En élisant Son Excellence Bassirou Diomaye Diakhar Faye comme cinquième Président de la République du Sénégal, dès le premier tour et avec brio, les Sénégalais ont indubitablement fait preuve d’une mentalité de gagnant. En effet, dans leur écrasante majorité, hommes et femmes, de tous ordres, d’ici comme d’ailleurs, ont su faire face à la terreur, à la brutalité et aux affres d’un «parti-État». Ils n’ont jamais reculé parce que le monstre traquait et persécutait. Mieux, ils n’ont jamais abdiqué parce que le sacrifice avait été trop grand. De ce fait, l’immense faculté, fondée sur la résilience et la résistance, aura permis de recouvrer nos fondamentaux et de ressaisir notre destin. Que le peuple sénégalais en soit très vivement félicité !
En retour, le nouveau Gouvernement devrait avoir beaucoup d’empathie et surtout s’atteler à satisfaire les besoins des populations. Cela dit, devrions-nous, à présent, tirer les rideaux et abandonner la partie ? À cette question majeure, il paraît clair que nous serions unanimes à répondre par la négative. L’élection de S.E.M. Bassirou Diomaye Faye à la tête de la magistrature suprême est certes une étape cruciale mais il ne saurait consacrer la fin de l’histoire. En effet, la suite logique commande, pour chacun et chacune de nous, de faire une introspection et d’être honnête avec soi-même.
Cet exercice devrait nous amener à retenir que le changement systémique ne pourrait se réaliser sans un changement profond de nos habitudes individuelles et collectives. D’où, la nécessité d’adapter notre état d’esprit à la nouvelle époque qui s’est ouverte sachant que nous ne pouvons demeurer statiques et figés alors que le pays bouge. Refusons l’immobilisme ! À notre humble avis, cela passe forcément par une implication personnelle dans la dynamique de transformation du pays. Grosso modo, il s’agit désormais, d’ériger le respect de la Loi et du bien commun en sacerdoce mais aussi de hisser le patriotisme, la responsabilité et le culte du travail bien fait au firmament des principes premiers. Dorénavant, il va falloir gagner son pain à la sueur de son front car le temps de «l’argent facile» est terminé. Le Sénégal est à l’heure de la rupture. Ce ne sera pas facile, toutefois, il faut croire en nos capacités et surtout accepter de souffrir si nous voulons atteindre nos objectifs. À ce titre, la trajectoire du Chef de l’État et de son premier ministre, Monsieur Ousmane Sonko, constitue une parfaite illustration. En revanche, leur accession à la tête du Sénégal ne semble pas faire que des heureux et affolerait même certains que nous considérons tout simplement comme «des figurants ou encombrants de la scène politique» dont l’unique palmarès se résumerait au nombre d’auto-invitations sur les chaînes de télévision.
Depuis quelques jours, à l’image de «snipes», des désenchantés et autres parleurs sans limite restent à l’affût des moindres détails du Gouvernement en ne s’intéressant qu’aux faux problèmes. Pire, ils osent déclarer, urbi et orbi, que c’est pour «rendre la vie difficile» aux nouvelles Autorités. Mon œil ! S’ils étaient qualifiés pour la ligue des champions politiques, ils ne seraient pas dans les gradins en train de jaser. Bref, il faut qu’on arrive à élever le niveau du débat politique au lieu de s’attarder sur des broutilles qui ne font que nous divertir. Sous ce rapport, nous attendons avec impatience l’émergence d’une vraie nouvelle opposition, qui, plutôt que de squatter les plateaux et les réseaux sociaux, va affronter le nouveau Pouvoir sur le terrain vertueux du choc des idées constructives. Nous en avons fortement besoin pour raffermir notre démocratie et continuer de jouer le rôle de pays phare en Afrique et dans le monde. QU’ALLAH FACILITE TOUT !
par Mbagnick Diop
NE TENTEZ PAS LE DIABLE, LA CASAMANCE EN A ASSEZ DES SCELERATS ET VENDEURS D’ILLUSIONS
La paix est certes indispensable pour réaliser le développement de notre pays mais elle ne saurait s’acquérir au prix d’engager des négociations avec des coupeurs de routes et trafiquants de chanvre indien sous couvert de lutte pour l’indépendance
De la Casamance, il en sera toujours question mais dans le bon sens, celui de la paix et du développement économique. La situation de guerre vécue depuis 1982 est en passe d’être apaisée, plus par l’action décisive des forces de défense et sécurité que par la volonté des scélérats rebelles à s’amender pour réintégrer le giron national. Autoproclamés indépendantistes, ces scélérats dont le combat a connu une dérive maffieuse depuis quelques années n’ont rien à voir avec leurs devanciers Sidy Badji, Léopold Sagna, Jean Marie Tendeng, Maurice Diatta etc. Lesquels étaient les fondateurs de la branche armée du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc). Ils ont fini de démontrer à la région de Casamance, au Sénégal et au monde entier leur vraie nature non seulement en se livrant à des braquages sur les routes, à des cambriolages, à des tueries sanglantes mais aussi en saccageant la nature, ces belles forêts nourricières qu’ils ont abattues démesurément pour s’enrichir.
Face à une telle attitude, il est inconcevable que l’on puisse envisager des négociations avec des hors-la-loi. La paix est certes indispensable pour réaliser le développement de notre pays mais elle ne saurait s’acquérir au prix d’engager des négociations avec des coupeurs de routes et trafiquants de chanvre indien sous couvert de lutte pour l’indépendance de la Casamance. Sur ce point, le Président Bassirou Diomaye Faye et le Premier ministre Ousmane Sonko devront rester intransigeants. D’aucuns insinuent même que les nouvelles autorités de la République seraient mal à l’aise pour parler de la Casamance. Sans doute que ce préjugé sera battu en brèche par les faits, aux plans politique et sécuritaire. Le fait que le Premier ministre Ousmane Sonko soit originaire de la Casamance ne saurait constituer un handicap pour maintenir l’option fondamentale de l’unité nationale et l’intégrité territoriale. Jamais Monsieur Ousmane Sonko n’a revendiqué un soutien à la rébellion même si d’aucuns estiment que son penchant pour une autonomie administrative de la région pourrait s’avérer glissant. Sa proximité avec le Président Bassirou Diomaye Faye ne saurait non plus les entraîner au déni d’autorité qui consisterait à remettre en question la primauté de la sécurité sur les offres de services manifestées pour une médiation avec une prétendue branche armée du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mdfc). De Gouloumbou, dans le département de Vélingara, à Diogué, situé à l’extrémité Sud du département d’Oussouye, les populations de la région naturelle de Casamance n’entendent pas renier leur appartenance à la nation sénégalaise.
L’héritage de Wally Mandiang, Ousmane Seydi, Ibou Diallo, Dembo Diatta, Assane Seck, Emile Badiane, Djibril Sarr, Jules Charles Mamadou Angrand Badiane etc. est plus que jamais vivace en Casamance où le métissage est une source d’amour et d’enrichissement culturel et non un facteur de division. Une réalité sociologique ancrée de part et d’autre du Sénégal où le Diola, le Mandingue, le Peulh firdou, le Balante, le Baïnounk, le Pépel, le Manjack, le Mancagne etc. vivent en symbiose depuis des décennies. Notre unité nationale est d’autant plus remarquable qu’elle se reflète dans nos forces de défense et sécurité qui constituent la colonne vertébrale de l’État. C’est en considération de cette réalité historique que nous condamnons toutes les dérives verbales et les bêtises politiques qui ont pu dans un passé récent heurter les populations de Casamance.
Plus jamais ça et que vive la nation sénégalaise dans l’amour, la paix et le développement.
Par Ousseynou FALL
UNE JUSTICE A BOUT DE SOUFFLE, LE SYNDICAT DES AVOCATS DU SENEGAL A LA RESCOUSSE !
De mémoire d’avocat, avouons-le sans exagération aucune, le dossier Sonko, pour ne pas dire les « dossiers Sonko », constitue sans nul doute l’affaire judiciaire non seulement la plus éprouvante mais certainement l’une des plus enrichissantes...
De mémoire d’avocat, avouons-le sans exagération aucune, le dossier Sonko, pour ne pas dire les « dossiers Sonko », constitue sans nul doute l’affaire judiciaire non seulement la plus éprouvante mais certainement l’une des plus enrichissantes dans la carrière d’un avocat tant par la diversité des procédures, leur enchainement que par leur densité.
Mes courageux et vaillants confrères du collectif de la défense de Sonko, sous la coordination magistrale du jeune et brillant Bamba Cissé, ne vous en diront certainement pas moins.
L’année 2024 aura vu l’élection du président de la République le plus jeune de l’histoire du Sénégal en l’occurrence Bassirou Diomaye Faye à qui nous souhaitons plein succès. Sa détermination et sa volonté à consacrer l’indépendance de la justice ont été affirmées clairement et sans ambiguïté dans la Charte du parti Pastef « le projet ».
Cette détermination à mettre un holà à toutes les dérives et à tous les errements judiciaires que nous avons surtout connus ces trois dernières années, nous autres avocats du Collectif de la défense d’Ousmane Sonko, augure d’un futur réconfortant.
Que n’a-t-on pas vu et enduré en effet, nous autres avocats de ce collectif, durant ces trois dernières années avec l’immixtion intolérable d’un pouvoir exécutif aux abois dans le déroulement des procédures judiciaires intentées contre un opposant politique, uniquement dans le dessein ignominieux de l’empêcher de se présenter à une élection présidentielle. Ceci n’est pas nouveau.
Pour mémoire, dans un passé récent nous avons encore souvenance des affaires de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) et de la Caisse d’avance de la mairie de Dakar.
Le procédé est assurément inélégant dans une République qui se dit respectueuse des droits humains et des libertés fondamentales.
Paradoxalement cette méthode attentatoire aux libertés fondamentales et aux droits humains n’a été répertoriée que sous le régime de Macky Sall.
Que n’a-t-on pas vu en effet et enduré ?
Des confrères sénégalais et étrangers injustement arrêtés puis incarcérés sans jugement sur simple ordre du ministre de la justice par le Procureur !
On a pu écrire à cette occasion… « Dans la saga des poursuites judiciaires à l’encontre d’un opposant politique en l’occurrence le jeune et dynamique Ousmane Sonko, deux jeunes avocats, l’un Français Juan Branco et l’autre Sénégalais, notre courageux confrère Babacar Ndiaye ont été interpelés sur ordre du procureur et incarcérés ». « Une mobilisation nulle part comparable de tous les confrères sous la houlette de L’A.J.A.S (Association des Jeunes Avocats du Sénégal) et de son Président a permis de renverser la vapeur pour aboutir à la libération des confrères détenus ». « Parallèlement, la bâtonnière de Paris et des avocats français et espagnols sont intervenus en solidarité à leur confrère détenu pour rappeler la sacralité des droits de la défense ».
« Nous rappelons le caractère sacré des droits de la défense. Aucun avocat ne doit être entravé dans sa mission où qu’il soit et quel qu’il soit, la situation de notre confrère Juan Branco incarcéré au Sénégal nous préoccupe. Nous agissons activement pour sa libération, en concertation avec ses avocats »
Qu’y a-t-il en effet de plus déshonorant pour un avocat que de voir son confrère humilié et brutalisé dans sa mission de défense ? C’est le cas de notre courageux et infatigable confrère Me Ciré Clédor Ly qui a été honteusement et arbitrairement gazé alors qu’il était en compagnie de notre client Ousmane Sonko. De même que notre vaillant confrère comorien, leader du principal parti d’opposition de la République des Comores, en l’occurrence le charismatique et sympathique avocat Said Larifou, a été injustement écarté et empêché de défendre son client Ousmane Sonko devant la Cour de justice de la Cedeao.
Un avocat privé de parole par le juge et prié de quitter la salle d’audience alors qu’il défendait son client pour ensuite être suspendu par l’Ordre des avocats à la suite d’un incident d’audience et ce à quelques heures d’un procès capital pour son client. Ousmane Sonko a d’ailleurs exprimé toute son indignation à cette occasion.
Dakar, une ville en état de siège !
Ce jour-là, la ville de Dakar et sa banlieue étaient quadrillées partout, tout l’attirail répressif que compte le régime de Macky Sall était mobilisé avec des chars, des barrages partout, des camions remplis de policiers, de nervis et de gendarmes ; bref un spectacle donnant l’impression d’une ville en état de siège ou état urgence pour cause de menaces terroristes !!!
Ce dispositif à la fois effrayant et rocambolesque pour ne pas dire théâtralement mis en place par le ministre de l’Intérieur aurait pu être cantonné dans les artères de la ville.
Hélas, même le Palais de justice ou temple de Thémis où une atmosphère de sérénité est requise pour une bonne administration de la justice n’avait nul besoin d’être bunkerisé avec partout des éléments des Forces de défense et de sécurité (Fds) encagoulés.
Je ne pus m’empêcher en exprimant mon indignation d’interpeller solennellement le juge qui présidait la salle 4 où le leader du Pastef, Ousmane Sonko, était convoqué pour répondre du délit de diffamation à la suite d’une plainte que le ministre du Tourisme Mame Mbaye Niang avait déposée contre lui !! Morceaux choisis : « Monsieur le Président, ces forces de sécurité encagoulées n’ont pas leur place dans cette salle d’audience. Notre client Ousmane Sonko n’est ni un hors la loi à fortiori un terroriste. Il a été honteusement gazé et brutalisé en venant répondre à votre convocation. Par conséquent, nous sollicitons un renvoi pour qu’un médecin puise l’examiner. Vous voudrez bien par ailleurs, dans la mesure où vous avez la police de l’audience, faire évacuer de la salle d’audience ces éléments de la police et de la gendarmerie encagoulés pour une bonne administration de la justice ! » C’est ce qu’il ne fallait pas dire puisque le juge me rabroua sèchement et m’intima l’ordre de sortir de la salle. Plus tard j’ai compris cette attitude du juge Mohamed Diop à mon endroit.
En effet, j’avais auparavant déposé une requête aux fins de récusation pour suspicion légitime à son endroit devant le Président de la Cour d’Appel.
Qu’est-ce qu’on n’a pas vu et enduré…
Des milliers de citoyens sénégalais injustement privés de leur droit légitime et fondamental d’exercer leurs droits civiques emprisonnés plusieurs mois durant sans faire l’objet d’aucun jugement, dans des conditions de détention, de privation de liberté et d’encellulement intolérables.
Cette situation dramatique d’incarcération des détenus a notamment été endurée par l’actuel président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, enfermé huit mois durant avec deux autres personnes dans une cellule d’à peine huit mètres carrés alors que les normes internationales fixent la superficie minimale d’une cellule individuelle à sept mètres carrés.
Devrait-on passer l’éponge sur les accusations farfelues et fantaisistes de vol de portable et d’appel à l’insurrection, de terrorisme et d’autres incriminations tout aussi saugrenues portées contre Ousmane Sonko !!
A bout de souffle, nos vaillants confrères de la défense du charismatique leader Ousmane Sonko ont cependant toujours répondu présents partout à Dakar, Saint-Louis, Ziguinchor, Thiès, Kaolack dans tous les coins du Sénégal où des arrestations arbitraires étaient opérées par les forces de police et de gendarmerie et devant toutes les juridictions des Tribunaux d’instance à la Cour Suprême en passant par les cabinets des juges d’instruction, la chambre d’accusation etc…
Que n’a-t-on pas en effet vu et enduré comme mensonges, complots etc. …pour détruire Ousmane Sonko. Pour autant, même s’il nous est promis réparation de la justice par le Président Bassirou Diomaye Faye, nous autres avocats comme magistrats avons aussi notre mot à dire pour faire entendre notre voix ainsi que tous ceux qui contribuent à l’administration et à l’exécution des décisions de justice.
En effet force est de constater que la justice n’est pas seulement l’affaire des politiques mais interpelle tous les acteurs de cette justice.
Nous avons en effet un devoir impérieux de faire entendre notre voix face à une justice où les fondamentaux ont souvent été sérieusement malmenés pour ne pas dire sciemment ignorés.
Un juge indépendant mais guidé par des intérêts inavoués et inavouables peut en effet prendre en toute illégalité des décisions allant à l’encontre de l’intérêt général.
L’indépendance du juge a en effet pour corollaire sa responsabilité. Nous avons vu dans un passé récent aux Etats Unis d’Amérique (Usa) qu’un simple juge a annulé toutes les décisions que l’ancien Président Donald Trump avait prises contre les étrangers.
Si ces décisions judiciaires sont prises en toute liberté dans le pays de l’oncle Sam, il en va autrement dans nos jeunes Etats africains.
En effet, nous ne saurions continuer à assister impuissants à ces entorses et insultes intolérables à une justice à bout de souffle et à l’exercice de notre profession, de par les valeurs qu’elles entendent défendre par la liberté et l’indépendance qui lui sont consubstantielles.
Le courageux communiqué de l’Ums
Le courageux communiqué pris par l’Union des magistrats du Sénégal (Ums) à la suite de la décision du Conseil constitutionnel établissant la liste définitive des candidats à l’élection présidentielle du 25 Février 2024 a fini de me convaincre que nous, c’est-à-dire les avocats et les magistrats, avons le même combat : « lutter contre toutes les démarches attentatoires au principe de la séparation des pouvoirs et constitutives d’un précédent dangereux pour l’indépendance de la justice. »
A cet égard « le projet » de notre client Ousmane Sonko nous conforte et nous rassure d’avantage dès lors qu’il énonce clairement et sans ambiguïté son attachement à l’indépendance de la justice répondant ainsi à l’attente de tous les citoyens sénégalais pour un respect absolu de la séparation des pouvoirs dans un Etat de droit où l’indépendance de la justice est le gage d’une justice équitable et impartiale car rendue au nom du peuple sénégalais.
Les décisions courageuses rendues par les juges Sabassy Faye et Racine Thione ainsi que les réquisitoires du Parquet de la Cour Suprême à l’occasion des procédures pour l’éligibilité de notre client devant les juridictions du Tribunal de Ziguinchor comme de Dakar et des référés sont le signal qu’un vent nouveau souffle au sein de cette magistrature et nous conforte dans notre conviction que fatalement nous réussirons à gagner ce combat qui nous interpelle autant que nous sommes, avocats et magistrats, car, disons-le, nous formons une seule et même famille judiciaire.
L’autorité et l’indépendance des juges qui sont la garantie d’une bonne administration de la justice nécessitent aussi une collaboration de tous les autres acteurs de la justice dans le respect mutuel. Il faut le dire : en effet si vous autres juges êtes le dernier rempart de la justice, nous autres avocats appartenons à la République la plus libre au monde, garante des libertés fondamentales et des droits de la défense.
L’encellulement inhumain de nos clients
Feu le doyen Fadilou Diop a pu dire : « En tenant sa place au sein de l’institution en la reprenant, l’avocat est non seulement une garantie pour le justiciable de disposer d’un procès juste et équitable et de voir les règles de procédures respectées mais il contribue également à restaurer le lien de confiance entre la justice et le justiciable ».
Ainsi, dans le cadre de la réparation du secteur judiciaire et, par conséquent, des réformes promises par le président de la République, le Syndicat des Avocats du Sénégal (Sas) propose notamment les mesures suivantes dans le sens d’une meilleure prise en compte des droits humains et des droits fondamentaux.
En effet nous autres avocats sommes les confidents naturels de nos clients détenus ou emprisonnés qui nous font part de leurs conditions de détention et d’encellulement souvent indignes pour ne pas dire inhumaines.
Ces derniers sont en effet dans une situation d’encellulement intolérable dans la mesure où ils sont le plus souvent entassés dans des cellules collectives minuscules où ils sont une dizaine dans un espace d’à peine 10 mètres carrés sans matelas ni couvertures et où l’hygiène reste à désirer.
S’agissant de la détention préventive
Aucune réglementation en la matière pour la fixation de la durée de la détention préventive.
Nous avons en effet constaté malheureusement que beaucoup de citoyens sénégalais interpelés lors des manifestations ont été incarcérés dans les prisons sans jugement. Pire beaucoup d’entre eux n’avaient pas fait l’objet d’une enquête préliminaire à fortiori d’une instruction devant une juridiction ad hoc !
Ces détenus pouvaient croupir dans l’univers carcéral plusieurs mois durant sans que leur dossier n’atterrisse devant un juge.
Un jeune détenu de 18 ans m’a ainsi confié…
Cette situation intolérable, à la limite arbitraire, doit être abolie dans une République se disant respectueuse des droits humains et des libertés fondamentales. Pendant la vague d’arrestations tous azimuts, un jeune détenu de 18 ans m’a ainsi confié : « J’ai été arrêté dans mon domicile et emprisonné avec d’autres manifestants, la nuit je suis resté debout longtemps avant de pouvoir m’allonger à peine sur une sorte de natte à même le sol que je partageais avec deux autres détenus ». L’intervention du psychiatre est souvent plus que nécessaire pour beaucoup de ces détenus une fois libérés dans un état de dénuement total avec pour certains la perte de leur emploi et pour d’autres un divorce !!
Ainsi, le Syndicat des avocats propose au Parlement le vote d’une loi pour qu’un droit de visite puisse être accordé au Bâtonnier de l’Ordre des Avocats ainsi qu’au Secrétaire général du Syndicat des avocats du Sénégal (Sas) à tout moment pour contrôler l’état des lieux de privation de liberté afin notamment de s’assurer du respect de la dignité et des droits des personnes privées de liberté.
Ce droit de visite que le Sas réclame se justifie dans la mesure où nous autres avocats jouons un rôle éminemment important dans le respect des droits de la défense et surtout de ceux de nos clients dont beaucoup d’entre eux sont en garde à vue, en détention ou en rétention.
Il nous parait par conséquent d’une impérieuse nécessité que l’on puisse contrôler l’état des lieux de privation de liberté pour nous assurer du respect de la dignité et des droits des personnes privées de liberté.
Concernant la garde à vue
L’unanimité s’est faite sur la nécessité de contrôler les forces de police et de gendarmerie qui bénéficient le plus souvent d’une impunité de facto. A cet effet, pour une meilleure garantie des droits fondamentaux, le SAS propose la création d’une véritable autorité indépendante de contrôle de la police.
Durant la garde à vue où sa présence est consacrée par l’article 5 du Règlement de l’Uemoa, l’avocat devrait pouvoir jouer un rôle plus actif car très souvent la garde à vue est utilisée par les services de police pour la répression des manifestants.
Il a été constaté au Sénégal que la garde à vue a été utilisée comme un outil par le ministre de l’Intérieur de Macky Sall pour réprimer les mouvements sociaux ou les contestations politiques comme en France lors des mouvements des gilets jaunes, ou les manifestants des familles contre les violences policières notamment.
Ainsi au Sénégal des opposants ou des manifestants de l’opposition pour la plupart de PASTEF ont souvent été gardés à vue sans motif légitime dans l’unique dessein de briser ou de saboter une manifestation pacifique.
Concernant les auditions
Nous avons constaté que les auditions se tiennent généralement dans la cave du tribunal, plus précisément dans une pièce attenante aux cellules et collectivement.
On devrait pouvoir les organiser individuellement, dans une pièce individuelle et avec des horaires précis car, dans la pratique, les avocats qui ne sont pas informés de l’heure des auditions peuvent rester pratiquement toute l’après-midi pour guetter l’arrivée de magistrats du parquet.
Concernant le Tribunal de Commerce, la situation est pour le moins dramatique ; on ne peut en effet comprendre et accepter qu’une juridiction qui juge des affaires portant très souvent sur des intérêts colossaux ne puisse pas disposer d’un bâtiment décent, je veux dire avec des salles d’audience adéquates ayant toutes les commodités afférentes, bureaux suffisants et équipés, toilettes propres etc.
Concernant les pouvoirs excessifs du Parquet
Au Sénégal, le constat est unanime et désolant : les pouvoirs du Parquet sont excessifs, le Procureur de la République a des attributs qui lui confèrent une véritable autorité juridictionnelle.
Son omniprésence et son interventionnisme dans toutes les procédures pénales relèguent le juge d’instruction au second plan alors que ce dernier et le juge du siège représentent les autorités juridictionnelles au vrai sens du terme.
Justement, il a été jugé par la Cour Européenne des droits de l’homme que le Parquet français ne constitue pas une autorité judiciaire.
Les dispositions de la loi n°99-06 du 29/01/1999 en ses articles 139 du CPP prévoient que : « Sur réquisitions dument motivées du ministère public, le juge d’instruction est tenu de décerner mandat de dépôt contre toute personne inculpée de l’un des crimes ou délits prévus par les articles « 56 » à « 100 » et « 255 » du Code Pénal.
La demande de mise en liberté provisoire d’une personne détenue provisoirement pour l’un des crimes ou délit spécifiés à l’alinéa précédent sera déclarée irrecevable si le ministère public s’y oppose par réquisitions dument motivées ».
Ceci est clair, c’est le parquet qui dicte sa loi au juge chargé de l’instruction d’un dossier.
Cette situation qui confère au parquet des pouvoirs illimités attentatoires aux droits de la défense est aggravée par le fait qu’il est dépendant du ministère de la Justice, son supérieur hiérarchique.
Ainsi très souvent le juge d’instruction ayant les mains liées est pratiquement réduit à un rôle de « figurant » car n’ayant plus de pouvoir de décision, ce qui a poussé certains juristes à préconiser la suppression du juge d’instruction.
Pour nous autres avocats du SAS, la limitation des pouvoirs du parquet nécessite sa nécessaire indépendance vis-à-vis du ministère de la Justice par conséquent du pouvoir politique d’une part ; d’autre part, l’instauration de moyens procéduraux nouveaux de nature à garantir l’effectivité des droits de la défense dès le stade de la garde à vue ; et enfin l’accroissement des moyens matériels accordés à la défense notamment au titre de l’aide juridictionnelle.
Les maux qui gangrènent notre justice à bout de souffle sont innombrables. Parallèlement à cet interventionnisme d’un parquet aux ordres, il y a lieu de dénoncer les lois scélérates et liberticides qui portent gravement atteinte aux droits fondamentaux et aux droits de la défense.
Nous avions en effet en son temps dénoncé les violations intolérables des droits des citoyens avec la réforme du Code Pénal incriminant dangereusement certains droits fondamentaux en les assimilant à des actes de terrorisme et portant atteinte d’une manière intolérable aux droits des avocats comme le secret professionnel de l’avocat et l’inviolabilité du Cabinet de l’avocat, la loi sur le blanchiment de l’argent sale, la subsistance des articles antidémocratiques comme l’article 80, des articles fourre-tout etc…
CONCLUSIONS
Ces maux qui gangrènent notre Justice à bout de souffle sont nombreux, ne peuvent pas tous être passés en revue dans le cadre de cet article mais nous espérons, nous avocats du SAS, avec « LA VIGIE », l’organe du syndicat, apporter notre contribution dans cette entreprise noble et louable de notre client le Premier ministre Ousmane Sonko et de Monsieur le Président de la République Bassirou Diomaye Diakhar Faye.
En effet d’autres propositions dans le sens du renforcement des garanties procédurales comme :
- l’effectivité du principe du contradictoire
- la limitation de l’enquête préliminaire ;
- l’incitation du Parlement à ratifier la Convention de Vienne interdisant l’assimilation de l’avocat à son client détenu pour fait de crime ;
- une protection de l’avocat plus effective avec l’impossibilité pour le juge de l’expulser de la salle d’audience dans l’exercice de sa mission de défense
- associer le SAS dans toutes les propositions de lois, projets etc…
Ainsi nous exhortons nos confrères à adhérer massivement au SAS pour une meilleure protection des droits de la défense et une meilleure administration de la justice car adhérer au SAS « c’est porter des valeurs et un engagement fort pour une justice plus démocratique et une profession d’avocat indépendante. C’est aussi se rassembler, sortir d’un isolement qui parfois met en danger notre indépendance et notre travail, et contribuer à faire évoluer le droit, ensemble vers plus d’humanité, d’égalité en accord avec notre slogan’ ’Ensemble, nous réussirons ».
Par Mbagnick DIOP
REFORMER DE FOND EN COMBLE, POUR UN SYSTEME JUDICIAIRE EQUITABLE AU SERVICE DE LA SOCIETE
La réforme du système judiciaire est un chantier colossal qu’on aurait tort de circonscrire en une séance d’exorcisme pour chasser les démons de la déviance professionnelle.
Cette réflexion, un tantinet audacieuse, s’adresse aux professionnels de la justice en général, aux magistrats en particulier. Vous constituez une corporation perçue de ambivalente en ce sens que vous êtes à la fois redoutés, admirés ou détestés eu égard à la mission qui vous est dévolue : juger vos semblables
Les gens du Livre s’accordent sur la sacralité de votre mission qui n’est pas de tout repos. Il est communément admis que vous êtes délégataires d’un pouvoir divin relativisé en raison du caractère imparfait de l’homme. Ainsi, on vous concède le droit d’affirmer que vous jugez selon votre intime conviction articulée à une interprétation des codes qui régissent le fonctionnement de la justice et selon les dispositions de la Loi. La soumission à vos décisions, intitulées verdicts ou arrêts, est obligatoire et fait fi des sentiments des justiciables auxquels on oppose l’autorité de la chose jugée, pour évacuer d’un revers de main toute contestation voire toute critique. Incontestablement, vous avez des pouvoirs si redoutables que vous pouvez briser les justiciables à travers une seule de vos décisions.
Il est donc clair que la problématique du système judiciaire sénégalais se pose plus en termes d’intégrité personnelle que d’indépendance au sens large du magistrat.
L’appréciation des citoyens à l’endroit de votre illustre corporation est teintée à la fois d’un manque de confiance et d’une défiance qui en disent long sur la nécessité de repenser le système judiciaire dans son ensemble.
En voyant certaines décisions rendues par nos cours et tribunaux, les citoyens s’interrogent légitimement sur la capacité des professionnels de la justice à jouer sans faiblesse leur rôle de régulation institutionnelle et sociale. De rendre la justice. Le Sénégal sous l’autorité du Président Macky Sall, a été quasiment transformé en prison à ciel ouvert. Cela du fait de l’ardeur répressive d’agents des forces de défense et de sécurité mais aussi, et surtout, de magistrats enclins à bâcler les droits des justiciables sur la base de leur asservissement au pouvoir exécutif. Durant les 12 ans au pouvoir du président Macky Sall, les magistrats ont baissé la garde. Or, les citoyens exigent à juste raison que les magistrats soient le rempart inébranlable contre l’injustice et l’autoritarisme susceptibles de saper la concorde nationale. Vous avez donc le devoir de résister à toute forme de subordination contraire aux valeurs d’un État de droit. Une telle posture ne signifie nullement que vous cédiez à la tentation d’instaurer une République des juges. Il s’agit de donner aux citoyens l’assurance que leurs droits fondamentaux autant que leurs devoirs ne seront plus bafoués sur l’autel de l’autoritarisme. Les citoyens n’ont que trop souffert de l’interprétation abusive et simpliste qui consiste à leur dire sans autre forme de procès que la loi est dure mais c’est la loi (dura lex sed lex). Si l’on veut que les citoyens soient foncièrement respectueux de la loi, il est impératif qu’ils la comprennent. Ce même si l’on dit que nul n’est censé ignorer la loi. Or, il est absolument nécessaire que les tenants et les aboutissants de cette loi leur soient expliqués à travers diverses approches pédagogiques et linguistiques avec des supports appropriés. Une loi d’essence humaine doit être à hauteur de la société à laquelle elle doit s’appliquer.
La réforme du système judiciaire est un chantier colossal qu’on aurait tort de circonscrire en une séance d’exorcisme pour chasser les démons de la déviance professionnelle. Elle exige des femmes et des hommes, en charge du bon fonctionnement de la Justice, une renaissance morale qui sous-tendra une nouvelle dimension, celle de la noblesse et de la sacralité du devoir de juger ses pairs.
Faisons une rapide revue de ces caractéristiques reconnues d’une bonne Administration publique telles que définies par les experts chercheurs en Administration Publique..
Depuis l’avènement du régime libéral en 2000, l’Administration publique sénégalaise s’est dénaturée, en perdant certaines de ses caractéristiques qui font dire qu’elle s’est « politisée ». Faisons une rapide revue de ces caractéristiques reconnues d’une bonne Administration publique telles que définies par les experts chercheurs en Administration Publique..
EGALITÉ
« C’est à la fois le principe fondamental du service public et l’une des valeurs de la République. Les services publics sont le principal instrument de ce principe et l’égalité devant le service public et l’égalité d’accès aux services publics est déterminante pour l’accomplissement cette “mission”. « {Le principe d’égalité implique qu’aucune distinction ne soit faite entre usagers quant à l’accès au service public comme au service rendu lui-même. Chacun doit être à même de bénéficier des prestations du service public sans se trouver en position d’infériorité en raison de sa condition sociale, de son handicap, de sa résidence, ou de tout autre motif tenant à sa situation personnelle ou à celle du groupe social dont il fait partie. »
CONTINUITÉ
« L’importance des services publics induit un principe de continuité. La continuité des services publics est la concrétisation de celle de l’Etat et elle peut également être considérée comme un corollaire de celui d’égalité, car la rupture du service pourrait introduire une discrimination entre ceux qui en bénéficient et ceux qui en sont privés. » « La continuité est de l’essence même du service public. Elle exige la permanence des services essentiels pour la vie sociale comme les services de sécurité (police, pompiers), les services de santé (hôpitaux), les services de communication, certains services techniques (électricité, gaz, eau), etc. Elle implique que tout service doit fonctionner de manière régulière, sans interruptions autres que celles prévues par la réglementation en vigueur et en fonction des besoins et des attentes des usagers ».
ADAPTATION (MUTABILITÉ)
« L’adaptation est nécessaire pour ajuster les technologies aux besoins, tous deux en évolution rapide ; lorsque les exigences de l’intérêt général évoluent, le service doit s’adapter à ces évolutions. ». La mutabilité signifie également que le service public soit le plus possible à la portée des citoyens qui en sont les bénéficiaires.
ACCESSIBILITÉ
« L’accessibilité et la simplicité sont les conditions mêmes d’un service tourné vers les usagers. »
«{La complexité des règles administratives, l’inflation des textes législatifs et réglementaires sont à juste titre dénoncés et l’opacité de certaines règles ne peut que susciter l’incompréhension entre les services publics et l’usager-citoyen. »
« La complexité est pour une part inévitable, dans une société elle-même de plus en plus complexe et diversifiée et pour une administration qui s’efforce de répondre à des exigences de plus en plus fortes et à des demandes de plus en plus personnalisées. L’existence de procédures ou de textes clairs et compréhensibles est toutefois garante de l’état de droit dans notre société républicaine : neutralité, égalité et respect de la loi dans des conditions identiques pour tous en fonction des situations de chacun. »
« L’effort de simplification et de clarification administratives est donc un levier essentiel de l’amélioration de la relation des services publics avec leurs usagers. Les services publics doivent s’attacher à lutter contre l’inflation des normes de toutes sortes et ne préparer de nouvelles règles juridiques que dans la mesure où le problème posé ne peut être résolu par d’autres moyens. Ils doivent en permanence rechercher les moyens d’un allégement des démarches et formalités que l’usager doit accomplir pour bénéficier d’un service ou d’une prestation et tout usager doit pouvoir être aidé par les agents des services publics pour l’accomplissement des formalités qui le concernent. »
NEUTRALITÉ
« Corollaire du principe d’égalité, la neutralité garantit le libre accès de tous aux services publics sans discrimination. Intimement liée à la nature de l’État républicain, à son rôle de gardien des valeurs républicaines, la neutralité doit s’inscrire dans l’activité quotidienne des services publics. Elle implique la laïcité de l’État, l’impartialité des agents publics et l’interdiction de toute discrimination fondée sur les convictions politiques, philosophiques, religieuses, syndicales ou tenant à l’origine sociale, au sexe, à l’état de santé, au handicap ou à l’origine ethnique. Tout usager dispose donc des mêmes droits face à l’administration et les procédures doivent être garantes de son impartialité} » .
TRANSPARENCE
« La transparence et la responsabilité permettent aux citoyens et aux usagers de s’assurer du bon fonctionnement du service public et de faire valoir leurs droits. Le principe de transparence permet à tout citoyen ou usager de s’assurer du bon fonctionnement des services publics. Tout usager dispose d’un droit à l’information sur l’action des services publics et ceux-ci ont l’obligation d’informer les usagers de manière systématique (média, presse, brochure, guide) L’action de l’administration doit respecter certaines procédures (enquêtes publiques, procédures consultatives, motivation des décisions). L’administration doit s’efforcer de suivre une procédure contradictoire préalable à la décision afin de permettre à l’administré de faire valoir ses arguments. Souvent, elle en a l’obligation. »
« La transformation de l’action des services publics passe par une évaluation objective du résultat de cette action et, sur cette base, par des mesures destinées à en mesurer l’efficience. L’évaluation des politiques et des actions publiques est un devoir s’imposant à tous les services et à tous les niveaux de l’État. Elle est le gage de l’efficacité mais aussi de l’effectivité du service public. »
Évaluons l’Administration publique sénégalaise par rapport à ces principes de service public, caractéristiques d’une bonne Administration publique. On peut décerner une mention honorable à notre Administration publique en ce qui concerne les principes du service public ci-dessous :
- La continuité du service public ;
- L’adaptabilité ou la mutabilité ;
- L’accessibilité.
Mais sur les principes ci-après, l’Administration publique sénégalaise s’est beaucoup dégradée :
- L’égalité,
- La neutralité,
- La transparence.
On pourrait remonter très loin pour montrer des cas ou l’Administration publique sénégalaise n’a pas répondu aux trois principes ci-dessus. On peut citer les nombreuses nominations aux postes stratégiques des entreprises publiques d’hommes politiques sans considération des compétences professionnelles requises, en leur assignant des objectifs politiques voire purement partisans. Ici les principes de neutralité, d’égalité et de transparence sont largement remis en cause dans la gestion de ces entreprises publiques qui sont avant tout des services publics.
Ainsi au niveau du recrutement du personnel, on recrute non pour satisfaire les besoins de l’entreprise mais pour satisfaire une clientèle politique. C’est le cas de la POSTE où les trois Directeurs Généraux qui se sont succédé récemment ont recruté chacun plus de 1000 agents faisant passer les effectifs de cette entreprise à plus de 5000 agents. Il est évident que ces recrutements ne correspondent nullement à des besoins de l’entreprise, dans un secteur où le développement des technologies modernes réduit de manière drastique l’utilisation de main d’œuvre. Il semble que la situation est la même dans beaucoup d’autres entreprises publiques comme la SONAPAD, la RTS, et d’autres agences publiques.
Le mode de choix des dirigeants sur des critères purement politiques fait qu’il entraine des décisions de gestion et d’administration internes qui sont souvent orientées, dénuées de ces caractéristiques de neutralité et d’égalité attendues d’une bonne administration publique.
Le comble de la politisation de notre Administration publique a été la menace publique, récurrente, du Président de la République sortant, Macky Sall, à l’approche de chaque élection, envers les dirigeants de services publics, s’ils perdent les élections dans leurs terroirs. Dans la gestion des marchés publics également ces principes sont remis en cause.
Les appels d’offres et attributions des marchés manquent généralement de transparence, d’égalité de traitement des fournisseurs. Beaucoup de marchés et bons de commande sont attribués à des collaborateurs politiques qui souvent, n’ayant pas les compétences techniques et financières, les sous-traitent à d’autres entreprises.
On peut aussi faire noter des exemples plus récents dans la gestion du processus électoral où des services du Ministère de l’Intérieur comme la Direction Générale des Élections (DGE) , la Direction de l’Automatisation des Fichiers (DAF) n’ont pas été respectueux des principes du service public d’égalité et de neutralité en refusant d’appliquer une décision de justice ou de donner la fiche de parrainage à un candidat à l’élection présidentielle.
La conjugaison ou cumul de l’absence de ces trois caractéristiques produit un « effet de halo » qui fait dire que l’Administration sénégalaise s’est bien malheureusement politisée. L’avènement d’un nouveau régime dont les principaux dirigeants ont été victimes de la politisation de notre Administration publique et qui s’est engagé à y mettre fin, est une opportunité pour remettre de l’ordre et dépolitiser notre Administration publique qui a toujours été une référence, un modèle à suivre en Afrique.
Comment faire de manière concrète pour atteindre les objectifs souhaités. ? Quelques propositions :
1. Interdiction à certains corps de fonctionnaires d’adhérer à un parti politique et de mener des activités politiques : en plus des magistrats, inspecteurs généraux d’Etat, des corps de police et de gendarmerie, il serait opportun d’étendre l’interdiction aux corps des régies financières : Impôts, Trésor, Douanes. Les fonctionnaires de ces corps collectent et gèrent les ressources financières les plus importantes de l’Etat. Les autoriser voire les obliger à mener des activités politiques a, sans aucun doute, entrainé des abus, des actes d’administration et de gestion arbitraires, ne respectant pas les principes de neutralité et d’égalité du service public. Sans avoir eu à prendre de texte de loi ou règlementaire, le régime de Abdou Diouf avait réussi à dissuader les hauts fonctionnaires du Ministère des Finances à s’impliquer dans des activités politiques.
2. L’interdiction formelle a un certain nombre de Directeurs Généraux d’entreprises et d’agences publiques d’être membre d’un parti politique. Le critère à retenir pour la liste de ces organisations/ services publics pourrait être celles dont la mission est d’octroyer des financements ou des subventions d’origine publique. On peut citer la DER, le FONGIP, FONSIS, l’Agence nationale de l’emploi des Jeunes et d’autres similaires.
- 3. Instaurer une procédure de sélection transparente de tous les emplois de direction de l’Administration centrale, des directions générales d’entreprises publiques, d’agences publiques. Il est possible d’adopter une démarche rationnelle applicable aux différents niveaux hiérarchiques de décision de l’Administration publique sénégalaise, soit au niveau du département ministériel, de la primature et de la présidence de la République. . - 1. Mettre en place auprès de l’autorité de nomination une Commission de Sélection aux emplois supérieurs.
Cette commission serait chargée de :
- D’élaborer les fiches descriptives de poste des emplois à pourvoir : l’élaboration des fiches descriptives de poste est un important travail préalable à faire par le DRH ou à faire faire. En effet dans aucun département ministériel ou entreprise ou agence publique il n’existe un cahier des fiches descriptives de poste des emplois supérieurs. La description des emplois dans les décrets d’organisation des départements ministériels ou des entreprises et agences publiques est très sommaire et ne peuvent être considérées comme des fiches descriptives de poste.
- De lancer au moment opportun, chaque fois que de besoin, l’appel à candidatures ;
-De procéder à la sélection des candidats par des tests écrits, et/ou oraux, d’entretien ;
- De faire les vérifications et enquêtes nécessaires sur la personnalité et la moralité des candidats ;
- De proposer à l’autorité de nomination le choix par ordre de mérite.
Cette commission pourrait être dirigée par le Directeur des Ressources Humaines (DRH) du département ministériel ou un Conseiller Technique du Premier Ministre ou du Président de la République et comprendre des cadres compétents en matière d’évaluation des compétences venant des corps de contrôle comme l’IGE, le Contrôle Financier, et le BOM. Notre Administration regorge de hauts fonctionnaires expérimentés, et très compétents en matière d’évaluation des compétences et en ressources humaines. Les utiliser permet d’éviter les charges et coûts d’un cabinet privé qui souvent ne maitrisent pas l’environnement de travail de l’Administration publique.
Pathé NDIAYE
CONSEILLEN EN ORGANISATION DE CLASSE EXCEPTIONNELLE
ANCIEN DIRECTEUR DU BOM
par Cheikh Omar Diallo
LA SUPPLÉANCE DES DÉPITÉS
EXCLUSIF SENEPLUS - Dans la doctrine Macky, le statut du député se traduit depuis 2022 par la possibilité à lui offerte de reprendre son siège après la fonction ministérielle. Amadou Ba, Mariama Sarr, Diouf Sarr, etc. peuvent redevenir députés
Les ministres de Macky Sall se recyclent en députés
Dans le corpus législatif sénégalais, le suppléant remplace le député empêché à court terme et non pas de manière définitive. En clair, les ministres de Macky Sall précédemment élus députés en 2022 peuvent librement regagner leur siège après la défaite de leur candidat à la présidentielle, Amadou Ba, le 24 mars 2024.
Telle est l’économie de la suppléance prévue dans la loi organique du 4 mai 2019 qui prévoit que tout autre parlementaire nommé ministre pourra reprendre automatiquement sa place à l’hémicycle, s’il n’exerce plus de charge ministérielle.
Ainsi donc, s’ils le veulent, Amadou Ba, Mariama Sarr, Abdoulaye Diouf Sarr, Fatou Diané, Abdoulaye Seydou Sow, Daouda Dia, Me Oumar Youm entre autres peuvent redevenir députés.
Sous le bénéfice de cette affirmation, il faut rappeler que l’incompatibilité entre la fonction ministérielle et le mandat parlementaire entraînait ipso facto le remplacement définitif du député par son suppléant, qui, à son tour, conservait le siège jusqu’au terme du mandat. Avec cette incompatibilité proclamée, le système politique sénégalais consacrait ainsi un dogme intangible de rang constitutionnel.
Mais aujourd’hui, dans la doctrine Macky Sall, le statut du député se traduit depuis 2022 par la possibilité à lui offerte de reprendre son siège après la cessation de sa fonction ministérielle, conformément à l’article 54 de la Constitution du 22 janvier 2001. Ce fait juridique vient tempérer la reconnaissance du dogme « incompatibilités entre fonction gouvernementale et mandat parlementaire ».
Dans le même ordre d’idées, en cas de vacance du siège de député pour cause d'empêchement [nomination ou maladie], le suppléant désigné exercera pleinement la fonction de député pendant la durée de l'empêchement. En clair, on ne peut suppléer un titulaire que s’il y a incompatibilité entre le poste de député et la fonction occupée. Le suppléant pourra alors siéger mais quand le titulaire cessera ses fonctions précédentes, le suppléant lui cèdera la place.
En octroyant un titre révocable et précaire au suppléant, l’intention du prédécesseur de Bassirou Diomaye Faye était de reconnaître et de consacrer la primauté élective du député élu, devenu ministre.
Possiblement des anciens ministres regagneront leur fauteuil à la place Soweto. Ministre aujourd’hui député demain ; ministre hier, député aujourd’hui.
C’est alors que le suppléant cessera d’être député suppléant ; tandis que le député suppléé redeviendra député de plein droit.
Faux suppléant : « vrai garde-place »
Passons rapidement sur la « tragédie sociale, familiale et personnelle » qu’est la déchéance politique du « simple suppléant » pour nous arrêter sur le principe de la séparation stricte des pouvoirs qui s’en trouvera fortement atténué. Ce qui incidemment consacrera, le caractère temporaire de la suppléance et par la même occasion, accentuera l’idée de suppléant « garde-place ».
Pour rappel, au lendemain de l’indépendance du Sénégal, la compatibilité entre la fonction ministérielle et le mandat parlementaire était une pratique constitutionnelle acceptée. En permettant ainsi aux parlementaires de devenir ministres, sans cesser de siéger l’Assemblée nationale, les Mamadou Dia, Valdiodio Ndiaye, Alioune Badara Mbengue, Karim Gaye, Emile Badiane et Demba Diop, entre autres ont cumulativement été des ministres-parlementaires. Une coutume législative inspirée des IIIe et IVe république en France.
Cela dit, c’est l’avènement de la Ve république voulue par le Général Charles de Gaulle qui fixe, pour la première fois, le régime des incompatibilités et des inéligibilités des députés prévu dans la Constitution du 4 octobre 1958. Par héritage constitutionnel, depuis plus de cinquante ans, le législateur sénégalais l’avait inséré dans le corpus juridico-politique.
Au passage, il faut noter qu’au Royaume-Uni, le Premier ministre et ses ministres sont tous membres du parlement (chambre des communes). De ce fait, l’élu britannique n’a pas de suppléant. En cas de décès, démission ou destitution, il est procédé à une élection partielle appelée by-election. Une pratique toujours en cours.
Docteur Cheikh Omar Diallo est enseignant-chercheur en Sciences Juridiques et Politiques, fondateur l’Ecole d’Art oratoire et de leadership.
par l'éditorialiste de seneplus, ada pouye
LA SYMBOLIQUE DE LA RUPTURE
EXCLUSIF SENEPLUS - Laisser la présidence régenter la foi, les corps de contrôle et le Bureau d’intelligence et de prospective économique, n’est-ce pas une manière de renforcer le présidentialisme avec des ramifications insoupçonnés d’un État mal nourri ?
Déconstruire - Reconstruire deux mamelles qu’il est difficile de séparer dans le contexte politique du Sénégal et deux armes redoutables pour la renaissance. Il s’agit là de l’enjeu pour satisfaire la demande sociale d’un peuple meurtri par la gouvernance la plus tortueuse de notre histoire.
Contrairement aux autres élections empreintes de “dégagisme”, celles de 2024 portent la marque du vote affectif et réactif contre un système de prédation et d'accaparement. Traduisant la radicalité autour de l’anti-système que la jeunesse a bien ingérée par son engagement sans faille. Le discours sur l’anti-système aura été le dividende de la victoire. Ce dividende a un prix pour une rupture systémique à la hauteur des attentes des masses. Ce choix « d’anti… » implique la dé-construction du modèle néo-colonial qui prévalait. Un nouvel imaginaire socio-politique décomplexé est à reconstruire par les nouvelles autorités pour mieux coller aux aspirations des populations en vue d’un progrès social véritable. Nous avons là une opportunité pour Déconstruire - Reconstruire le modèle qui a conduit à la faillite de notre gouvernance.
Diomaye et Sonko désormais au pouvoir, tous leurs actes sont scrutés sur la matérialité de leur posture médiatique anti-système et les ruptures. Ils doivent faire face aux adversités de l’ancien régime, de l’impérialisme des institutions de Bretton Wood et des lobbies multidimensionnels qui gangrènent notre société.
Tous les symboles du désenchantement politique se cristallisent pour nourrir un espoir de rupture systémique. Le projet qui est un mythe fondateur de nouvelles espérances justifie une sédimentation des signes de rupture annoncée.
Le choix d'un gouvernement au profil technocratique et politique avec 25 ministres au lieu de 10 est-il un vrai signe de rupture ? La rupture fondamentale réside plus dans le contenu des politiques publiques et non dans la cosmétique des modèles et principes technocratiques.
Le dernier communiqué du Conseil des ministres qui accorde une large place aux directives du président de la République reprend le même format « présidentialiste » et soulève beaucoup d’interrogations. L’essentiel du communiqué porte sur les instructions présidentielles dont le point fort reste la publication des rapports des corps de contrôle. Le déplacement dans les foyers religieux est interprété comme de la courtoisie sociale mais ne doit pas se traduire par des promesses comme le faisait l'ancien système. Il prend la forme d’une continuité et non d’une rupture pour la poursuite de modernisation des foyers religieux en termes d’infrastructures de base (voirie, eau, assainissement, électricité).
Les signes d’une timide hyperprésidence se manifestent par la création d’une « direction des Affaires religieuse » au sein de la présidence, composée du bureau des Affaires religieuses et de celui de l’insertion des diplômés de l’enseignement arabes. Le ministère de l’Intérieur, le ministère du Travail et de l’emploi et le ministère de l’Éducation nationale ne sont-ils pas les structures les plus habilitées pour ces taches ?
Laisser la présidence régenter la foi, les corps de contrôle et le Bureau d’intelligence et de prospective économique, n’est-ce pas une manière de renforcer le présidentialisme avec des ramifications insoupçonnés d’un État mal nourri ?
Qui trop embrasse mal étreint ! La rupture symbolique doit pénétrer tous les segments de notre corpus social et justifier une mobilisation sociale volontaire autour de l’enterrement des vieilleries de l’état néo-colonial. Il est urgent de se tourner vers la renaissance africaine si chère à Cheikh Anta Diop.
Par Assane SAADA
ENTRE PENSEE ET DIRE…, UN CULTE DE L’ABIME
Jamais encore des bureaux de parlotes n’ont construit un pays ni vaincu une désespérance. Mais l’étrangeté n’est plus une surprise
Jamais encore des bureaux de parlotes n’ont construit un pays ni vaincu une désespérance. Mais l’étrangeté n’est plus une surprise. L’excès fait l’idole. La Présidentielle ne leur a pas fait perdre leurs illusions d’instaurer une terreur «respectueuse». Et le pays grouille du bruissement des intelligences perverses. Impossible pour elles de vivre autre que contre les autres. Rien ne semble pouvoir les infléchir. Elles n’explorent plus l’existence bonne et elles s’extasient au mal. Leur horizon serait un crépuscule. Et dans celui des idoles, Friedrich Nietzsche écrit : «On ne peut exclure la danse, sous toutes ses formes, d’une éducation raffinée : savoir danser avec ses pieds, avec des idées, avec les mots. Est-il encore besoin de dire que l’on doit aussi savoir danser avec sa plume…» Aujourd’hui qu’elles ne savent plus danser, elles se chevauchent sur des pistes. Elles se prennent et se méprennent à confondre embrassement et embrasement. En écho de leurs ondes négatives, l’exhalaison de leurs répugnances.
Pour une vie paisible de braves gens, souffrir à assumer ses belles âmes devient un prix à payer. L’éloge de la rancœur et de la perfidie est tel que l’on n’entend plus ces chants cadençant des labeurs d’honnêtes travailleurs implorant ainsi une baraka sur leurs maigres gains selon une culture populaire. Que ressuscités, «Sa-Dagga Ma-Goné le M’Bandakatts, le chanteur – diseur – danseur, le Géant – de – sœur Deghène et son assistant Batj-Guèwel-le-Tambourinaire» ne sauraient plus, à la fraîcheur du soir, égailler ainsi la cité : «Sou Ma yéghone / Doghi n’ghèmbe ! Deuke bi Leghèy ta fi Khèw ! – Dans cette ville / Seul le travail est à la mode !» (voir Contes et lavanes, Birago Diop). Seulement, face aux pitreries, à la prestation des prophètes et autres pasteurs ou khalifes qui se bâtissent par la terreur de la fabulation, le peuple, jamais résigné, garde une grimace heureuse. Certainement en souvenance de ces mots du président Léopold Sédar Senghor : «Au Sénégal, puisque Dieu nous dota d’un don de fabulation, “Radio-cancan” marche à pleines ondes, mais tout cela n’est pas sérieux.» Et le peuple ne court pas des temples où une «piété» offense une dignité, l’humaine condition. Où une beauté s’enfle d’un mot qui tue.
Organisation et méthode : on a tout essayé !
Le peuple laisse respirer que des idiots ne tremblent plus. Ils suivent leur index si aveuglés qu’ils ne regardent plus leur pouce. Réunis dans des bureaux des parlotes, «di wax muy dox», pensent-ils ainsi être dans une transgression et pouvoir bâtir un lendemain meilleur, un pays juste et prospère. C’est peut-être leur compréhension de la notion de rupture. Chez eux, peu leur importe qu’une personne soit «persuadée des choses qui sont dites et (…) consentante aux choses qui sont faites». Leurs mensonges ne leur troublent ni leur étourdissent. C’est à fond dans un manichéisme que «la valeur d’un énoncé ne réside pas dans sa vérité ou dans sa sincérité, mais dans les systèmes de renvoi qui font jouer tel ou tel groupe contre tel ou tel autre» (Gaspard Koenig). Et vers cette musique de l’abîme tendent-ils leurs mains et leurs cœurs croyant entendre leur chant de gloire. L’organisation et la méthode du chemin du salut enfin trouvé.
Comprendre une constance des choix des populations fait-il, par moments, réfléchir ? De Sédar à Diakhar, une même rengaine qui n’a jamais ébranlé les votes des électeurs. Le peuple, souverain qu’il reste, s’est toujours choisi un de ses fils de la périphérie pour le bénir et l’installer au centre. Au Sénégal, jamais un candidat idéal ou de l’idéal de certains autres «bons penseurs» n’a encore été élu. Un président par défaut et fier de l’être sont-ils cinq à devoir assumer cette caricature. Leur destin se confondant à celui d’un pays qui attend toujours de ses enfants qu’ils travaillent à être à la hauteur des enjeux d’aujourd’hui et de demain. Qu’ils ferment leurs bureaux des parlotes, bannissent leurs motions incendiaires qu’ils émettent en incrédules qui, ensuite, composent avec de pires adversaires de leurs imaginaires. Au demeurant, peut-être que tout n’a pas encore été essayé dans un Sénégal où rares sont ceux qui se rappellent d’un Bureau organisation et méthode de la présidence de la République et ce à quoi il avait servi.
par El Hadji Mamadou Tounkara
LE SÉNÉGAL ET LA SORTIE DU FRANC CFA : EUPHORIE OU SURRÉALISME
Les problématiques de notre tissu économique ne résident pas sur la souveraineté monétaire mais sur l’économie réelle : la diversification industrielle, la restructuration du secteur informel et la revalorisation du secteur primaire
El Hadji Mamadou Tounkara |
Publication 22/04/2024
Le débat sur le franc CFA et la sortie éventuelle du Sénégal font le tour des bancs publics et catalysé par l’accession du nouveau régime souverainiste.
Force est de reconnaître que le Sénégal comme la plupart des pays de l'Afrique de l’Ouest ont des économies relativement diversifiées. Autrement dit, il s'agit des pays importateurs de produits finis majoritairement constitués des biens de consommation finale et intermédiaire.
Or des études empiriques ont montré que dans les économies très faiblement diversifiées ou mono-exportatrices, la dépréciation du taux de change a un impact limité sur l'ajustement du solde courant par les quantités.
En effet, les gains de compétitivité apportés par la dépréciation ne permettent pas de stimuler les volumes d'exportations, qui sont presque exclusivement composés de matières premières, dont les prix sont fixés en devises sur les marchés internationaux.
De plus, la substitution de produits domestiques aux importations est limitée par le manque de développement de certains secteurs hors matières premières. L'augmentation des prix d'importation provoquée par la dépréciation du taux de change entraîne une hausse de l'inflation et une contraction de la demande intérieure. En particulier, la production des secteurs qui ont besoin de biens intermédiaires importés, est affectée par la hausse des prix d'importation. Par conséquent, pour un pays producteur de matières premières très peu diversifié ou mono-exportateur, un régime de change fixe – si l'ancrage de la devise domestique est crédible présente l'avantage de permettre une plus grande stabilité dans le temps du pouvoir d'achat à l'importation.
Toutefois, la pérennité d'un régime de change fixe n'est possible que si la banque centrale conserve des réserves de change suffisantes pour faire face à d'éventuelles pressions à la dépréciation. Ces réserves doivent être accumulées en haut de cycle, lorsque les prix des matières premières sont élevés et que le pays accumule des excédents courants. Si les réserves sont insuffisantes pour maintenir l'ancrage face à des pressions à la dépréciation, les autorités recourent dans certains cas à des contrôles de capitaux plus ou moins stricts pour rationner l’offre de devises.
En cas d'épuisement des réserves, les autorités seront contraintes de dévaluer la monnaie, voire d'assouplir le régime de change, comme l'ont fait un certain nombre de pays ces dernières années.
De plus, le Sénégal sera bientôt exportateur de gaz et de pétrole, la stabilité monétaire sera un enjeu crucial dans la capitalisation des retombées économiques et financières.
Certes l’arrimage avec l’Euro peut réduire l’efficacité et le rendement des politiques de diversification industrielle car du fait de l'ancrage à l’Euro, le franc CFA est considéré comme une monnaie forte va entraver la compétitivité des pays membres voire les inciter à l’importation des produits étrangers via le commerce bilatéral avec les pays de l’Europe au détriment du commerce Sud-Sud et avec les pays émergents.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, la sortie de la zone franc n’aurait pas d’impact significatif dans le court ni dans le moyen terme car les défis de l'économie réel plombent l’effet du gain de l’instrument de change sur la compétitivité et l’efficacité des politiques de change.
Il faudrait donc travailler et mettre l’accent sur la diversification industrielle et la substitution des importations en mettant en œuvre une politique économique basée sur la production et consommation locale jusqu'à atteindre un seuil cible d’autonomie de diversification industrielle.
Le modèle de la Chine basé sur un régime à taux de change affaibli est un paradigme digne d’un pays exportateur. En effet, le régime de change flexible est plus avantageux aux pays ayant un panier d’exportation riche et diversifié et non aux pays “importateurs” comme le Sénégal et qui n’ont pas atteint la diversification industrielle. Comme le disait J.B SAY “la monnaie ne peut être désirée pour elle-même, car elle n'est qu'un voile, de l'huile dans le rouage des échanges économiques”.
Bien que ce sujet de souveraineté monétaire soit une promesse électorale ; les lois et fondamentaux économiques ne nous permettent pas de tirer les épingles du jeu.
Les vrais problématiques de notre tissu économique ne résident pas sur la souveraineté monétaire mais plutôt sur l’économie réelle : la diversification industrielle, la restructuration du secteur informel (productif et improductif) et enfin la revalorisation du secteur primaire.
El Hadji Mamadou Tounkara est spécialiste en stratégie internationale économique et financière, Expert en lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du Terrorisme – diplômé de l’Institut Supérieur d’Economie et de Management de l’Université de Nice.
Sources :
Rapport du ministère français de l’économie et des finances (2017) « Quel impact de la politique de change pour les pays exportateurs de matières premières »
Augier, P., O. Cadot and M. Dovis (2009) « Imports and TFP at the Firm Level »
Auty, R. (2000), «How Natural Resources Affect Economic Development »
Cabellero, R. J., and K. Cowan (2006) «Financial integration without the volatility»
LA JEUNESSE EN PHASE DE RÉAPPROPRIATION DE L’ESPACE POLITIQUE SÉNÉGALAIS
La scène politique a littéralement changé de configuration depuis bientôt dix ans avec l’avènement d’un nouveau discours politique trempé dans les idéaux souverainistes qui fondent les aspirations des populations actuelles
Ngor Dieng et El Hadji Farba Diop |
Publication 22/04/2024
La conquête du pouvoir telle qu’elle soit, où qu’elle s’opère, est impulsée par le dynamisme de la jeunesse, surtout lorsque celle-ci est idéologiquement formée. Au Sénégal, la majeure partie des acquis sur le plan démocratique et socio-économique ont été obtenus au prix de sacrifices, d'engagements, de détermination et de luttes acharnées. La scène politique sénégalaise a littéralement changé de configuration depuis bientôt dix ans avec l’avènement d’un nouveau discours politique trempé dans les idéaux souverainistes qui fondent les aspirations des populations actuelles. Les masses populaires, s’exprimant un peu partout en Afrique, apprivoisent aujourd'hui, les contours ou les possibilités de rebâtir un système de gouvernance socio-politique juste et égalitaire pour « sortir de la grande nuit », d'après l’idée partagée par Achille Mbembe dans un ouvrage éponyme.
Cet espoir qui anime les populations africaines en général et particulièrement celles sénégalaises, semble susciter une certaine sensibilité et parfois des mouvements de révolte lisibles dans le discours des citoyens, surtout auprès de la jeunesse, accusée à tort de « génération zélée ». Quand on analyse les réactions révolutionnaires de cette nouvelle génération de jeunes africains, plusieurs éléments peuvent aider à comprendre leur posture dans le contexte actuel de l’évolution de nos sociétés. En effet, l’Afrique a subi pendant des siècles une série de domination multiforme, qui a servi à réduire la dignité de l’homme noir au néant, à chosifier le noir, à l’humilier, à l’exploiter jusqu’à la dernière goutte de sueur, à le réduire à l’esclavage, à le vider de sa substance culturelle et à le tuer moralement et physiquement dans son propre milieu de vie.
Cette histoire douloureuse que l’on veut faire oublier par la magie du pardon et de la réconciliation a laissé des séquelles dans la conscience des africains, qui accusent les envahisseurs occidentaux au demeurant, de crime contre l’humanité et d’avoir été, en partie, les auteurs de leur retard de développement. À la suite du désastre causé par la succession des périodes d’occupation et de domination occidentales, la forme de création de nos États post-indépendants n’a pas permis d'assurer une gouvernance socio-politique efficace face aux défis de l’époque et aux urgences de développement. Le mimétisme politique exercé par les élites africaines à la tête de leurs pays depuis les indépendances, a conduit à un échec consommé qui a plongé les populations dans une chute abrupte vers les versants du sous-développement. Les facteurs bloquants émanent d'un contraste socio-économique parfois soumis au diktat des puissances étrangères et des institutions financières internationales (Banque mondiale, FMI) et d’une opacité dans le modèle de gestion des affaires publiques. Pourtant, de fortes ambitions ont porté les actions de changement et ont fait apparaître « les Soleil des indépendances » (A. Kourouma, 1968) dans un contexte où les défis structurels étaient orientés vers la construction d’États démocratiques forts, d’une réadaptation d’un système socio-politique en phase avec nos réalités intrinsèques, et l'adoption d'un système de gouvernance prenant en compte d’une part, de nouveaux paradigmes économiques basés sur l’industrialisation, conjuguée à une meilleure exploitation des ressources et d’autre part, de proposer sur le plan géostratégique, un modèle de diplomatie décomplexée.
Les décennies ayant suivi le « retrait » de la puissance coloniale aux affaires, sont marquées par un désenchantement total, caractérisé par des conflits internes (crises politiques, guerres tribales, rebellions…), un système gabégique, des pouvoirs dictatoriaux, des censures médiatiques, des économies dépendantes, une pauvreté endémique sans oublier un retard technologique inquiétant. Ces tares ont ponctué la trajectoire de la majorité des États africains post-indépendants avant d'être plongés dans un écosystème de mondialisation où les intérêts économiques fécondent les types de relations entre pays et entités politico-économiques. Dans ce jeu des acteurs à l'échelon mondial, l'Afrique semble subir le poids des décisions souvent arbitraires, malgré qu'elle soit désignée par les puissances mondialistes comme « l'avenir du monde » mais un avenir, semble-t-il, sans les Africains. Comment un continent de plus de 30 millions de km² avec une population de plus d'un milliard d’habitants, majoritairement jeune, des ressources minières, forestières et hydrauliques en abondance, peut-il se soumettre à un système d’aide au développement depuis les indépendances alors qu’il est le grenier du monde ?
Axelle Kabou, dans les années 1990 a posé l’hypothèse suivante : Et si l'Afrique refusait le développement ? Elle soutient dans ces propos que : « les Africains restent largement persuadés que leur destin doit être pris en charge par des étrangers", que "les prétentions civilisatrices de l'Occident ne s'arrêtent pas avec les indépendances. » Cette idée défendue par l’auteur de « Comment l'Afrique en est arrivée là ? » publié en 2014, fait allusion à un aveux d’impuissance et un complexe d’infériorité face à l’hégémonie occidentale et à leur invasion culturelle, subtilement implémentée à travers divers faisceaux de communication, de stratégie d’actions et de discours. Ce fut le procédé d’influence à grande échelle adopté par l’occident et qui a servi à attiser une posture de méfiance et de révolte du côté de la jeunesse africaine. Qu’en est-il de l’écosystème socio-politique sénégalais et de ses mutations ?
Les mouvements ou phénomènes sociaux marquent l’irruption de masse d’associations de jeunesse dans l’espace public sénégalais. Ces phénomènes, différents dans leur nature tout comme dans leurs modes d’action et leurs finalités, prennent place cependant dans un horizon commun : ils s’inscrivent dans une dynamique d’affirmation générationnelle et d’émergence d’une conscience citoyenne. Cette volonté, de la part de la jeunesse, d’une prise en main de son destin par elle-même, est le moteur de ces expériences diverses qui ont tout sens de l’initiative, de leur capacité créatrice, et de leur habileté à se constituer en rempart et en une force de conscientisation, de résistance et de combat. Ces mouvements se dressent incontestablement comme révélateur d'une nouvelle perception citoyenne et militante, et comme catalyseur dont la célérité de leurs actions à eu une portée salvatrice majeure lors des soubresauts politiques qui ont émoussés les deux alternances démocratiques qu’a connues le Sénégal.
Cette forme de percée citoyenne, souvent ponctuelle voire conjoncturelle, a été portée par différentes générations qui se sont révélées sur des séquences historiques selon les contextes de l’époque. Il s’agit des mouvements militants dont la vitalité trouve sa source dans un état d’esprit de patriotisme, de rupture et la démarche des organisations politiques. Cette éclosion citoyenne et militante marque le surgissement d’une jeunesse en souffrance, révulsée par l’image de dégradation de l’écosystème socio-politique et économique, parasité par le fléau de la mal gouvernance. Déjà en 2012, le mouvement « Y’en a marre » s’est révélé comme un des fers de lance de l’insurrection démocratique qui a conduit à la deuxième alternance de l’histoire politique du Sénégal. Selon le penseur Vigneron, ce sont ces « mouvements contestataires urbains en Afrique de l’Ouest qui se sont développés sur le terreau de l’aggravation de la pauvreté infra urbaine et de la déstructuration des solidarités traditionnelles ». Mais ce qui singularise par-dessus tout l’action du groupe « Y’en a marre », et qui avait fait de lui le centre de gravité des forces vives à une époque charnière, c’est que la mobilisation est portée par un groupe de rappeurs qui, à travers leur talent musical, communique une énergie de résistance ayant gagné la masse populaire par le truchement de ce que le philosophe Nietzsche, appelle la contagion des affects. Le génie militant de “Y’en a marre” ne se résume pas seulement à convaincre à travers un discours revendicatif mais les acteurs avaient séduit également par une rhétorique qui illustre parfaitement un nouveau type de sénégalais (NTS) pour mettre en évidence la responsabilité citoyenne des sénégalais, souvent versés dans le confort et leur laxisme légendaire.
Lors du parachèvement de la seconde alternance, réussi sous la coupole d’une initiative d’ensemble portée par la jeunesse en quête d'un rayonnement démocratique au Sénégal, les rêves de voir un nouveau modèle de management étatique se sont effondrés avec un régime qui s’est annoncé dans la rupture mais a fini dans la continuité des mêmes us et coutumes d’un système de gouvernance étriqué. Les compétitions politiques se sont transposées dans un environnement bouillonnant où le scénario observé émanait d’une volonté affirmée de réduire l’opposition à sa plus simple expression, de cloisonner une partie de la société civile et de briser les soupapes qui garantissent l’équilibre démocratique. Cette réalité socio-politique tangible a été le germe d’une nouvelle appropriation des questions politiques par une jeunesse consciente, mieux avertie grâce aux outils redoutables du numérique.
Comme la nature a horreur du vide et face à la répétition des tares liées à la gouvernance du régime du président Sall, le champ politique a vu la naissance du parti politique Pastef (2014), dont le leadership est incarné par un nouveau modèle d’acteur politique, brandissant un discours souverainiste voire révolutionnaire qui épouse la fibre patriotique d’une large masse juvénile, vraisemblablement trempée dans les idéaux progressistes et panafricains. C’est ce prototype de nouveau type de citoyen qui s’identifie au projet politico-social et à « l’idéal partefien », que le très sulfureux journaliste Cheikh Yerim Seck, appelle dans son fameux livre à polémiques, “d’homo pastefensis” ; terme caricatural perçu comme un jugement de valeur. D’autres jeunes leaders politiques et d’activistes ont gagné la sympathie de la jeunesse car étant porteurs également d’un discours en phase avec leurs ressenties dont la réplique semble se généraliser dans les pays voisins en proie à l’impérialisme français voire occidental. Est-ce la prémisse d’une rupture définitive ou d’une réinvention sociale et politique ?
La troisième alternance démocratique survenue au Sénégal en mars 2024 et ayant porté le tandem révolutionnaire Sonko-Diomaye à la magistrature suprême, la volonté affichée de la nouvelle équipe dirigeante de procéder à une « rupture systémique » par rapport au mode de gouvernance des affaires publiques, mais aussi dans nos rapports avec nos voisins et les grandes puissances étrangères, l’influence que peut avoir le nouveau régime dans le reste de l’Afrique nous diront plus, dans les années à venir, sur l’avenir des pays d’Afrique en général, les pays francophones d’Afrique en particulier.