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26 novembre 2024
Opinions
Par Moustapha Foyré Sow
CE QUE JE CONNAIS DE LA PRESTATION DE SERMENT DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
Inséré pour la première fois dans la Constitution sénégalaise de 1963, le serment du président a depuis lors connu plusieurs révisions. Retour sur les étapes clés ayant transformé cet acte solennel
La prestation de serment du président de la République est une tradition républicaine ancienne pratiquée dans beaucoup de démocraties modernes. Il s’agit d’une séance solennelle au cours de laquelle le nouvel élu officialise son entrée en fonction en prononçant son serment. Celui-ci est généralement un petit texte d’une phrase ou de quelques mots dont le contenu s’apparente à une promesse faite à la Nation par le Président nouvellement élu et qui s’engage à remplir fidèlement sa mission confiée à lui par le Peuple.
Au Sénégal, la prestation de serment est instituée à la suite de l’adoption de la Constitution du 7 mars 1960. Absente dans la première Constitution de 1959 et de celle du 26 août 1960, elle fut introduite avec la Constitution approuvée par le Référendum du 7 mars 1963. Cette constitution est adoptée après la crise politique de décembre 1962 ayant opposé le président de la République, Léopold Sédar Senghor, au président du Conseil, Mamadou Dia. Le texte relatif au serment du président de la République est ainsi consacré par l’article 31 de ladite constitution libellé comme suit :
« Le président de la République est installé dans ses fonctions après avoir prêté serment devant la Cour suprême. Il jure solennellement de remplir fidèlement la charge de Président de la République du Sénégal et de consacrer toutes ses forces à défendre la Constitution. »
Ainsi, Léopold Sédar Senghor fut ainsi investi président de la République devant les membres de la Cour suprême disposant ainsi de tous les attributs lui permettant d’assumer pleinement la charge de président de la République du Sénégal.
En 1967, à la faveur de la première révision constitutionnelle, le président Léopold Sédar Senghor introduit quelques modifications dans le texte de la prestation de serment. L’article 31 de la Constitution est libellé comme suit :
« En présence de Dieu et devant la Nation sénégalaise, je jure de remplir fidèlement la charge de président de la République du Sénégal, d’observer et de faire observer scrupuleusement les dispositions de la Constitution et des lois, de consacrer toutes mes forces à défendre les institutions constitutionnelles, l’intégrité du territoire et l’indépendance nationale et de ne ménager aucun effort pour la réalisation de l’unité africaine ».
Les rédacteurs de la Constitution soulevèrent la lourdeur du passage consacré à la prestation. Il fut, en effet, constaté que la conjonction de coordination « et » est utilisée cinq fois dans la même phrase et qu’il convenait de la réécrire en vue de l’alléger et de permettre une lecture plus facile. Ce texte fut adopté et il connut de légères modifications en 1976 coïncidant avec la quatrième révision constitutionnelle du 19 mars 1976.
Une deuxième observation relative à la mention « En présence de Dieu et » fut tout simplement supprimée. Le deuxième alinéa de l’Article 31 de la Constitution de 1963 fut écrit dans les termes suivants :
« Devant la nation sénégalaise, je jure de remplir fidèlement la charge de président de la République du Sénégal, d’observercomme de faire observer scrupuleusement les dispositions de la Constitution et des lois, de consacrer toutes mes forces à défendre les institutions constitutionnelles, l’intégrité du territoire et l’indépendance nationale, de ne ménager, enfin, aucun effort pour la réalisation de l’unité africaine ».
Le texte de la prestation serment du président de la République connut une deuxième modification relative au lieu de la prestation de serment. Si jusque-là ce rituel était accompli à huis clos devant les membres de la Cour Suprême, les rédacteurs jugèrent qu’en raison de l’importance que revêt cet acte dans l’agenda de la République de l’organiser en séance publique. Cette option me semble être une rupture majeure dans l’histoire de ce cérémonial républicain et dénote surtout une volonté des autorités de la République de donner à cet évènement un cachet populaire et démocratique. Ce choix était d’autant plus cohérent et opportun que le nouveau président de la République, Abdou Diouf, avait institué le multipartisme intégral. Il fut précisé, désormais, que la séance de prestation de serment du président de la République devant la Cour suprême est publique.
Le président Abdou Diouf est alors investi le 1er janvier 1981 au cours d’une séance solennelle de la Cour Suprême. Cette cérémonie fut surtout marquée par le discours du président de la Cour Suprême, Kéba Mbaye, lorsqu’il lança au nouvel élu la phrase suivante : « Les Sénégalais sont fatigués ».
Depuis cette date, le serment du président de la République est reçu devant les magistrats de la Cour Suprême en séance publique. La prestation de serment du président de la République, Me Abdoulaye Abdoulaye Wade fut jusque-là la seule cérémonie qui répondit au cachet populaire de cet événement organisé au stade Léopold Sédar Senghor. Mais à la faveur du Référendum de 2001, le texte de la prestation de serment fut encore légèrement revu en faisant réapparaître la mention « Devant Dieu et » et le mot « enfin » fut aussi supprimé. Le texte lu par le président de la République nouvellement élu est rédigé ainsi qu’il suit :
« Devant Dieu et devant la Nation sénégalaise, je jure de remplir fidèlement la charge de Président de la République du Sénégal, d’observer comme de faire observer scrupuleusement les dispositions de la Constitution et des lois, de consacrer toutes mes forces à défendre les institutions constitutionnelles, l’intégrité du territoire et l’indépendance nationale, de ne ménager aucun effort pour la réalisation de l’unité africaine ».
Tout compte fait, depuis cette date, l’article consacré à la prestation du président de la République nouvellement élu est resté le même. La séance de prestation du quatrième président de la République, Macky Sall, se déroula en 2012 au King Fadh Palace et en 2019 au Centre international Abdou Diouf de Diamniadio (CICAD). C’est dans ce haut lieu, symbole du Sénégal moderne, que le cinquième et plus jeune président de la République du Sénégal, Bassirou Diomaye Diakhar Faye prononcera son serment devant les membres du Conseil constitutionnel, les corps constitués, les membres du corps diplomatique, les Autorités religieuses, civiles et militaires, etc.
par Fatoumata Sissi Ngom
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GEEJ GI — LE VIEIL HOMME ET LA MER
EXCLUSIF SENEPLUS - Dialogue avec les hommes et femmes de la mer de Mboro. Ces discours édifiants convoquent l’élaboration urgente de politiques publiques au service des communautés (Échanges en Wolof, avec sous-titres)
Fatoumata Sissi Ngom dialogue avec les hommes et femmes de la mer de Mboro. Leurs discours sont édifiants. Ils convoquent l’élaboration urgente de politiques publiques au service des communautés. Échanges en Wolof, avec sous-titres.
Je suis partie à la rencontre des pêcheurs de Mboro, avec mon ami Ndiaga Ndiaye, leader politique. Ces échanges s’inscrivent dans le cadre du projet de co-création organique Une Proposition nommée Désir, que j’ai initié à Mboro et les villes environnantes comme Darou Khoudoss. Les discussions vont nourrir l’Observatoire de la plateforme du projet.
“Le vieil homme et la mer”, car ce jour-là, en écoutant le vieux doyen, les pêcheurs et les enfants, et en les imaginant en pleine mer, remplis d’espoirs, ou en train de se mesurer à plus grand qu’eux - le gros bateau européens ou les déchets chimiques - j’ai senti que l’esprit d’Hemingway, de Santiago et du petit Manolin était avec nous. C’est l’histoire de la dignité humaine et du courage. C’est aussi l’histoire de pêcheurs courageux, d’enfants qui apprennent des ainés, et de femmes qui partagent une même condition. La littérature universelle et la création organique peuvent se mettre au service des politiques publiques et de la condition humaine.
L’urgence pour le nouveau chef de l’Etat de mettre en place des politiques publiques tranchantes au service des populations
La situation de l’économie de l’Océan au Sénégal et particulièrement à Mboro est représentative des graves distorsions économiques et sociales au Sénégal, et qu’il faut urgemment réparer. Le nouveau président élu, Bassirou Diomaye Faye, et son gouvernement, doivent prioriser une transition juste et inclusive au service réel des populations.
Mboro-sur-mer est un important hub de pêche, dont le potentiel est noyé à cause de l’absence d’infrastructures de pêche adéquates, la pollution industrielle notamment par les Industries Chimiques du Sénégal, et les accords de coopération internationale qui sont défavorables voire dangereux à la survie des communautés locales. A Mboro-sur-mer, le “gros bateau” provenant d’Europe et pêchant à outrance est devenu une entité à part entière. Dans l’imaginaire de ce village de pêcheurs, ce gros bateau aux moyens et dimensions disproportionnés est un racketteur autorisé par l’État.
Considérer encore plus les femmes et les enfants
Lors de cette rencontre, j’ai pu observer en direct que les inégalités hommes-femmes et le modèle patriarcal sont profondément ancrés dans les imaginaires. Aucune femme n’était présente dans l’assemblée. Ni aucune petite fille et aucune jeune fille, alors que beaucoup de garçons étaient présents. Éternelles fourmis invisibles ? Cela a été un peu étrange d’être la seule femme entourée d’hommes et de petits garçons. À un moment, j’ai demandé pourquoi les femmes n’étaient pas là, et si je pouvais les entendre, elles aussi. Les dignitaires ont alors appelé une femme transformatrice qui a bien voulu se montrer et prendre part à la discussion.
Mais le plus émouvant, ce sont les enfants, ces petits bouts du divin. Déjà tout petits, ils se préoccupent de la rentabilité de la pêche, nourrissent un profond ressentiment envers le gros bateau et les ICS, et portent sur leurs frêles épaules les problèmes des adultes. Je suis un peu dépassée et submergée en les écoutant.
Il va être urgent pour le nouveau chef de l’État sénégalais de réviser en profondeur les accords de pêche avec les partenaires internationaux, et d’instaurer un vrai cadre d’application de normes environnementales pour les entreprises extractives. Cela passe par l’élaboration de politiques publiques conscientes et tranchantes qui mettent l’humain au centre.
Par Sidy GAYE
II RESTE BEAUCOUP, BEAUCOUP A FAIRE
Sud Quotidien remet au goût de ses lecteurs ce texte majeur de Sidy Gaye (mars 2000) qui garde lui aussi, toute son actualité en raison du contexte politique actuel marqué par cette sorte de troisième «alternance» au Sénégal
Au même que la lettre du doyen Mody Niang, parue en 2000 et republiée dans l’édition de Sud Quotidien d’hier, vendredi 29 mars, ce texte de Sidy Gaye (mars 2000) garde, lui aussi, toute son actualité. En raison du contexte politique actuel marqué par cette sorte de troisième «alternance» au Sénégal. Sud Quotidien remet au goût de ses lecteurs ce texte majeur.
Il n’y eut ni coup de fusil, ni tirs à l'arme lourde. Le seul crépitement de mitraillette signalé à Ndande à 140 kilomètres environ de la capitale, ces dimanche de premier ou deuxième tour, a été étouffe par le magnétisme du verbe rédempteur, banalement repris en écho sur les ondes des radios privées
I I n'y eut ni communiqué numéro un, ni de communiqué numéro deux. Aucun front de Rédemption ou comité de salut public. Pas une seule balle d'affreux mercenaires à la solde, ni même, aucun coup fourré pour affamer davantage des citoyens éprouvés, assécher les caisses du Trésor public, anémier les services de l'Etat, paralyser l'une ou l'autre de ses institutions et susciter enfin, une insurrection programmée.
Ni guerre civile, ni coup d’Etat, ni débarquement nocturne, ni mutinerie. Rien. Rien de tout cela.
Rien de ce qui gaspille bêtement la Vie, cette première richesse du Vivant, défi perpétuel à l’Homme de tous les temps, qu’aucune de ses civilisations ne réussira jamais à reconstituer, une fois dilapidée. Rien de tout ce qui touche à la force physique, ou à la violence mécanique n’a été prioritairement convié par le peuple sénégalais pour faire son choix et dicter ses ordres à sa classe politique.
L’intelligence et le verbe, la seule réflexion qui se prolonge dans la mobilisation citoyenne et l’action politique et cette matière grise, substance la mieux partagée qui ennoblit l’Espèce humaine et qui dompte l’Univers, ont naturellement suffi, largement suffi, pour donner des contours à un rêve. Formes et allure à des convictions, énergie, force et vitalité à un combat. Pour la justice sociale. Pour le progrès. Pour l’alternance Démocratique. Dans la paix
La seule conscience civique et la discipline d’acteurs politiques placés sous haute surveillance par l’opinion publique toute entière ont ainsi suffi pour réaliser, dans ce petit pays de l’ouest africain, ce qu’aucune des nombreuses guerres, ayant pour moteur la conquête du pouvoir, n’a jamais réussi à si moindres frais, aussi totalement, aussi rapidement et si durablement, nulle part ailleurs sur le continent
C’est comprendre, dès aujourd’hui, que ce serait appauvrir la palpitante séquence historique que vient de vivre le peuple sénégalais que de la réduire au simple remplacement de son personnel politique à la tête de l’Etat.
Même si l’arrivée au pouvoir du Président Abdoulaye Wade réjouit si intensément l’écrasante majorité de Sénégalais ayant placé tous ses espoirs sur sa modeste personne, chaque citoyenne et citoyen de ce pays, chaque Démocrate, chaque groupe communautaire où qu’il se trouve sur le continent, devrait y chercher davantage.
L’opportunité historique par exemple d’un nouvel examen critique de ses actes et comportements quotidiens, d’une révolution culturelle encore plus grande qui bannirait plus radicalement encore, l’épreuve de force stérile, pour ne sanctifier désormais, que les voies négociées de règlement des conflits d’intérêt ou politique dans le respect des idéaux d’égalité, des droits et devoirs de la Personne Humaine au sein de la Société.
Pas besoin de chercher ailleurs en Afrique, pour trouver ici même, dans cette Casamance défigurée de l’abbé Augustin Diamacoune Senghor précisément, un champ d’application de cette première des urgences.
Le recours par des citoyens, à la force et à la violence aveugle ou sélective, pour faire triompher leurs idées, leur programme politique ou leurs intérêts personnels, ici en Casamance ou partout ailleurs dans le continent, est en effet la négation même de ces intenses journées de communion dans la lutte pacifique dont l’une des premières étapes vient d’être bouclée, avec succès, par le peuple sénégalais
Et même si un quart de siècle d’obstination et de patience, 25années d’engagement politique, d’efforts intellectuels, de négociations et de concessions mutuelles n’avaient finalement abouti à rien, personne, nulle part, n’en regrettait pour autant de n’avoir pas commencé par verser le sang sénégalais pour mieux se faire entendre, comprendre et respecter.
Sinon qu’est-ce que la guerre du Sud qui a duré autant avec tous ses crimes, ses familles disloquées et ses biens saccagés, a-t-elle offert qui soit à la mesure du seul éveil de conscience suscité aujourd’hui, chez le dernier des citoyens les plus attentifs ? Quels succès ou promesses futures de telles dérives ont-elles permis de récolter, ici au Sénégal, qui puisent se comparer aux acquis que la seule lutte politique de la province canadienne du Québec, par exemple, a pu engranger dans son combat singulier, au cœur du magma nord-américain pour la reconnaissance de ses spécificités culturelles et de ses intérêts économiques ?
De la reconnaissance des pouvoirs constitutionnels provinciaux (ressources, impôts directs, emprunts, droits civils, travaux publics, justice, fonciers, aménagements, hôpitaux, éducation…) jusqu’à la coopération internationale au sein de la francophonie notamment, en passant par la consécration depuis 1969, de leur langue maternelle dans cet univers radicalement anglo-saxon, qui n’ont pu imposer les élites politiques québécoises sans recours au maquis ou aux mines anti-personnel ? Sans ne guère renoncer d’un pouce, urbi ou orbi, à l’insigne honneur et aux avantages liés à leur citoyenneté canadienne ? Pleine et entière plus souvent assumée non sans fierté ?
En vérité, c’est ce message là, ce triomphe total de l'intelligence sur la force que ce siècle, le plus bête parce que le plus destructeur de l’histoire universelle, a finalement légué à l’humanité, que le succès des 25 années de lutte politique devrait permettre à tout citoyens sénégalais, à tout Africain, d’assimiler définitivement. Dans le nouveau millénaire que les Sénégalais ont librement choisi d’étrenner avec Me Wade, le prestige et la grandeur des civilisations ne se mesurent plus, bien heureusement, à ‘aune des richesses matérielles ou des richesses naturelles trop précaires pour laisser des messages de continuité.
Ils ne se jaugent non plus au potentiel offensif et à la puissance des marines de guerre, des chasseurs bombardiers, missiles intercontinentales, et autre engins de mort, de destruction rapide et massive.
Non ! Le degré d’évolution des peuples se mesure de plus en plus à leur capacité de se défendre pour survivre à l’adversité et aux agressions mais surtout à leur capacité d’anticipation et de régler leurs conflits, toutes leurs contradictions internes, par la réflexion, la négociation la concertation et la persuasion. En toute liberté, dans l’égalité et le respect mutuel.
C’est toute l’immensité des nouveaux défis qui se profilent à l’horizon de la société sénégalaise, aujourd’hui que le plus facile a été réalisé avec, une fois n’est pas coutume, les bienheureuses complicités des Présidents Diouf et Wade.
Une fois l’Alternance Démocratique réussie, le challenge, en effet, est de ne plus reproduire ce contre quoi le peuple sénégalais, particulièrement ses composantes les plus jeunes, se sont si intensément mobilisées ces dernières années.
Cette abjection que plus qu’aucun sénégalais ne peut souffrir compte tenu de sa prise de conscience citoyenne, a un nom connu de tous. C’est une propension à vouloir vivre sans travailler. C’est-à-dire à vouloir satisfaire la plénitude de ses besoins et caprices, de tous ses désirs avec l’effort et la sueur des autres, jamais la sienne
Cette perversion de l’intelligence humaine qui convertit en bête de somme l’écrasante majorité des masses laborieuses au service d’une minorité de privilégiés rassemblés par cooptation ne relève aucunement, chacun peut en convenir, ni de la responsabilité du président sortant Abdou Diouf, ni de celle de son prédécesseur Léopold Senghor. C’est leur faire un mauvais procès
Leur seule faute, c’est d’avoir cherché contre l’avis (hier comme aujourd’hui) du Président du conseil Mamadou Dia, à en tirer le plus largement profit, pour asseoir un pouvoir personnel.
Il s'agit en vérité, d'un trait culturel de la société Wolof, que toutes les administrations de ce pays, depuis Faidherbe, se sont appliqués intensément à promouvoir, à sponsoriser et à étendre à l'ensemble du pays, pour mieux asseoir ensuite leurs pouvoirs et y tirer impunément, toutes les lignes de permissivité des abus et nombreux excès de leur clientèle.
C'est le fruit d'une idéologie d'immobilisme et de défaite assumée, une idéologie de sujétion, de collaboration et de renoncement, fondée sur le mépris des siens, la sacralisation et l’abandon total à une puissance tutélaire, la croyance absolue que toute remise en cause de cette forme d’indigénat conduit inexorablement au chaos et au suicide collectif (« si le Président tombe… »), cette fameuse branche à ne pas scier sur laquelle tout repose.
Que les sceptiques relisent plus attentivement les premiers enjeux de pouvoir dès après l'annonce de la défaite de Diouf et de sa clientèle, fortement perturbée par l'idée de devoir travailler pour vivre. Le débat sur une Assemblée à vider et à pourvoir, les fuites (téléguidées) sur de supposés membres de gouvernement et futurs directeurs de sociétés nationales, l'angoisse des partants programmés et l'appétit des aspirants qui multiplient les coups de fil s’ils ne font nuitamment le siège du Point E (domicile de Me Wade), portent déjà dangereusement ombrage aux attentes concrètes des milliers de jeunes et femmes qui ont si résolument appelé Me Wade à leur secours.
Les idées généreuses, les projets à initier les investissements à drainer, par tous les contacts possibles, de tous les coins du monde aujourd’hui que la doctrine libérale des vainqueurs ouvre de sérieuses promesses de démantèlement de l'économie rentière, d'une compétition et d'une concurrence loyales entre tous les partenaires, depuis l'Áfrique du Sud jusqu'aux Etats Unis. devraient très, très rapidement, prendre le dessus si cette génération veut éviter le piège d'une nouvelle révolution politique dévoyée.
Il y a quarante ans, la première qui avait accouché des indépendances, a été bien vite trahie pour les mêmes facteurs. Pressé de prendre jusqu'au matelas de l'ancien gouverneur général des colonies, les ainés que l'histoire éclipse au pas de charge, et qui se sont entassés, toutes ces années durant loin du pays réel, dans le petit réduit du plateau administratif colonial, et ont même oublié pour ne guère troubler une jouissance méritée de construire un seul palais qui leur soit propre, au moment précisément ou villes et capitales nouvelles foisonnent sur le continent. Si ces réalités palpables ne suffisent toujours pas à éclairer, il serait alors intéressant aux témoins d'hier, d'aider les plus jeunes, à comparer le régime politique et social des damels cayoriens de l’après Derkheulé à l’occupation de l'espace républicain par l’establishment actuel.
Pour rappel, l'aristocratie des Garmis de la haute noblesse (les membres du parti dirigeant) qui entourait et tenait le Damel (président) en otage, inonopolisait tous les pouvoirs politiques et économiques dans la société cayorienne de la fin du 19 ème.
Bien que minoritaire, elle détenait seule, le droit de gouverner. Elle était assistée par des Dagues (gouvernement), de Sourgas (directeurs de sociétés publiques) pour fructifier prioritairement ses champs.
Afin d’assurer un plus grand maillage dans la société, elle confiait a des Lamanes (aux marabouts, affairistes et élus) choisis l'administration des terres intérieures cédées, contre redevances laissées à sa seule discrétion (fonds politiques, factures, taxes et impôts) à la grande masse des Badolos (travailleurs salariés et tous les producteurs)
Pour avoir toute la mesure de l’important travail qui attend encore les Démocrates soucieux de l'émergence d'une véritable citoyenneté dans ce pays, il suffit de préciser que la persistance de ces rapports féodaux, laissent malgré tout, une impression de très grande liberté, comparativement à l’archaïsme inouï dans lequel le Fonta reste volontairement maintenu, aujourd’hui encore, par l’aristocratie torodo.
Cela dure, malgré les progrès universels et la marche de la Nation, depuis que cette aristocratie en complicité avec les générations a fini de détourner, il y a trois siècles, les énormes promesses de la révolution théocratique de Thierno Souleymane Baal
Tous le savent, mais au nom de l'omerta des élites intellectuelles locales, personne n'ose s’identifier clairement et le combattre par le verbe et la persuasion, afin de libérer enfin, ce pauvre Macundo et les autres damnés de Fouta. De l'apprentissage du Coran, le message divin dans une société musulmane, le droit et les sciences religieuses, jusqu’à l’introduction de l'école publique qui se voulait démocratique en passant par le maillage téléguidé du parti au pouvoir et des formations de l’opposition y compris marxiste, tout, absolument tout, a été dévoyé pour la seule préservation des inégalités entre les hommes. Le discours identitaire autour d'une langue qu’on positionne davantage comme le cordon d’un ghetto culturel plutôt qu’un outil fonctionnel de réunification de toute la communauté hal pular, par-delà les frontières, semble davantage conçu pour enfermer encore plus les esprits et mentalités dans le repli afin de les maintenir, où qu’ils aillent, loin, bien loin de toute idée nouvelle, forcément subversive. Tous ces chantiers-là attendent d'être labourés. Par la seule puissance du verbe! C’est dire, que le combat pour la citoyenneté ne fait que commencer dans ce pays!
Par Fadel DIA
OÙ SONT DONC PASSÉS LES PARRAINEURS ?
La surprise, l’amère pilule pour au moins 13 des 17 candidats, c’est qu’au moment fatidique leurs « parraineurs » se sont fait porter pâle : ils sont allés voter pour un autre !
La divine surprise, ce n’est pas seulement qu’un homme qui était encore en prison une semaine après l’ouverture de la campagne électorale, dont la télévision nationale avait récusé le représentant à l’enregistrement des professions de foi des candidats, sans lui offrir la possibilité de se faire enregistrer à partir de sa cellule, soit devenu président de la République une semaine après sa libération, malgré le gros handicap que constituait pour lui le fait que ce n’était pas lui que les militants de son parti attendaient à ce poste !
La surprise, l’amère pilule pour au moins 13 des 17 candidats, c’est qu’au moment fatidique leurs « parraineurs » se sont fait porter pâle : ils sont allés voter pour un autre ! Alors que celui qui par sa signature vous permet de valider votre candidature est, en toute logique ,plutôt disposé à vous apporter sa voix, les candidats qui avaient déposé des listes de parrains, déclinant les noms et prénoms d’au moins 45000 hommes et femmes majeurs et vaccinés, sains de corps et d’esprit, et qui juraient par leurs grands dieux qu’ils en avaient encore des milliers en réserve, n’ont récolté dans le secret de l’isoloir, à deux exceptions près, qu’entre un huitième et moins de la moitié des promesses de soutien qu’ils avaient engrangées. Avec comme dégât collatéral qu’ils perdaient, par la même occasion, tout espoir de récupérer une caution qui pour beaucoup d’entre eux, représentait un important sacrifice financier !
Qui est responsable de cette débâcle ?
Les candidats eux-mêmes ? Auraient-ils fait preuve de naïveté, ou manqué de sérieux ou de rigueur, ont-ils été bernés par des cokseurs professionnels qui démarchent des signatures dans la rue, ont-ils acheté, en connaissance cause, des signatures qui n’engageaient pas leurs signataires ?
A moins que ce ne soient leurs « parraineurs » qui auraient signé leurs listes par intérêt, par sensiblerie ou sous pression, qui se seraient prêtés à un exercice qui n’était pour eux qu’une formalité sans conséquence, ou qui auraient, consciemment, décidé de se jouer d’eux, sans état d’âme, parce qu’ils les considèrent comme des marchands d’illusions ?
A moins que la faute n’incombe à l’Etat ! Celui-ci auraitil failli à ses responsabilités, manqué de pédagogie ou fait peu cas des ressources qu’offre l’informatique pour rendre l’opération plus saine? A-t-il mis en place des actions en vue de sensibiliser les électeurs sur le sens de leur engagement ou les risques qu’il courent en monnayant leur soutien à plusieurs candidats à la fois, et d’ailleurs a-t-il prévu des sanctions dans ce cas de figure ? La trahison des « parraineurs » n’est cependant pas la seule surprise de l’élection présidentielle du 24 mars dont on avait fini par croire qu’elle n’aurait jamais lieu. Il y a aussi cette déroute des politiciens professionnels, membres de notre gotha politique depuis des décennies, et chefs de partis qui ont pignon sur rue. Les trois premières places sont occupées par des « débutants », sans aucun mandat électoral, alors que deux anciens Premiers ministres dont l’atout principal était, contrairement au favori de la course, d’avoir exercé des responsabilités au plus haut niveau, se sont littéralement effondrés ! Si l’un d’eux n’a fait que de rares apparitions pendant la campagne, on attendait de l’autre, qui est sur le devant de notre scène politique depuis un quart de siècle et bat campagne depuis vingt ans, mieux qu’une modeste 5e place, avec moins de 1% des voix ! Un autre candidat, qui n’a pas porté le même titre mais est encore plus ancien dans notre paysage politique, a connu presque les mêmes déboires alors qu’il a occupé le poste le plus prestigieux de l’administration municipale dans notre pays. Il avait pour directeur de campagne l’homme qui occupe le même poste aujourd’hui et pourtant la conjugaison de leurs forces et de leurs obligés ne l’a pas empêché de se retrouver à une humiliante quatrième place, et qui plus est, à un point derrière un candidat que personne ne connaissait il y a quelques mois !Il est vrai que ce candidat ainsi que celui qui est arrivé en tête, avaient le privilège d’avoir derrière eux une ombre tutélaire dont l’autorité spirituelle ou l’aura politique leur a servi en quelque sorte de fanion. En tout cas l’échec de ces trois caciques ressemble terriblement à une sortie de piste.
La désertion des « parraineurs » a eu des conséquences dont certaines nous laissent perplexes. Ainsi un « non candidat », puisqu’il avait retiré sa candidature avant le scrutin, a bénéficié de voix qui le classent au 14e rang, sans qu’on sache si ceux qui ont voté pour lui l’ont fait parce qu’ils n’étaient pas informés de son retrait, ou volontairement pour signifier que c’est pour lui qu’ils votent et non pour la formation qui le soutient. Ce non candidat a, au passage, battu de « vrais » candidats dont trois avaient exercé des fonctions gouvernementales !L’un d’entre eux devrait d’ailleurs, logiquement, changer le nom de sa formation, car peut-on, sans friser le ridicule, continuer à s’appeler Grand Parti quand on pointe à la dernière place derrière 16 candidats« officiels », qu’on est incapable de fidéliser les 7/8 de ceux qui vous ont permis d’accéder à la candidature et surtout quand, au bout du compte, à peine plus d’un électeur sur mille a voté pour vous ?
On revient à la question posée au début : qu’est-ce qui a poussé la majorité des électeurs à faire fi de leurs engagements pour donner leurs voix à quelqu’un qui pourtant en avait moins besoin que le candidat qu’ils avaient investi ? On a vu que ce n’était pas l’expérience ou la maturité politiques du candidat qui ont orienté le vote des Sénégalais. Ce n’est même pas, me semble-t-il la qualité du programme, parce que d’une part, je doute fort que ceux qui ont voté pour le vainqueur aient parcouru le sien, qu’ils l’aient disséqué, qu’ils en aient évalué la pertinence et les risques, et d’autre part parce qu’il y en avait d’autres de programmes, si alléchants qu’ils promettaient, sinon la lune, du moins le plein emploi dans cinq ans, la fin de l’émigration des jeunes dans quelques mois et la gratuité universelle !
L’impression qui se dégage du bouleversement qui a secoué notre pays et qui est la première vraie alternance que le Sénégal ait connu depuis l’indépendance, c’est que la principale motivation des électeurs a été le vote utile, celui qui permet de forcer le destin et de renverser le cours de l’histoire. C’est en cela que le candidat élu a une très lourde charge : porter sur ses frêles épaules les espérances de toute une nation…
par Saliou Ngom
LES ENSEIGNEMENTS D’UN SCRUTIN
Entre justice manipulée, restrictions des libertés et répression des opposants, Macky Sall aura finalement payé le prix de sa dérive autoritaire. Majorité absolue dès le premier tour, le message de sanctions des urnes est sans appel
Après plusieurs rebondissements et incertitudes dans le processus électoral, le Sénégal a tenu ce 24 mars 2024 l’élection présidentielle. En passant par l’Assemblée nationale puis par un « dialogue national », le président de la République avait tenté d’annuler la convocation du corps électoral, avant d’être contredit par le Conseil constitutionnel.
À l’issue de cette élection, les résultats confirment la victoire dès le premier tour du candidat de l’ex-Pastef, Bassirou Diomaye Faye, membre de l’opposition (54,28%). Cette victoire est inédite à plusieurs titres. D’abord au sens arithmétique avec la majorité absolue dès le premier tour ; ce qui n’était jamais arrivé dans l’histoire politique sénégalaise pour un parti d’opposition.[1] Ensuite parce que le candidat est sorti de 11 mois de détention (avril 2023-mars 2024) après le démarrage de la courte campagne présidentielle, suite à une accusation d’ « outrage à magistrat ». Enfin, parce que le parti qui arrive au pouvoir, le Pastef, créé en 2014, a subi pendant ces trois dernières années diverses formes d’injustice et accusations (arrestation de ses militants, intimidations, accusation de terrorisme ou de séparatisme etc.) ayant justifié, selon les autorités, sa dissolution par le ministre de l’intérieur en juillet 2023.
Au-delà de Bassirou Diomaye Faye et du Pastef, la sociologie de cette élection permet de tirer plusieurs enseignements sur la nouvelle configuration politique sénégalaise ayant permis cette consécration. Des élections législatives aux locales de 2022, le parti/coalition au pouvoir (APR-BBY) était confronté à une sérieuse tendance d’affaiblissement électoral, d’essoufflement politique et de querelles de leadership. Cette dynamique était déjà bien marquée dans les zones urbaines en 2022 (législatives et locales) et se sont confortées dans les zones rurales, qui ont majoritairement voté pour le candidat Bassirou Diomaye Faye en 2024.
Dès l’ouverture de la courte campagne présidentielle, l’importante implication des jeunes, malgré le ramadan et le carême, a attiré l’attention des observateurs. Leur forte participation, ainsi que la perspicacité de la communication du Pastef[2], n’ont laissé aucune marge aux autres candidats dans la campagne. Cette configuration a contribué à étouffer la visibilité du discours et les propositions des autres candidats, tout en renforçant la bipolarisation de l’électorat. De fait, l’élection présidentielle est devenue un referendum pour ou contre la continuité (le système contre l’antisystème). L’opposition significative (Coalition Diomaye Président) s’est attelé à accentuer cette bipolarité entre le système (Macky mooy Amadou[3]) et l’antisystème (Sonko mooy Diomaye[4]). La libération d’Ousmane Sonko et de Bassirou Diomaye Faye, suite à la loi d’amnistie, a renforcé cette dynamique, rendant presque invisible l’action des autres candidats.
Cette configuration électorale bipolarisée a fortement tourné à l’avantage du nouvel élu, au détriment des candidatures de troisièmes voies (Khalifa Sall, Thierno Alassane Sall, Anta Babacar etc.), qui comptaient sur l’invalidation des candidats du Pastef pour s’affirmer. Cette configuration bipolarisée, en plus de la courte durée de la campagne, a davantage étouffé les discussions/débats thématiques ou programmatiques entre les candidats. Les rares propositions discutées, à propos de la politique monétaire, tournaient à l’avantage du Pastef et de sa position souverainiste. Pour accentuer cette bipolarisation, comme lors des élections législatives, les jeunes et leaders du Pastef n’ont pas hésité à insinuer que certaines candidatures faisaient le jeu de la majorité présidentielle. Ainsi les petites attaques de ces candidats (Anta Babacar, Khalifa Sall etc.) contre Diomaye Faye n’ont fait que les isoler davantage : les résultats montre qu’après ce dernier (54,28%) et Amadou Ba (35,79%), les 17 autres candidats se sont partagés les 10% de l’électorat, avec des scores très faibles. Sur ces 17 candidats dont une femme (Anta Babacar Ngom), seuls deux ont pu dépasser la barre symbolique de 1% (Aliou Mamadou Dia avec 2,80% et Khalifa Sall avec 1,56%). Ces faibles scores ne traduisent pas forcément le niveau réel de leur (im)popularité, mais surtout la forte bipolarisation de l’électorat et la force du vote utile dans un contexte politique inédit.
Bien conscientisés par les nouveaux mouvements sociaux[5], nombre d’électeurs issus des grandes villes ont considéré que le candidat Amadou Bâ, peu soutenu par celui qui l’avait désigné (le président de la République), n’était rien de moins que le candidat d’une France soucieuse de renforcer sa mainmise politique et économique. L’exploitation prochaine du gaz et du pétrole par le Sénégal a contribué à renforcer cette idée auprès des jeunes électeurs. Face à cette continuité supposée d’Amadou Bâ, la proposition de « renégocier les contrats pétroliers , gaziers » et de pêche, a particulièrement séduit ces jeunes électeurs. Bref, la question postcoloniale, particulièrement celle de la présence des multinationales (Aucun, Eiffage, Total etc.) a été au centre de cette campagne présentielle.
Le résultat de l’élection montre aussi que la page du mécontentement populaire, dont les manifestions depuis février 2021 ont été l’expression, n’est visiblement pas tournée. Les électeurs ont ainsi sanctionné un système de répression et de restriction des libertés qui n’a fait que renforcer le mécontentement populaire. La libération de plus de 400 détenus politiques avant la campagne, avec la loi d’amnistie, a permis à ces jeunes de dénoncer tout au long de la campagne « les tortures » qu’ils auraient subies. Ainsi, au-delà de la personne d’Amadou Bâ, ce vote traduit surtout une sanction contre le régime et la gouvernance de Macky Sall, qui a remis en cause nombre d’acquis démocratiques (liberté d’expression et d’association, ouverture politique etc.).
La place des diasporas a été plus que déterminante dans l’affaiblissement politique du régime de Macky Sall et la défaite d’Amadou Bâ. Ce furent surtout les contributions qualitatives (lives des activistes, soutien aux familles de victimes, diffusion de vidéos de tortures, etc.) et financières des Sénégalais de l’étranger qui ont permis à l’opposition de faire face à la restriction des libertés des activistes et des acteurs politiques, ces trois dernières années.
Enfin, l’un des enseignements de ce processus, menant à la victoire de l’opposition, est le danger de l’hyper-présidentialisme et l’importance d’une justice libre pour consolider la démocratie : du tribunal de Ziguinchor au Conseil constitutionnel, en passant par la Cour suprême et avec les différents recours des candidats, la justice n’a jamais été aussi sollicitée dans l’arbitrage et la régulation du processus électoral afin d’aboutir à la tenue d’une élection libre et transparente. Tous ces enjeux montrent les défis du nouveau président élu, Bassirou Diomaye Faye, pour le rétablissement de la confiance dans les institutions politiques (Assemblées, justice, Gouvernement, etc.), mais surtout pour une sérieuse réforme des institutions que la société civile appelle de ses vœux.
[1] Abdoulaye Wade (2000) comme Macky Sall (2012) étaient passés au second tour.
[2] Qui a permis de mettre Ousmane Sonko au centre de l’élection (avec le Slogan Diomaye mooy Sonko), alors qu’il n’était pas candidat.
Il n’est pas trop tard pour rejoindre, dès maintenant, un vaste front pour la mise en œuvre de ruptures fondamentales dans la manière de gérer l’Etat, et de mettre leur expertise avérée au service de la Nation
Nous ne laisserons rien, ni personne, nous gâcher l’immense joie que nous procure la cinglante défaite électorale subie par la Coalition Benno Bokk Yakaar ! En attendant d’être édifié sur le fait de savoir s’il s’agit d’une simple alternance, la troisième de notre histoire politique ou d’une véritable alternative sociopolitique, réjouissons-nous, au moins de la fin du régime antidémocratique de Macky Sall !
Certains esprits malintentionnés parlent déjà d’un soi-disant deal entre le président sortant et les dirigeants du Pastef. En fait de deal, il pourrait simplement s’agir de négociations finales (comme celles entre l’ANC et les tenants du système d’apartheid sud-africain, en 1991) entre un régime en fin de course et des forces politiques émergentes censées être porteuses de changements sociopolitiques venus à maturité. Il faudra seulement éviter de passer, par pertes et profits, tous les crimes économiques et de sang ainsi que les innombrables forfaitures politiques commis par le régime du Benno-APR, ces dernières années. Le faire, c’est courir le risque, que les mêmes causes (absence de reddition de compte, clientélisme politique, transhumance…) produisent les mêmes effets, à savoir une nouvelle caste de prédateurs, peu soucieux des droits et libertés.
Une véritable réconciliation nationale devra reposer sur le socle de la justice et de la vérité. Il faudra éviter que des préoccupations politiciennes et électoralistes comme celles observées lors de nos deux premières alternances viennent parasiter l’exaltante œuvre de justice sociale, de libération nationale et de reconquête de nos souverainetés confisquées.
Certes, les contextes de 2012 et de 2024 ne sont pas superposables et les prémisses semblent, cette fois, plus propices. Le président Macky Sall venu accidentellement au pouvoir, suite à l’éclatement de la coalition Benno Siggil Sénégal, était parti d’un score de 26,58% au premier tour. Cela l’avait conduit à user de combines et de stratagèmes politiciens pour maintenir la cohésion de sa coalition, aux dépens de son propre parti, l’APR, non structuré jusqu’à ce jour. De plus, les ruptures nécessaires identifiées par les Assises nationales avaient été sacrifiées sur l’autel de la désastreuse continuité néocoloniale.
Le duo présidentiel Sonko-Diomaye du Pastef, quant à lui, proclamant urbi et orbi, sa volonté de détruire le système (néocolonial), accède au pouvoir, dès le premier tour, avec un score flatteur, devançant son adversaire et suivant immédiat de près de 20 points, auréolé d’un parcours prestigieux voire héroique et bénéficiant d’une adhésion populaire sans précédent.
De fait, tout observateur sérieux se doit de reconnaître, en toute objectivité que le Pastef a joué les premiers rôles, fait preuve de résilience, de constance et a payé un lourd tribut dans cette confrontation politique épique avec le régime du Benno-APR, qui a abouti à l’éclatante victoire électorale du 24 mars 2024 ! Cela est dû aussi à la clarté des positions de ce parti, qui vient de célébrer ses dix ans, sur le fléau de la mal-gouvernance illustrée par de multiples scandales à répétition et sur les méfaits de la dépendance néocoloniale.
A tel point que son leader Ousmane Sonko, dont le charisme ne fait pourtant l’objet d’un doute, a, depuis toujours, mis en avant une démarche collective, basée sur un projet commun, visant une véritable alternative au système néocolonial et reposant sur une pleine participation des masses populaires. Cela lui a permis, quand il a été arbitrairement évincé de la compétition électorale, de se faire remplacer, au pied levé, par son camarade de parti, Bassirou Diomaye Faye. A contrario, la plupart des autres candidatures se réclamant, à tort ou à raison, de l’opposition, reposaient sur des approches individualistes, selon la fameuse formule mystificatrice, de « rencontre d’un Homme (providentiel ?) avec son peuple » et n’ont récolté que des scores lilliputiens, qui ne reflètent très certainement pas la valeur des postulants.
Il n’est pas trop tard pour rejoindre, dès maintenant, un vaste front pour la mise en œuvre de ruptures fondamentales dans la manière de gérer l’Etat, et de mettre leur expertise avérée au service de la Nation. Cette unité des forces patriotiques autour de l’essentiel devra privilégier les convergences programmatiques sur la massification tous azimuts et surtout sur les déplorables marchandages autour de quotas et de strapontins. C’est à l’aune de ces critères, que le peuple vigilant saura si nous entrons dans l’ère d’une véritable alternative sociopolitique ou d’une simple alternance.
Par Madièye MBODJ
ADMIRABLE PEUPLE AFRICAIN DU SENEGAL !
La présidentielle du 24 mars 2024 a pris la forme d’un referendum pour ou contre la continuité du système néocolonial vermoulu de domination, de servitude volontaire, de prédation et d’autocratie.
La présidentielle du 24 mars 2024 a pris la forme d’un referendum pour ou contre la continuité du système néocolonial vermoulu de domination, de servitude volontaire, de prédation et d’autocratie. Le peuple sénégalais, en toute souveraineté et maturité, a voté NON et a choisi massivement la voie de la rupture incarnée par le candidat Bassirou Diomaye Faye. Ce dès le premier tour, avec un score de plus de 2 400 000 voix, soit plus de 54 %, loin devant Amadou BA, le candidat du pouvoir, qui a obtenu environ 1 050 000 voix, soit 35,7%, pour un taux de participation légèrement supérieur à 61%, avec un total de 19 candidats en lice. Par ce vote clair, les électeurs ont entendu couper court à toute incertitude, à tout mauvais calcul, à tout faux prétexte pour un éventuel coup fourré. Et cerise sur le gâteau, le tout dans la paix et la sérénité : admirable peuple du Sénégal ! Un fait inédit pour un opposant face à un candidat au pouvoir, un authentique tsunami- selon le mot du doyen des doyens Alla KANE, repris en quelque sorte par la presse internationale qui parle de «tremblement de terre», de «razzia», de «raz de marée» ou de «séisme» politique. Même Macron de la république de France s’est résolu à envoyer au Président démocratiquement élu, Bassirou Diomaye Faye, un message de félicitations en français et même … tenez- vous bien, en wolof !
C’est une loi de l’histoire : aucune révolution, ni même aucun changement significatif dans aucun pays au monde, n’a jamais pu se produire, dans l’histoire contemporaine des luttes des peuples, sans que n’aient été réunies les trois conditions suivantes i) le peuple ne veut plus être dirigé comme avant ; ii) le pouvoir ne peut plus gérer comme avant ; iii) des pans entiers du camp du pouvoir (‘’le système ’’) basculent peu ou prou, à un moment déterminé de l’exacerbation des antagonismes de classe, dans le camp opposé au pouvoir (‘’l’antisystème’’)-CF na contribution : De la Gauche qui se meurt à la Gauche qui vit, in Le Quotidien, du 9 septembre 2021. Dans ce cadre, il est essentiel qu’à toutes les étapes, le noyau dirigeant de la lutte sache garder le cap, «en restant stratégiquement ferme sur ses orientations de base, et en même temps lucide, ouvert et vigilant dans la conduite politique, autour d’objectifs pertinents, clairement définis et aptes à faire avancer réellement la lutte des masses populaires» (Idem, Ibidem). Sous ce rapport, aucune mauvaise querelle, aucun reproche hypocrite, ne sauraient être opposés à la démarche de la Coalition Diomaye Président, laquelle a su rallier à sa cause et unir autour d’elle l’essentiel des forces vives nationales décidées à en finir avec le régime de régression politique et sociale de l’APR-BBY.
D’un côté, le scrutin du 24 mars consacre, dans une osmose militante intergénérationnelle avec des segments importants parmi leurs devanciers, la montée en puissance de nouvelles générations de patriotes révolutionnaires, souverainistes, anti-impérialistes et panafricanistes, opposés au diktat du dogme néolibéral mondialisé. En même temps, le 24 mars signe l’enterrement de première classe ou, en d’autres termes, la descente aux enfers de certains ténors de ce que l’on appelle abusivement ‘’classe politique’’, que ce soient les tenants de la politique politicienne de ‘’la droite classique’’ et ses fragments épars, ou les personnages balafrés de ‘’la gauche plurielle’’ capitularde.
Le 24 mars marque une importante victoire d’étape dans la lame de fond ou la dynamique politique de révolution démocratique, sociale et citoyenne amorcée plus nettement depuis le 23 juin 2011, prolongée et amplifiée depuis mars 2021. Ni hasard ni miracle spontané, la lutte prolongée d’un peuple debout, uni autour d’un leadership de progrès, de convictions fortes, tenaces et partagées, constitue la clé de la victoire contre le système, ses injustices et ses violences de toutes sortes, tant il est vrai que, sous nos tropiques, la république, l’état de droit et la démocratie restent encore largement un combat de tous les jours et une conquête permanente ; tout comme d’ailleurs la bataille contre le socle économique, social, culturel et idéologique du système, ses valeurs ou contre-valeurs, ses mécanismes de reproduction et de perpétuation, les mentalités et comportements secrétés par lui et sédimentés dans le corps politique et social. Fort heureusement, soutenant la dynamique de la révolution politique enclenchée, une véritable révolution culturelle est en train de s’opérer à grands pas sous nos yeux, pour le changement positif des mentalités et des comportements, en rupture avec le mimétisme et l’élitisme complexé hérités de l’occident capitaliste. C’est pourquoi quand le président élu Bassirou Diomaye Faye oublie sa personne et déclare : «Le héros de la journée du 24 mars, c’est le peuple sénégalais», il se montre parfaitement en phase avec cette exigence de rupture paradigmatique. Il en est de même quand, armé symboliquement d’un balai tout au long de la campagne, il déblaie la voie du JubJubël-Jubbënti (Incarner soimême la droiture -Amener chacun et chacune à pratiquer la droiture - S’employer à corriger tout comportement non conforme à l’esprit de droiture), selon la pédagogie par l’exemple et par le haut. Pareillement quand lui-même et le président Sonko s’engagent publiquement devant le peuple, non à distribuer ou à partager des privilèges ou prébendes, mais plutôt à travailler dur en vue de la réalisation collective des objectifs et engagements du Projet pour un Sénégal souverain, juste et prospère, dans une Afrique de progrès.
Félicitations appuyées et méritées à l’ensemble des composantes du peuple sénégalais des villes comme des campagnes, femmes comme hommes, jeunes comme personnes âgées, avec un accent particulier à l’endroit de nos exemplaires compatriotes de la diaspora. A présent, le plus dur, le plus difficile, restent à faire et pour relever le défi, nous nous devons de changer nous-mêmes pour changer le Sénégal et l’Afrique. Ceux ou celles qui disent : «nous avons renversé la bourgeoisie, c’est maintenant à notre tour de nous servir», rendent un bien mauvais service à la cause ! En reconnaissance des énormes sacrifices consentis et à la mémoire de l’ensemble des martyrs de notre lutte commune, nous avons l’obligation et la lourde responsabilité de ne décevoir ni les attentes immenses ni le formidable espoir de tout un pays, de tout un continent, de tout un peuple, notamment de sa frange la plus vigoureuse, sa vaillante jeunesse. Des chantiers prioritaires, divers et nombreux, sont à prendre à bras le corps par le président Diomaye et son équipe, comme : lutte contre la vie chère et le chômage ; réconciliation nationale, vérité et justice, non à l’impunité ; refondation des institutions, fin de l’hyper-présidentialisme néocolonial ; rationalisation et diminution de la dépense publique, lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite ; état des lieux et concertations ciblées avec les divers secteurs pour la prise en charge efficiente de leurs préoccupations ; construction nationale, retour définitif de la paix en Casamance, développement endogène et souveraineté alimentaire ; éradication de l’analphabétisme, culture et communication du changement pour la promotion d’une citoyenneté nouvelle de discipline et de responsabilité ; mise en place du nouveau gouvernement pour faire face efficacement et sans retard aux urgences, entre autres.
Dans tous les cas, la mobilisation populaire et citoyenne pour la promotion du Projet politique porté par le Président Diomaye et, en toutes circonstances, pour la défense du nouveau pouvoir face à toutes manœuvres éventuelles de déstabilisation ou de retour en arrière, d’où qu’elles viennent, doit faire constamment l’objet, à tous les niveaux, de toute l’attention requise. Puisse le 4 avril 2024, dédié à la jeunesse et aux forces armées, constituer le coup d’envoi d’une authentique campagne de SET SETAL NATIONAL : setal suniy gox, sellal suniy jikko !
Madièye MBODJ
Membre de la Conférence des leaders de la Coalition Diomaye Président
Par Amadou SANO
TEMPS DE CHOIX
Le temps est venu de choisir les collaborateurs qui auront la lourde charge de vous accompagner dans la conduite des affaires de l’Etat. En cette occasion, nous vous conseillerions de mettre en avant 3 critères : la compétence, l’engagement et la vertu
Le temps est venu de choisir les collaborateurs qui auront la lourde charge de vous accompagner dans la conduite des affaires de l’Etat. En cette occasion, nous vous conseillerions de mettre en avant trois (3) critères : la compétence, l’engagement et la vertu. La compétence regroupe l’ensemble des connaissances et expériences pertinentes aux domaines d’exercice de la responsabilité à exercer. Quant à l’engagement, il est nourri par la foi inébranlable que la mission confiée relève du sacerdoce et la motivation constamment renouvelée à donner le meilleur de soi pour améliorer la qualité des services à offrir au peuple sénégalais.
Les personnes qui démontrent ces qualités sont passionnées par la réalisation de la vision que vous portez et à laquelle les Sénégalais ont adhéré dans leur grande majorité. Elles sont capables de penser de manière créative et d’aborder sous une perspective large les nombreux et multiformes problèmes qui assaillent au quotidien les populations. Elles sont pragmatiques, savent faire preuve d’initiative et sont orientées résultats. Elles savent remettre en question, de manière constructive, le statu quo, prennent des décisions courageuses et assument la responsabilité des actes qu’elles posent.
Ces personnes savent créer un environnement qui attire les talents d’ici et de la diaspora. Elles savent valoriser la diversité et les bagages culturels différents. Elles sont ouvertes d’esprit, cultivent les relations transversales et recherchent la synergie. Ces personnes sont celles qui ont compris que la réussite de votre mandat relève de leurs propres responsabilités et que l’échec n’est pas une option. Enfin, le candidat à la responsabilité d’Etat a prouvé, dans son parcours, qu’elle est digne de confiance et a fait preuve d’honnêteté dans ses relations avec ses semblables et dans la gestion des ressources à lui confiées. Nous nous permettons de vous rappeler les termes sublimes du Coran, au verset 26 de la sourate 28 (Le récit) : «… le meilleur à engager est celui qui est fort et digne de confiance».
Vos plus proches collaborateurs et vous-même serez assaillis de demandes directes et indirectes provenant des membres de votre propre parti et plus généralement de la coalition qui a porté votre candidature à la magistrature suprême. Quand vous opposerez un niet à certains, les germes de la division naîtront. En ce moment-là, vous vous rappellerez que vous n’avez pas été élu pour un partage de gâteau. La confiance du peuple est sous-tendue par votre capacité à engager des ruptures dans le choix des hommes d’Etat et la conduite des affaires du pays.
Par Mamadou Omar NDIAYE
VIATIQUE POUR NOS JEUNES NOUVEAUX MAITRES
il faudra tenir un langage de vérité aux populations dès le départ pour leur faire accepter d’inévitables sacrifices. C’est dès maintenant qu’il faut poser des actes forts pour la réussite du quinquennat
Vox populi, vox dei. Voix du peuple, voix des dieux. Le peuple souverain sénégalais s’est donc rendu massivement aux urnes dimanche dernier et, dans son écrasante majorité, a porté à la magistrature suprême de notre pays Bassirou Diomaye Faye.
Venu de Ndiaganiao, en pays sérère, issu d’un milieu extrêmement modeste mais propulsé dans la haute administration sénégalaise grâce à de brillantes études rendues possibles par l’école publique avant d’accéder à la présidence de la République, Bassirou Diomaye Faye est un pur produit de l’ascenseur social sénégalais. Lequel fonctionne à merveille 64 ans après l’indépendance de notre pays, ce dont il convient de se féliciter.
Les Sénégalais doivent conserver jalousement ce modèle social de méritocratie républicaine qui donne leurs chances à tous les citoyens de ce pays d’accéder aux responsabilités les plus élevées et à toutes les charges indépendamment de leur fortune ou de leur naissance. Pourvu que l’on travaille dur, à la force du poignet on peut y parvenir aux plus hautes cimes. De ce point de vue, la success story de Bassirou Diomaye Faye et celle de son prédécesseur Macky Sall sont à inscrire en lettres d’or dans la saga de notre jeune Nation. Sans écouter les Cassandres mais aussi les sarcasmes de ceux qui raillaient voire parlaient avec mépris de ce « petit Sérère », de ces « aventuriers » et autres « inexpérimentés », les Sénégalais ont choisi parmi les 19 candidats en lice celui qui leur semblait le meilleur sous tous rapports c’est-à-dire le plus intègre, le plus humble, le plus sincère étant donné que de sa compétence ainsi que sa capacité à bien diriger ce pays, ils n’en ont jamais douté.
Personnellement, c’est les yeux fermés que j’ai voté pour le nouveau président parce qu’il m’a convaincu et parce que le combat mené par son parti depuis sa création, sous la houlette d’Ousmane Sonko, m’était sympathique. Il me rappelait en tous points celui qu’en 1988, des idéalistes comme moi (mais aussi Me Cheikh Koureyssi Ba, Me Ousmane Ngom, Pape Samba Mboup, Cheikh Tidiane Touré, feu Abdoulaye Faye, Mody Sy, Clédor Sène et autres) avions mené dans les années de braise du « Sopi » contre le pouvoir socialiste.
L’injustice subie par ce parti (Pastef), les complots contre son principal dirigeant, la répression sanglante dont il a été l’objet, sa dissolution pure et simple…tout cela a contribué à me révolter.
Bassirou Diomaye Faye a été élu et bien élu mais c’est maintenant seulement que le boulot commence pour lui. Il n’aura pas droit à un état de grâce tellement les attentes sont nombreuses, pressantes et les urgences multiples. Au premier rang de ces problèmes, l’économie qui se trouve presque en cessation de paiement malgré les belles statistiques sans cesse exhibées par le régime sortant.
Dette stratosphérique, recettes en berne, dépenses qui explosent, masse salariale exponentielle, subventions ruineuses…Le tableau est effrayant. Il faudra effectuer des coupes claires pour ne pas dire qu’à court terme, un ajustement structurel nous paraît inévitable. Pour cela, il faudra tenir un langage de vérité aux populations dès le départ en leur faisant une présentation sans fard de l’héritage en matière économique pour leur faire accepter d’inévitables sacrifices. Un des moyens de faire accepter la pilule, ce sera bien sûr de prêcher par l’exemple et de diminuer immédiatement le train de vie de l’Etat en supprimant des institutions budgétivores et inutiles comme le CESE, le HCCT, la Commission pour le dialogue des territoires et autres machins destinés à caser une clientèle politique parasitaire. Cela tombe bien et bonne nouvelle puisqu’il paraît que cela fait partie des priorités de nos nouveaux dirigeants. Il leur faudra aussi faire subir une cure d’amaigrissement au parc automobile de l’Etat en roulant modeste.
Fini, les véhicules 4x4 ou 8x8 à 60 millions, 80 millions voire 100 millions de francs ! Dans un pays parmi les plus pauvres au monde, rouler dans de tels carrosses, c’est assurément insulter le peuple. Pour le reste, c’est bien beau de vouloir réaliser la réconciliation nationale mais elle ne devrait pas se faire au détriment de la reddition des comptes et de la justice. Quelques têtes de voleurs du régime sortant devront donc absolument être offertes en offrande au peuple sous peine de voir les nouveaux dirigeants accusés de complicité avec des criminels économiques. Ce ne sont là bien sûr que quelques exemples de ce qu’il conviendra de faire dès les premiers jours étant donné que Pastef dispose d’un excellent projet sur la base duquel les Sénégalais ont plébiscité son candidat. Au vu de la maestria avec laquelle ce parti à mené son combat contre le régime maffieux de Benno Bokk Yaakar, de la manière admirable (à bluffer les old fashioned comme moi !) avec laquelle ses jeunes maîtrisent le numérique, principalement les réseaux sociaux, de la cohorte de cadres très bien formés dont il dispose, de son excellent programme sur lequel ont cogité de brillants cerveaux, je ne doute pas un instant que ce parti sache ce qu’il a à faire. N’étant pas moi-même un consultant de Pastef, je me contenterai donc de quelques généralités en guise de viatique.
Dream team et banquet de la République
Le président Bassirou Diomaye Faye devra démarrer au quart de tour. Pour cela, il lui faudra choisir des ministres immédiatement opérationnels car les Sénégalais ne leur donneront pas le temps d’apprendre. C’est au pied du mur qu’on reconnaît le maçon et ces ministres devront faire très vite leurs preuves. Il lui faudra donc choisir les meilleurs, constituer une dream team pour s’attaquer immédiatement à la résolution des problèmes des Sénégalais. Certes, des centaines voire des milliers de militants ont investi dans le « projet », que ce soit sur le plan intellectuel, sur le plan matériel ou surtout financier, s’ils ne se sont investis physiquement. D’aucuns parmi eux ont payé leur engagement par l’emprisonnement, la perte de leur emploi ou la privation de revenus. Je ne parle évidemment pas de ceux qui ont été tués. Tous ces gens veulent donc un retour sur investissement et leur part du gâteau. Ils exigent leur place au banquet de la République. C’est normal, légitime puisqu’ils ont misé et gagné. Ce n’est donc que justice qu’ils soient rétribués. Seulement voilà, il faudra faire la part des choses et trouver le juste équilibre entre la nécessité de récompenser les militants et les alliés, d’une part, l’impératif de produire des résultats au niveau de l’Etat de l’autre ! Une des choses qui ont le plus perdu le président Macky Sall c’est sa fâcheuse propension à politiser toutes les directions des ministères, toutes les directions générales de sociétés nationales et des agences, toutes les régies financières, toutes les ambassades…bref tout. Qu’importe que l’on soit incompétent pourvu que l’on ait la carte de membre de l’Apr ou que l’on soit estampillé Benno Bokk Yaakar ! Avec les piètres résultats que l’on sait. Si le président Bassirou Diomaye Faye pouvait systématiser l’appel à candidatures pour les fonctions les plus importantes, cela l’aiderait grandement à obtenir de bons résultats ! Mais là aussi pas de panique, ça figure dans son programme.
Encore une fois, cinq ans ça passe très vite et c’est dès maintenant qu’il faut poser des actes forts pour la réussite du quinquennat. L’on sait que généralement les présidents disposent des 100 premiers jours suivant leur accession au pouvoir pour mettre en œuvre les grandes réformes de leur magistère parce qu’après c’est très compliqué. Pour ne pas prêter le flanc à leurs adversaires de l’Apr-Benno, qui voudront très vite instruire leur procès en incompétence, les nouvelles autorités devront agir vite et donner des résultats. Ils devront démentir l’adage selon lequel il n’y a jamais deux sans trois. Après le désastre du passage au pouvoir des islamistes d’Ennahda chassés du pouvoir par les Tunisiens au vu de leur incompétence manifeste, de celui des Frères musulmans du Caire où la révolte du peuple égyptien contre le président Mohamed Morsi a entraîné la prise du pouvoir par les militaires, nos nouveaux maîtres taxés de salafistes par leurs adversaires devront avoir à cœur de réussir.
Créer des centaines de Sedima et ne surtout pas supprimer les fonds politiques !
Oh certes, encore une fois, en cinq ans il n’est pas possible de faire des miracles quand on sait le temps nécessaire pour réaliser un bon projet, de sa conception à sa mise en œuvre en passant par la recherche de financements (il faudra compter avec les procédures bureaucratiques des institutions ou organismes de financement !) surtout qu’au bout de la quatrième année il faudra déjà se mettre en campagne pour une éventuelle réélection. Créer des centaines de milliers voire un million d’emplois durant un quinquennat, ça relève de la légende et il faudra faire des promesses réalistes à nos compatriotes. Leur dire surtout que tout le monde ne pourra pas accéder à l’emploi salarié. C’est surtout dans l’agriculture — n’en déplaise au nouveau président de la République mais il lui faudra encourager la création de dizaines de Sedima à travers le pays car les Prodac ne sont que des variantes tropicales Sovkhoz, ces fermes d’Etat de l’ère soviétique. Autrement dit, des gouffres à milliards. Dans l’agriculture stricto sensu, donc mais aussi dans l’artisanat, la pêche, l’auto-emploi qu’il sera possible d’insérer les milliers de jeunes qui arrivent chaque année sur le marché de l’emploi. Encore qu’il faudra bien oser briser le tabou de notre démographie galopante dont aucun taux de croissance au monde n’arrivera à neutraliser les effets.
Pour le reste, Bassirou Diomaye Faye bénéficie d’atouts non négligeables dont le moindre n’est pas le fait d’avoir été élu sans le soutien des marabouts qui ne pourront donc pas prétendre que ce sont leurs prières qui l’ont porté au pouvoir. Il ne leur doit absolument rien et c’est tant mieux ainsi. Il devra aussi se méfier des griots, communicateurs traditionnels et autres courtisans — bref des « toog muy dokh — qui vont lui tisser une légende tellement dorée, changer ses louanges à un point tel qu’il pourrait croire être un demi-dieu ! S’il ne serait pas Dieu le Père lui-même. Sa porte devra être hermétiquement fermée aux transhumants qui ne pourront que polluer sa gouvernance et le fâcher avec le peuple qui l’a plébiscité. Avec le pouvoir arriveront de nouveaux amis, des lobbyistes de tout poil, des investisseurs tenant des mallettes remplies d’argent. Les signatures de quelques-uns d’entre nos nouveaux maîtres vaudront des milliards, tout le monde sera à leurs pieds, le tapis rouge sera déroulé partout au président Bassirou Diomaye Faye qui, par un décret, un acte, un coup de fil pourra changer radicalement la vie de ses sujets. Difficile de résister à toutes les tentations surtout à l’argent dans un pays où c’est le président de la République qui doit régler tous les problèmes avec des fonds politiques qui ne pourront même pas tenir un mois tellement les sollicitations sont nombreuses. De ce point de vue, je me demande si la promesse de supprimer les fonds politiques n’est pas un peu trop démagogique. Que le nouveau président de la République y réfléchisse à deux fois avant d’appliquer cette promesse ! Surtout, on est tenté de donner à son excellence Bassirou Diomaye Faye ce conseil que donna Mohamed Ali, le grand champion de boxe, à son adversaire Ken Norton qui lui avait cassé la mâchoire au cours d’un combat mémorable. Ce dernier étant venu le voir à l’hôpital les jours suivants, Ali lui avait dit en serrant les dents: « méfie-toi des croqueuses de diamants » ! Eh oui, Bassirou Diomaye, Ousmane Sonko et autres devront se méfier des putains de la République mais de toutes façons elles sont dans les allées de tous les pouvoirs du monde !
Personnellement, tant qu’ils seront dans une ligne de défense absolue de la souveraineté nationale sur tous les plans, mais aussi de relative intégrité, je les accompagnerai inch’Allah tout en priant Dieu de veiller sur eux et de leur permettre de toujours garder leur lucidité afin de ne jamais dévier de leur cap ! Mes vœux de réussite accompagnent le président Bassirou Diomaye Faye et son équipe…
Mamadou Omar NDIAYE
Par Mody NIANG,
MONSIEUR LE PRESIDENT : DES ACTES DE RUPTURE URGENTS, FORTS ET ENTRAINANTS*
Le 29 mars 2000, soit dix jours après la victoire provisoire déclarée par la Cour d'Appel du candidat du Sopi, Sud Quotidien publiait ce texte de Mody Niang qui était une sorte de lettre ouverte au nouveau président de la République.
Le 29 mars 2000, soit dix jours après la victoire provisoire déclarée par la Cour d'Appel du candidat du Sopi, Sud Quotidien publiait ce texte de Mody Niang qui était une sorte de lettre ouverte au nouveau président de la République. Vingt-quatre années après, cette lettre garde paradoxalement une bonne partie de son actualité. Raison suffisante pour remettre au goût du jour cette adresse qui esquisse la gouvernance de rupture dont a besoin le Sénégal. Sud Quotidien reproduit le texte in extenso.
Maître, vous voilà enfin élu, et à une confortable majorité, Président de la République du Sénégal. Votre victoire est d’autant plus significative qu’elle a été acquise de haute lutte, contre un adversaire qui était adossé au départ sur des atouts substantiels, notamment sur un parti politique rompu à la manipulation des élections et sur des moyens humains, matériels et financiers colossaux. Les fraudes les plus sophistiquées, les importantes sommes d’argent utilisées pour acheter les consciences, les misérables tentatives de diabolisation, les ndigël de dernière heure, tout cela n’a eu aucun effet sur le vote des Sénégalais qui vous ont accordé leur confiance. C’est par le peuple et par le peuple seul que vous détenez le pouvoir. C’est donc par ce peuple et pour ce peuple seul que vous devez gouverner.
Ce brave peuple a longtemps attendu le Sopi et a tout sacrifié pour son avènement. Il est donc en droit d’attendre des actes forts qui indiquent sans ambages que le Sénégal vit une ère nouvelle. Il ne s’agira pas, bien entendu, dans le très court terme, d’augmenter les salaires, de diminuer le prix des denrées de première nécessité, de résorber le chômage, de recruter tous les volontaires de l’Éducation dans la Fonction publique, de donner des bourses à tous les étudiants, etc. Ce ne serait pas réaliste et aucun Sénégalais sérieux ne devrait s’attendre à de tels miracles. Les actes attendus peuvent ne pas être très coûteux sur le plan financier. Ce qu’il faut d’abord, après la réaffirmation sans équivoque de votre engagement à procéder aux réformes institutionnelles promises dans les tout prochains mois, c’est de redonner sans tarder confiance aux Sénégalais et de les remettre au travail. Le Gouvernement qui sera mis en place devrait y contribuer largement. Ce Gouvernement ne sera pas, comme ceux auxquels nous a habitués l’ancien Président de la République, une addition encombrante de 30 à 35 ministres, dont l’écrasante majorité est composée d’hommes et de femmes frileux, sans envergure et à la compétence et à la mortalité douteuses.
Monsieur le Président de la République, le gouvernement que vous mettrez en place devrait être, au contraire, une structure légère, efficace, formée de ministres choisis parmi les Sénégalaises et les Sénégalais les plus compétents, les plus entreprenants, les plus intègres et ayant un sens élevé de leurs importantes responsabilités. Monsieur le Président, un ministre de la République ne devrait pas être n’importe qui et il convient rapidement d’en restaurer les fonctions profondément altérées par votre prédécesseur. Dans le choix de ces ministres, ce dernier a souvent privilégié les critères subjectifs que sont la proximité sentimentale, l’ancienneté dans le parti, les liens de parenté, la recommandation d’un porteur de voix, les bonnes grâces de la première dame, etc. Ces critères ne devraient pas être déterminants dans la nomination d’un ministre. Je vous ai d’ailleurs entendu déclarer un jour, à propos de nomination de ministres dans un gouvernement “Il faut des gens compétents, audacieux, intelligents, efficaces, dûment sélectionnés et sérieux”. Vous avez donc le devoir de sélectionner des hommes et des femmes qui répondent rigoureusement à ce profil et d’exiger de vos alliés d’en faire autant.
Votre futur Premier ministre et vous-même devrez veiller à ce que les ministres nommés appliquent rigoureusement les critères d’excellence dans le choix de leurs collaborateurs immédiats (directeurs de cabinet et conseillers techniques) et dans les propositions de nomination de directeurs de services nationaux, de gouverneurs, de préfets, etc... Vous vous méfierez des ralliés des toutes dernières heures. En particulier, votre futur Premier ministre devra éviter de reconstituer autour de lui une sorte de PSbis. Après quarante ans de règne sans partage, Abdourahime Agne et ses camarades n’ont pas leur place dans le gouvernement que vous allez mettre en place, ni même dans aucune autre structure du nouveau système : ils devront apprendre à vivre dans l’opposition. En particulier, les ralliés de dernière heure ne devraient pas être à l’abri d’un audit des services qu’ils dirigeaient.
On pourrait espérer qu’un gouvernement, formé sur la base des seuls critères d’excellence et de bonne moralité, qui se mettrait tout de suite au travail, entraînerait petit à petit les Sénégalais dans son élan. En particulier, les premières mesures qu’il prendrait pourraient contribuer notablement à leur redonner confiance et à se dire : “Avec ce gouvernement, on est au moins sur la bonne voie”. L’une de ces toutes premières mesures consisterait à auditer les comptes de l’État et principalement les sociétés nationales et les collectivités locales. Votre Premier ministre et vous-même l’avez déjà annoncé et il faudrait y procéder dans les meilleurs délais. Cet audit n’a rien à voir avec la chasse aux sorcières. Et puis, s’il existe bel et bien des sorcières parmi nous (et Dieu sait qu’il en existe), ne nous rendrons-nous pas coupables de les laisser continuer impunément leurs œuvres destructrices ? Si des hommes ou des femmes sont convaincus de “sorcellerie”, il faut rapidement les débusquer et les mettre hors d’état de nuire, même si ce sont des proches de l’ancien président de la République. La lumière doit donc être faite sans complaisance sur la situation financière de notre pays. C’est le moins qu’on puisse attendre du nouveau régime qui va se mettre en place.
Oui, Monsieur le Président, nous avons besoin d’être édifiés sur la situation de nos deniers publics gérés sans contrôle pendant plusieurs années. Nous avons besoin d’avoir le cœur net sur les milliards dépensés dans le cadre du Projet de Construction d’immeubles administratifs et de Réhabilitation du Patrimoine bâti de l’État (PCRPE), de savoir ce qu’on a réalisé avec et comment les marchés juteux étaient distribués par les responsables de ce fameux projet, à qui ils étaient distribués et dans quelles conditions. Après que les rapports d’audit vous seront déposés, que la responsabilité des uns et des autres sera établie, vous pourrez alors pardonner si vous pensez que ce sera là la bonne décision. Cependant, le bon sens, la justice sociale et l’équité voudraient que les éventuels délinquants payent, et payent chèrement leurs forfaits. Si ce n’était pas le cas, leur impunité pourrait donner lieu à un dangereux précédent qui ne manquerait pas d’installer chez les nouveaux gouvernants le sentiment que, eux aussi, pourraient se donner à cœur-joie et impunément au détournement de nos deniers. Et ce serait alors dommage, vraiment dommage L’une des leçons que votre Premier ministre et vous-même devrez tirer des rapports de l’audit des comptes financiers de l’État, ce devrait d’accorder la priorité à la prévention. Ce qu’il faudra désormais éviter, c’est de placer les gestionnaires de deniers publics dans une situation où ils peuvent facilement s’adonner à des malversations. Á cet effet, le contrôle a priori doit être rigoureusement renforcé. Le fonctionnement de nos nombreux et presque inutiles organes de contrôle a intérêt à être profondément repensé. L’Inspection générale d’État (IGE) en particulier devrait être sans délai délocalisée de la Présidence de la République, bénéficier de moyens plus importants, jouir d’une plus grande autonomie, avoir la faculté de rendre périodiquement publics ses rapports et saisir, au besoin, directement la justice. Le laxisme dans la gestion des finances publiques auquel l’ancien régime nous a habitués doit être banni à jamais.
Monsieur le Président, il faudra certainement contrôler, mais il conviendra également d’engager des mesures de nature à accroître rapidement et notablement les ressources de l’État. L’impôt peut jouer, à cet égard un rôle important. Jusqu’ici, les salariés des secteurs public et privé mis à part, peu de Sénégalais s’acquittent de ce devoir civique. Les bénéficiaires de revenus fonciers substantiels en particulier arrivaient toujours à emprunter les méandres sinueux des passe-droits pour payer très peu ou pour ne rien payer du tout. L’idéal serait d’identifier, de confondre ces fraudeurs et de leur faire payer les sommes dues à l’État au moins pendant les cinq dernières années. Il faudrait ensuite diminuer l’impôt, en élargir notablement la base et faire payer alors tous les Sénégalais et quelles que soient leurs conditions sociales.
Voilà, Monsieur le Président, quelques mesures qui pourraient être rapidement prises. De nombreuses autres viendraient d’ailleurs les renforcer : pour restaurer l’autorité bafouée de l’État et la discipline, faire retrouver à Dakar le visage d’une capitale moderne en commençant par la débarrasser petit à petit des vieux véhicules qui l’empoisonnent avec ses habitants, notamment les clandos sans aucun papier, diminuer nos ambassades et dégraisser certaines d’entre elles où se prélassent des protégés de l’ancien régime, etc. En particulier, la circulation devra être mieux réglementée et dans les meilleurs délais. Á Dakar, les gens conduisent n’importe comment.
Monsieur le Président de la République, les suggestions de mesures que je me suis permis de vous faire ici, pourraient déjà l’avoir été par d’autres citoyens sénégalais. Peu importe ! La répétition est une vertu pédagogique. Notre pays est peut-être en train de vivre les heures les plus importantes de son histoire. Chaque Sénégalais a le devoir d’apporter sa touche personnelle à l’histoire qui s’écrit sous nos yeux depuis le 19 mars 2000. Vous avez fait un parcours-marathon de vingt-six ans avant d’accéder à la magistrature suprême. Pendant cette longue période, vous avez beaucoup dénoncé, beaucoup condamné, beaucoup promis. Vous êtes maintenant aux affaires et le Sénégal, l’Afrique et la Communauté internationale tout entière ont les yeux rivés sur vous. Vous avez dit de votre prédécesseur qu’il a été perdu par son entourage. Ne tombez jamais dans le même travers. Méfiez-vous des flagorneurs, des larbins, des fainéants et de tous ces thuriféraires du pouvoir qui ont creusé la tombe de bien des Chefs d’État! Á cet égard, ayez toujours présent à l’esprit que le peuple seul vous a élu, qu’il a découvert, cet historique 19 mars 2000, une arme redoutable : l’alternance qui vous vaut aujourd’hui d’être le premier des Sénégalais et qui vaudra peut-être demain, si vos électeurs ne sont pas satisfaits de votre gouvernance, à un autre ou à une autre compatriote d’être élu(e) à votre place. Rappelez-vous sans cesse ces mots de l’homme considéré comme le plus puissant du monde, et de l’Africain le plus célèbre. Bill Clinton disait, en effet, qu’ “il s’inquiéterait le jour où tous ses conseillers auraient un même point de vue sur une question donnée. Le développement d’une organisation passe par sa capacité de générer des conflits positifs, c’est-à-dire d’adopter des positions contradictoires mais où chaque partie est motivée par un seul objectif : le succès et le progrès de l’organisation...
Le 20 décembre 1997, le célèbre prisonnier de Robben Island clôturait, quant à lui, le Congrès de l’ANC de Mafikeng, au Nord-Ouest du pays, en lançant à l’endroit de Tabo Mbeki, son futur successeur à la tête du parti et de la République d’Afrique du Sud, ces mots en guise de testament politique : “Ne t’entoure pas d’hommes prompts à dire toujours oui. Entouretoi, au contraire, de personnalités fortes et indépendantes qui critiquent les décisions prises”.
Monsieurle Président de la République, le très modeste citoyen que je suis n’a pas le toupet, l’outrecuidance d’indiquer au vieux routier de la politique sénégalaise que vous êtes, comment vous allez gouverner le Sénégal. Tout au plus, souhaite-t-il jouer sa modeste partition dans l’installation du nouvel ordre que les Sénégalais ont décidé de sortir des urnes lors du scrutin de ce fameux 19 mars 2000 et exprimer, en même temps, son ferme espoir d’être gouverné bien mieux qu’il ne l’a été pendant les très longues trente-neuf (39) dernières années.
Bonne chance Monsieur le Président et bon courage, car vous en aurez bien besoin !
MODY NIANG,
UN MODESTE CITOYEN
*(Sud quotidien du mercredi 29 mars 2000)