargner aucun acquis civilisationnel.
De Bolsonaro à Poutine
La formule de « révolutions conservatrices » s’est ainsi imposée. Elle est devenue quasi générique tant elle dépeint, non sans quelques faiblesses, la propension de nombre de séquences politiques actuelles à mettre à mal des pactes ou des progrès sociaux durement acquis. Ce qui achève ainsi de montrer que le progressisme n’est pas un horizon naturel béni par le temps, et qui démontre que toute turbulence politique, géopolitique, sociale ou sociétale peut détricoter des avancées majeures des droits humains, partout dans le monde, et grever tout particulièrement ceux des minorités.
Le mésusage le plus commun en la matière est de considérer que l’Europe est épargnée par ce fléau, que le reste du monde reste le fief de barbaries toujours à l’affût pour damer le pion aux fragiles acquis de la démocratie. C’est oublier, qu’il s’agisse de la question LGBT, de l’arrivée (ou du retour) des pouvoirs conservateurs (Trump, Bolsonaro, Orban, Meloni), ou encore de la place grandissante qu’occupe la Russie de Poutine – lequel fournit une matrice à l’idée d’un nécessaire retour à certaines « valeurs » – que l’Europe reste l’épicentre de la théorisation d’un conservatisme de bon aloi.
Féministes et connectés
Loin de ces fractures inter-occidentales et dans une Gambie en butte à une précarité sociale et institutionnelle, la funeste énergie du monde a fait escale à Banjul. Une proposition de loi autorisant l’excision a été présentée au Parlement. Si l’indignation a été immédiate et si le projet a été finalement mis en sourdine, la discussion acharnée à laquelle il a donné lieu laisse un goût d’inachevé.
Face à un rejet massif et bruyant dans les sphères féministes et connectées s’est aussi manifesté, en contrepoint, un soutien sans complexe, de moins en moins souterrain et de plus en plus assumé sur la place publique nationale. Une loi pénalisant l’excision avait été votée en 2015 ; c’est elle l’ennemie attaquée par ce projet de révocation. Face au tollé, le projet n’a pas été enterré, juste mis en suspens. Victoire partielle, minimale, et presque en trompe-l’œil, tant elle fait l’impasse sur une réalité qui montre l’impuissance de nos dispositifs législatifs et politiques à contrer certains ancrages traditionnels.
Trompe-l’œil, parce que ce projet de loi est une outrance tant il veut institutionnaliser une pratique déjà répandue en obtenant une bénédiction parlementaire. L’excision – c’est un fait établi – est largement pratiquée en Gambie, au mépris de la loi. Par des circuits clandestins, avec l’assentiment des populations au nom de traditions pluriséculaires, nombreuses sont les filles mutilées et qui continuent de l’être. Elles rejoignent de nombreuses Africaines, des millions, victimes de cette violence.
Ingérences occidentales
Ce constat est doublement inquiétant tant il semblait acquis, pour beaucoup, que les luttes féministes, l’arsenal législatif, les caravanes de sensibilisation n’avaient pas mis fin à cette réalité. Qu’elle s’est même rebiffée, portée par la dynamique des révolutions conservatrices et par la popularité d’un discours qui s’élève contre les ingérences et les injonctions occidentales en redonnant une vitalité à la contre-offensive. Portée, aussi, par l’exploitation habile des canaux institutionnels pour réaliser des coups de force au service d’idées rétrogrades. Cette défaite condamne de nombreuses femmes à être confrontées à des dispositifs informels (et potentiellement formels) de négation de leurs droits les plus élémentaires.
L’excision, son spectre et son sceptre en Gambie vont au-delà de la séquence qui se joue. Nous prenons l’ombre pour la proie. Signe d’une démission collective presque consentie, à enfourcher le cheval d’un combat qu’on ne pourra pas toujours différer : gagner les cœurs et les consciences des Gambiens et pas seulement les leurs, pour que s’impose l’évidence du combat contre l’excision.
Par Mbagnick Diop
SURSAUT NATIONAL POUR COMBATTRE LA PAUVRETE ET APPLIQUER LA RUPTURE EN DOUCEUR
En sacrifiant à la tradition républicaine, à travers son premier message à la nation, le président Bassirou Diomaye Faye a esquissé les conditions d’un sursaut national pour combattre la pauvreté et appliquer une rupture en douceur
En sacrifiant à la tradition républicaine, à travers son Premier message à la nation, le Président Bassirou Diomaye Faye a esquissé les conditions d’un sursaut national pour combattre la pauvreté et appliquer une rupture en douceur.
La teneur du message et le ton sur lequel il s’est adressé à la nation attestent d’une volonté de pacification totale au Sénégal. Le Président s’est révélé comme le dénominateur commun, le Père ouvert à tous pour gouverner en éliminant autant que possible les aspérités susceptibles de compromettre notre cohésion sociale. Toutefois, on ne devrait pas déduire péremptoirement de cette volonté de paix que la chasse aux sorcières restera une vue de l’esprit au point que ceux qui sont épinglés par les corps de contrôle n’auront rien à craindre de la volonté supposée ou réelle de l’État de leur faire rendre gorge. Par quels artifices ces gestionnaires indélicats dont les dossiers judiciaires étaient sous le coude du Président Macky Sall pourraient-ils se soustraire à la forte demande de justice exprimée par le peuple ? On serait bien curieux de le savoir !
L’apaisement prôné par le président Bassirou Diomaye Faye ne saurait signifier la promotion de l’impunité. C’est tout simplement pour lui, du moins est-ce notre avis, qu’il applique l’adage selon lequel: ** le chasseur qui guette retient son souffle**. Autrement dit, les questions d’argent ne se règlent pas sur la place publique (Xaliss Bougoul Thiow). Votre journal « Le Témoin » tient cette sagesse de Cheikh Ousmane Pouye alias Tadjidoune. Encore que, en proclamant sa volonté de débusquer les prévaricateurs qui se cachent derrière des prête-noms pour camoufler leurs fortunes acquises dans des conditions louches envoie-t-il un signal très fort à tous les voleurs de la République.
Les questions sensibles évacuées avec tact, le Président Bassirou Diomaye Faye a démontré, en bon paysan, que rien de ce qui est rural ne lui est étranger. Ainsi, il a anticipé sur l’attente des agriculteurs appelés sous peu à défricher leurs terres de cultures qui du reste s’amenuisent comme peau de chagrin, du fait de la spoliation qui s’amplifie impunément.
En annonçant que le gouvernement mettra de l’ordre dans la distribution des intrants (semences, fertilisants et équipements agricoles), le Président entend donc supprimer les circuits de détournement à travers lesquels une certaine oligarchie religieuse et des politiciens en intelligence avec des affairistes, sous l’appellation fallacieuse d’opérateurs privés stockeurs (Ops) grugent et affament les paysans tout en compromettant dangereusement les chances de réussite des campagnes agricoles. C’est d’autant plus révoltant que ces pratiques mettent en évidence le paradoxe sénégalais. Producteur de phosphates riches transformés en acide phosphorique, le Sénégal a laissé libre cours aux Indiens qui lui appliquent une politique commerciale si contraignante qu’elle limite les possibilités d’acquisition d’engrais par les producteurs. Livrer des engrais chimiques en temps opportun, en quantité suffisante, à des prix modérés correspondant au pouvoir d’achat des paysans, voilà un défi que le gouvernement du Premier ministre doit impérativement relever pour mettre à l’aise les agriculteurs. Mais la redéfinition des termes de la politique agricole, pour une productivité et des productions élevées, ne suffira pas au bonheur des Sénégalais. D’ores et déjà, le gouvernement doit se pencher sur la régénération foncière, la redynamisation de la recherche et de la vulgarisation agricoles, la réhabilitation des unités industrielles pour une transformation qualitative des produits agricoles. Ce qu’on appelle l’agro-industrie ! Cette politique volontariste permettra de créer de nouvelles opportunités d’emplois en milieu rural. L’agriculture au sens large (cultures végétales, élevage, pêche et agroforesterie) constitue donc le plus grand chantier auquel le gouvernement devra consacrer des moyens conséquents.
**Quelle politique économique et financière pour revitaliser un État quasiment exsangue? **
C’est à cette question majeure que doit répondre en toute urgence le gouvernement du Premier ministre Ousmane Sonko, sous l’autorité de son Excellence le Président Bassirou Diomaye Faye.
Experts en matière de fiscalité, le président de la République et son Premier ministre sont bien avisés pour cerner la problématique des ressources de l’État en proie à un endettement chronique..
Macky et ses dérives budgétaires
C’est un secret de polichinelle qui transparaît à travers les multiples recours aux marchés financiers pour des emprunts obligataires ou des émissions de bons du Trésor. Sur ce chapitre-là, le précédent régime du Président Macky Sall a battu tous les records d’endettement et ne s’est même pas gêné pour justifier ses dérives budgétaires par des projections hypothétiques sur l’exploitation du gaz et du pétrole.
En règle générale, les économistes soutiennent que l’État est naturellement solvable. Une solvabilité somme toute relative quand les fondamentaux économiques sont rompus et entraînent l’État dans une spirale d’endettement qui réduit quasiment à zéro les ressources du Trésor public. Le curseur indique clairement que le rapport recettes /dépenses est si déséquilibré que l’État a besoin en permanence d’être sous perfusion monétaire.
Que faire alors pour revitaliser financièrement l’État sans retomber dans l’engrenage sans fin des emprunts obligataires, bons du Trésor et autres prêts prétendument spéciaux ? Sous le contrôle des économistes chevronnés, nous disons qu’il existe bien des voies pour la restauration de l’équilibre budgétaire dans un pays dont la capitalisation des ressources est handicapée par des dysfonctionnements d’ordre fiscal et douanier.
Il est donc impératif que le gouvernement corrige les facteurs négatifs induits par un tableau d’exonérations fiscales démesurées dans les secteurs des mines, du gaz, du pétrole et bien d’autres domaines où les chiffres d’affaires et les résultats nets déclarés ou falsifiés démontrent à suffisance que l’État est roulé dans les sables phosphatiers, aurifères, titanifères etc.
Comme le suggèrent à juste raison M. Birahim Seck, secrétaire exécutif d’une Ong crédible, et notre consœur Diatou Cissé, il est nécessaire de concevoir une procédure d’audit en profondeur afin de créer les conditions objectives pour la révision des contrats déséquilibrés conclus sous prétexte d’instaurer un environnement attractif pour les investisseurs. Corrélativement la perte des biens publics, particulièrement le patrimoine bâti et non bâti de l’État, appelle des mesures d’autorité pour un recouvrement judicieux et suffisamment dissuasif afin de préserver le peu qui en reste et l’exploiter judicieusement. C’est donc sans état d’âme et sans calculs politiques que le gouvernement doit instaurer la reddition des comptes et contraindre tous les coupables à restituer à la nation l’ensemble des biens acquis illicitement à travers différentes fonctions publiques ou la contractualisation des marchés. C’est sous ce rapport qu’il convient d’envisager la réforme, pour plus de cohérence et d’efficacité, de certains services stratégiques de l’État notamment l’Agence Judiciaire, la Société nationale de recouvrement et la Caisse des dépôts et consignations.
La pauvreté n’est pas un mal incurable
Quant aux institutions politiques coûteuses, il va sans dire que leur suppression générera certainement des économies budgétaires qui pourraient soutenir des programmes de formation et d’insertion professionnelles pour les jeunes. Étant donné que cela figure dans les intentions annoncées par le président de la République, aucun calcul politique ne devrait l’en dissuader. Personne ne comprendrait qu’il en soit autrement, surtout pour recaser du personnel politicien qui n’a cure du malheur ou du devenir des milliers de jeunes Sénégalais qui, dans leur quête désespérée du bien-être, n’hésitent pas à se noyer dans les océans ou mourir de faim et de soif dans l’immensité du Sahara.
En vertu du droit à la vie et à l’épanouissement pour ne pas dire au bien-être, ces jeunes perçus comme les forces vives de la nation doivent retenir l’attention du gouvernement.
Les mesures politiques ci-dessus énumérées cadrent parfaitement avec la demande sociale. Le gouvernement est tenu d’imprimer un sceau novateur dans la marche de l’ensemble des secteurs de souveraineté où sont solidement implantées des entités économiques qui ne contribuent que dérisoirement à l’effort de développement du pays. La pauvreté n’est pas un mal incurable, tout dépend de l’état d’esprit des citoyens et leurs gouvernants.
par Amadou Ba
L'APPEL AU RASSEMBLEMENT
Nous avons communié et échangé autour du projet de paix pour une prospérité partagée que j'ai eu l'honneur de porter. Nous devons l'élargir à toutes les forces politiques et sociales qui partagent nos ideaux
Après la proclamation des résultats définitifs de l'élection présidentielle du 24 mars 2024 et l'installation officielle du président élu, M. Bassirou
Diomaye Faye, je tiens à renouveler mes sincères remerciements à tous les Sénégalais et à toutes les Sénégalaises.
Chaque acteur de la consultation électorale - electeur, candidat, organisateur, régulateur, superviseur ou observateur, autorités religieuses et coutumières - a parfaitement joué sa partition pour permettre à notre cher Sénégal de briller une nouvelle fois au firmament des nations démocratiques.
Le peuple sénégalais a administré au monde entier une leçon de maturité et de sérénité dans sa volonté de paix et son idéal démocratique, fidèle à sa longue tradition d'hospitalité.
Je réitère aussi mes remerciements au président sortant, le président Macky Sall, pour son œuvre exemplaire à la tête du Sénégal, mais également pour le choix porté sur ma personne en qualité de candidat de la coalition Benno Bokk Yaakaar. J'exprime ma gratitude à tous les leaders et militants de cette grande coalition et celle, plus large, de la majorité présidentielle sortante.
J'adresse mes vives félicitations au président élu, M. Bassirou Diomaye Faye, tout en lui souhaitant une pleine réussite dans sa mission à la tête de l'Etat, au grand bonheur du peuple sénégalais.
Mes chers compatriotes
Pendant plusieurs semaines, nous avons communié et échangé autour du projet de paix pour une prospérité partagée que j'ai eu l'honneur de porter.
Plus d'un électeur sur trois a plébiscité ce projet.
C'est un acquis que nous devons préserver et consolider, car il représente le socle à partir duquel nous devons poursuivre notre action.
Nous devons aussi l'élargir à toutes les forces politiques et sociales qui partagent nos ideaux.
Ensemble, nous le ferons dans notre nouvelle posture d'opposition démocratique et républicaine, respectueuse des institutions, pour préparer les conquêtes prochaines, sur la voie du Sénégal réconcilié, prospère et juste qui demeure l'horizon de mon engagement.
j'exhorte tous les républicains et démocrates de notre pays à une cohésion renforcée et à une solidarité sans faille.
Vive la République !
Vive le Sénégal !
Par Mouhamadou BA
COÛT DE MACKY SALL AUX CONTRIBUABLES SÉNÉGALAIS
Les problèmes financiers ne font plus partie des tracasseries des ex-présidents grâce au décret 2013-125 du 17 janvier 2013 que Macky Sall avait lui-même signé. Le désormais ancien chef de l'État coûtera 120 millions FCFA/an
A la fin de leur mandat, les ex-présidents de la République ne redeviennent pas des citoyens comme les autres. Les problèmes financiers ne font plus partie des tracasseries des ex-présidents grâce au décret 2013-125 du 17 janvier 2013 que Macky Sall avait lui-même signé. Un décret qui leur garantit une généreuse pension, maison de fonction, salaire mensuel, personnel affecté à leur service, assurance maladie pour eux et leur femme et une série d’avantages jusqu’à leur décès. Le décret numéro 2013-125 attribue à tout ancien président un traitement mensuel de 10 millions de FCFA. En guise de dispositif de soutien, mentionne le même communiqué, l’Etat du Sénégal octroie une assurancemaladie étendue au conjoint, deux véhicules, un téléphone fixe, un logement et du mobilier d’ameublement. Selon la présidence, «en cas de renoncement au logement affecté, tout ancien président de la République perçoit une indemnité compensatrice d’un montant mensuel net de 4, 5 millions francs CFA». En plus de cela, «l’Etat du Sénégal prend en charge, à hauteur de 40 millions francs CFA par an, le coût des billets d’avions de chaque ancien président de la République et de son (ses) conjoint(s)». «Tout ancien chef de l’Etat qui décide de s’établir hors du Sénégal peut s’attacher les services de quatre collaborateurs de son choix. Ces derniers sont rémunérés dans les mêmes conditions que les personnels affectés dans les postes diplomatiques et consulaires du Sénégal».
• Macky coûtera 120 millions FCFA/an : Un ex-chef d’Etat du Sénégal a également droit à un aide de camp, des gendarmes pour la sécurité de son logement, deux gardes du corps, un agent du protocole, deux assistantes, un standardiste, un cuisinier, une lingère et un jardinier. Tout ce personnel est directement sous contrat et payé par l’Etat du Sénégal. En tout cas, si on se fie au décret, douze mois d’indemnités mensuelles d’un ex-chef d’Etat sénégalais font 120 millions francs CFA. Rappelons que le président Wade a renoncé au logement de l’Etat. Ce qui lui donne droit à l’indemnité de logement mensuel de 4,5 millions F CFA, soit 54 millions par an.
•Les avantages des anciens présidents français : En France, un document intitulé «rapport et propositions» sur «la situation des anciens présidents de la République» commandité par le président Hollande, en mars 2016, considère comme «revenu inconditionnel» la pension mensuelle payée en espèces à Chirac, d’Estaing et Sarkozy. Les autres avantages attachés à leur statut alimentent la rubrique «dispositif de soutien» qui varie selon que les bénéficiaires l’acceptent ou pas. Tout ancien président est membre du Conseil constitutionnel à condition qu’il accepte d’exercer la fonction. Valéry Giscard d’Estaing a accepté de l’être. Cela lui donne droit à un revenu annuel supplémentaire 113 millions de FCFA. Sarkozy et Chirac jouissent d’une pension brute annuelle de 42 millions de francs (soit 3,5 millions de francs par mois).
• Les pensions d’ex-chefs d’Etat américains et d’ailleurs : Aux Etats-Unis, le Former Présidents Act de 1958 accorde à tout ancien chef d’Etat un revenu annuel brut de 150 000 dollars (81 millions FCFA, soit 6,7 millions de FCFA par mois), en plus du salaire d’un secrétaire équivalant à 96 000 dollars (51,8 millions de FCFA). Dans le rapport sur la situation des anciens présidents français, Didier Migaud et Jean-Marc Sauvé, respectivement premier président de la Cour des comptes et vice-président du Conseil d’Etat, ont fait une «comparaison internationale» relative aux «revenus inconditionnels». Ce traitement équivaut au salaire mensuel et aux «dispositifs de soutien» aux anciens chefs d’Etat dans treize pays européens et nord-américains. Toutefois, selon les auteurs de ce rapport, «les différences de situation selon les pays et la disparité des informations obtenues ont conduit à ne retenir, pour les évaluations ci-après, que des montants nets»